Par Diane HAKIZIMANA
La Commission électorale burundaise a proclamé vendredi 24 juillet les résultats de l’élection présidentielle de mardi 21 juillet. Pierre Nkurunziza est réélu président pour un troisième mandat avec plus de 69 % des voix. Derrière lui, avec 18,99 %, son principal opposant Agathon Rwasa. 50% de plus que son opposant, avec les 77 sur 100 députés issus du parti présidentiel, CNDD-FDD. Ajoutez à cela, un sénat constitué de plus de 80 % par les membres du CNDD-FDD. Les sénateurs étant élus au suffrage indirect par l’ensemble des conseillers communaux, les résultats étaient sans surprise puisque le CNDD-FDD a remporté la majorité des conseillers communaux le 29 juin dernier. Il n’y a pas plus réconfortant pour un gouvernant à l’instar du président Pierre Nkurunziza. Mais à quel prix ?

Elections au Burundi (Source: soleilfmbenin.com)
Cet article est tiré de « L'œil de l'exilé »: http://www.loeildelexile.org/burundi-vive-pierre-vive-nkurunziza/
« Imaginez un sénat constitué à plus 80 % de membres d’un seul parti, c’est un retour vers les années 1970, une époque que les Burundais pensaient révolue » s’est indigné Sylvestre Ntibantunganya, ancien chef d’Etat du Burundi au lendemain du dernier scrutin du processus électoral qui s’est déroulé au Burundi. Ce dernier, dénoncé tant par la communauté nationale qu’internationale, s’est vu piégé par la candidature de Nkurunziza pour un troisième mandat, décrié fortement par la société civile burundaise ainsi que par les partis politiques de l’opposition, qui le qualifiaient d’anticonstitutionnel.
De ce fait, les « antis 3e mandat » de Pierre Nkurunziza se sont retirés de ce processus dès le départ, c’est -à- dire après l’annonce de Nkurunziza de se représenter pour la troisieme fois au mois d’avril dernier. Et n’oublions pas le caractère violent qui s’en est suivi.
Les efforts de la communauté internationale, à travers la communauté régionale, a par ailleurs organisé deux sommets sur le Burundi et a désigné un médiateur dans cette crise en la personne de Yoweri Museveni, président de l’Ouganda en vue de rapprocher les deux camps (pros et antis 3e mandat).
« En dépit de tous les efforts de la communauté internationale, du président Museveni, de l’Union africaine, les progrès sont insuffisants. Et donc nous appelons à ce que le processus du dialogue reprenne. Nous estimons que seul ce dialogue national pourra aboutir à un consensus politique, faire en sorte que le Burundi retrouve la stabilité et surtout que les violences cessent(…) » a rapporté Catherine Ray, porte-parole du commissaire européen chargé de l’aide au développement.
Madame Ray a également annoncé que l’Union Européenne avait déjà commencé des travaux préparatoires pour des consultations spécifiques avec le Burundi, comme prévu dans les accords de Cotonou. Objectif : faire en sorte que le gouvernement prenne des engagements qui permettent de remédier à cette crise politique sans précédent, crise qui pourrait se solder par une guerre civile comme le Burundi en a déjà connue.
« Être président serait un suicide ».

Elections au Burundi (Source: un.org)
« On est très heureux d’avoir gagné haut la main cette élection. Et surtout de pouvoir passer maintenant à autre chose, plutôt que cette guéguerre politicienne : calendrier électoral, ajournement, etc. Maintenant tout le monde est content, c’est fini, on peut penser à autre chose. On va penser à la prestation de serment, à la formation du gouvernement et aussi aux projets socio-économiques du pays », a avancé Willy Nyamitwe, conseiller en communication de Pierre Nkurunziza, sur la RFI. Cet enthousiasme du conseiller en communication du président et directeur en communication de la campagne de CNDD-FDD ne semblait pas être partagé. Pour la mission d’observation régionale, le processus électoral au Burundi n’a pas réussi à atteindre les standards et les principes d’élections libres, justes, transparentes et crédibles, même si, selon elle, le déroulement de la présidentielle s’est passé dans « une paix relative ».
Face à toutes ces critiques, et celles de la communauté internationale Willy Nyamitwe, sous forme de reproche à l’égard de l’opposition burundaise, explique en ses termes : « Nous espérons que ces gens, ces organisations et nos partenaires, qui ont bâti leurs argumentaires sur des rapports qui sont biaisés, finiront par comprendre que ces élections étaient voulues par les Burundais ». Ce conseiller en communication de Nkurunziza affirme aussi que les relations entre Bujumbura et la communauté des Etats de l’Afrique de l’Est sont au beau fixe. « Qu’il y ait quelques personnes mal intentionnées qui veulent tout simplement attirer de l’ostracisme sur notre processus électoral… », a-t-il conclu.
L’opposition burundaise quant à elle parle de consécration du coup d’Etat contre la Constitution et l’accord d’Arusha qui est passé par ce hold-up électoral. « Nous n’avons pas à reconnaître ni les résultats ni les institutions qui en seront issues. Et nous allons continuer à demander à toute la communauté burundaise, régionale, continentale, internationale qu’ils ne reconnaissent pas ces élections, une véritable mascarade électorale » a affirmé l’un des hommes politiques de l’opposition burundaise. Jean Minani, qui était aussi porte-parole de l’opposition lors des négociations sous l’égide de la médiation ougandaise, estime qu’au regard de la situation qui prévaut actuellement au Burundi « être président serait un suicide. » Toutefois, L’ONU et l’UE ont appelé à relancer le dialogue politique qui a déjà été amorcé par la médiation ougandaise. Les optimistes croient encore à l’issue pacifique de ce conflit sociopolitique burundais au cas où les tractations reprennent et qu’il y ait des institutions publiques qui réunissent les deux camps antagonistes.
Les pessimistes de leur côté voient dans ce conflit une source de guerre civile, puisque des cas de violences et de représailles sont enregistrés presque chaque jour au Burundi. Espérons pour les Burundais qui vivent déjà dans une précarité remarquable que ce groupe des pessimistes n’a pas raison, et qu’il n’y aura pas la guerre au Burundi. Wait and See.