Depuis le début de cette aberration écologique, intellectuelle et spatiale qu’est la Macronie, soyons honnêtes, nous avons été très calmes. En comparaison de la frénésie de caniche psychopathe de l’autre bidule présidentiel jupitérien, je dirais même que nous avons été de notre côté d’un calme olympien. Alors certes, aujourd’hui, l’individu encostumé et susnommé vit sous vide en régime confiné et ne peux plus se déplacer sans l’équivalent des effectifs complets de l’armée d’un pays du tiers-monde, si bien qu’on se demande désormais, comme l’a dit je ne sais plus qui je ne sais plus où, si c’est un président ou un colis suspect, mais le constat demeure : malgré tout ce qu’il nous a fait subir, il est encore là.
Et la petite bande de robots-rebuts fanatisés qu’il a porté au-dessus de nos têtes continue à allègrement se foutre de notre gueule, avec une audace qui leur vaudrait une paire de claque dans n’importe quel autre endroit que le Metavers tordu où ils se sont isolés. Pendant que leurs flics nous tapent et que leur décrets nous affament, et pendant que leur gourou se lève au milieu de la nuit (1) dans son pyjama Mickey en pilou pour promulguer sa contre-réforme antisociale, eux ils nous piétinent et nous mentent comme des arracheurs de corne de rhino.
Mathieu Lefèvre, illustre anonyme de la minorité présidentielle : « Faut-il que nos impôts continuent à financer une association comme la Ligue des droits de l’homme qui milite pour le port d’arme par destination dans une manifestation interdite, au risque de blesser des gendarmes ? Oui, Gérald Darmanin a raison, la question se pose ». Ben oui, tiens, et il faudra aussi réfléchir à dissoudre l’ONU et la Cour européenne des droits de l’homme, c’est d’ailleurs à se demander si nous avons besoin de tous ces droits, car ce qui est agaçant avec ces tristes humains que nous sommes, c’est que quand on nous file des droits, nous avons toujours cette pathétique et sotte tendance à vouloir les utiliser.
« On attend peut-être trop du président de la République », déclare de son côté Yaël Braun-Pivet , la présidente de l'Assemblée nationale, ajoutant : « chacun à une responsabilité dans la gestion du pays aujourd'hui, pas uniquement Emmanuel Macron et la majorité présidentielle ». Sauf que ça fait dès années maintenant justement que le reste du pays demande à récupérer la gestion du bouzin pour cause d’incompétence et de folie furieuse de la direction, et la seule réaction pour le moment a été des coups de matraque dans la bouche, des canons à eau et un solide assaisonnement de quelques tonnes de gaz. Et la seule chose qu’on attend du président, madame Braun-Pivet, c’est qu’il nous foute la paix et qu’il se casse.
« Les manifestants ne subissent pas de violences », et d’ailleurs « la réponse de la police est toujours proportionnée », a quant à lui expliqué Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, invité de Touche pas à mon poste entre deux interventions de néo-nazis cagoulés. A ce degré d’égarement dans le cosmos intersidéral du multivers des réalités alternatives, soit le bonhomme doit être destitué pour outrage à la mémoire des mutilé·e·s et des interpellé·e·s arbitrairement, soit il croit à ses mythos et doit donc être rangé dans la même case que les adeptes du grand complot reptilien pour livrer ses doses d’adrénochrome à Céline Dion.
Non, la palme revient bien évidemment au potentiel futur premier ministre (envie de caner à cette seule idée), Gérald Darmanin, l'agent-immobilier-forceur de Tourcoing, qui a en quelques jours atomisé le game (si bien que même le Conseil d’État a dû qualifier un de ses propos d’« erroné ») en affirmant coup sur coup : « Non, les forces de l’ordre n’ont pas empêché les secours d’intervenir. C’est les gendarmes et les secours qui ont été empêchés d’intervenir par certains casseurs » et : « Non, les gendarmes n’ont pas lancé de LBD en quad. Seules des grenades lacrymogènes ont été tirées. Non, aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre à Sainte-Soline », même Orwell est en PLS.
Cet océan putride et pollué de mensonges éhontés, tout ça pour couvrir le fait qu’ils nous blessent, nous traînent au sol, nous lacrymogènent, nous matraquent, nous gardent-à-vue, nous comparaissent-immédiatement, nous chargent, nous nassent, nous fichent-S, nous grenadent, nous font taire, nous volent, nous violent, nous insultent, nous tuent, nous amputent, nous incarcèrent. Cela fait dès années désormais que l’on se demande à quel moment nous aurons quitté les radieux rivages de la démocratie ; s’il ne vous est pas possible aujourd’hui de constater que le cap a été amplement franchi, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
Comme l’a écrit ma chère et toujours affutée Corinne Morel Darleux (que j’ai eu le bonheur de croiser à la soirée de soutien au Soulèvement de la terre mercredi soir dernier à Paris) dans un récent billet pour Reporterre, « Quand tous les recours ont été épuisés, quand les scientifiques ne sont pas écoutés, quand nos jeunes se font arrêter, quand les camarades se font mutiler, quand la loi n’est plus respectée par les représentants de l’État, quand on ordonne aux services d’urgence de trier entre les blessés, il serait criminel de rester les bras croisés ». Et de faire ce constat : « Mais nous nous épuisons. Je vois mes amies, mes proches, toutes et tous abasourdis, épuisés, moroses, inquiets, même les plus aguerris ».
Et oui faut bien avouer que oui, la fatigue guette. Au matin parfois, quand résonnent les nouvelles toutes plus avariées de la radio, la dépression montre sa sale gueule, aussi disgracieuse que le duvet de moustache de Darmanin, et on se se dit que tout est foutu…
Cependant, il y a le reste aussi. Il y a tout ce que nous avons déjà gagné. Depuis quelques mois, nous avons retrouvé la joie des manifestations festives de masses ; des piquets de grève au petit matin ; des émeutes sauvages du soir ; j’ai retrouvé, comme si j’avais soudainement rajeuni, l’émotion tendre des blocages de la fac, aux côtés de jeunes « véners et révolutionnaires », comme on dit ; des chants, des danses ; et de se dire que malgré la violence des ordures de « l’en-haut », on se serre les coudes et on est bien dans « l’en-bas ».
Corinne conclut ainsi son article : « Il faut tenir, nous devons durer. Or si nous n’avons jamais été aussi forts, nous n’avons jamais été aussi exposés. Ne nous brûlons pas les ailes, relayons-nous aux postes les plus exposés, prenons soin les uns des autres, alimentons les caisses de solidarité et n’attendons rien que de nous-mêmes. Il reste de la beauté à préserver et des horizons à construire. Nous devons tenir bon ».
Elle a bien raison. Il est bien normal aujourd’hui de perdre son calme, de n’en plus pouvoir, d’être au borde de péter les plombs. Mais il faut « tenir bon » et, pour ce faire, « prendre soin de nous ». Nous enlacer dans les manifs ; nous câliner dans les cortèges de tête. Nous préparer au fascisme qui vient, et à celui déjà-là, en nous préservant les un·e·s les autres. Tout en montant nos barricades, tissons aussi des cocons. Et gardons absolument une chose en tête : il va falloir qu’ils craquent avant nous.
A ce soir 20h dans la rue,
Mačko Dràgàn
Journaliste punk-à-chat-pas-fatigué à Mouais, mensuel dubitatif d’excellente tenue, abonnez-vous : https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/boutiques/abonnement-a-mouais
(1) Enfin, visiblement entre 17h30 et 23h56 le vendredi 14 avril…

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