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Toujours harmoniste reclusien et rabelaisien au 1 janvier 2025 !

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Billet de blog 1 mai 2022

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L'art est la forme la plus aboutie de résistance au fascisme

Dans ce second épisode, le hasard et la chance vont nous conduire vers un sanctuaire du savoir. Et tant qu'il y a aura des librairies indépendantes, des bibliothèques ou des médiathèques, il y aura de la joie. Et le fascisme finira par s'éteindre à petit feu lorsque la connaissance finira par supplanter la bêtise mortuaire de ces affreux qui ne nourrissent que de l'ignorance de l'autre !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Afin d'assurer au mieux la clarté de cette entrée artistique en résistance, je vais essayer de bien séparer les différents tableaux qui vont accompagner ces déambulations pelaudes !

Illustration 1
Eymoutiers

1 Retour dans un passé récent ou pas ?, cela dépend de l'interprétation que l'on a du temps qui passe

En 1975 alors aux Jeunesses Communistes, je découvrais en chanson deux poètes assassinés par les fascistes : Federico Garcia Lorca grâce à Paco Ibanez et Victor Jara grâce à Los des Nadau, .

Bien sûr l'institution frileuse ne m'avait pas permis d'aller voir en direct Paco ni-même l'ancêtre des Nadau  puisque j'étais interné dans un internat. 

Alors pour emmerder ces  frileux qui n'arrêtaient pas de contrôler et de surveiller le jeune communiste sans intérêt que j'étais, j'avais acheté le disque de Paco avec mes maigres sous mis de côté, laissant  à ma grande sœur "occitane" Fafou  le soin de se procurer le premier album vinyle de Los de Nadau, Monsur lo regent.

Pour me replonger dans cette époque de la révolte, en écrivant ces lignes, j'ai chanté ma préférée de Paco extrait du Romancero gitano de Federico :  

La luna vino a la fragua con su polisón de nardos. El niño la mira, mira. El niño la está mirando. 

En el aire conmovido mueve la luna sus brazos y enseña, lúbrica y pura, sus senos de duro estaño.

Huye luna, luna, luna. Si vinieran los gitanos, harían con tu corazón collares y anillos blancos ... "  

Puis j'ai écouté par deux fois la chanson qui raconte le massacre du poète chilien dans le stade Santiago en 1973, et en français cela donne ceci : 

" Il avait pour nom Victor Jara... Il chantait... ils reconnurent Victor Jara, Ils lui coupèrent les deux mains, Puis ils lui dirent : « Voyons maintenant, Si tu auras le courage de chanter. » Victor Jara, Victor Jara...

Face aux fusils, seul, sans soutien, Aussitôt retentit ton chant, Les mots giclèrent à leur face, Ecrits en lettres de sang. Des milliers de voix sur le stade Reprirent en chœur le refrain, Alors les soldats, sur le champ, Le menèrent droit à la mort. 

L’ordre règne sur le silence, Un silence tâché de sang, Les fusils ont tué l’homme, Mais son chant s’est envolé. Victor Jara, Victor Jara..."

Si je pousse le curseur 40 ans plus loin, je me suis retrouvé à Eymoutiers encore au milieu de "gauchistes" selon l'appellation de tous les ministres de l'intérieur de gauche comme de droite, dépositaires de la minabilité historique Clemenceauiste.

Or ces rebelles du marché des Crados (selon leur appellation personnelle), agriculteurs, paysans ou éleveurs  mettaient en œuvre une action effective de solidarité et d'entraide pour sauver une famille en très grande difficulté sociale. Même le curé était de la partie !

Lassé des évangiles répétitives, il avait certainement dû lire L'Entraide, un facteur de l'évolution  de Kropotkine pour être aussi combatif et surtout inventif !  

Puis après ce formidable moment d'échange au coeur de cette collectivité déstructurée réjouissante, je les ai abandonnés pour me rendre à la librairie du  Passe-temps qui collectionnait de sacrés ouvrages. 

Le hasard allait frapper une première fois le long de ce chemin de joie bien différent de ces chemins balisés par les sinistres enfumés de la négation de l'homme ! Pour finir, j'achetais le formidable livre de Kristin Ross, L'imaginaire de la Commune

2 La cité pelaude collectionne de l'artistique

Quelques années plus tard les Terra Aventura allaient nous permettre de découvrir un tas d'inconnus et d'ignorés ! C'est ainsi que nous sommes revenus à Eymoutiers avec Dolorès, sans les petits-créolisés qui avaient préféré rester au gîte avec les grands-parents créoles.

De sacrés découvertes nous attendaient puisque nous ne connaissions aucun des artistes que nous allons rencontrer tout au long du parcours.

  • Jean Fraisseix et sa mosaïque "Nicolas de Staël
  • Christian Lapie et son Infini suspendu des deux  côtés de la Vienne
  • Enfin Paul Rebeyrolle au coeur de son Espace 
Illustration 2

Comme le thème de ce billet est le fascisme ordinaire et la Résistance, arrêtons-nous un instant devant le chef-d'œuvre de Paul Rebeyrolle :

Le Cyclope.

Paul Rebeyrolle a rendu hommage à son ami Georges Guingouin en peignant cette œuvre magistrale en 1987. Et pour évoquer cette immensité, j'ai sollicité Jean-Jacques Fouchér. Voici un bref extrait tiré de son brillant exposé de décembre 2005 que j'ai lu dans les Reflets Pelauds :  

« La construction qui oppose le ciel et la terre avec un personnage central dont les exploits sont magnifiés, est, aussi, une "Lecture savante", une réinterprétation de l'histoire canonique de la peinture. Une histoire qui, du Caravage à Courbet, est celle d'artiste "canailles", maîtres de leur art et peu enclin aux concessions opportunistes.»

On ne pouvait mieux dire.

Après avoir achevé notre parcours en Utopia, place qui domine la ville, nous nous sommes lancés sur le second parcours qui raconte l'histoire des Pelauds.

Et là nous avons lamentablement échoué. Il a donc fallu solliciter nos jokers Ainhoa et Eneko, pour une  éance de rattrapage en fin de semaine.

Mais avant ce dernier rebond et la chute finale, déroulons le fil de notre pelote libérée ...

Illustration 3
Trois têtes hautes de l'Infini suspendu du parc du Pré Lanaud de Christian Lapie

3 Les acteurs du hasard entrent en jeu

Tout le monde connaît le célèbre tableau L'enterrement à Ornans de l'illustre Courbet, et bien ce fut un enterrement à Eymoutiers qui allait m'ouvrir les portes du bonheur qui se trouvent à leur place habituelle, à la librairie du Passe-temps.

Illustration 4

Commençons par Daniel Pinos.  

J'avais acheté son livre parce que la couverture était illustrée par Tardi.

Et comme je suis un inconditionnel de Tardi depuis que j'avais découvert Rumeurs sur le Rouergue, je devinais que ce livre me vaudrait une lecture assidue sur un sujet que je ne connaissais pas bien à l'époque, le massacre de l'Espagne libertaire. 

Daniel Pinos je l'ai retrouvé bien plus tard lorsqu'il nous prévenait de la sortie de la remarquable revue trimestrielle de critique bibliographique du mouvement libertaire, Chroniques Noir & Rouge.

Comme je me suis abonné, j'ai la chance aujourd'hui de lire la prose historique acérée de Daniel, cela me change de la convenue et de la lénifiante savamment commercialisée ! 

Il utilise aussi sa belle écriture pour fortifier son engagement anarchiste de toujours car c'est aussi un formidable reporter de l'internationalisme autre !

Et comme ces revues ont toujours une couverture de qualité, celle du numéro 7 m'avait intrigué car je ne connaissais pas ce personnage. 

Pourtant il aurait suffi que je tourne la page pour lire que c'était le portrait d' Antonin Artaud dans le film Le juif errant de 1926. 

En revanche, j'avais eu la bonne idée d'envoyer la photo de la couverture à un formidable poète qui est le second intervenant de cette chaîne du hasard, Max Demau.

Immédiatement, il m'avait envoyé ce SMS : « Salut Marc, dis-moi, la photo de couverture de ce numéro des chroniques Noir & Rouge, c'est Antonin Artaud où je me goure ? »

Non, il ne s'était pas gouré Max car comme tous les poètes même les maudits, il a souvent raison. 

Alors qui es Max Demau ? Demau en un seul mot car en deux mots, cela aurait donné Max de Meaux, mais comme il est libre Max, c'est Max Demau.

Pourquoi ai-je écrit ces assonances légèrement allitérées ?

Simplement pour montrer qu'un fasciste ne peut pas entendre ce genre de précision absurde. Son cerveau mouliné est une surdité au différencié !

Illustration 5

Quant à Max, s'il fut dans sa jeunesse un brillant animateur d'une radio libre qui s'appelait " Ici Ondres ", nous ne nous sommes pas croisés dans les Landes mais bien lorsque nous vendions notre force de travail ; la mienne étant d'essence cognitive gorzienne, précision importante à mes yeux et uniquement à mes yeux !

Mais ce mec fut un personnage décisif dans l'accompagnement d'un syndicaliste révolutionnaire CGT dans le monde silencieux des affaires.

Et je dois par la même occasion saluer son éternel compagnon de route, breton de cap en cap, Gigi Maltourbé

Grâce à ces deux compères j'ai pu surnager lors de ma grande braderie en eaux calmes durant une dizaine d'années.

Dernière précision sans intérêt, Gigi est un enfant de la V ième République alors que j'en suis un de la IV ième puisque nous sommes tous les deux nés en 1958.

Gigi me la rappelait à chacun de mes appels et en retour, je lui chantais : " À Nantes petit village Le roi envoie-t-un valet Il n'aura rien d'autre à faire En fermant la barrière Les moutons du roi garder Grand valet de son palais ... "

Quant à Max, en échange de ses cours de poésie, je lui ai filé quelques tuyaux sur ses racines familiales libertaires espagnoles et quelques bons plans pour traverser l'histoire de la Commune puisqu'il habite Paris.

Et c'est ainsi que ce garçon fort brillant, à l'ouverture d'esprit assez exceptionnelle, m'a instruit sur la trajectoire torturé d'Antonin Artaud.

Grâce à ses conseils, je peux lire à présent de la poésie, car avant de le connaître, je dois avouer que la lecture de ce warrior de Rimbaud m'avait coulé à pic !

Merci Gigi et Max pour vos leçons reçues en direct de la Bretagne et ou en vidéo-conférence depuis Paris.

4 Retour à Eymoutiers

Et lors de la sortie de rattrapage de l'énigme des Pelauds, le hasard allait enfin m'offrir ce fameux cadeau dont je parle depuis le début de ce billet. Comme le premier indice se trouvait à l'intérieur de l'église et qu'il y avait donc cet enterrement, Ainhoa avait noté une hypothétique réponse afin de poursuivre le "jeu de pistes".

Illustration 6

Et pendant ce temps, je me suis rendu à la librairie Passe-temps car je savais que j'allais encore dénicher du bonheur comme à chaque fois que je pénètre dans ces lieux sains !  

Et comme d'habitude mon inconscient libertaire s'est conscientisé lorsque je suis tombé sur le livre d'Antonin Artaud :

Van Gogh le suicidé de la société.

Si j'ai fait le malin avec mon inconscient libertaire, c'est juste pour dire qu'au moment où  j'ai pris le livre, je me suis dit que ce nom "Antonin Artaud" ne m'était pas inconnu mais je n'arrivais plus à le situer.

Mais dès que j'ai vu "Van Gog" sur la couverture, je savais que j'avais touché le gros lot ! 

Ce livre est absolument génial parce qu'il a été écrit par un être humain qui raconte que  les artistes ne sont pas que de simples errants, vus souvent comme de simples torturés.

Je vais illustrer cette interprétation personnelle des dires d' Antonin Artaud  à propos de Vincent avec cette anecdote. 

Lorsque je travaillais, il y a fort longtemps aujourd'hui, le Responsable logistique avait décidé de faire  repeindre le couloir de la Direction. Comme la peinture choisi par ces soins était horrible, je lui fis cette remarque :

– Si Vincent Van Gogh était passé par là, c'est sûr, il aurait mis un grand coup de pied dans le pot tellement cette couleur est dégueulasse.

Vexé, notre homme me rétorqua :

 – C'est facile de dire ça car tout le monde sait que Van Gogh était un grand malade.

Et moi de lui clouer le bec :

– Il était peut-être malade mais il le savait alors qu'il y a plein de malades dans ce couloir qui s'ignorent !

J'ai d'autres anecdotes en réserve au sujet de ce génie de la peinture mais aussi de l'écriture (voir ces fameuses lettres), mais dans le cadre de ce billet, je vais m'arrêter  sur cette dernière. Et pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur cet éclectique artiste, il suffit d'aller se mettre au vert le long de l'Oise pour le voir tout gâcher ! 

Un jour, la belle équipe d'Harmonistes Reclusiens renforcée par nos deux célèbres brigadistes actuels, Nico et Jordi et  par la petite Socialiste préférée du Lider Maximo, a eu la chance d'entendre un autre poète communiste, Jean, déclamer tout son amour pour Vincent devant la reproduction d'un de ses tableaux mythiques posé dans la plaine du Vexin

Je n'avais jamais entendu une conférence de cette qualité et de cette dimension affective ! Elle fut conclue comme il se doit par une longue méditation sur la murette de l'église d'Auvers. Avec bien sûr les bouteilles de vin blanc de notre camarade et ami Jean Claude, dégustées à température idéale pour nous aider à chasser un émotionnel bien trop violent !

Illustration 7
Le visage douloureux de Vincent merveilleusement sculpté par Zadkine !

5 Et les fascistes dans tout ça qu'en pensent-ils  ?

Rien, un fasciste ordinaire ne pense pas, c'est un robot  !

Même en lui greffant une intelligence artificielle, il chanterait encore AïliAïloAïla en traversant Perpignan enfin libérée, tellement il est conditionné ! 

Alors pour ne pas froisser tous les Victor avec des polémiques, en ramenant les petits-créolisés chez leurs parents, je leur ai fait écouter cette chanson de Jean Ferrat avant de leur raconter qui furent ces poètes assassinées, Lorca et Jara

L'un par le fasciste espagnol Franco et l'autre par le fasciste chilien, immonde marionnette des impérialistes ricains qui lui permirent de fomenter des crimes de la pire espèce en toute impunité :  

" C'est partout le bruit des bottes, c'est partout l'ordre en kaki
En Espagne on vous garrotte, on vous étripe au Chili
On a beau me dire qu'en France, on peut dormir à l'abri
Des Pinochet en puissance travaillent aussi du képi

Quand un Pinochet rapplique, c'est toujours en général
Pour sauver la République, pour sauver l'Ordre moral
On sait comment ils opèrent pour transformer les esprits
Les citoyens bien pépères en citoyens vert-de-gris ... "

Ils ont écouté avec attention mais ils savent déjà à leur âge que la Torquemada ripolinée déteste leurs chansons préférées !

Et pour finir, le lendemain de la défaite de l'héritière fasciste pétaino-maréchaliste, mon petit-fils Eneko, le petit-créolisé de 7 ans a ajouté :

" J'adore la Martinique mais là ils ont toc-toc ! 66 % votent pour la raciste alors qu'ils sont noirs ! "

Et pour finir cette série, le dernier épisode Fascisme et Résistance retourne dans mon pays natal : les Landes

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