Cet article a été précédemment publié sur le journal en ligne L'oeil de l'exilé : http://www.loeildelexile.org/arabie-saoudite-la-princesse-lamia-al-saud-entre-tradition-et-modernite/
Invitée dans le cadre de la 3e édition du Festival du Monde, la princesse Lamia Al Saud d’Arabie Saoudite s’est livrée à la mi-septembre à une conversation avec le public, animée par le journaliste Christophe Ayad. Le studio était plein pour la secrétaire générale de la Fondation Alwaleed, organisation non-gouvernementale mal connue qui s’occupe d’actions caritatives diverses dans le pays. L’occasion de revenir ainsi sur les activités de la Fondation mais également sur la question très périlleuse des droits des femmes en Arabie Saoudite.
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« Des progrès en matière de droits des femmes »
Le journaliste Christophe Ayad introduit la question des droits des femmes par la problématique de la conduite des femmes en Arabie Saoudite. « C’est un obstacle dont nous nous accommodons pour le moment » répond la princesse. « Oui la voiture est importante, mais c’est plus important pour nous d’arriver à quelque chose avec nos diplômes qu’avec notre voiture ».
Lamia Al Saud explique que s’il est effectivement vrai qu’il est très difficile pour les femmes en Arabie Saoudite d’avoir une liberté de mouvement, « des progrès en matière de droits des femmes » ont été néanmoins réalisés. Par exemple, 56 % des étudiants aujourd’hui à l’université sont des filles et l’âge du mariage a reculé pour arriver à une moyenne de 25-26 ans. « Avant personne ne nous prenait au sérieux, ce n’est plus le cas, nous avons un rôle important aujourd’hui. Quand j’étais adolescente on ne comprenait pas pourquoi les femmes devaient avoir accès à l’enseignement supérieur. Aujourd’hui nous avons des architectes, des avocates… ». La princesse raconte ainsi qu’après le décès de son père, sa mère est retournée à l’université du Caire et que la petite fille de 13 ans à l’époque l’accompagnait à tous ses cours. « Si vous avez un rêve, il faut vraiment lutter. Le diplôme n’a pas été une option pour moi mais nécessaire ».
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Du temps pour changer les mentalités
L’Arabie est un pays jeune qui a moins de 100 ans. « Il faut du temps pour changer les mentalités. L’honneur c’est ce qui mène toutes les tribus et la communauté saoudienne est beaucoup plus fondée sur la tradition que sur la religion ».
Que penser alors des nombreuses campagnes d’opinion réalisées à l’étranger sur la condition féminine ? « Vous savez les médias ne regardent que les points négatifs et cela m’attriste. Néanmoins, je pense qu’il est nécessaire de faire ces campagnes mais malheureusement, nous femmes saoudiennes, n’avons pas appris à comprendre l’intérêt des médias ». La question de la mixité sur le marché du travail a également été abordée. « En réalité, l’environnement au travail est beaucoup plus mélangé » mais encore une fois, pas de comparaison possible car « ce n’est pas la même mixité que chez vous. Nous avons nos propres critères, notre propre style ». Les femmes et les hommes peuvent donc cohabiter dans le même étage mais pas dans le même bureau.
Immigration, burkini et Raif Badawi
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« L’islam n’oblige en rien à le porter. Le fait de couvrir son visage peut être un problème pour reconnaître les identités donc si c’est interdit, nous devons le respecter ».
Il est bientôt l’heure, juste le temps de prendre une dernière question. Elle sera sur Raif Badawi, ce bloggeur saoudien, très soutenu par la communauté internationale. Applaudissements dans la salle. Accusé d’apostasie et d’insulte à l’islam, il est emprisonné depuis juin 2012. Il a été condamné à 1000 coups de fouet et dix années de prison. La princesse avouera alors n’avoir « pas du tout connaissance de ce cas » et « n’en avoir jamais entendu parler ».