Sur le passage de M. Onfray chez Ruquier :
Passons sur l’agressivité assez ridicule des animateurs, Salamé défendant sa position journalistique de pouvoir et Moix en rivalité de renom avec Onfray, Ruquier restant bien plus équilibré - Positions souvent correctes d'Onfray (sur l’impérialisme occidental, les dessous des guerres, la justice sociale abandonnée, etc) - de ce point de vue, une des erreurs de M. Onfray est de ne pas tenir compte de l’exploitation faite par les media de certaines positions. Par exemple, dire qu’il faut à la fois aider les réfugiés et les chômeurs en France est exact, mais il faut donner un angle de vue, une perspective, sinon on se retrouve de fait en flanc-garde du FN : ce n’est pas un problème de récupération, mais de tensions entre les noeuds de forces, les attracteurs du champ politique. Ce que ne comprennent pas non plus les gens comme Lordon et autres, au sujet du terme eur...istes, par exemple. Autrement dit, si l’on prétend se mêler de politique, il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche ou sa souris dans la main, même lorsqu’on est un intellectuel.
Trois ou quatre problèmes tout de même :
1/ Les allusions aux analyses de démographes et de géographes et autres « termes interdits» - Tribalat-Guilluy - ce qui renvoie à bien des sous-entendus Zemmouro-Finkielkrautiens avec intersection avec le FN. On retombe ici sur les ambiguïtés de la dénonciation du "politiquement correct", laquelle permet parfois de vendre une autre sauce.
2/ La politique étrangère de la France est islamophobe, mais, dixit Onfray, la politique intérieure plutôt islamophile, ce dernier point étant dangereusement absurde.
3/ Il y a nécessité de reconquérir sa souveraineté à tout prix (contre l’euro et même l’UE), donc on appelle libertaires ceux qui - contre les libéraux - veulent retrouver leur liberté-souveraineté, cet arc allant de M. le Pen à JP Chevènement et Mélenchon, ce qui est un précipité théorique dans un espace politique où il prend un tout autre sens. Onfray a tort de se mêler de politique, même s’il a raison de protester contre les abandons de la «gauche».
4/ Confusion entre le peuple et le prolétariat. Le peuple est une expression politique, variable, comme les Athéniens décidaient ceci ou cela - le problème étant que son expression politique est, dans les faits niée de plus en plus : référendum bafoué, volte-face post-électorale...- Sociologiquement existe le prolétariat, qui n’a pas disparu, c’est la classe ouvrière qui a disparu, par affaiblissement politique et idéologique, vieille histoire, chute du stalinisme-communisme il y a plus de quarante ans. «Mon peuple» oscille entre confusion et démagogie. Ce qui se retrouve dans le terrible choix de Coluche comme exemple de représentant de la protestation à reprendre, ce même Coluche qui, dans sa honteuse campagne politique de 1980, soutenue par une intelligentsia totalement paumée (et Deleuze, et Foucault...), avec l’intéressant mot d’ordre de «leur foutre tous au cul» a, en fait, frayé la voix au développement du lepénisme. Ce qui ne signifie pas, encore une fois, qu’il n’y ait pas de cause, dans ce développement, du côté des déceptions politiques et des frustrations engendrées par la politique de la «gauche». Sur ce point, Onfray fait mal aux idéologues et chiens de garde des équipes au pouvoir. Mais ses confusions restent dangereuses.
Repentir en forme de rajout, le 23/09 : la notion de peuple revient sur les tréteaux et les écrans en raison de l'extraordinaire mépris dont témoignent, à l'égard des classes dominées, les soi-disant élites. Mais résonnance ne signifie pas pertinence politique. Le terme, déjà problématique chez JC Michéa, l'est encore plus dans les déclarations de M. Onfray.