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Billet de blog 6 mai 2025

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« Musulman » est notre nom universel

Je pense au poème du Palestininien Mahmoud Darwich : « Vous, qui vous tenez sur les seuils, entrez, et prenez avec nous le café arabe. Vous pourriez vous sentir des humains, comme nous ». Aujourd’hui, j’ai peur pour les potes, peur pour les Arabes, peur pour les personnes musulmanes, de ce pays. Gouvernement et médias les désignent comme ennemis. Et la suite me terrifie.

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L’antisémitisme « n’a pas disparu, et on a pris en option une extension, elle s’appelle : islamophobie », écrit le copain Olivier Baudoin depuis la Palestine, à Bethléem où il séjourne depuis quelques semaines. « L’humanité se trouve au tournant de son histoire. Des forces d’une ampleur sans précédent veulent en finir avec l’idéal des droits humains pour tous et toutes [...]. La croisade religieuse, raciste et patriarcale qu’elles mènent, qui vise à mettre en place un ordre économique porteur d’iniquités toujours plus grandes entre les pays et en leur sein même, met en péril les avancées durement acquises ces 80 dernières années », affirme quant à elle la secrétaire générale d’Amnesty International. Or, si l’on retire 80 à 2020, vous l’aurez noté, on retourne en 1940.

Je suis dans le train. « À Gare du Nord, c’est de pire en pire les arrestations d’Arabes sans motif... Je viens d’en voir deux à la suite », m’écris une amie avec laquelle je discute. Elle est d’une famille juive, ça lui évoque des choses, je suppose. Je pense à cette jeune fille, stagiaire au boulot d’une pote, dans le service public. Elle portait le voile. Bien entendu, hors de question de le porter au travail, elle l’a donc enlevé. Mais hors de question, également, de porter un bandana. Les cheveux nus, point. Puis, ce fut au tour des remarques sur ses vêtements, jugés trop amples. Convoquée, elle a fini par quitter d’elle-même ce poste, pas fait pour une musulmane, semble-t-il. « Je pense que je vais aller vivre ailleurs qu’en France », a-t-elle lâché à mon amie. Et il faut bien se rendre à cette douloureuse évidence : Ce pays déteste les Arabes et les Musulmans.

Quoiqu’en disent Sofia Aram et Caroline Fourest, dont je ne me rappelle jamais laquelle des deux est officiellement humoriste, oui, l’islamophobie, ça existe.

Les faits antimusulmans se multiplient, malgré une minimisation en elle-même spectaculaire, et d’ailleurs reconnue par Nono-le-facho qui a admis benoîtement en février dernier que les chiffres étaient « sans doute en deçà de la réalité ». Dans le Gard, un homme est mort, lardé de dizaines de coups de couteau au cri de : « Ton Allah de merde ». Et dans le pays, les musulmans, et avec elles et eux l’ensemble des Arabes, qu’ils soient musulmans ou non, sont stigmatisés, insultés, vilipendés, verbalement brutalisés, conspués, crachat-au-visagés. Tout est toujours de la faute aux Arabes et/ou des musulmans. La pénurie d’œufs ? C’est eux. Les punaises de lit, la météo, c’est toujours eux. C’est devenu une blague, sur les réseaux, de ce type d’humour qui est la politesse du désespoir, selon la formule consacrée. Mais le fonds est très loin d’être drôle.

Car si les mots peuvent blesser, parfois les lames viennent compléter les philosophie de comptoir, et l’ire de Praud serait bienvenue à comparaître devant le grand -mais à jamais trop étroit- tribunal des bouffons dangereux. On l’enverra ensuite dans la même cellule au frais que Retailleau, condamné pour l’ensemble de son œuvre, à savoir chaque mot sorti de sa bouche depuis vingt ans, et pour avoir mis deux jours à se rendre au lieu de l’attentat qui a coûté a vie au jeune Aboubakar.

Je suis né et j’ai grandi en Méditerranée populaire. Les Arabes, musulmans ou non, ont toujours fait partie de ma vie. Je ne suis pas resté sur le seuil, j’ai bu leur café, nous avons été humains ensemble, j’ai dormi dans leur lit quand le monde entier me mettait dehors, seul dans les rue. Si un jour il faut les aider à se cacher, je les aiderai à se cacher. Mais est-il possible de se réveiller avant d’en arriver là ? Car à zéro moment, dans l’histoire humaine, le fait de priver une minorité de ses droits sociaux, démocratiques, voire de son statut d’humains, ne s’est pas très mal terminé.

Cette culture, en train d’être niée, piétinée, exterminée à Gaza, est une part incompressible de nous même, de notre humanité. Ainsi que l’ont formulé Les musulmans anticapitalistes Turcs dans un manifeste de 2012, rappelant que « le capitalisme est l'ennemi de Dieu, l'ennemi de l'humanité, de la nature, du pauvre, de l'affamé, du démuni » :

« "Musulman", quels que soient les époques et les lieux, est notre nom universel, éternel et immortel. Cela veut dire qu'ils sont ceux qui reconnaissent et se soumettent au fait que tous les biens, sur terre et dans les cieux, sont ceux de Dieu ; ils sont ainsi donc ceux qui ne nuisent pas à la paix inhérente à l'ordre naturel ».

Je le dis donc : musulman est mon nom.

Je suis juif, musulman, anarchiste, antifasciste, je suis tout ce qui est réprouvé.

Salutations libertaires,

Mačko Dràgàn

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Sources :

https://blogs.mediapart.fr/mouais-le-journal-dubitatif/blog/190425/de-l-amour-dans-de-ce-merdier-c-est-precieux-carnets-de-palestine-2

https://www.sudouest.fr/societe/religion/actes-antimusulmans-une-plateforme-pour-mieux-recenser-les-agressions-sous-declarees-24270900.php

Illustration 1
photo de moi-même

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