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Billet de blog 26 juin 2024

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Législatives 2024, dissiper le brouillard pour éviter la nuit

Au second tour, pour éviter l’élection de députés R.N, des électeurs «Macron» vont devoir voter pour du candidat «Mélenchon» et inversement, des électeurs «Mélenchon» vont devoir voter pour du candidat «Macron». Ce n’est pas gagné. Avec une seule question à la clé : l’extrême-droite, probablement en tête, aura-t-elle seule la majorité absolue, ou pas ?

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En règle général, on dissout l’Assemblée nationale après une victoire pour amplifier la victoire. Après une cinglante défaite, il est déconseillé de remettre sa tête sur le billot. C’est pourtant ce qu’a fait le Président de la République, sous un prétexte fallacieux. Si la dissolution s’imposait, le pays le sentirait et serait en phase avec ce président qui lui donne la parole. Les candidats de la majorité présidentielle auraient le vent en poupe, caracoleraient dans les sondages et tiendraient le haut du pavé dans tous les médias. On n’a pas vraiment l’impression que ce soit le cas, plutôt celle d’une disparition du macronisme, enterré en trois coups de cuillère à pot par Edouard Philippe sur le plateau de France 5 jeudi soir. Emmanuel Macron parie sur la peur du chaos et de l’aventure pour susciter un sursaut qui le remettrait en selle, grâce à une majorité parlementaire plus large que celle qu’il n’a pas su construire dans la foulée de sa réélection en 2022. Le calcul est grossier, tant il ignore l’importance de la dynamique en politique. Pour fonctionner, cela suppose d’avoir un maximum de candidats majorité présidentielle au second tour et c’est mal barré. Si l’on en croit les sondages, celle-ci recueille deux fois moins d’intentions de vote que ses concurrents du RN et du NFUP. Autrement dit, du Macron qualifié pour le second tour, il ne va pas y en avoir partout, et quand ce sera le cas, ce sera souvent dans le cadre de triangulaires pour lesquelles ses candidats seront le moins bien placés pour l’emporter… Dimanche soir, le plus probable est que le groupe parlementaire Renaissance sorte laminé de la dissolution décidée par son chef.        

On peut s’attendre à une multiplication de triangulaires au second tour, dans lesquelles les électeurs auront à choisir entre gauche, majorité présidentielle et extrême-droite. En compliquant la constitution d’un front uni des électeurs contre lui, elles devraient profiter au RN, au point de, peut-être, lui permettre d’obtenir la majorité absolue. Ce n’est pas le plus probable, mais ce n’est pas non plus impossible. À celles et ceux qui auraient dans leur entourage des proches tentés par un vote RN au nom du pouvoir d’achat et autres illusions populistes, rappelez-leur que l’extrême-droite au pouvoir n’a jamais gouverné pour le peuple, mais toujours servi les intérêts des puissants. Le pas de tango du RN sur l’abrogation de la dernière réforme des retraites en est une belle illustration. On est contre quand on est dans l’opposition pour être en phase avec le peuple, mais plus tant que ça quand on est dans la perspective de parvenir au pouvoir… 

Et à celles et ceux qui s’illusionneraient sur le nouveau républicanisme de Marine Le Pen, qui va jusqu’à clamer que l’on peut être maghrébin, et même musulman, tout en ayant sa place au RN, pourvu que l’on soit patriote, faites leur observer que le vernis craque déjà. Première mesure emblématique, interdire un certain nombre d’emplois et de fonctions aux binationaux. Dans l’esprit de ses promoteurs, la mesure vise essentiellement les Français « pas assez blancs,  pas vraiment catholiques», descendants d’immigrés venus d’Afrique. Dans la réalité, ça va taper beaucoup plus large. À commencer par les Franco-israéliens, pour lesquels l’extrême-droite a toujours dénoncé une double allégeance, mais pas que. Il y a également tous les Français issus de couples mixtes puisque françaises et français copulent avec le reste du monde sans exclusive, faisant de nous un des peuples les plus métissés de la planète, mais pas que. Il y a aussi des gens comme Jordan Bardella, descendant de parents italiens, descendants eux-même de parents italiens, qui sont autant de binationaux qui s’ignorent. Il leur suffit de demander la nationalité de leurs aïeux pour l’obtenir de droit. Dans le lot, en plus des Français d’origine italienne, on peut ajouter les descendants en droite ligne d’espagnols, de portugais, de polonais, autant de nationalités qui peuvent se récupérer de droit, faisant de vous une Française ou un Français binational(e),  qui pourrait ne plus être considéré à l’égal des autres Français. Arguer de la double nationalité potentiel d’un concurrent pour l’éliminer de la course à un poste que vous convoitez pourrait s’avérer fort pratique ! Que Bardella puisse être virtuellement victime de la discrimination qu’il prône devrait faire réfléchir sur de que veut dire l’extrême-droite au pouvoir : quand elle vise du Français plus ou moins foncé et trop musulman, elle touche aussi du Français bien blanc et bon catholique qui pourrait se croire à l’abri. C’est le genre de mesure dont on sait comment elle commence, mais pas où elle finit, une véritable boite de Pandore pleine de mauvaises surprises.

 Au second tour, pour éviter l’élection de députés R.N, des électeurs «Macron» vont devoir voter pour du candidat «Mélenchon» et inversement, des électeurs «Mélenchon» vont devoir voter pour du candidat «Macron». Ce n’est pas gagné. Avec une seule question à la clé : l’extrême-droite, probablement en tête, aura-t-elle seule la majorité absolue, ou pas ? Majorité absolue ou relative, ce n’est pas la même limonade, et pourtant, peu importe. Ce n’est pas dans l’interêt du R.N de gérer la crise, mais au contraire de l’accentuer, d’autant qu’en matière de crise, le fait qu’il arrive au pouvoir en déclencherait une belle ! Pour une raison toute simple : même majoritaire à l’Assemblée Nationale, l’extrême-droite n’en demeure pas moins minoritaire dans le pays, ce qui augure de graves tensions, si ce n’est d’un méga chambardement. De fait, au soir de la législative et quelque soit le résultat, ce sera le démarrage de la campagne présidentielle, avec une première étape pour les différents protagonistes, forcer le Président de la République à la démission pour mettre fin au charivari. 

Au pouvoir, le R.N n’y est pas et malgré les apparences, c’est loin d’être fait. Il y a une constante dans toutes les élections, quelque soit le cas de figure : ça ne se passe jamais comme prévu. Et même si le résultat attendu est au rendez-vous, il n’arrive jamais comme on l’attendait. L’électorat se débrouille toujours pour glisser un truc qui change la donne. 

Parmi les trucs que pourrait glisser l’électorat, il y en a un qui s’appelle la Gauche. Personne ne sait vraiment ce que c’est. Quand on est candidat à une élection où se joue le pouvoir, c’est embêtant… Toutefois, il y a une bonne nouvelle : elle a un programme ! Une liste de Noël au Solstice d’été. Avec elle, nous vivrons tous au paradis. On n’en demande pas tant et on verra bien ce qu’il en restera au terme d’une campagne bien partie pour être pleine de rebondissement.  

Nous avons donc un truc brinquebalant qui part de loin, composé de socialistes dont on ne sait pas à quel point ils sont encore néolibéraux, d’écologistes assis sur la cause du siècle, mais qui n’arrivent pas à l’incarner, et des Insoumis marxisant, qui restent des productivistes convaincus. Alors que nous vivons la fin d’un cycle, celui d’un néolibéralisme triomphant porté par une mondialisation sans limite, et que nous sommes dans un moment dramatique de guerre à notre porte et de basculement climatique planétaire, on pouvait rêver mieux que cette alliance de la carpe, du lapin et de l’épouvantail à moineau pour la cinquième puissance mondiale. Il va falloir faire avec, en y ajoutant un handicap, pour ne pas dire un poison au goût de division, Jean-Luc Mélenchon. La politique étant question de dynamique et non d’arithmétique, la gauche pourrait gagner au soir du 7 juillet prochain, si ce n’est qu’à chaque allumage pour enclencher une dynamique victorieuse, Mélenchon se débrouille pour nous produire un raté. 

Ce qu’il faut comprendre avec le personnage, c’est que c’est compliqué de jouer avec lui la même partition, puisque vous n’êtes pas dans le même registre. Ce que vise Mélenchon, ce n’est pas diriger la France, mais entrer dans l’Histoire, avec une ambition, celle d’être un nouveau Victor Hugo. Pour la marquer les mémoires durablement, mieux vaut être le héros d’un drame que le gestionnaire d’une belle période de prospérité. Il lui faut une belle tragédie, dont il serait à la fois le héros, le scripte et le tribun. De son point de vue et au regard de son objectif, l’extrême-droite au pouvoir est une meilleure option que la gauche à Matignon, étant entendu que la gauche à Matignon, ce ne peut pas être lui. Au fil des années, Mélenchon s’est construit un personnage sectaire et autoritaire, partisan de la démocratie partout sauf parmi ses troupes, et serait, en plus, capable de capituler devant Poutine. Franchement, ça ne fait pas envie. Mélenchon le sait, c’est justement pour cela qu’il proclame sa candidature à Matignon, alors que c’est le meilleur moyen de détourner des ex-électeurs Macron d’un vote en faveur de candidats du Nouveau Front d’Union Populaire, quitte à offrir sur un plateau des sièges au Rassemblement National.

La petite musique jouée par les Insoumis est qu’en cas de victoire de la gauche, il serait logique que le premier ministre soit issu des rangs du groupe parlementaire le plus nombreux de la coalition, autrement dit de chez eux, puisqu’ils ont négocié le plus grand nombre de circonscription. Logique peut-être, mais en politique, cela ne suffit pas, puisqu’il faut être légitime. Les Insoumis peuvent très bien désigner un candidat comme premier ministre, mais pour le devenir vraiment, il devra recueillir l'assentiment des socialistes, des écologistes et des communistes, sans lesquels il n’aura pas de majorité parlementaire. Et Mélenchon, il n’en n’est pas question. Il y en a un qui l’a bien compris. Il s’appelle François Hollande. À l’annonce de sa candidature aux législatives, on aurait pu croire à une blague ! Il fait le pari que l’Assemblée qui sortira des urnes le 7 juillet au soir ne dégagera pas de majorité, mais plusieurs possibilités de coalitions, dont une qui ferait de lui un pivot.

La vérité, c’est que personne ne se retrouve dans l’offre politique labellisée « La Gauche ». Qui a envie de voter pour un magma dont bien malin qui pourrait deviner la direction qu’il pourrait prendre, si vous lui donniez les clés du camion ? Et pourtant, il n’y a pas le choix avec l’extrême-droite aux portes du pouvoir par la faute d’un président inconséquent, mais ce vote de raison par défaut, peut produire un nouvel espoir. En politique, il y a l’écume des vagues, comme l’est la campagne électorale à laquelle nous assistons, et les courants de fonds qui structurent les votes. Face à l’urgence climatique et l’effondrement du vivant, nous connaissons une nouvelle phase de la mondialisation, celle de la mondialisation politique, après l’économique, la financière et la culturelle. À travers le monde, les nouvelles générations se lèvent pour sauver la planète et cela passe par une rupture de paradigme qui est le chant du cygne du néolibéralisme. Nous sommes dans un moment de transition entre le lent effondrement d’un ancien monde où nous avions le choix entre néolibéralisme et nationalisme, et l’émergence d’un nouveau monde qui n’a pas encore produit l’offre politique qui lui correspond. Notre magma de gauche pourrait en être le creuset, puisque, après tout, on avance en marchant, alors que l’extrême-droite au pouvoir en sera la tombe. Conclusion :  au premier tour, faites ce que vous voulez, mais quelle que soit la configuration du second tour dans laquelle vous vous retrouverez, votez sans hésitation pour le ou la mieux placé(e) pour battre le candidat de l’extrême-droite, même si cela revient à voter pour un candidat Insoumis à l’anti-sionisme aux relents antisémites, car si le RN passe, tous les français dont la généalogie ne remonte pas à Charlemagne seront peu ou prou menacés, juifs compris. 


Malik Lounès, juin 2024

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