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Billet de blog 14 juillet 2024

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Législatives 2024, la nouvelle donne

Jouer le blocage de l’Assemblée nationale pour que cela se déplace dans la rue, est-ce cela la stratégie que proposent les Insoumis à leurs partenaires du Nouveau Front Populaire ? Qui est prêt à suivre ?

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Chassez le naturel, il revient au galop. Excitée par l’odeur de l’écurie dont les portes lui étaient grandes ouvertes grâce à son score historique au soir du premier tour des législatives, le RN s’est pris les pieds dans le tapis dans l’entre-deux-tours. Quand l’extrême-droite vise les étrangers, réfugiés, migrants, clandestins et autres sans-papiers, c’est les français trop foncés et pas assez catholiques qu’elle cible.

Le RN a tombé le masque, c’est bien le parti des adeptes de la France blanche et chrétienne. Dans un effet boomerang, l’offensive du RN contre les binationaux lui est revenu en pleine face. Elle a matérialisé dans les esprits ce que voulait dire une politique discriminatoire menée par l’extrême-droite au pouvoir. Elle a suscité de la peur dans les chaumières, car des binationaux, il y en a dans toutes les familles françaises. Elles ont décidé de protéger les membres de leur clan menacés pour avoir une peau trop colorée. À cela s’est ajouté la volonté d’abroger le droit du sol, alors que toute la France vibre pour son équipe de football, belle illustration visuelle dudit droit du sol !

En voyant les images de supporters français aux multiples origines, bras-dessus, bras-dessous, comment ne pas penser au hiatus avec une extrême-droite qui veut supprimer le creuset de notre diversité depuis la nuit des temps, le droit du sol qui stipule que tout enfant né et grandit en France est français ? Comment ne pas voir le décalage entre les chantres de la guerre identitaire et la belle communion d’une France en bleue de toutes les couleurs qui s’affichait sur les écrans ?

Être français n’est pas une appartenance sanguine « ethnico-religieuse », mais un concept de citoyenneté qui fait que la population française est un brassage d’une infinie diversité. En ouvrant la boîte de pandore de l’identité française, l’extrême-droite s’est cassée les dents sur son métissage. Pour elle, c’est un nouveau plafond de verre.  

Parmi les grands blessés qui agonisent sur le champ de bataille électoral, il y a le scrutin majoritaire, pilier de la 5ème République avec l’élection du Président au suffrage universel direct. Conçu pour forcer au rassemblement sur un échiquier politique bipolaire, il conduit pour la deuxième fois à un résultat digne d’une élection à la proportionnelle.

Hélas, sans les règles du jeu qui vont avec, qui permettent de clarifier les alliances et les bases d’une éventuelle coalition de gouvernement, afin que les électrices et les électeurs votent en connaissance de cause. Le scrutin majoritaire n’est clairement plus adapté à la fragmentation de l’échiquier politique. Dans un consensus trans-partisan quasi général, le passage à un mode proportionnel devrait être le point numéro un à l’agenda de la nouvelle législature. 

Nous entrons dans une période de grande incertitude, où rien ne va être simple, avec trois blocs qui évoluent dans les mêmes ordres de grandeur. Même si une coalition se dessine à court terme, il serait étonnant qu’elle dure trois ans, échéance normale de la prochaine présidentielle. Pendant un an, jusqu’à ce qu’il soit de nouveau possible d’organiser de nouvelles élections législatives pour que le peuple puisse trancher, il va bien falloir s’entendre un minimum pour éviter une paralysie du pays, et faire des compromis.

On peut toujours se livrer à des effets de manches accompagnés de mouvement du menton en proclamant « tout le programme, rien que le programme » à la mode Mélenchon, mais quand on n’a pas de majorité absolue et les forces politiques adverses sur les talons, comment fait-on ? Jouer le blocage de l’Assemblée nationale pour que cela se déplace dans la rue, est-ce cela la stratégie que proposent les Insoumis à leurs partenaires du Nouveau Front Populaire ? Qui est prêt à suivre ? Plusieurs combinaisons de coalition sont possibles. Celle qui sortira du chapeau un jour n’est pas nécessairement celle qui sera aux manettes le lendemain, et ce jusqu’en juillet 2025.

Dans l’interlude, il va y avoir une grosse étape, le vote d’une loi de finances à l’automne pour doter la nation d’un budget. Ça ne va pas être une mince affaire. À peu près tout est imaginable, Vaudeville compris. Ayons confiance, nous sommes un vieux pays qui en a vu d’autres. Si ses élus déconnent, la France trouvera toujours le moyen de siffler la fin de la récréation.

Pour la gauche, « Tout le programme, rien que le programme », c’est lyrique, c’est beau, une magnifique posture. Mais est-ce une bonne idée de faire d’un document rédigé dans l’urgence pour gagner les élections, un mantra pour diriger le pays ? D’autant que de programme, il va en falloir un d’un autre tonneau, puisque de fait, la campagne présidentielle a commencé. Les prérogatives du président de la république sont entre les mains d’une ombre, sans portée. Certes, elle est encore capable d’oser n’importe quoi, c’est même à cela qu’on la reconnaît, mais qui la suivra ?

Plus ses troupes, en tout cas. Le Président est mort ! Vive le Président ! Et que le meilleur gagne pour prendre sa place. Pour ce partager les restes de ce qui s’appelait « la macronie », les anciens clivages gauche/droite ressuscitent comme par enchantement et les ambitions personnelles s’expriment sans ambage, ni égard pour l’ex-boss, bien seul dans son palais. Une aile tire vers la gauche, plusieurs autres vers la droite, un centre apparaitra peut-être, combien de temps encore tout ce beau monde pourra se tirer dans les pattes en vue de la présidentielle, tout en restant ensemble ?      

Pour la gauche, ce qui s’apparente à un tract pour les 10 premiers jours de gouvernement ne peut faire office de programme, d’autant que celui-ci doit être à deux horizons, un pour le court terme pour prendre maintenant la direction du pays, et un à moyen terme pour la présidentielle, et peut-être à géométrie variable. Ce n’est pas parce que l’on est dans une même coalition de gouvernement que l’on ne sera pas concurrent à la présidentielle.

Au terme de cette séquence électorale, à travers de nouveaux visages, nous voyons arriver aux manettes une génération de quadragénaire. Elle va devoir être à la hauteur de l’enjeu de son époque : réussir une transition écologique socialement juste, économiquement supportable et démocratiquement décidée. 

Dans les mois qui viennent, cette nouvelle génération de responsables politiques gouvernera peut-être, de façon éphémère ou plus ou moins durable, ou pas du tout. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est confrontée brutalement à la question du pouvoir. Elle l’est non pas autour d’une personne, mais d’une législature, donc collectivement.

Pour être à la hauteur, il va falloir jouer ensemble, savoir conjuguer tous les talents. Dans la folle situation politique qui est la nôtre, le Nouveau Front Populaire, à la fois la tête dans le guidon, tout en ayant l’oeil sur la ligne d’horizon, pourrait être le creuset d’une recomposition politique pour produire plus qu’un programme pour le prochain round électoral qui se profile, mais un véritable projet de société. 

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