Et bien voilà, la semaine dernière, le sketch de 2017 a été rejoué à l’identique et à la perfection, même condescendance grand-bourgeoise du petit prodige du CAC40 et de sa belle bande de rigolos encostumés, même mépris de la « gauche » intellectuelle friquée à l’encontre des vilains abstentionnistes responsables de la ruine de cette démocratie française-cocorico pourtant à leurs yeux irréprochable et que le monde très certainement nous envie, et même enflade écœurante d’un vote facho bien aise d’avoir été généreusement arrosé cinq années durant par le capitalisme militarisé triomphant, à grands jets de blanquerades et de darmanite. Résultat, comme l’a joliment formulé Waly Dia, nous nous sommes retrouvé à devoir choisir entre « se brosser les dents à l’Opinel ou chier des oursins ».
Je n’aurai pas la bêtise de demander au monarque renouvelé un peu d’humilité devant le fait que 17 millions de Français se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul, et qu’il n’a en fait recueilli que 38% des votes, auquel il faut enlever une bonne moitié de vote barrage, ce qui nous donne 15 à 20 % de radicalisés ayant soutenu sa volonté de nous appauvrir encore plus, je sais bien qu’il s’en fout, que ça ne « l’oblige » à rien du tout et qu’il y accorde autant de considération qu’à la vingtaine d’appels manqués de Manuel Valls qui s’affichent sur son portable depuis dimanche soir.
D’ailleurs cette soirée-là à Paris, pendant que côté cour ça se trémousse, ça danse, ça s’auto-congratule, ça se pince-fesse, ça s’indécence, le tout dégageant autant de fun qu’une soirée Tourtel-Twist chez les moines cisterciens, côté jardin, déjà, vers République et Bastille, ça gaze, ça disperse, ça charge, ça ventile, ça bavure, et ça nous donne la couleur mélange brun-bleu-roi, parfum lacrymo, du quinquennat à venir.
Bref, en un mot comme en cent : youpi. Nous les pauvres, les précaires, les dominées, les exploités, nous voilà bien joie d’être reparties pour cinq ans de casse sociale, de répression, de paupérisation, de marginalisation, de lits manquants à l’hôpital, de professeurs en burn-out, de tente d’exilés lacérées, de mères de familles célibataires travaillant toute la nuit pour payer l’étudiante dépressive qui garde ses enfants la nuit pendant qu’elle travaille, de sans-abris crevant de froid à deux pas de logements vides, de multinationales goudronnant nos terres agricoles tout en défiscalisant les revenus de leur pollution, et nous, comme diraient les Têtes Raides, on tire de drôles de tête, à faire pleurer les chats.
Et tout ça, à cause d’une petite clique possédante fidèlement secondée dans les urnes par son électorat en pantoufles. Des dominants qui en plus se payent le luxe d’être d’une indigence intellectuelle absolument stupéfiante, si bien qu’il faut bien se résoudre à le reconnaitre : nous vivons dans une idiocratie.
Car je me dois de faire une sorte de mea culpa par rapport à mon précédent billet, titré « le roi des cons ». En l’occurrence, le roi est ici bien plus cons que ses sujets. Le macronisme, pur produit de la pensée école-de-commerce, est bête à manger du foin, il suffit qu’un ministre ouvre la bouche deux secondes pour s’en rendre compte. Comme le signale Emmanuel Todd (souvent pertinent, sauf quand il parle de féminisme) dans un numéro Socialter justement consacré à cette « idiocratie », « j’ai trouvé en Bretagne le concept qui correspond parfaitement aux écoles de commerce : elles sont l’algue verte qui couvre le rocher universitaire de la société française. Grâce à elles, le taux de crétins diplômés de ne cesse d’augmenter. » Crétins diplômés voués à nous gouverner.
Les classes supérieures françaises, « l’élite » de notre nation, ont massivement voté pour Macron et Zemmour, soit les deux faces de la connerie dominante contemporaine. Comme l’a révélé le Bondy Blog dans une passionnante et effarante enquête sur la « radicalisation de la bourgeoise : le vote extrême dans les quartiers riches », le petit chroniqueur pétainiste a recueilli « 13,92 % dans le 7e, 15,32 % dans le 8e. Les villes riches des Hauts-de-Seine lui ont aussi offert des votes conséquents. C’est le cas à Neuilly-sur-Seine où il réalise 18,75 % mais aussi dans le fief de Valérie Pécresse, à Versailles (Yvelines), où il se place en deuxième position derrière Macron avec 18,48 %. »
Zemmour, Macron, le petit sénile et le grand con : deux façons pour les dominants d’exprimer leur radicalisation dans la bêtise. Chez Zemmour, dans la haine même pas dissimulée de tout ce qui ne leur ressemble pas, en mode physio de boite refoulant à l’entrée les femmes, les noirs, les basanés, les homos, les gouines, les trans, les pauvres, en gros 90% de l’humanité. Chez Macron, à travers un langage managérial appauvri, une pratique du « consulting » qui n’est en tout état de cause qu’une ruineuse délégation d’incompétence, et un discours public se contentant d’annoner ad nauseam des slogans creux sur le vivre-ensemble-mieux-que-ce-qui-nous-désunit et le travail-qui-rend-libre, sans même réaliser que ce dernier renvoie à des heures pas vraiment glorieuses. Voilà ceux qui nous dirigent, -je dirais même : nous séquestrent. Ce sont des ânes.
Face à l’enfer qui vient, il va donc falloir commencer à sérieusement s’auto-organiser à la base, et à prendre conscience que nous, la vile populace ouvertement moquée par le bourge hautain qui nous sert de président, nous sommes en fait bien plus intelligents que les buses au-dessus de nous (qui ne manqueront pas de me traiter de « démago », et que j’emmerde très sobrement et cordialement).
Ça commencera bien sûr aux législatives, où la percée d’un vote tourné vers un programme fondé sur l’entraide, l’écologie, la justice sociale, la répartition des richesses, ce qu’on appelle le bon sens, sera espérons-le confirmée, notamment grâce aux personnalité diverses qui composent le parlement de l’Union Populaire, et des candidatures comme celle de Taha Bouhafs à Vénissieux. Sachant que, comme l’a rapporté Mediapart dans un article sur « la stratégie gagnante de Mélenchon dans les villes et les quartiers populaires », l’Union Populaire a réalisé de très bon scores à « La Courneuve (64 %), Saint-Denis (61 %), Stains (60 %), Sevran (54 %) ou Saint-Ouen (51 %). Et réalise également une OPA sur les collectivités tenues par le PCF, comme à Bobigny (Seine-Saint-Denis), pourtant reconquise par un maire communiste en 2020, où il inflige une défaite cinglante au candidat communiste (60 % pour LFI contre 2,2 pour le PCF) ». Le vote pour l’Avenir en commun a donc été aussi un vote populaire, ce qui est plus qu’encourageant, et peut laisser présager d’une réinscription de la pensée de gauche dans les classes dominées, comme cela avait été le cas pour le communisme à une époque lointaine.
Et il faut également, en parallèle, pour contrecarrer l’idiocratie, tout faire pour encourager la libération des forces créatives populaire. Tant que nous parviendrons à nous aménager des espaces de liberté au sein de l’épuisant quotidien capitaliste, notamment grâce aux aides sociales tant qu’il y en a, utilisons-le pour subvertir leur monde abruti
Bon, c’est pas gagné, comme en témoigne la petite anecdote que je brûle de vous narrer en conclusion. Il y a quelques jours, le regard empli de rêves bleus indéchiffrables, je marche d’un pas guilleret vers la mairie annexe de Saint-Roch, où je tente désespérément depuis deux mois d’obtenir un nouveau passeport où arborer fièrement ma tête de délinquant roumano-gauchiste, ce qui nécessite semble-t-il, pour une préfecture tatillonne, peut-être rendue légitimement méfiante par mon patronyme balkanisant, une copie de mon acte de naissance, une attestation d’hébergement, un scan des papiers d’identité de ma logeuse, diverses factures, et sans doute prochainement un test PCR négatif, un check-up sanguin complet, et une certification de vaccination à toutes les hépatites existantes. Mais qu’importe, me dis-je plein d’optimisme, ces tracasseries ne m’empêcheront pas de mener à bien la trépidante aventure de ma vie, contre vents et marées.
C’est alors que je reçois un message d’un monsieur que nous appellerons Gérard, pour la simple et bonne raison qu’il s’appelle comme ça, qui travaille pour le département et qui me demande de le rappeler au plus vite, ce que je fais dans l’instant. Gérard me demande si je suis toujours au RSA, je lui réponds que oui, et si je suis toujours à la recherche d’un emploi, ce à quoi la seule réponse envisageable est oui, donc je marmonne « oui ». Coup de bol, plot twist, il a un boulot pour moi, me dit-il, un CDD de neuf mois (impressionnant !) payé au SMIC (étourdissant !) : Gérard me propose ni plus ni moins que d’aller travailler au… au « beugaquin », je lui demande pardon, il me répète « beugaquin », je redemande pardon, et ce quatre fois de suite, avant de comprendre, et de m’écrier : « Ah ! BURGER KING ?! ». S’ensuit de ma part un silence consterné.
Gérard, tout content : -Alors ? Qu’en dites-vous ? Moi, après un moment d’hésitation qui aura vu beaucoup d’insultes défiler dans ma tête : -Vous savez, je suis de gauche et végétarien, je sais pas si je suis la personne la plus désignée, et c’est une offre qui ne me parait pas oufement tentante de toute façon. Et lui de m’expliquer tous les avantages que j’en tirerai, avant de conclure que de toute façon, lui, son boulot, c’est de proposer des choses pour « sortir au plus vite du RSA », point barre. Après lui avoir mentionné qu’un boulot comme ça, il est bien gentil, mais je peux très bien le trouver tout seul, je vais au cœur du sujet : « Est-ce que j’ai vraiment le choix ? » Et Gérard de me répondre qu’il travaille pour une association loi 1901 mandatée par le département, et que si la CAF me coupe les vivres, en gros, c’est ni sa faute, ni son problème. Sentant ma patience en fond de stock, je lui dit que je vais prendre le joker pour cette fois, et décliner la proposition, je le salue, et raccroche.
Je n’ai pas droit de refuser trop d’offres. Donc si jamais vous voyez que je n’écris plus sur ce blog, rassurez-vous, ce n’est pas que je boude, c’est tout simplement que je suis en train de faire cuire des nuggets de poussins broyés à MacDonald. La Macronie est décidément une contrée fascinante, riche en opportunités diverses.
Mais rien n’est perdu. Par nos luttes, nous le peuple, nous allons continuer à faire en sorte d’avoir de ce qui nous est dû, la libération des contraintes matérielles imposées par les dominants, seule à même de nous permettre de vivre, de jouer, de créer, et ce jour-là, comme me l’a dit récemment le vidéaste Bolchegeek dans un entretien à paraitre le mois prochain dans Mouais, abonnez-vous, « je reste persuadé qu'on aura une effervescence, un genre de Renaissance mais populaire. On aura plus d'Alan Moore [écrivain et auteur de comics prolo américain] et moins de bouquins médiocres de petits bourgeois qui s'ennuient ou de productions purement dirigées par des études de marché. »
Moins de connerie, donc. On a bien hâte. Ça nous changera du bal des couillons qui est reparti pour cinq ans.
Salutations libertaires,
Mačko Dràgàn
Je vais me répéter mais ABONNEZ-VOUS à Mouais le ciel vous le rendra très certainement : https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/paiements/abonnement-mouais

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