Les louanges pleuvent sur ce travail qui a su créer un monde : le sien. On entend même dire que c’était un visionnaire. Incontestablement, il avait une vision propre, originale, dérangeante. Il est de ceux qui ont marqué la mise en scène lyrique et au delà, l’époque. Bob Wilson est décédé le 31 juillet à 83 ans.
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Ses spectacles étaient immédiatement reconnaissables, par les images, le statisme, la rigueur, une gestique précieuse, minimale, millimétrée, des éclairages soigneusement étudiés et sans cesse ces références à l’Orient sans aucun orientalisme exotique… Lui-même insistait sur l’idée de mises en scènes très froides. « Ce que je vois sert de support à ce que j’entends. » disait-il. Mais ce que le spectateur voyait c’était avant tout du Bob Wilson qui, de fait et par systématisme (car il faisait système), phagocytait l’écoute, alors qu’il prétendait vouloir laisser toute sa place à la musique.
Il ne faisait pas bon trouver que ses mises en scènes relevaient d’un procédé par trop répétitif et d’un engouement où le snobisme avait une large part. Je me souviens du premier spectacle auquel j’assistais. C’était au Théâtre des Champs Élysées, en octobre 1982, Great Day in the Morning. Il mettait en scène une Jessye Norman qui chantait si peu, mettait d’interminables minutes, en silence, pour faire ses entrées et ses sorties de scènes. Le spectacle était encensé par la presse. Il était d’un ennui mortel.
Puis il y eut tant d’autres créations, d’une La flûte enchantée désincarnée aux Gluck hiératiques d’Orphée et Armide, de Pelléas à La femme sans ombre, de Turandot à un Ring wagnérien plus qu’épuré : étique - du temps où le Châtelet, l’Opéra Bastille et tant de scènes internationales lui faisaient des ponts d’or. N’oublions pas que Bastille en était, en 2024, à la dixième reprise de sa Butterfly depuis 1993.
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Justement, voilà un spectacle qui, à mon sens, était en totale contradiction avec l’œuvre, une musique à fleur de peau, de cœur et d’âme. Un opéra d’amour et de mort irrigué par la passion, la jeunesse, la naïveté et l’espoir. Une partition brûlante de sensualité à laquelle Bob Wilson retirait tout désir en le figeant par ses poses et ses mimiques. L’ennui du contre-sens… Jusqu’à cette image finale, fulgurante, qui rachetait tout : au milieu de la scène, Cio Cio San mourante, allongée dans un cadre se trouve comme un papillon épinglé qui se débat et meurt. Image inoubliable.
« Malgré ce qu’on dit depuis des années, mon travail n’est pas minimaliste. Il est baroque. » C’est ainsi que se voyait Bob Wilson. Pourtant, il était à des années lumières de ce que le mot baroque désigne, de la perle irrégulière définissant le mot en portugais, au mouvement baroque - architecture, peinture, musique - qui enflamma l’Europe catholique de la Contre Réforme dès le XVIè siècle. De fait, Wilson n’a rien d’un baroque, c’en est même l’antithèse par l’épure. Jusqu’à l’ennui.
A chacun ses souvenirs d’un artiste qui voulait créer un espace propice à la réflexion et au rêve…
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Souvenirs de Robert Wilson dans
Diapason : https://www.diapasonmag.fr/a-la-une/bob-wilson-est-mort-58138.html
Un entretien de 2019 : https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/04/robert-wilson-je-fais-du-theatre-en-vivant-ma-vie_6014250_3246.html
Madame Butterfly de Puccini à l’Opéra de Paris 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=NlJicQdlR1E
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