Lenin Moreno, héritier de Rafael Correa, l'a donc emporté. Cela vaut toujours mieux que Lasso, même s'il y a de fortes raisons de croire que tout ce que l'on reprochait à l'ancien président se retrouvera également chez son successeur (à part sans doute la tendance à l'hyper-présidentialisme, Moreno ayant une personnalité moins forte). Mais l'occasion me semble bonne pour revenir sur la façon dont, pendant les trois mandats de Correa, notre presse hexagonale a traité ce sujet.
J'ai déjà prouvé (pas ici, certes) la distance critique que je suis capable d'adopter vis-à-vis du personnage et de sa politique ; tout en ayant une sympathie profonde pour l'un et pour l'autre, cela ne m'empêche pas de déplorer leurs aspects qui me semblent les plus problématiques, comme le conservatisme moral du président (qu'il mange ses morts sur vingts générations, ne serait-ce que pour son opposition à l'avortement), le maintien du dollar comme monnaie nationale et de l'extractivisme comme cœur de l'économie, par ailleurs encore massivement inspirée par le néo-libéralisme, ou encore l'insuffisance du salaire minimum. Mais tout ceci n'est pas suffisant pour monter un procès, et encore moins pour mériter les tombereaux d'insanités que les médias occidentaux, qui pour la plupart ont appris que l’Équateur n'était pas en Afrique, à côté de la Guinée, lorsqu'un président de gauche (ou plutôt, de centre-gauche) y a été élu, a déversé régulièrement -et continuera à déverser- sur un modèle politique qui, comme le chavisme, n'a pas l'heur de leur plaire. En France, on aura tout entendu, que Correa voulait devenir président à vie, qu'il penchait vers un régime autoritaire, que les médias du pays avaient été « mis au pas », et j'en passe. Mediapart, toujours très réactionnaire quand il s'agit de l'Amérique Latine, y a bien entendu contribué comme les autres. Et à partir de quels éléments sont élaborés de si brillants points de vue ? À partir de deux faits surtout. D'une part, la volonté de réforme de la constitution, voulue par Correa, et abrogeant (entre autres réformes passées inaperçues) la limitation du nombre de mandats présidentiels. D'autre part, une ambitieuse réforme des médias, semblable à celles menées au Vénézuela et en Argentine. A cela s'ajoute bien sûr l'extractivisme, mais j'y reviendrai plus loin (notons seulement pour le moment que des journalistes indifférents au gaz de schiste et à Notre-Dame-des-Landes se transforment aussitôt en écolos fervent dès qu'il s'agit d'un pétrole extrait par des chavistes et non par des saoudiens). Voyons donc.
Dans le premier cas, soulignons tout d'abord que si Correa a fait effectivement passer cette mesure, il a aussi fait en sorte qu'elle ne puisse pas s'appliquer au président en exercice, c'est-à-dire lui-même, et qu'il ne s'est donc pas représenté en 2017. Repli stratégique face à la contestation ? Peut-être, mais aucun média français n'a, après avoir poussé des cris d’orfraie à l'idée d'une possible réélection du président bolivarien, relevé la nouvelle de sa non-candidature à sa propre succession. À ces mêmes journalistes français outragés par la non-limitation du nombre de mandats présidentiels, peut-être sera-t-il pertinent de leur faire remarquer que non loin de Paris, à Berlin même, une chancelière s’apprête très tranquillement à briguer un quatrième mandat consécutif (car en Allemagne, il n'y a pas non plus de limitation, horreur !) dans l'indifférence générale. Le fait qu'elle soit européenne, et de droite, y est sans doute pour quelque chose. Quant au mépris dont ont fait preuve ces mêmes journalistes vis-à-vis des manifestants contre la Loi Travail et des référendum du Non de 2005, des Grecs et du Brexit, il suffit à me convaincre de l'intensité (étrangement sélective) de leur passion pour la démocratie. Bon.
Second point : les médias. Donnons un instant la parole à Correa lui-même : « Les médias ont toujours été un de ces pouvoirs de fait qui ont dominé les pays d’Amérique latine. Ce sont eux qui faisaient élire les présidents, dictaient leur politique et s’érigeaient en juges. Mais il y a maintenant des gouvernements progressistes qui jouissent d’une grande légitimité et d’un soutien populaire — en Équateur, en Argentine, en Bolivie, au Venezuela — et qui ne sont pas prêts à se soumettre au pouvoir des médias. Donc les médias, comprenant qu’ils sont en train de perdre leurs anciens privilèges, ont monté une campagne permanente pour discréditer ces présidents et leurs gouvernements, à la fois sur le plan personnel et sur celui des projets politiques, aux niveaux national et international. Les principaux journaux nationaux en Équateur sont la propriété de quelques familles de l’oligarchie, qui ont toujours été de droite et ont dans le passé soutenu les dictatures. Il s’agit d’entreprises extrêmement corrompues, qui ont pris l’habitude de contrôler les gouvernements. Cela pourrait surprendre ceux qui ne connaissent pas la presse latino‐américaine, mais par exemple la comparution de Murdoch devant la commission d’enquête Leveson en Angleterre — eh bien, si nous avions fait ne serait‐ce que le dixième de ça, on nous aurait accusés d’attaquer la liberté d’expression. Les gens en Europe et aux États‐Unis ne comprennent pas que le simple fait de demander aux médias de payer leurs impôts est interprété comme une attaque contre la liberté d’expression. Avec le type de presse que nous avons en Amérique latine, ce ne sont pas des journalistes héroïques et persécutés qui dénoncent la corruption des autorités politiques, mais c’est souvent le contraire ».
Je ne suis pas sa groupie, loin s'en faut, mais tout ce qu'il dit est très juste. Les Européens ont souvent du mal à s'imaginer quel peut être l'état de déliquescences des médias en Amérique Latine, souvent possédés par des grands groupes très conservateurs et très puissants, qui n'y voient qu'un instrument propice à la défense de leurs intérêts (bon, du coup, pareil que chez nous, mais en encore bien pire) ; ce qui passe, pour certain, par des appels au renversement du président élu et à un franc soutiens aux éventuels coups d’État (par exemple, contre Chavez en 2002, contre Correa en 2010). Rappelons qu'en France, une loi dite « anti-Bolloré » a justement été édictée pour tenter d'éviter (sans grand succès, la mesure n'étant pas assez développée[1]) ces cas de figures ; l’Équateur n'a pas fait pas autre chose, mais il l'a fait avec plus de volonté, si ce n'est de réussite. Tout comme au Vénézuela, les médias ayant étés fermés l'ont été tout simplement car il ne respectaient pas, par exemple, la loi de l'audiovisuel, un point nécessaire dans le fait de bénéficier d'un canal public, et/ou ne payaient pas leurs impôts. Ils ont donc étés expropriés, tout comme aurait pu et dû le faire la France au terme de la concession de 15 ans accordée à TF1, puisque cette dernière n'a pas respecté ses engagements. Bref. De toute façon, l'hypothèse d'un contrôle « correiste » des médias s'effondre devant cette simple évidence : en Équateur, quasiment tous les médias sont d'opposition. Et tous sont plus ou moins de la merde, excepté, dans la presse écrite, El Telégrafo.
Les deux plaintes que Correa lui-même a déposé contre un journal (El Commercio) et un livre (El Gran Hermano) l'ont été pour diffamation, ce qui est possible aussi dans le Droit français : le premier affirmait, par la plume d'un journaliste (qui a été condamné, puis gracié par le président), qu'il avait demandé à l'armée de tirer sur un hôpital rempli de civils lors du putsch manqué de 2010, le qualifiant de « criminel contre l'humanité », ce qui est tout de même grave, et le second l'accusait, en s'en prenant à son beau-frère (qui est effectivement un pourri), de corruption, alors même que des mesures avaient été déjà prises pour mettre fin aux ajustements coupables de ce parent encombrant. On peut considérer que Correa aurait pu rester indifférent à ces accusations, effectivement diffamatoires puisque non étayées ; il ne l'a pas fait ; mais le Droit de tous les pays démocratiques accorde à chaque citoyen, même au président, l'opportunité de porter plainte s'il se sent diffamé. Pas de quoi en chier une pendule, si je puis me permettre. Et pour conclure sur ce point, j'enjoins tous les journalistes intéressés par la question à apprendre l'espagnol et se plonger dans la lecture des 38 pages du projets de loi équatorien sur le médias, disponibles en ligne, ce qui leur évitera de n'en retenir que ceci : « Entrée en vigueur en 2013, cette loi prévoit la possibilité de sanctionner des publications pour des contenus jugés discriminatoires ou offensants » (Le Monde), ce qui renvoie en fait aux propos haineux et diffamatoires (dans le Droit français, il faut croire que ces notions n'existent pas). Car il y a bien plus, entre volonté d'amélioration des contenus, instauration du droit à l'information dans la Constitution, limitation du poids des annonceurs dans le domaine public (d'ailleurs, avant Correa, il n'y avait pas de médias publics), création de tranches de programmes culturels, développement des médias communautaires... Mais je n'en dirai pas plus : lisez.
Quant aux deux autres cas problématiques, celui de la journaliste et militante française, proche du Pachakutik, et expulsée suite à une manifestation, et celui du dessinateur humoristique qui se serait « exilé » hors du pays suite à une plainte déposée contre lui pour une caricature montrant la police, supposément aux ordres de Correa, piller la maison d'un opposant, je ne maîtrise pas bien les dossiers (mais je vais me renseigner), mais je ne suis, dans l'attente de la preuve du contraire, pas sûr qu'il signifient que Big Brother a été au pouvoir en Équateur (Vérification faite, Mme Picq, c'est le nom de la journaliste, en fait franco-brésilienne, n'a pas été expulsée, suite à la décision contraire d'une juge, et le caricaturiste, nommé Bonil et anti-socialiste forcené, n'a pas du tout été exilé, je ne sais pas pourquoi on m'a dit ça, mais son journal, El Universo, équivalent équatorien du Figaro, a dû payer une amende pour son dessin moche et pas drôle, qui n'en méritait bien sûr pas tant ; il a fait appel, me semble-t-il, et je ne sais pas où en est l'affaire. Pas de quoi hurler au loup : dois-je rappeler que Bolloré fait bien pire tous les jours, et que lui n'a même pas été élu ? Et pour ceux qui auraient la mémoire courte, et qui seraient persuadés de vivre dans la plus irréprochable des démocraties, je renvoie à l'observatoire des abus de l’État d'urgence[2], à Copwatch, qui traque en France et dans le monde les bavures policières, à Rémi Fraisse, à tous les pauvres bougres reconduits à la frontière du pays des droits de l'homme depuis dix, vingt ans, aux victimes de Tarnac, aux personnes mises au rencard par Sarkozy, auxquelles Davet et Lhomme ont consacré un livre, et, en guise d'exemple parmi d'autres, au cas de Gaspard Glanz, journaliste spécialisé dans les mouvements sociaux, récemment interpellé, placé et en garde à vue et mis sous surveillance policière sans aucune raison valable. Si Correa avait fait ne serait-ce qu'un quart de ça, les médias français auraient probablement crié au grand retour de Hitler et Staline en personne et exigé qu'il comparaisse devant le Tribunal de La Haye pour crime contre l'humanité.)
Au vu de ce constat, il devient donc lassant d'entendre toujours résonner, dans les médias français daignant parler de l’Équateur, la sempiternelle ritournelle de « l'apprenti dictateur » (vont-ils nous faire la même pour Moreno? En plus, il s'appelle Lénine!), surtout venant de journalistes qui à l'évidence ne connaissent rien à leur sujet. Pour les instruire, je vais me permettre ici de me livrer à une brève remise en contexte, à partir des élections de 1996, afin de montrer à quel point, quoi que l'on puisse penser de lui et de son gouvernement (en usant de préférences des armes légitimes de la critique et de l'analyse factuelle), Rafael Correa a représenté une bouffée d'air dans un pays qui, durant de nombreuses années, a beaucoup souffert sans que les médias occidentaux ne s'en émeuvent outre mesure.
Comme le rapporte Maurice Lemoine, il y a encore peu de temps, un chiste (une blague) affirmait que les journalistes se rendant dans la capitale demandaient une chambre « avec vue sur le coup d'Etat »[3]. Il y a dans cet humour noir, comme toujours, une grosse part de vérité. Le 7 juillet 1996, Abdala Bucaram (d'ascendance libanaise, champion du 100 mètres, et doté d'une élégante moustache à la Hitler), grâce à de nombreuses promesses dans le domaine social, remporte les élections face à Jaime Nebot, maire de Guayaquil, fieffé pourri, candidat du milieu des affaires et disciple avoué de Febres Cordero ; aucune des réformes promises n'est appliquée et le pays s'enfonce dans le népotisme et la corruption. En février 1997, le Front Uni des Travailleurs organise une grève générale largement suivie et qui paralyse le pays ; les forces armées refusent leur aide au président, tandis que le Congrès vote sa défiance. Bucaram, complètement isolé, se refuse à partir, et le pays sombre dans une profonde crise institutionnelle, trois personnes revendiquant le pouvoir : Bucaram, la vice-présidente Rosalia Arteaga et le président du Congrès, Fabian Alarcon ; c'est ce dernier qui, en février 1997, soutenu par l'armée, finit par obtenir le pompon, et Bucaram, destitué pour « incapacité mentale », fuit au Panama.
Les élections de mai 1998 (où l'on retrouve deux femmes, fait inédit) portent au pouvoir le maire de Quito, Jamil Mahuad (un autre libanais), un pourri centriste bientôt mêlé à un scandale de corruption, face entre autres à Alvaro Noboa, dit « El Gordito », le roi de la banane, un pourri de droite. À bien des égards, sa présidence sera catastrophique : en 1998, trois des principales banques du pays font faillite ; en juin 1998, El Niño dévaste la côte ; en mars 1999, une grève massive dans les transports paralyse le pays, poussant Mahuad, très maladroitement, à décréter l’état d’urgence ; en octobre 1999, un autre scandale de corruption décrédibilise une présidence déjà très impopulaire ; en 1999 toujours, l’inflation atteint les 70 % ; une énorme crise bancaire provoque la saisie de l'épargne de milliers de citoyens ; comme le rapporte encore une fois M. Lemoine, le chômage touche alors la moitié de la population, 60 % des équatoriens vivent sous le seuil de l'extrême pauvreté, les fonctionnaires ne sont plus payés, quatre millions de personnes doivent se contenter d'un salaire équivalent à 45 euros par mois, et les Équatoriens émigrent en masse, laissant de nombreuses régions rurales complètement vides. Prétendument afin de lutter contre une inflation délirante, et pour la plus grande joie du milieu des affaires, la dollarisation de l'économie est décidée : le Sucre, ancienne monnaie nationale, est abandonné, ce que beaucoup d'économistes aujourd'hui considèrent comme une énorme erreur ; si l'inflation se calme effectivement, les prix explosent, grimpant de 35 à 60 % à Quito.
C'est dans ce contexte chaotique qu'en janvier 2000, le mouvement indigène, à travers le puissant syndicat dénommé CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur), déjà auteur d'une grève spectaculaire en 1990, prend son essor. 40 000 indigènes marchent sur Quito, bientôt rejoints par les ouvriers du secteur pétrolier puis par les étudiants, et le président décrète à nouveau l’État d'urgence, en vain : le 20 janvier 2000, il est poussé à la destitution par les Indiens venus, sans que l'armée ne réagisse, encercler, puis envahir, le Congrès et la Cour suprême.
Lucio Gutierrez (sosie équatorien de Nicolas Sarkozy), militaire ambitieux, parvient à se greffer au mouvement et à s'attirer les faveur des leaders de la CONAIE, ce qui lui sera bien utile plus tard. Une Junte de Salut national, dirigée par le général Mendonza, est créée, et Mahuad se réfugie dans l’ambassade du Chili ; Mendoza renonce rapidement à la direction de la junte et Gustavo Naboa (sosie équatorien de Robert Hue), soutenu par le haut-commandement, est nommé président en janvier 2000. Il poursuit la politique de son prédécesseur, trahissant les espoirs du Front Patriotique, du Parlement national des Peuples d’Équateur et de la Conaie, qui rassemblés et soutenus par l'armée, avaient fait tomber Mahuad.
En 2002, Gutierrez, capitalisant les bénéfices de sa stratégie indigène (pour beaucoup, le soutien de la CONAIE à ce guignol autocrate droitier[4] va durablement entacher la crédibilité des leaders indiens, même s'ils se retirent rapidement du gouvernement), remporte les élections. Corrompu, supposément mêlé à une histoire de trafic d'armes, il aligne sa politique économique sur celle du FMI, avec lequel, suite à une rencontre avec le président George W. Bush, il négocie un prêt, aggravant de ce fait les dommages déjà causés par le néo-libéralisme. Contesté, notamment en ce qui regarde la politique très agressive qu'il adopte vis-à-vis des FARC colombiens localisés dans le Nord du pays, très autoritaire, il doit faire face en 2004 à une procédure de destitution lancée par le Parti Chrétien Social, et en janvier et février 2005 à une vaste contestation populaire, à laquelle il répond en instaurant l’État d'urgence ; en avril 2005 cependant, les participants de ce qui s'appelle désormais la rebelion de los Forajidos (« rébellion des hors-la-loi ») encerclent le palais présidentiel, et Gutierrez doit prendre rocambolesquement la fuite en hélicoptère, s'exilant au Brésil ; le vice-président Alfredo Palacio prend alors la charge de la présidence, et son ministre de l'économie, le pas encore connu Rafael Correa, se fait remarquer par des mesures hétérodoxes et anti-libérale.
On voit donc qu'à bien des égards l'élection, en 2007, de ce Rafael Correa Delgado, économiste chrétien de gauche de naissance modeste, marqué par le chavisme et la théologie de la Libération, à la présidence (à la tête d'Allianza Pais, issue de l'union d'une trentaines d'organisations citoyennes et de partis) marque une nouvelle ère, après une longue période d’instabilité chronique. La « révolution citoyenne » qu'il instaure, destinée à en finir avec la corruption et le libéralisme, représente un véritable bouleversement, de même que la nouvelle constitution qu'il fait rédiger, et qui entre en vigueur en octobre 2008. Sitôt élu, Correa prend des décisions fortes : les représentants du FMI sont, symboliquement, "chassés" du pays ; une bonne partie de la rente prétrolière est transferée dans les finances publiques, des nationalisations sont opérées, par exemple pour la Banque Centrale et d'autres secteurs-clef de l'économie ; une réforme fiscale, taxant plus les hauts revenus et les grandes firmes, est lancée ; la gratuité des services publics (éducation, santé) est adoptée ; un audit de la dette est opéré, à l'issu duquel la part considérée comme illégitime est utilisée pour de vastes chantiers publics ; le système universitaire est refondu ; le salaire minimum est augmenté ; la préoccupation environnementale, au travers de la notion de « bien-vivre » (« sumak kawsay » en Kichwa), est mise au cœur des débats de société (aux prix certes de quelques contradictions). En quelques années, comme le reconnaissent de nombreux observateurs internationaux, le pays devient méconnaissable. Comment au journaliste peut-il être assez incompétent ou assez retors pour passer ces faits sous silence ?
Tout ceci explique qu'en avril 2009, Correa soit réélu dès le premier tour, ce qui n’était pas arrivé depuis 1979. Le président bolivarien poursuit sa politique, notamment sur le plan extérieur, coupant les ponts avec les États-Unis et rejoignant l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique -une entité que nos médias ont découverte il y a peu, sans bien savoir ce que c'était), la Communauté des Etats latino-américains et caraibes (CELAC) et l'Union des Nations sud-américaines, intégrant ainsi le front progressiste mené principalement par Hugo Chavez (mort en 2013 ; Nicolas Maduro lui succède) au Vénezuela, Evo Morales, en Bolivie, et les Castro à Cuba (l'Argentine des Kirchner et le Brésil du Parti des Travailleurs demeurant à part, de même que l'Uruguay de l'ex-Tupamaros « Pepe » Mujica et le Salvador du FMLN ; le Nicaragua de Daniel Ortega est à mes yeux un cas à part, et ô combien problématique[5]). Des représentants de tout ce petit monde se sont retrouvé en septembre à Quito pour la troisième sommet de l'ELAP (Encuentro Latinoamericano Progresista), destiné entre autre, à travers divers cycles de conférences, à s'opposer au « nouveau Plan Condor » et à mettre en échec le grand retour des droites sur le continent. Pablo Iglesias, de Podemos, était également présent (mais je ne l'ai pas vu : je suis arrivé en retard à la conférence).
La « révolution citoyenne » cependant, s'attire les foudres de la droite conservatrice, soutenue par la CIA au travers notamment des réseaux anticastristes, auxquels appartient le président déchu Lucio Guterriez (« Pour en terminer avec le socialisme du XXIe siècle, il faut en finir avec Correa ! » a déclaré celui-ci) qui, en septembre 2010, hourdissent de concert un coup d’État. Voici le compte-rendu des événements, tiré d'un article de Maurice Lemoine dans le Monde Diplomatique[6] (l'extrait est un peu long, mais bon) :
« Dans la nuit du 29 au 30 septembre 2010, à Quito, dans l’un des vingt et un salons du Swissotel, une réunion des membres de l’opposition se prolonge jusqu’à 3 heures du matin. A 7 heures, sur la chaîne télévisée Ecuavisa, l’émission « Contact direct » reçoit M. Galo Lara. Face à la caméra, ce dirigeant du parti Société patriotique (SP) évoque la loi de service public que vient d’approuver l’Assemblée nationale. Elle concerne diverses catégories de fonctionnaires, dont les policiers. Elle met fin à une série de privilèges : bonifications, primes pour la remise de médailles et de décorations, cadeaux de Noël, etc. En contrepartie, elle leur attribue d’autres avantages, dont le paiement des heures supplémentaires et l’accès à des programmes de logements sociaux. Pour autant, les propos de M. Lara claquent comme des coups de fouet : « Le président Correa a arraché leurs jouets aux enfants des policiers. C’est pour ça qu’il a peur qu’on le lynche ! C’est pour ça qu’il prépare ses valises pour quitter le pays ! » Fichtre... Un article apocalyptique de l’éditorialiste-vedette Emilio Palacio paraît également dans le quotidien El Universo.
Lorsque, à 8 heures, M. Correa apprend que, pour protester contre la fameuse loi, les policiers observent une grève des bras croisés dans l’enceinte du régiment de Quito, il n’hésite pas une seconde, se souvient son ministre de l’intérieur de l’époque, M. Gustavo Jalkh : « Il s’agit d’un malentendu, je vais négocier directement avec eux. » Abandonnant le palais présidentiel de Carondelet, tous deux se rendent sur place. La nouvelle de leur présence ondule à la surface de la foule des huit cents membres des forces de l’ordre massés là. « Les communistes arrivent ! » ; « Dehors, les chavistes ! » — en référence, bien sûr, au président vénézuélien Hugo Chávez (qui décédera en 2013).
Mêlés aux « flics » de base, les meneurs — lunettes noires, émetteurs-récepteurs, téléphones portables — organisent le chahut. Parmi eux, comment ne pas remarquer M. Fidel Araujo, porte-parole de l’ex-président Gutiérrez et dirigeant de SP, son parti ? Bousculades, insultes..., des grenades lacrymogènes s’abattent sur le chef de l’État. Depuis une fenêtre du deuxième étage, où une poignée de gardes du corps réussissent à grand-peine à le faire entrer, M. Correa tente d’articuler un discours : « Cette loi va améliorer votre condition. Nous avons travaillé pour la police, rappelez-vous tout ce qu’on vous a donné ! »
Il se fait huer. Il entend même : « Attrapez-le ! Tuez-le ! » Un tumulte emplit son crâne. Il desserre alors sa cravate et ouvre son col de chemise en un geste de défi : « Señores, si vous désirez tuer le président, il est ici : tuez-moi, si vous voulez ! Tuez-moi, si vous en avez le courage, au lieu de vous cacher lâchement dans la foule ! » (...)
Quatre cents soldats ont pris le contrôle de l’aéroport Mariscal Sucre de Quito. Également investis : la base de l’armée de l’air de Latacunga ; l’Assemblée nationale (par la garde législative censée la protéger) ; le port et les aéroports de Guayaquil, la capitale économique du pays. Là-bas, dès 9 heures, mystérieusement averties de ce que les forces de l’ordre ont déserté la voie publique, des bandes de délinquants brisent les vitrines, mettent les commerces à sac, vandalisent les distributeurs automatiques, terrorisent les citoyens.
Comme au Venezuela le 13 avril 2002, lors de la séquestration de Chávez au cours de la tentative de golpe (coup d’État), des dizaines de milliers de citoyens descendent dans les rues en signe de soutien à leur dirigeant. En revanche, une partie de l’opposition dite démocratique met des conditions à son appui. Une autre, à l’instar du chef du groupe parlementaire Pachakutik — bras politique de la Confédération des nationalités indigènes d’Équateur (Conaie) —, M. Cléver Jiménez, invite les mouvements indigène et sociaux (qui ne suivront pas !) à constituer un « front national » pour exiger le départ du président.
Blessé, asphyxié par les gaz lacrymogènes, M. Correa doit se réfugier dans l’hôpital de la police, mitoyen du régiment Quito, assiégé par les mutins. Il y restera, bloqué au troisième étage, plus de dix heures, jusqu’à ce que, à 20 heures, le groupe d’opérations spéciales (GOE) de l’armée et des éléments loyaux du groupe d’intervention et de sauvetage (GIR) de la police viennent enfin le délivrer. Sur les émetteurs radio des policiers postés à l’extérieur de l’établissement, des appels ont été captés : « Sortez Correa et embarquez-le avant que les chuspangos [militaires] arrivent ! » ; « Tuez-le, tuez le président ! » Celui-ci sort finalement au milieu d’une intense fusillade. Un soldat qui le protège tombe, mortellement touché ; un autre, qui lui a prêté son gilet pare-balles, a le poumon perforé. Sur le véhicule du chef de l’État, on retrouvera cinq impacts de balles ; dix-sept sur les voitures qui l’ont escorté. Bilan de la journée : dix morts et près de trois cents blessés. »
Malgré cette tentative de déstabilisation, la révolution suit son cours ; en mai 2011, les équatoriens votent massivement en faveur d'une révision de la Constitution à propos de thèmes aussi variés que la justice, les médias (une loi ambitieuse tâche de rendre ceux-ci moins dépendants des grands groupes financiers, je l'ai déjà dit), la sécurité sociale, l'enrichissement illicite (celui des prêteurs sur gage illégaux, par exemple), les jeux de hasard ou la corrida (interdite). Des poursuites sont engagées contre les grands groupes pétroliers coupables de pollution et d'empoisonnements massifs dans la région amazonienne ; la firme américaine Chevron (à laquelle appartient Texaco) est ainsi condamnée à payer une amende faramineuse (le procès cependant, je crois, avait débuté avant Correa), ce que du reste elle ne fera pas.
L'opposition indigène, principalement fondée sur les ambiguïtés de la politique minière et pétrolière de Correa[7] (qui s'était par exemple engagé à ne pas exploiter les réserves du parc Yasuni, classé par l'UNESCO, à condition que la communauté le dédommage d'une partie du manque à gagner, évalué à 14 milliard, en lui reversant 3,6 milliards de dollars ; n'ayant presque rien obtenu -13 millions à peine-, il annonce finalement son intention de débuter les forages) représente, sur sa gauche, l'un des problèmes principaux rencontrés par la présidence Correa, d'autant plus que la CONAIE (et le Pachakutik, son extension politique) est très puissante dans le pays, comme nous l'avons vu. Si cet aspect de la politique du président, devenu peu à peu plus proche des grandes compagnies minières et pétrolières, auxquelles de nombreuses concession ont été accordées, ne l’empêche pas d'être réélu pour un troisième mandat en février 2013, encore une fois dès le premier tour, elle cristallise une grande partie des mécontentements, de même, et ce à l'intérieur même d'Allianza Pais, que sa morale sociétale rigide, toute catholique, qui le pousse notamment à s'opposer avec ferveur à la légalisation de l'avortement (il a cependant voté en faveur du mariage civil entre personnes du même sexe, autorisé dans le pays depuis mai 2015).
À ceci est venu s'ajouter une dégradation soudaine du contexte économique (entre 2014 et 2015, la croissance passe brutalement du positif au négatif), causée notamment par la chute du prix du baril de pétrole (40 % des recettes de l’État), qui remet en question la poursuite de bon nombre des projets du président ; une réforme fiscale doit être annulée face à l'opposition des classes moyennes, et toute une masse d'équatorien sortis de la pauvreté par la politique de Correa tend désormais à le rendre responsable de la remise en question de ses acquis par une conjoncture économique défavorable, dont les dégâts sont, en avril 2016, aggravé par un tremblement de terre meurtrier (près de 700 morts, pour un coût de réparation estimé à plus de 3 milliards de dollars). Ce qui explique que, lors des récentes élections, la droite de Guillermo Lasso ait enregistré un score important.
Voilà quels sont les faits, tels que l'on doit les présenter si l'on ne cherche à ne tailler ni une croupière, ni un costard à Correa. Et tout ceci, le bon et le mauvais, est très bien montré dans le nouveau documentaire de Pierres Carles. Mais voilà ce que cela peut donner dans les médias français, par exemple Le Monde, par la voix de l'inénarrable Sylvie Brunel qui, à l'occasion de l'éruption du Cotopaxi, à l'été 2015, probablement atteintes par les fumées toxiques, a été aperçue dans les pages du journal en état de pleine décompensation :
« La dérive autoritaire de ce président populiste, séduit par la méthode Chavez (On parle ici, donc, de Correa. Sans commentaires), est dénoncée non seulement par l’opposition équatorienne (un président dénoncé par son opposition ? étonnant), qui lui reproche de vouloir modifier la Constitution du pays pour se maintenir au pouvoir après 2017 (Ce que Correa ne fera pas), bien au-delà des deux mandats légaux, mais aussi par les communautés indiennes de la partie amazonienne du pays, qui se voient dépossédées de leurs terres communautaires pour les besoins de l’exploitation pétrolière (On touche ici un sujet complexe, qui ne peut se traiter ainsi, caricaturalement et en deux lignes. Plus haut, j'ai souligné les ambiguïtés de la politique extractiviste du président, à laquelle je suis personnellement opposé, mais aussi celle de la CONAIE elle-même, force parfois conservatrice qu'il ne faut ni idéaliser, ni confondre avec l'ensemble du mouvement indigène, et qui n'a pas hésité dans le passé à s'allier -provisoirement, certes- avec le douteux Gutierrez, pour le coup, quant à lui, un autocrate authentique).
Afin de continuer à percevoir la rente du pétrole sur laquelle repose son clientélisme politique (Cette affirmation est tout bonnement diffamatoire. La rente pétrolière a massivement bénéficié, sous sa présidence, aux classes pauvres), le gouvernement équatorien déclasse en effet d’immenses réserves naturelles, héritage d’une politique de protection de la nature très ambitieuse puisque le quart du territoire national, exceptionnellement riche en biodiversité, est officiellement protégé (Et Correa lui-même y a contribué, puisqu'il a limité l'accès à certains parcs et en a crée un nouveau, en 2009, à la frontière Sud. Des réserves biologiques, si je ne me trompe, ont également vu le jour. Son gouvernement n'a pour le moment « déclassé » aucune réserve (le mal est déjà fait, hélas, depuis longtemps!) : le seul endroit où il y a litige est une petite partie, 1 %, du Yasuni, ce qui je le reconnais est très problématique, mais ce n'est pas la peine d'en rajouter. Que cela soit clair: l'extraction du pétrole est en Equateur un problème de longue date, et il y peu, la mort par balle d'un policier près d'un village d'indigènes poussés à bout par la présence à leurs côté d'une grande firme, a prouvé une fois de plus l'absolue nécessité d'aborder frontalement cette question. Mais il faut le faire avec calme, et sans caricaturer aucun des camps en présence).
Mais l’effondrement des cours du pétrole compromet la perpétuation de la rente grâce à laquelle le gouvernement de Rafael Correa finance les politiques de redistribution et les grands travaux d’infrastructures qui lui valent le suffrage des classes populaires en permettant à la pauvreté de reculer (Il était temps de le souligner). Pour se poursuivre, la « révolution citoyenne » se fonde donc sur une pression fiscale de plus en plus élevée (Une « pression » qui représente effectivement la première source de revenu du pays, et qui s’exerce surtout sur les hauts revenus ; de toute façon, quelle que puissent être les personnes concernées, madame Brunel serait-elle une adversaire de l'impôt, acte citoyen minimal par excellence ?), des nationalisations arbitraires (Pour le tribun de droite, la nationalisation est toujours arbitraire, même quand elle se fait dans la plus stricte légalité) et la taxation systématique du secteur productif (Medef, nous voilà : il serait donc illégitime de taxer, au bénéfice de la communauté nationale, les secteurs les plus lucratifs de l'économie ? Que voilà une bien étrange vision de la circulation des richesses) et des classes moyennes et aisées (Soit les plus en mesure de participer à l'effort fiscal. On peine à voir ce qu'il y aurait de choquant là-dedans. Doit-on rappeler qu'en France, contrairement à L’Équateur, les classes moyennes sont en bout de course plus taxées que les classes supérieures ?).
Cette fuite en avant intensifie l’ampleur de la contestation interne et dissuade les investisseurs potentiels (Qu'est-ce que ceci a à voir dans le sujet qui nous préoccupe, c'est un mystère dont sans doute seule Mme Brunel a la clef). Le gouvernement équatorien répond à la montée du mécontentement en renforçant sa mainmise sur le pays, censurant les médias, intimidant les opposants, rognant sur les libertés fondamentales d’expression et d’association (Tout ce qui précède est tout simplement faux, et d'ailleurs, Mme Machin ne prend guère la peine de nous donner les détails et les preuves de ce qu'elle affirme. Je ne prendrai donc pas non plus la peine d'infirmer ses propos délirants. La pauvre Brunel patauge dans la désinformation la plus crasse).
Dérive autoritaire (sic)
Dans ce contexte, l’éruption du Cotopaxi vient servir à point nommé sa dérive autoritaire. A peine le volcan émet-il ses premières fumées (Il eût fallu attendre que tout le monde soit grillé à point?) que « l’état d’exception » est décrété dans le pays, le 15 août, donnant tout pouvoir à l’armée (Non, elle lui donne plus de pouvoir, pas les plein-pouvoirs. La mesure d’État d'exception en Équateur est similaire à ce que l'on peut trouver en France, ou ailleurs, et comprend effectivement un renforcement des droits de l'armée et de la police, et le contrôle d'une partie des information divulguées par les médias, par exemple quand il est question d'un terroriste en cavale.... Tout ceci ne vous rappelle rien ? Mais peut-être que depuis qu'elle a connu les joies de l’État d'Urgence en France, Mme Brunel a-t-elle cessé d'y voir une spécificité dictatoriale ? Je ne l'ai pas entendue s'exprimer publiquement sur le sujet). Deux jours avant, les forces de l’ordre ont réprimé brutalement la manifestation pacifique des leaders indiens venus de la forêt amazonienne menacée par l’extraction pétrolière (Cette manifestation pacifique a étrangement fait 67 blessés du côté policier. Curieux. Rappelons également que ces leaders indigènes, plutôt marqués à droite malgré ce que l'on pourrait croire, ont déjà renversé plusieurs gouvernements légalement élus, je n'ai rien contre, et je ne serai jamais partisan de la violence policière, où qu'elle ait lieu, suivez mon regard, il est pointé vers la France, mais il est peut-être important de le souligner. En France, la CGT bénéficie de moins d'égards -mais elle est sans doute moins exotique ; je suggère donc à Martinez, pour faire bonne figure, de se doter d'un étui pénien pour se rendre à la la prochaine manifestation).
L’éruption permet aujourd’hui au gouvernement de s’attaquer au cœur historique du pays, ce corridor andin très peuplé où s’étagent de fertiles pâturages d’altitude, les paramos, d’immenses haciendas pratiquant un élevage bovin modernisé (Il faut comprendre ici : de grandes exploitations industrielles se faisant au détriment des petits éleveurs locaux), et toute une agriculture indienne de petites propriétés et de coopératives. Don du volcanisme, ce véritable jardin d’altitude approvisionne le pays en produits de qualité, mais il concurrence aussi l’approvisionnement en eau de la capitale, Quito, située au cœur de ce qu’Alexander von Humboldt appelait l’avenue des volcans (Merci Wikipédia. Bien la peine d'être géographe).
(...)
Pour le pays, la question de la préservation de ces châteaux d’eau d’altitude est vitale. L’éruption volcanique a permis de légitimer l’évacuation de ces territoires convoités au nom de la sécurité (Là, on touche le fond. Le gouvernement accusé d'avoir procédé à l'évacuation de citoyens exposés à un péril mortel. Qu'aurait dû faire Correa ? Les laisser cramer sur le bord du volcan ? Notons qu'aujourd'hui que le Cotopaxi s'est à nouveau calmé, tous les gens évacués sont bien entendu revenus chez eux). La deuxième étape risque (Une hypothèse intéressante, mais qui s'est avérée fausse : navré, Madame Soleil) de consister en une expropriation définitive de leurs habitants. Le gouvernement souhaite en effet bâtir dans ces montagnes un gigantesque réservoir qui sécuriserait Quito, au prix de l’ennoiement d’immenses superficies (Je ne jamais entendu parler de ça, et n'ai trouvé aucune trace de ce projet. Cela ne veut bien sûr pas dire qu'il n'existe pas, mais pourrait-on avoir plus de détails ?).
Une aubaine pour Quito (re-sic)
Dans ce contexte, une grande éruption du Cotopaxi fait figure pour le gouvernement de catastrophe utile (On est en droit de trouver cette rhétorique infâme. Qu'est-ce qui permet à Mme Brunel de penser que Correa, qui se soucie sans doute des équatoriens bien plus qu'elle, s'est réjoui de la perspective d'une catastrophe potentiellement mortelle pour nombre de concitoyens ?). Au nom de l’urgence et du danger, elle suscite d’abord le déplacement autoritaire de tous ceux qui vivent à proximité du volcan (« Déplacement autoritaire »... On croit rêver. Mme Brunel, dans tous les pays se préoccupant un tant soi peu de ses citoyens, les personnes résidant dans des zones d'incendies, d'éruption ou d'inondation sont évacuées, et cela n'en fait pas pour autant des dictatures), et justifie ensuite les mesures d’expropriation des grandes haciendas (Effectivement, des mesures de redistribution des terres ont été menée à bien au bénéfice des petits exploitants, contre les grandes exploitations[8]. Qu'y a-t-il de mal là-dedans ? L'argumentation foutraque de la géographe est à ce point tissée de contradictions que d'un côté, elle veut se donner un rôle de protectrice des petites gens contre l’État totalitaire, de l'autre, elle s'emporte contre des mesures bénéficiant à ces mêmes « petits gens ») comme des terres paysannes, depuis longtemps à l’étude. Beaucoup murmurent en Équateur que le gouvernement attend l’éruption comme l’aubaine qui lui permettra de mettre à exécution un projet déjà ficelé (Alors, là, ça c'est du journalisme : « on dit », « J'ai aucune preuve mais », « je ne vous en dirait pas plus mais ». Sans doute Mme Brunel a-t-elle appris à écrire ses tribunes avec Zemmour ? Dans mon entourage, on murmure que Brunel est une truffe ; je me permets donc de relayer l'information).
Pourtant, cette « formidable opportunité » (Il est bien entendu qu'ici, Mme Brunel se cite elle-même, et non le président Correa ; si le doute subsiste, ce n'est vraiment pas de sa faute) risque de ne pas être sans conséquences : ennoyer de gigantesques superficies de paramos risque, au-delà des atteintes portées à un biotope exceptionnel, de menacer l’équilibre fragile du milieu humain andin, qui vit en étroite symbiose avec une nature âpre et difficile. Ce sont à la fois la culture originale des chagras, ces cow-boys des Andes, l’agriculture de jardin d’altitude des paramos et une partie de l’emploi qui seront compromis, accentuant l’exode rural dans un pays où la population est déjà très majoritairement urbaine (Notons que pour le moment, on nage dans l'hypothétisme le plus total, voire dans la science-fiction, puisque le parc protégé du Cotopaxi, et sa richesse effectivement admirable, semble voué à le demeurer encore longtemps. Il paraît improbable que Correa veuille y construire un lac artificiel, un projet à propos duquel Brunel ne nous a pas encore donné l'ombre d'une preuve. Où sera précisément localisé cette réserve d'eau ? Près de Latacunga ? Plus vers Quito ? Dans le parc, ce qui serait très étonnant ? Hors du parc ? Qui serait assez stupide pour mettre en place un grand chantier au pied de l'un des volcans les plus actifs du monde ? Mme Brunel ne donne strictement aucun détails).
Ajoutons qu’une éruption volcanique d’envergure, en envoyant dans l’atmosphère des milliards de tonnes de fumée et de gaz à effet de serre, rendra dérisoires les gesticulations de la communauté internationale pour agir sur le changement climatique (Je jette mon tablier. Tant de bêtise ne peut que laisser sans voix. Pas la peine de s'emmerder à limiter nos émissions de CO2, de toute façon un volcan va péter, tout est foutu !)… La conférence de Paris risque ainsi de perdre toute signification si, comme cela a déjà eu lieu à maintes reprises par le passé (Du temps de la fringante jeunesse de Mme Brunel je suppose, quand elle était mariée à un diplodocus), un « hiver volcanique » s’abat sur le monde pour plusieurs années. Comme toutes les grandes catastrophes naturelles, qui suscitent toujours des réactions en chaîne d’ampleur planétaire, il faut donc considérer l’éruption du Cotopaxi comme un phénomène majeur, non seulement pour l’Équateur, mais aussi pour le monde (Épilogue. Un peu plus d'un an plus tard. Le volcan, après quelques mois d'éruption, s'est de nouveau calmé. L’État d'exception a été levé à l'issue des 90 jours réglementaires. Tout le monde est rentré chez soi. Je suis allé me balader dans le parc Cotopaxi, j'ai parlé avec les guides et les gardes, et le parc n'est pas menacé. L'ordre du monde n'a pas été bouleversé. Merci et au revoir, Madame Soleil, où devrais-je dire, madame la Prophétesse de l'Apocalypse ?) ».
L'un des plus grands médias français peut donc permettre à une siphonnée du bulbe de déblatérer des pleines pages d'insanités relevant plus de la mauvais copie de Brevet que d'une quelconque forme de journalisme : diffamation, inexactitudes, erreurs factuelles, tout y passe, dans cet infâme tissu d'âneries pas même comparable à un éditorial de Franz-Olivier Giesbert. Mais cela ne fait rien, ce n'est que de l’Équateur dont il est question, un pays dirigé par un président de gauche, qui plus est, donc ne boudons pas notre plaisir. Quant à moi je m'arrête là ; je m'énerve.
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Du reste, et pour conclure sur ce point, ce que je vient d'affirmer à propos de l’Équateur est valable pour tout autre pays d'Amérique Latine ayant à sa tête un gouvernement, dirons nous, « alternatif » : à son propos, dans les médias occidentaux, à de notables exceptions près, le point de vue des États-Unis l'emportera toujours. Ainsi un jour du mois de Novembre, au petit matin, nous avons appris la mort de Fidel Castro. Je ne suis pas un inconditionnel du personnage, et de nombreuses choses sont à critiquer à Cuba ; mais à n'en pas douter, comme lors de la mort de Hugo Chavez, on pouvait s'attendre à ce qu'un déferlement d'ignominie satisfaite nous soit imposé en France à longueur d'éditorial, célébrant à demi-mots la mort de la bête ; et ça n'a pas loupé.
Le texte qu'à pondu à l'occasion cette grande saucisse de Laurent Joffrin, directeur de publication du journal français « de gauche » de référence, a synthétisé ce qu'était le point de vue ambiant des rédactions : «[après la révolution de 59 ] les tares de l’économie étatisée ne tardent pas à se manifester comme partout dans le monde. L’utopie de Karl Marx se dégrade en bureaucratie arrogante et inefficace. Les Cubains vivent sous le poids d’une administration pléthorique où la corruption s’infiltre comme un virus. Le refus de toute initiative privée fait chuter la productivité dans une économie handicapée par l’implacable blocus américain. L’aide de l’URSS ne suffit pas à compenser les échecs du système ». On a bien compris : plus que le blocus américain, c'est le « système » économique cubain -non conforme aux attendus du capitalisme néo-libéral- qui est en cause. Pour mémoire cependant, je me permets de rappeler ces quelques faits[1] : depuis des décennies, l'île fait l'objet d'un blocus total de la part des USA ; non seulement toute exportation ou importation entre les États-Unis et Cuba est interdite, mais aussi toute ré-exportation de produits comportant un élément fabriqué soit sur le sol américain, soit par la filiale d'une entreprise américaine. En outre, un navire accostant à un port de Cuba est pénalisé par six mois d'interdiction d'entrée aux États-Unis. Ceci accroît considérablement le prix de bon nombre de produits de première nécessité, tel le lait, que le gouvernement cubain s'efforce de distribuer à bas prix à ses citoyens, mais qui lui coûte une véritable fortune, entre son achat de Nouvelle-Zélande et son arrivée sur l'île, transport surtaxé par les compagnies afin de compenser les six mois de pénalité. Bien des pays, soumis à un tel blocus (que les lois internationales assimilent à un acte de guerre) se seraient très rapidement effondrées ; mais à Cuba, si la situation est difficile, le gouvernement est parvenu à doter l’île des infrastructures de santé les plus performantes du monde (comme on a pu le constater lors de l'introduction terroriste de la dengue hémorragique par les USA), ainsi qu'un système éducatif de qualité ; en outre, là-bas, personne ne meurt de faim, même si les années 90 ont vu les cubains connaître un véritable black-out économique, nommé la « période spéciale », et consécutif à l'effondrement du partenaire soviétique (accompagné d'un durcissement ''opportun'' du blocus). Laurent Joffrin poursuit : « Pendant trente ans, un îlot communiste survit à quelques encablures des États-Unis. La révolution est trahie par le dogme. Les prisons poussent sous les palmiers. L’émigration devient massive avec ses flottilles de boat people attiré par les enseignes de néon qui brillent sur les côtes de Floride. La férule de la surveillance policière et de la propagande officielle étouffe toute créativité sociale ou économique. Le rêve démocratique devient cauchemar totalitaire même si l’ampleur de la répression – souvent féroce contre les opposants, les esprits libres ou les homosexuels – n’atteint jamais les horreurs du système stalinien ; même si l’humeur bénévolente et joyeuse de tant de Cubains compense la tristesse communiste » Ah, la fameuse « tristesse communiste »... Mieux vaut entendre ça que de s'appeler Joffrin. Pour le reste, parler d'émigration massive à propos de Cuba est faux ; le pays est neuvième (par rapport à sa population) dans le classement des pays d'immigration vers les États-Unis. Cette immigration en outre, est largement encouragée par le pays voisin, qui accorde exceptionnellement la nationalité américaine à tout cubain venu sur son sol après 59 ; de plus, s'il se déclare immigré politique, une aide lui sera accordée pour accéder à un logement. Un telle mesure a de quoi rendre les États-Unis attractif pour bon nombres de cubains (d'autant plus que le pays est juste en face, et que le gouvernement, désormais, ne retient personne), mais pourtant la plupart demeurent sur l'île.
Quant à parler de cauchemar totalitaire.... à quoi monsieur Joffrin faisait-il allusion ? La répression des intellectuels ? Après des heures effectivement noires, qui remontent à des décennies (les années 70[2], le point culminant étant le triste exode de Mariel, en 1980), des écrits comme ceux de Reinaldo Arenas[3] sont aujourd’hui disponibles dans les libraires (bon, ça doit certes être un peu galère à trouver) ; et l’île demeure un haut lieu de créativité artistique, notamment dans les domaines de la littérature et de la musique : c'est, entre autres, le pays de Leonardo Padura[4] et du groupe de hip-hop Orishas, qui a été reçu par Castro. La situation des homosexuels ? Un temps dramatique (comme du reste dans tout le continent latino-américain), elle aussi fait désormais partie du passé, du moins en ce qui concerne le gouvernement ; les relations homosexuelles sont légales (depuis 1979 ; en France, depuis 82), la question du mariage civil est en train de se poser et, dans un autre domaine, le changement de sexe est libre et gratuit ; une Gay Pride a eu lieu cette année à La Havane (la première s'est déroulé en 2011), ayant à sa tête Mariela Castro, la nièce de Fidel. L'existence de prisonniers politiques ? Amnesty International en compte 70, d'autres 300 ; tous le sont pour « complot, haute trahison et intelligence avec l'ennemi », un crime qui dans n'importe que pays est lourdement condamné (par exemple, Snowden et Assange sont passibles de la peine de mort) ; de plus, sachant que les USA continuent à lourdement subventionner des opposants aux méthodes terroristes (qui ont causé de nombreux morts), la culpabilité de ces « prisonniers politiques » n'est pas forcément en doute. Les observateurs internationaux s'accordent à reconnaître que la torture n'est pas pratiquée à Cuba, où les conditions de détentions de semblent pas contraires aux droits de l'homme, et le taux d'incarcération de l'île (autour de 190 ; la moyenne en Europe tourne entre 100 et 150) est très inférieur à celui des USA (autour de 800), qui comptent par ailleurs à Guantanamo un nombre très important de « prisonniers politiques » dont la culpabilité n'est pas avérée mais dont tout le monde se fout. La peine de mort est hélas toujours légale, mais très peu pratiquée -trois exécutions depuis le début des années 2000. La liberté de la presse ? Elle est effectivement douteuse, mais à quoi s'attendre d'autre dans un pays en guerre ? De plus, aucun journaliste ne peut être tué ou emprisonné à Cuba, contrairement à ce qui s'observe dans de nombreux pays latino-américain prétenduement plus "démocratiques". Et ne parlons pas du fait que des élections ont lieu très régulièrement sur l’île, et que rien n'indique qu'elles soient truquées ou encore que des manifestations d'opposition ont lieu sans être le moins du monde réprimées ; tout ça n'importe guère ; Castro était un immonde dictateur, il est mort, réjouissons-nous. Ne prêtons pas attention à ces idiots qui, comme M. Ramonet, professent : « N’en déplaise à Washington, la plupart des Cubains ne veulent pas perdre certains avantages que le socialisme leur a offerts : éducation gratuite y compris dans le supérieur ; couverture médicale universelle ; plein emploi ; logement gratuit ; eau, électricité et téléphone quasi gratuits ; et une existence paisible, en sécurité, avec peu de délinquances dans un pays en paix »[5].
Quant à moi, je préfère relire la très belle chronique politico-gastronomique que Manuel Vazquez Montalban a consacré à Castro et à Cuba, il y a longtemps maintenant ; intitulée Les recettes de M. Fidel Castro, elle se conclut par ces mots : « L’histoire contemporaine ne leur ayant pas fourni l’occasion de faire leur propre révolution, beaucoup d’Européens considèrent la révolution cubaine comme leur révolution adoptive. Elle leur promettait, il y a quarante ans, un nouveau printemps des peuples. Et c’est avec nostalgie que ces admirateurs d’antan contemplent aujourd’hui l’automne du patriarche... » Ou encore , à ce beau poème de Guevara, qu'a lu au Nervio Popular Wen, la colombienne aux yeux bleus, accompagnée par Edu à la contrebasse, devant une assemblée émue par sa prestation, quelques jours après la mort de Castro :
Vámonos
Ardiente profeta de la aurora
Por recónditos senderos inalámbricos
a liberar al verde caimán que tanto amas.
Vámonos,
derrotando afrentas con la frente
plena de martianas estrellas insurrectas,
juremos lograr el triunfo o encontrar la muerte.
Cuando suene el primer disparo y se despierte
en virginal asombro la manigua entera
allí a tu lado, seremos combatientes,
nos tendrás.
Cuando tu voz derrame hacia los cuatro vientos
reforma agraria, justicia, pan, libertad
allí, a tu lado, con idéntico acento,
nos tendrás.
Y cuando llegue el final de la jornada
la sanitaria operación contra el tirano
allí, a tu lado, aguantando la postrera batalla,
nos tendrás.
El día que la fiera se lama el flanco herido
donde el dardo nacionalizador le dé,
allí, a tu lado, con el corazón altivo,
nos tendrás.
No pienses que puedan menguar nuestra entereza
las decoradas pulgas armadas de regalos
pedimos un fusil, sus balas y una peña.
Nada más.
Y si en nuestro camino se interpone el hierro,
pedimos un sudario de cubanas lágrimas
para que se cubran los guerrilleros huesos
en el tránsito a la historia americana.
Nada más.
M.D.
P.S. : je précise que, pour ce qui est de Cuba, l'idée pour moi n'est pas, bien sûr, de la présenter comme une merveille démocratique qu'elle n'est pas, mais d'être en mesure d'en brosser un portrait plus nuancé -ce qui est normalement le job d'un journaliste.
[1]Pour plus de détail, cet article d'Acrimed : Renoncements et bricolages : une proposition de loi cosm’éthique sur les médias par Denis Souchon et Henri Maler, Jeudi 25 février 2016
[2] https://wiki.laquadrature.net/%C3%89tat_urgence/Recensement
[3] Maurice Lemoine, Poker Menteur en Équateur, 31 janvier 2000, les Blogs du Diplo
[4]Même si, du reste, ils ne furent pas les seuls ; de nombreuses personnes, semble-t-il, se firent berner par celui qui fut initialement pris pour une sorte de « non-aligné ». Même le Monde diplomatique, sous la plume de Marc Saint-Upéry (par ailleurs abruti notoire, auteur de billets anti-chavistes pour Le Monde et marié à la très conservatrice directrice d'El Universo), avait à l'époque salué l'élection de ce « rebelle »...
[5]J'y ai consacré un reportage, indisponible à la lecture à moins de me connaître.
[6]Intitulé : En Amérique Latine, l'ère des coups d’États en douce, cet article revient sur les nombreux Golpe qu'on eu à essuyer les gouvernements progressifs du continent : Venezuela en 2002, Haïti en 2004, Bolivie en 2008, Honduras en 2009, Équateur en 2010 et Paraguay en 2012. Trois présidents ont été renversés, Jean-Bertrand Aristide en Haïti, Manuel Zelaya au Honduras et Fernando Lugo au Paraguay ; Dilma Roussef a elle aussi été chassée du pouvoir par la droite sous des prétextes fallacieux. Tout ceci dans l'indifférence générale ou, pire, avec l'approbation de certains médias occidentaux.
[7]Le site Reporterre a consacré un article très critique, mais bien informé, à ce propos, auquel je renvoie pour de plus amples informations : ONG sous pressions, départ du premier ministre de l'écologie, tout y est présenté. Pour nuancer un tant soit peu le contenu de cet article cependant, je ne résiste pas à citer cette remarque de Maurice Lemoine à propos de la Bolivie : « Peu courant à l’époque du néolibéralisme sauvage, curieusement apparu depuis que des gouvernements progressistes mettent les rentrées financières issues de cette extraction au service de la réduction de la pauvreté, le terme « extractivisme » est utilisé, essentiellement dans les milieux universitaires ou écologistes, pour désigner et surtout dénoncer l’exploitation des ressources minières, gazières et pétrolières. Or, si nul ne peut nier l’importance, la pertinence et la nécessité de la réflexion à l’heure du réchauffement de la planète et de son épuisement, force est de constater que ce thème, trop souvent traité sous l’angle du « tout ou rien », du « on arrête tout du jour au lendemain », fait l’objet d’un engouement béat, voire d’une évidente instrumentalisation ». Ce thème de l'extractivisme est dans les faits très compliqué à traiter.
[8] Ainsi, dans les provinces de Guayas, Los Rios, Manabi et Esmeraldas, 12'000 hectares de terres ont-elles été attribuées à près de 2000 familles, dans le cadre d'un plan visant à exproprier des terrains inutilisés depuis plus de deux ans. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a exproprié 130'000 hectares, ayant affirmé en 2007 que toutes les "terres non productives ou mal cultivées" allaient être redistribuées. Aujourd'hui, je crois que le processus est plus ou moins à l'arrêt, hélas.
[9]Et pour un tableau complet, je renvoie à cette excellente note de blog, dont je tire les informations qui suivent : http://blog.kilobug.org/index.php
[10]Moment de « l'affaire Padilla » et de la mise au rencart de Cabrera Infante, Virgilio Pinera, Rodriguez Feo, José Lezama Lima, Anton Arrufat, Walterio Carbonell et Pablo Armando Fernandez.
[11]Même s'il faut souligner que le roman-phare de ce dernier, sensément autobiographique, Avant la nuit, soulève des interrogations quant à la véracités de faits présentés. Arenas, qui était un grand écrivain, était aussi très sujet à l'exagération. De nombreux militants LGBT aujourd'hui, récusent sa vision apocalyptique de l'homosexualité à Cuba.
[12]Lire cet entretien, publié par la revue Contretemps : L'homme qui aimait le sarcasme, entretien avec Leonardo Padura, Mario Antonio Santucho, 2 octobre 2014, disponible en ligne. On peut notamment y lire ceci : « L’œuvre des écrivains contemporains [cubains] est souvent critique de l’État, du gouvernement, du système, mais cela fait partie du jeu démocratique et de la nature de la culture. C’est peut-être pour cette raison qu’il n’y a pas eu de réponse agréable ou intelligente de la part de l’État cubain en ce qui concerne la promotion de ces écrivains. C’est vrai que nous jouissons aujourd’hui à Cuba d’un espace de liberté pour nous exprimer et publier que nous n’aurions pas eu dans les années 1970 ».
[13]Ignacio Ramonet, Fidel Castro sur le front du quatrième pouvoir, 25 février 2008, les Blogs du Diplo