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Billet de blog 15 juin 2022

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Un Président ne devrait pas faire cela

Dimanche, Emmanuel Macron est allé voter dans un cadre agencé pour la propagande républicaine. Républicaine ?

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L’image est belle et forte. Symbolique aussi.

La photo fut si vite reprise par les journaux en ligne que, dans l’après-midi, elle figurait en bonne place sur des centaines de milliers de smartphones connectés pour annoncer la faible participation de la journée électorale… et faire propagande.

Illustration 1

Depuis quand les tentures des isoloirs sont-elles tricolores ? Pure mise en scène. Mais laquelle ?

Car que voit-on ? Le Président sort, en regardant vers la droite, de la partie blanche du symbole national. Et là, la symbolique prend une toute autre tournure. Il faut pour cela revenir sur deux sous-titres.  

Tout d’abord se souvenir de l’origine de notre drapeau, en 1789, lorsqu’après la prise de la Bastille, Louis XVI se rend à Paris et doit coiffer la cocarde bleue-blanc-rouge. Le bleu et le rouge sont les couleurs de Paris, le blanc, celle de la royauté. C’est alors le symbole d’une union, mais tout de même sous la très haute surveillance d’une capitale en effervescence. Avec l’évolution de la Révolution, la symbolique se fait plus carcérale : le blanc est enchâssé, bien gardé, coincé entre les symboles parisiens révolutionnaires.

Plus près de nous, il y a les références historiques du Président de la République et son tropisme royaliste. Souvenons-nous qu’immédiatement après sa déclaration de candidature à l'élection présidentielle, le 16 novembre 2016, il est allé se recueillir sur les tombeaux des Rois de France à Saint Denis. Un an avant, en juillet 2015, il déclarait, à propos de la royauté : « Dans la politique française, l'absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n'est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace. On le voit bien avec l'interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au coeur de la vie politique. Pourtant, ce qu'on attend du président de la République, c'est qu'il occupe cette fonction. Tout s'est construit sur ce malentendu. »

Il se rêvait en monarque comblant ce qu’il nomme « un vide » politique. Il ne cesse de s’imposer au coeur des références royalistes les plus réactionnaires. 

Y compris, comme ici, de façon subliminale, mais agencée.

Illustration 2

Et puis, ce mardi, le Président s’en va à l’autre bout de l’Europe, au plus près de la guerre. Que dit-il avant de s’envoler ? « Dimanche, aucune voix ne devra manquer à la République » C’est beau comme de l’Antique - mais qu’est-ce que cela veut dire ?

Est-ce un appel à lutter contre l’abstention ? Car la République, c’est nous, c’est nous tous.

Est-ce un appel à « faire barrage », selon le mot à la mode entre les deux tours des deux dernières Présidentielles ? Donc barrage à l’extrême droite… Encore que, à l’écoute et à la lecture des multiples cadors de la macronie depuis dimanche soir, leur façon de renvoyer à dos « les deux extrêmes » qui seraient aussi dangereux l’un que l’autre (comme disent Jean-Michel Blanquer ou Amélie de Lombard de Montchalin et tant d’autres) on peut en douter… 

Alors ? Cela revient à dire : « La République, c’est nous - et pas les autres » Tiens donc. Étrange conception de la chose publique.

D’autant qu’il s’agit là de la conclusion d’un intervention de cinq minutes agitant le risque de « désordre français », appelant à un « sursaut républicain ». 

Le Président rejoue la dramatisation, façon Pompidou 1972 ou Giscard 1981 : « Parce qu'il en va de l'intérêt supérieur de la Nation, je veux vous convaincre de donner dimanche une majorité solide au pays. Rien ne serait pire que d’ajouter au désordre mondial un désordre français.» 

Comment ? Si l’on n’est pas macroniste, on serait donc anti-républicain ? Quelle honte. Quel danger. D’autant que sur 62 circonscriptions où la NUPES affronte l’extrême droite, seuls 6 candidats macronistes ont donné consigne de voter contre le RN !

Illustration 3

Et ces gens font un procès en républicanisme aux membres de la NUPES ? Au soir du premier tour des Présidentielles, Mélenchon avait été on ne peut plus clair : pas une voix pour le RN, pas une voix pour Le Pen. Les macronistes, eux, le refusent et se révèlent comme ils sont : un parti de l’ordre, un parti totalitaire en ce qu’il confisque la notion de République.

Alors, oui, prenons Macron au mot pour une chose : donnons « une majorité solide au pays », une majorité NUPES !

Illustration 4

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