Alors que de tels faits peuvent déjà être sanctionnés avec le Code pénal actuel, l’intention de l’exécutif est de renforcer ses pouvoirs et ceux de la police, au détriment de la justice. Il s’agit précisément de donner aux préfets la capacité d’interdire de manifester à une personne à titre préventif, et de la ficher.
Il reprend alors la rhétorique utilisée avec les terroristes, contre lesquels la fin – les mettre hors d’état de nuire – justifierait tous les moyens – mettre de côté les droits et libertés individuelles.
Ainsi, la loi de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme a fixé dans le droit commun des mesures exceptionnelles, autorisées transitoirement par l’état d’urgence, et ébranle l’Etat de droit en déstabilisant fortement l’équilibre des pouvoirs entre l’administratif, sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, et le judiciaire.
Comme face aux ennemis de l’extérieur, ce sont maintenant contre les « factieux » de l’intérieur qu’il tente de justifier un système de surveillance et de contrôle généralisés, sur la base du soupçon.
De tels outils sont dangereux pour le présent et pour l’avenir. Ils inoculent des poisons puissants dans les bases protectrices de notre démocratie libérale, n’offrant plus les garanties nécessaires contre l’arbitraire et les atteintes contre la liberté d’opinion, la liberté d’expression et de manifester son opposition aux pouvoirs en place. Aucun régime démocratique ne peut choisir ses opposants et leurs formes de contestation.
Parallèlement, le gouvernement a engagé une répression inégalée des mouvements sociaux encore en cours. Il veut montrer sa force et imposer les formes du débat, refusant qu’il s’exprime par la rue. Les mille huit cents condamnations sévères exhibées sont autant un signe d’autoritarisme qu’un aveu de faiblesse. Les centaines de blessés, dont certains très graves, avec plusieurs handicapés à vie, sont le résultat d’un choix des pouvoirs publics dans leur stratégie du maintien de l’ordre et dans leur volonté de continuer d’utiliser des armes, grenades lacrymogènes (GLI-F4) et lanceurs de balles de défense (LBD 40), dont la dangerosité est constatée de manière sanglante. Il ne peut continuer à faire fi des alertes du Défenseur des droits, demandant leur retrait, et des instances internationales, appelant à la mesure. Les recours juridiques pour obtenir leur abandon seront poursuivis par la LDH et ses partenaires. Mais la décision est d’abord politique et de la pleine et entière responsabilité du gouvernement qui a à en rendre compte.
En détricotant l’Etat de droit, avec ces coups de boutoir insidieux contre les bases essentielles de notre démocratie, avec ces violences d’Etat, le gouvernement et sa majorité prennent de lourds risques qui doivent être dénoncés et combattus avec force, sauf à se réveiller trop tard dans un pire cauchemar. Plutôt que la force et l’injustice, il revient à l’exécutif de porter la démocratie, de renforcer les contrepouvoirs et défendre l’égalité des droits.
Sans libertés garanties pour toutes et tous, la démocratie s’éteint. A chacune et à chacun de le lui redonner force et vigueur. Au-delà de la manœuvre dilatoire et des instrumentalisations partisanes, l’implication constatée dans le débat national ouvert montre des signes positifs d’un espoir démocratique qui ouvre des perspectives encourageantes, marginalisant les vents mauvais d’antiparlementarisme, de violences, d’homophobie, d’antisémitisme et de racisme. Impliquer plus et mieux les citoyennes et les citoyens est un impératif, sans démagogie ni arrogance et sans céder aux populismes. Leurs propositions sont à écouter, à débattre, à délibérer, pour les traduire en actes concrets en faveur de plus de justice sociale, d’égalité et de libertés.