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Billet de blog 5 janvier 2025

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Politique 2025, demandez le programme !

Marine Le Pen est passée brutalement du semi-marathon au sprint. Elle joue la présidentielle anticipée, sans que l’on sache si elle est vraiment déterminée à aller jusqu’à la crise de régime pour pousser le Président de la République à la démission, ou si elle montre les dents pour peser sur la décision de la justice.

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Au soir des dernières législatives laissant derrière elles un Président de la République complètement cramé, la première question que se sont posés toutes les candidates et tous les candidats à une élection présidentielle à la campagne dès lors lancée, est celle du format de la course qu’ils allaient mener : un sprint, un demi-fond ou un semi-marathon ?

À l’entrée de l’automne, à l’exception des Insoumis, la gauche comme la droite n’ayant pas de candidat naturel qui s’impose, ont décidé qu’il valait mieux donner du temps au temps, et donc ne pas précipiter l’échéance de l’élection présidentielle en poussant le Président de la République à la démission. L’extrême-droite aussi temporisait. Leçons de son échec au second tour des législatives, alors qu’elle sortait d’un premier tour triomphal qui sonnait comme une promesse de conquête du pouvoir, ses priorités allaient à la consolidation de son programme économique et social, à la montée en compétence du parti et, accessoirement, à la sélection de ses futurs candidats, histoire d’éviter de se ridiculiser de nouveau avec des hurluberlus, dont on se demande encore comment ils ont pu être investis pour devenir député…  

À l’entrée de l'hiver, avec la menace d’une peine d’inéligibilité qui pèse depuis sur la cheffe de l’extrême-droite, la donne a changé. Verdict au printemps et en attendant, Marine Le Pen est passée brutalement du semi-marathon au sprint. Elle joue la présidentielle anticipée, sans que l’on sache si elle est vraiment déterminée à aller jusqu’à la crise de régime pour pousser le Président de la République à la démission, ou si elle montre les dents pour peser sur la décision de la justice. Son changement de type de course pourrait juste être une manoeuvre pour lever l’hypothèque judiciaire, un aléa tactique, une parenthèse, avant de revenir à sa stratégie initiale en cas de jugement qui lui serait favorable, ne rien précipiter pour mieux se préparer, afin d’être sûre de gagner en 2027. Voilà à quoi tient le calendrier électoral de la 7ème puissance mondiale.

Le printemps pour savoir si l’épée de Damoclès de l’inéligibilité s’abat sur Marine Le Pen, c’est dans une éternité pour le nouveau gouvernement. Il s’inscrit dans la même équation que le précédent, pas un paramètre n’a changé. Même en sortant un lapin du chapeau pour avoir une carotte à proposer à ses oppositions, comme une réforme du système électoral pour instaurer à un mode de scrutin à la proportionnelle, le Premier ministre a peu de chance de passer l’hiver, si ce n’est le mois de janvier.

Tant que le Rassemblement National et les Insoumis joueront la crise du régime, le sort de tout gouvernement dépendra de l’attitude des autres. L’entêtement du Président de la République à nommer des premiers ministres qui s’inscrivent dans la continuité de sa politique depuis 2017, alors qu’il a été durement sanctionné dans les urnes, ne saurait être éternel. Une fois le gouvernement Bayrou tombé, le Président pourrait encore, à la limite, rejouer une 3ème fois le même sketch pour le même résultat, mais il devra bien finir par se résoudre à nommer une ou un Premier ministre issu de la gauche démocratique ou des écologistes. Sauf à prendre le risque de se retrouver en première ligne, avec des manifestations monstres aux portes de l’Élysée pour lui siffler la fin de la récré.  Combien de temps pourrait tenir un gouvernement de gauche, soutenu par des Insoumis dont la stratégie présidentielle passe par sa chute la plus rapide possible ? Drôle d’attelage. Et quelle sera l’attitude du bloc central macroniste et de la droite ? À l’exception d’Edouard Philippe, qui est le seul confortablement installé dans les starting-blocks avec une réelle chance de gagner la présidentielle dans un sprint, les nombreux autres candidats putatifs auront intérêt à laisser sa chance à un gouvernement de gauche, partant du principe que chaque jour qui passe les rapproche du verdict sur l’inéligibilité de Marine Le Pen. Si celui-ci lui est clément, ils retrouveront de l’air pour avoir une chance de figurer dans une course redevenue un semi-marathon.

Si on est parti pour assister jusqu’au printemps à un bal de premiers ministres qui valsent, que va devenir le pays sans budget dans l’interlude ? Pour l’instant, ça tient. Il y a bien eu quelques coups de chaleur pendant les fêtes de fin d’année, comme avec l’apprentissage dernièrement, mais à chaque fois, professionnels du secteurs, partenaires sociaux, haut-fonctionnaires et politiques sont arrivés à bricoler une solution pour éviter de lourds dégâts. Avec de la créativité et de la bonne volonté collective dans l’intérêt de secteurs en urgence absolue, tels que l’agriculture, la santé et autres sinistrés, on peut parer au plus pressé un certain temps, avant que des mouvements sociaux d’envergure ne finissent par déplacer le débat dans la rue. En clair, pour le premier trimestre, on est dans une partie de poker menteur qui va jouer avec les nerfs de beaucoup de français. De fait, l’intérêt personnel de deux figures majeures de la classe politique suffit pour plonger le pays dans le alea jacta est, ainsi soit-il et on verra !

Tous ces calculs politiciens désespèrent. Non pas en soi, puisqu’ils font partie du jeu, mais par l’absence de projet politique qui les légitimerait. Si les Insoumis étaient porteurs d’une espérance fédératrice et novatrice, auraient-ils besoin de violenter leurs partenaires de la Nupes pour imposer leur stratégie, forcer Macron à la démission pour se retrouver dans un second tour d’élection présidentielle Le Pen contre Mélenchon ? Quelque soit le résultat, et après, puisqu’on ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale avant le mois de juillet ? Pourquoi changer de président de la République, si c’est pour qu’il ou elle se retrouve exactement dans la même situation que l’actuel, sans majorité parlementaire ? En gouvernant par ordonnance, dans le bruit, la fureur et le chaos ? Il faut que les lignes bougent, que d’une façon ou d’une autre, une nouvelle offre politique émerge, et vite. À priori, c’est le job de la gauche démocratique et des écologistes. S’ils ne le font pas, d’autres personnalités sorties de nulle part, clubs de réflexion ou mouvements citoyens, devront s’y mettre. À l’aube d’une année de 2025 qui se lève sur un monde en guerre, alors que les effets catastrophiques du changement climatique se font de plus en plus violemment sentir, il y a urgence !

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