Salut les enfants, ce n’est pas que je veuille vous inquiéter, mais si je dois vous dire de quitter Paris séance tenante, je veux que vous compreniez pourquoi, que vous ne tombiez pas des nues, et que vous vous exécutiez sans discuter.
Il s’est passé quelque chose d’extrême grave, qui s’inscrit dans une escalade verbale plus qu’inquiétante, où le mot qui nous terrifie revient en boucle, « nucléaire ».
L’armée russe n’a rien de trouvé de mieux à faire que de bombarder une centrale nucléaire ! Cerise sur le gâteau, elle a empêché pendant plusieurs heures les pompiers ukrainiens d’intervenir. On devine aisément la partition qui s’est jouée en coulisse. Européens et américains ont probablement fait passer le message aux russes qu’une catastrophe nucléaire type Tchernobyl bis repetita au coeur de l’Europe serait considérée comme un acte de guerre. Heureusement, les pompiers ont pu maîtriser l’incendie en à peine une heure, et que c’est un bâtiment administratif qui a été touché. Si cela avait été le réacteur ou une piscine de stockage de matériaux hautement radioactifs, les conséquences aurait été cataclysmiques pour la quasi totalité des pays membres de l’OTAN.
Bavure ? Incompétence ? Inconscience ? Bêtise ? Ou message politique avec une gradation de signaux faibles à claire menace ? Nul ne le sait. On présente souvent les russes comme des joueurs d’échec. Avec Poutine, nous avons à faire à un joueur de poker menteur, dont il est difficile de deviner la part de bluff, puisqu’il a surpris toute l’Europe par son imprévisibilité. Elle créé une incertitude propice au dérapage, qui peut vite tourner à l’engrenage. Dans la partie de bras-de-fer qui se joue, une chose est sûre. Si l’Europe cède à son chantage nucléaire, elle vivra à genoux avec un flingue atomique sur la tempe, ce sera « no limit » pour Poutine.
Au jeu du poker nucléaire, le carrefour stratégique qui nous mettra à la croisée de l’Histoire, c’est s’il donne l’ordre à son armée de balancer quelque part sur le théâtre d’opération une « bombinette » nucléaire tactique sur l’armée ukrainienne. Vu que le cran au-dessus, c’est la bombe nucléaire stratégique de destruction massive, que fera l’Europe ? Que se passera-t-il en Russie ? Manifestement, Poutine exerce le pouvoir en solitaire. En imaginant qu’il déraille, il y aura-t-il dans la mise en oeuvre de ce qui serait une folie, un grain de sable humain pour l’éviter ? Espérons-le, ayons confiance en l’humanité, après tout, en Russie, des femmes et des hommes courageux bravent la répression pour dire non à la guerre. Il y en aura bien qui seront bien placés pour saboter la mise en oeuvre d’une catastrophe nucléaire.
Mes enfants, je suis conscient que ce que je vous raconte est anxiogène. Aucun parent n’aime effrayer ses enfants, et s’il est amené à le faire, c’est pour les prévenir d’un danger, fais attention à ceci, à cela, ne fais pas comme-ci, mais comme-ça, etc. Quand il y a danger, mieux vaut être averti, c’est pourquoi je vous écris. Nous devons mobiliser nos cerveaux pour bien décrypter ce qui se joue en temps réel, savoir où sont les paliers de l’escalade possible, le carrefour de décision qui peut nous engager dans une voie funeste dans laquelle il n’y a pas de marche arrière. Pour l’instant, nous sommes encore très loin d’une escalade nucléaire, tout ce que j’ai écris avant cette ligne est pure conjecture. Et si une escalade dangereuse venait à se dessiner, elle engagera de multiples paramètres qui feront ce que sera une situation qu’il serait vain de vouloir analyser aujourd’hui, tant elle nous paraît inimaginable. On verra.
Ceci étant, nous devons avoir notre propre échelle de réaction familiale. D’abord, encore une fois, la vigilance, bien entendu. Au passage, merci ma grande fille de m’avoir posé cette question qui force à la réflexion, n’est-ce pas le charme des enfants que d’interroger les adultes sur des sujets qu’ils préféraient éviter ? Nous devons surveiller comme le lait sur le feu ce qu’il se passe en Ukraine et en Russie, le comportement de Poutine, mais de son peuple aussi, de celui de sa chaîne de commandement, dont on ne sait jusqu’à quel point elle est prête à le suivre, de même que ses soldats. L'armée russe écrase des villes ukrainiennes sous un tapis de bombe, mais on ne compte plus les vidéos où on voit des chars et des soldat russes rebrousser chemin, plutôt que tirer sur les civils qui leur barrent pacifiquement la route. Viendra peut-être un moment où je vous dirais d’avoir toujours sur vous le fondamental, vos papiers d’identité et de l’argent, et de préparer un sac avec l’essentiel, quelques habits pratiques, une paire de chaussure de rechange confortable, des produits d’hygiène, de l’eau, et, en option conseillée, un couteau suisse. Enfin, petit retour d’expérience des ukrainiens, on prendra conseil auprès de mon pote Yann pour ouvrir un compte en crypto-monnaie. Ça ne sera pas en soi le moment de quitter Paris, mais d’être prêt à le faire à tout moment. Direction la côte Atlantique. Les vents d’ouest y sont courants. Pour un nuage nucléaire en Europe centrale, ça sera déjà ça.