Errance sur les réseaux d’asociabilité. Temps gris, le chat noir ronronne sur le clic-clac. Sur Twitter, que je me refuse bien sûr à appeler X, je scrolle sur les publications de tous ces syndromés de Stockholm qui s’extasient quotidiennement et bénévolement sur la beauté de la disquette qui leur a été placée dans le cerveau, et sur le supposé génie politique des esclavagistes en costume qui ont procédé à l’opération.
Et voilà que je tombe sur une photographie de Macron déguisé en pingouin, portant aussi bien le nœud papillon que Marlène Schiappa la dignité. Il est à la table de la famille royale suédoise. Le député Thomas Portes signale alors que pendant que nous on crève la dalle façon fin de mois toute l’année, lui se tape des festins sur l’ardoise des impôts nordiques -dans un pays qui, selon l’AFP, « frappé par une inflation record et guetté par la récession, voit se multiplier les signes apparents de pauvreté sur fond de montée des inégalités ».

Et Emmanuelle Ducros, célèbre lobbyiste pro-pesticide dont la légende raconte qu’elle a fait un jour du journalisme, de lui rétorquer : « Tu espérais quoi, exactement Thomas? Que le roi l'invite avec sa carte Family déguster des boulettes au self d'Ikea ? » Et moi de rétorquer à sa rétorcation que ma foi, oui, et pourquoi nos dirigeants n’iraient pas bouffer au Flunch, vu notre degré de pauvreté à nous ça passe déjà pour un repas de fête.
Que n’avais-je dit, moi minable pouilleux « populiste » et « à côté de la plaque » (Ducros) ! Volée de bois vert (de-gris) en réaction. Accueillir les gens avec un simple couscous, « c'est en phase avec ton statut auto-proclamé de "journaliste punk-a-chats". Mais pas avec celui de chef d'état. Voilà ». Car Manu, « lui, il a bossé à l’école, et il a pas rejeté la faute de ses erreurs sur les autres ». Et un autre d’ajouter : « Ça ne me pose aucun problème que des dirigeants pètent dans la soie, du moment qu'ils font leur boulot : être à mon service ».
Il y a dans cette phrase quelque chose de vrai. Oui, ils sont à notre service. Et quelque chose de radicalement con et faux, mais qui compte hélas beaucoup de haut-parleurs humains prêts à le répéter en boucle. Non, ce n’est pas normal qu’ils « pètent dans la soie ». Qu’on me permette donc de revenir aux bases, et de ré-affirmer ce qui devrait être en tête de tout le monde, de l’anarchiste que je suis jusqu’à même une personne banalement et sobrement républicaine donc quelqu’un d’autre que Manuel Valls.
Dans une démocratie normale, tout tourne de nous, le peuple (≠ les riches. Et si vous me trouvez caricatural sachez que les 5 familles les plus riches de Florence en 1427 sont encore les plus riches aujourd’hui). Tout se fait par nous, et pour nous.
Voilà, c’est tout. Fin du rappel. En tout état de cause, il n’y a donc strictement aucune raison pour que la clique de bouffons sans grelots que nous avons délégué pour régler les affaires courantes et signer les chèques vive et mange beaucoup mieux que nous.
Si en tant qu’humanoïdes ils ont bien entendu les mêmes droits que tout le monde (c’est à dire tous les droits sauf d’emmerder son prochain comme le dernier des Depardieu), le pouvoir, lui, en tant qu’entité -et donc eux en tant que représentants de cette entité- n’a que des devoirs. Celui de nous servir. De nous nourrir. De nous loger. Et de le faire avec compétence. Autant dire que le compte n’y est pas du tout, et que plutôt que de s’extasier sur leurs repas princiers comme si c’était leur dû d’enfants prodiges, on devrait plutôt les virer.
Car sérieusement, qui peut considérer que la médiocre caste au pouvoir mérite de pioncer dans des appartements parisiens qui feraient passer la villa de Kayne West pour le futon de Gandhi ? De se péter la ruche avec des mets que 200 réincarnations de smicards ne suffiraient pas à payer ? Car non seulement ils sont bêtes, mais en plus, ils sont nuls.
Non mais regardez Amélie Oudéa-Castéra, fille, nièce et cousine de, même pas foutue de mettre ses gosses dans le public alors que c’était plus ou moins le seul prérequis de sa fiche de poste, qui a fait dire très justement à Daniel Schneidermann : « elle fait incontestablement partie de l'élite, politique, économique, médiatique. Dans l'acception générale, l'élite est peut-être cynique, cupide, prévaricatrice, mais elle est au moins créditée d'intelligence et d'efficacité dans la défense de ses intérêts. Rien de plus faux. L'élite peut être aveugle et bornée. »
Regardez Gabriel Attal de Couriss l’aristo, millionnaire à 25 ans sans en avoir jamais branlé une, pistonné à l’époque par son compagnon Stéphane Séjourné, proche conseiller de Manu, pour entrer au gouvernement, désormais premier ministre (sans majuscules parce que merde) et qui à osé annoncé la généralisation du travail forcé pour les plus pauvres avec le conditionnement du RSA à 15h d’activité, la suppression de l’allocation de solidarité spécifique perçue par les chômeurs en fin de droits, la remise en cause de la loi fixant un seuil minimum de 25% de logements sociaux par commune, et enfin la généralisation du fascisant Service national universel pour les jeunes de seconde au motif que « dès le plus jeune âge, tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprends à la respecter ». Vous pensez vraiment que ce type mérite autre chose que 15 heures par semaine à laver les chiottes d’un resto du cœur ?
Ces incompétents cyniques (même si je n’ai jamais vu aucun chien faire de prise illégale d’intérêt) et dangereux, « aveugles et bornés » ne méritent rien, non. Ils nous doivent tout. Ce sont nos employé·e·s. Et je trouve hallucinant qu’il soit encore nécessaire, après des millénaires d’histoire du principe démocratique, de le rappeler.
Une dernière chose. Un des abrutis (j’allais dire « blaireaux » mais ces êtres beaux, intelligents, pacifiques et dénués de compte Twitter ne méritent pas cette offense) susnommés a cru bon de me dire, visiblement très fier de lui et de sa connerie : « Ne parlez pas de démocratie quand vous vous déclarez anarchiste, par pitié » (avant d’ajouter subtilement : « vous nous fatiguez les extrême-gauchistes à 2 de QI »).
C’est l’occasion pour moi de faire cet autre rappel nécessaire : nous, anarchistes, sommes les vrais démocrates, en tant que nous professons l’autogestion et la démocratie directe. Nous avons été, historiquement, les véritables instigateur de la démocratie en Europe. Comme l’a bien montré Francis Dupuis-Déri dans Démocratie, Histoire politique d'un mot aux États-Unis et en France, « l’étude des discours des «pères fondateurs» des prétendues «démocraties» modernes aux États-Unis et en France révèle que ces derniers s’opposaient à un régime où le peuple se gouverne seul, et associaient cette idée au chaos et à la tyrannie des pauvres ». D’où cette question : « Comment expliquer que le régime électoral actuel soit perçu comme l’ultime modèle «démocratique», alors qu’il a été fondé par des antidémocrates déclarés ? »
Réponse : parce que les anti-démocrates sont encore et toujours au pouvoir, et qu’il est bien pratique pour eux se faire passer leur régime royaliste à peine amélioré voire carrément proto-fasciste pour de la démocratie, et les anarchistes pour des terroristes -et pour une histoire du principe démocratique pour-de-vrai sur le temps long et hors-Occident, voir l’indispensable livre de Graeber et Wengrow, Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanité, désormais disponible en poche et à lire absolument.
« C'est pas ma faute d'avoir essayé / Mais toutes ces conventions m'emmerdent / Sois poli, essuie ton nez / Et t'es gentil, marche pas dans l'herbe / Si t'es en retard pour bosser / T'auras pas le droit à ton café / Y en a plein le cul de voir s'agiter / Des carottes pour me faire avancer / Ras le bol / Je veux qu'on me laisse avancer doucement ». Le sol, Les Blérots de R.A.V.E.L.
Et sur ce : vive l’anarchie.
Mačko Dràgàn,
Journaliste punk-à-chat populiste-à-côté-de-la-plaque à Mouais, le mensuel dubitatif, et auteur d’un Abrégé de Littérature-molotov, aux éditions Terres de feu, en vente à vil prix dans toutes les bonnes librairies.
Moi et mon syndrome de l’imposteur seront le 15 février à Montreuil à la librairie Michèle Firk en très très bonne compagnie puisque avec Kaoutar Harchi, Nathalie Quintane et Justine Huppe. Intimidé je suis.