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Marc Etxeberria Lanz

Toujours harmoniste reclusien et rabelaisien au 1 janvier 2025 !

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Billet de blog 2 mars 2025

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La suite de trente ans de Poétique reclusienne !

Ces accompagnateurs venus du Tout-monde vont donner une touche insolite à ces randonnées reclusiennes à souhait. Je ai sollicité ma Solitude lors de mes traversées de la Francilie de gare en gare et de la découverte de Paris et de son histoire !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On débute cette Poétique revisitée avec : 

La Castor Family

Notre premier professeur de randonnée subtile et parfois fabuleuse ne fut autre qu’Iban, le mari de Fanchon, la cousine germaine préférée de Dolorès.

La première fois qu’Iban nous avait reçus dans  sa datcha familiale aux Houches, il m’avait dit : 

« Etxe, tu es le premier gauchiste à pénétrer dans le chalet ! »

Mais il avait oublié, comme les basquaises d’ailleurs, que mes études historiques portaient en ce temps là, uniquement sur les gascons. Je travaillais sur l'histoire  de La Hire plus connu sous le nom d'Etienne de Vignoles et non sur un passé révolutionnaire qui ne passait plus pour plagier sans vergogne Henry Rousso et Eric Conan.

Lorsqu’Iban nous fit visiter sa ville adoptive, à pied bien sûr, une anecdote m’avait frappé car elle mesurait l’ignorance des choses qui me passionnent.  La balade était somptueuse aux côtés de ce professeur attentionné : découverte des traboules, passé romain de Lyon, premiers trompe-l’œil  qui ne s’appelaient pas encore street-art. 

Et puis soudain le long du quai Romain Rolland dans le V ième arrondissement, je repérai un bouquiniste. Immédiatement, je pénétrai dans ces lieux car ma grand-mère avait nommé son adorable chat de Bakounine. Le rapport ? Simple ! 

J'adorais lorsque elle lui disait de rentrer alors qu'il furetait dans le quartier de la Vieille Poste à Tyrosse  : « Bakounine ! Bakounine rentre vite maintenant, je ferme la maison.» Il était d'une intelligence rare .

Et un jour,  un voisin, un pauvre type l'avait tué d'un coup de carabine. Ma mère l'avait emmené chez le véto mais la balle mal placée empêchait toute intervention ! Je me suis souvenu de cet assassinat lorsque je suis entré à l’intérieur de la boutique.

Car je cherchai de la documentation sur la Commune de Lyon de 1871. Là, la libraire me tendit un guide quelconque sur la ville de Lyon !

Quel âne !, j’aurai dû préciser ce que j'étais venu chercher. Et après avoir fouillé dans les rayons histoire, je n’avais rien trouvé. Heureusement, Iban avait repris les choses en main en nous emmenant dans un endroit de la subtilité culinaire au pays de Bocuse qu’il imite d’ailleurs parfaitement bien.

Lors des randonnées suivantes, il fut un professeur à temps plein.

Cette balade au départ du col des Montets dans les Alpes, bien sûr, dans un décor de rêve est devenue légendaire pour les raisons qui vont suivre.

Illustration 1

Certes la montagne était belle mais nous n’avions encore rien vu.

Les lacs de Césery contournés, Iban allait bientôt s'exprimer :

« Lorsque les " blaireaux " vont déserter les lieux, les bouquetins vont rappliquer ! »

Et lorsque les derniers " blaireaux " rejoignirent les téléphériques, la montagne redevint un havre de paix et de sérénité dans un décor féerique comme à la télé ! Et là, le miracle se produisit : des bouquetins à foison !

Un petit, deux petits et ainsi de suite !

Illustration 2

Un plus âgé posa sur un rocher au-dessus de ma tête me proposant une image étonnante.

Mon appareil-photo se mit à crépiter sans fin. Mais le bouquet final intervint au moment où nous allions redescendre.

Un mâle aux cornes exceptionnelles commença à brouter devant nous tout en posant son imposante silhouette à l’endroit adéquat  devant le  glacier. Une seule photo suffisait pour fixer cet instant magique. Il fallait vraiment connaître la montagne comme Iban pour voir ces images qui ont changé non pas ma vie mais ma perception des choses : fugitives, parfaites, instantanées.

Toutes les sorties avec Iban annoncent la fin d’une journée compliquée. Il me connaît, il sait que je suis à l’ouest alors il fait avec. 

Mais là où il allait faire fort alors que la nuit venait de noircir la forêt, ce fut lors d’une balade à Ermenonville (Oise). Complétement perdu, il prit les choses en main au moment où la neige commençait à tomber. Nous errions dans la forêt, et là aussi, le miracle se produisit lorsque nous sommes tombés nez à nez avec la cabane de Jean-Jacques Rousseau au cœur du Désert, lieu que j’avais parcouru plusieurs fois en vains sans jamais la trouver. 

Il m’a aussi sorti de plusieurs situations délicates. Je parle beaucoup, mais Iban parle à bon escient. C’est un formidable compagnon mais il n’a pas envie de le populariser. Un jour à la nuit tombée tombante, en pleine forêt landaise du côté de Seignosse, nous devions retrouver notre véhicule. Soudain Iban s'approcha de moi et me demanda gentiment :

« Tu sais où tu vas Etxe ?

– Ben oui, oui, on rentre vers le parking en bordure de plage, là où est garée la voiture.

– Tu es sûr que l'on va dans la bonne direction ?

– Sûr, je connais ce coin de la forêt comme ma poche.

– Et tu sais aussi que le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest ?

– Oui, depuis le CM2.

– Bien, tu vois le soleil plonge bientôt dans l'Atlantique à l’ouest et nous marchons à l’est depuis un bon moment !

– Ah oui, maintenant que tu le dis !

– Alors change de stratégie dans la forêt car la voiture est garée de l’autre côté ! »

Comme quoi, j’ai toujours été à l’ouest ! Une autre fois, Iban m’a aussi sorti de la panade près de la tourbière des Dauges où nous étions en famille avec les Castors Family et surtout César Le Camp qui était passablement inquiet de ne pas voir la vallée où nous avions garé les voitures.

Mais là où la Castor Family fut formidable c’est lorsqu’ils me laissèrent la bride sur le coup pour une formidable découverte solitaire dans un territoire parfaitement inconnu (Le Prarion au départ de la datcha !).

La Pierre philosophale de César Le Camp

Toujours en compagnie de la Castor Family à Villesèque dans le Lot, j’avais proposé à Guy et à Jean-Louis, le régional de l’étape une boucle à la recherche des dolmens mis en valeur sur le tracé. 

Jusque-là rien d'extraordinaire sauf qu'en fin de balades, il nous en manquera  un que nous n’avons pas vu. Là aussi rien que du classique !

Illustration 3

Une belle journée s’annonçait avec au programme un solide ravitaillement car Jean-Louis est lui-aussi un excellent œnologue du même niveau que Jean-Claude ou Philippe le Chti !

Au départ de Prayssac, avant d’atteindre le causse, Guy nous arrêta en désignant un caillou.

Il le regardait sur toutes les coutures avant de me demander :

« Marc, tu sûr que l’on repasse par là au retour.

– Bien sûr Guy, après la boucle des dolmens, on redescend par ici ! »

Puis la somptueuse balade se déroula sur le causse malgré l’absence visuelle du dernier dolmen.

Guy se concentrait dans la descente, il ne parlait plus.

Soudain, il s’arrêta, se baissa, attrapa le caillou anonyme, le souleva et le fracassa violemment de façon subtile. Le caillou se brisa en deux et dévoila une myriade de pointes en quartz ! Fabuleuse intervention, et Jean-Louis était aussi abasourdi que moi. J'ai donné cette merveille à un camarade de Villepinte, amoureux de ces jolis cailloux.

Et à la fin d’une randonnée des Oratoires de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, j’avais été faire un petit coucou à notre célèbre voisine landaise de Brassempouy qui est aujourd’hui locataire du Musée d'archéologie nationale.

La dame à la capuche a été sculptée en ivoire aux environs de 28 000 et des brouettes avant notre ère moderne.

Ça me laisse toujours rêveur pour ne pas dire pantois. Elle a été découverte en 1894 par Édouard Piette et Joseph de Laporterie, dans la grotte du pape.

Et j’ai la chance de posséder une reproduction gravée pour toujours par l’immense artiste César Lecamp ou l’oncle Guy du caillou  aux mille cristaux. Il m’avait dit lorsqu'il me l’avait donnée : « Je te l’ai sculptée plus grande que les 3,6 cm car sinon tu ne la verrais même pas ! ».

Les exilés du Tout-monde

En traversant la Margeride avec Dolorès, j'ai revu avec plaisir ces belles  aventures avec Patxi et Xebo depuis que leurs routes " trinquettistes " ont pris des directions opposées.

Illustration 4

Patxi 

Je débute cette histoire en sa compagnie car je me suis rendu compte que depuis son plus jeune âge, il avait accompagné toutes nos escapades même les plus corsées.

Mais ce qui est étonnant, c'est sa connaissance même de la diversité en randonnée : en France, en Martinique et à Taïwan où il vit aujourd’hui. Et au-delà de ses propres aventures, Canada, Australie, Nouvelle Zélande, parmi les nombreuses balades que nous avons faites ensemble, je retiens  celle du Caroux car elle sort de l'ordinaire.

Arrivés au sommet au niveau de la table d’orientation qui explique le point de vue exceptionnel, survint un chevalier braillard à la tête d'un imposant groupe de randonneurs originaires de Sète. 

Je confirme l'appellation " chevalier braillard " car de suite, il nous prit à partie lorsque nous avions décliné nos origines basques. 

Là, il nous fit porter la responsabilité historique des soldats basques dans la mort de l’Occitanie libre et indépendante.

Putain, rien que ça ! L’attaque fut sévère, le réquisitoire violent ! Je m’attendais à tout sauf à ce pamphlet légèrement suranné :

[…] Seuls des basques intrépides avaient pu déjouer les embûches dressées autour de la citadelle de Montségur. Et les chevaliers du nord à la solde du brave Louis IX, le drôle de Saint Louis, s’étaient engouffrés dans la brèche pour tuer dans l’œuf un des derniers bastions du catharisme !

Putain le con, je ne savais pas ! Notre Fouquier-Tinville à l’accent chantant soutint que sans cette aide providentielle, les soldats du Nord auraient été bien incapables de gravir les parois abruptes du Pog. Et comme il commençait à devenir pénible pour en pas dire lourdingue,  pour contrer son délire grandiloquent, je lui ai simplement dit que :

[…] Nous étions venus dans le massif du Caroux uniquement pour observer des mouflons. Mais qu’avec le bordel qu’il faisait lui et son armée de Parfaits en déroute, je ne risquais pas d’en croiser un seul ! 

Cela calma le conférencier fou qui, vexé, déserta la place !

Alors dans la descente, nous avions fait un arrêt royal au refuge des gorges d’Héric.

Une dernière de ce genre car avec ces deux loulous, j’ai collectionné les gaffes comme celle de Cergy où pendant  un match de Hand où jouait le fils de Roland, je n’avais cessé de dire : « Je le connais celui-là ! »

Et à la fin du match, après avoir salué Laurent, j’ai été serré la main du joueur de Cergy, pensant que c’était un collègue du travail.

Et au moment où je lui tendis la main, je me rendis compte de ma bourde. Je ne vous dis pas ce que j’ai  entendu par la suite : « Je le connais celui-là ! ». Patxi avait ajouté : «  Il a dû croire que c’était un recruteur de Nîmes ou de Montpellier  qui l’avait repéré ! ».

Jamais je n’avais vu autant rire Patxi et Xebo que ce soir-là ! 

Une autre fois, à quelques encablures du sommet du Sancy, j’ai eu le malheur de dire en regardant les blaireaux à la Iban sortir du téléphérique au-dessus de la Vallée de Chaudefour :  

« Regarde-moi ces cons avec leurs chiens et leurs k-way ! »

Et ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd car le petit mec devenu grand n'arrête pas de me le répéter même à New Tapei City !

Pour finir, ayant trois petits-enfants créolisés, deux martiniquais-basco-landais et une taiwanaise-basco-landaise, j'ai eu la chance de marcher en Martinique et à Taïwan pour les raisons que l'on devine. En Martinique, lors de la brève mais intense montée de la montagne Pelée au départ du refuge de l'Aileron, après le divin passage de la Caldeira, Patxi avait eu la gentillesse de me prendre le sac à dos, je n’en pouvais plus ! 

Le deuxième épisode fut du même tonneau même si l'effort physique était absent ce jour-là laissant la place à un effort mental d'un niveau équivalent. Car en effet les gorges de Tartako à Taïwan sont imprimées à tout jamais dans cette rubrique particulière qui t'ouvre les portes éphémères de l'utopie fantasmée enfin réalisée.

A toi Xebo

Xebo est le converso de Saint-Brice qui allait mener la rébellion et comme il avait eu raison ce jour-là. Hier, l’instituteur valdoisien s’appelait Sébastien lorsqu’il entrait sur la Cancha du Trinquet de Saint Brice.

Puis un jour, Txema le grand prêtre basque lui dessina un rêve qu’il a réalisé à force de persévérance. Aujourd’hui Xebo vit à Donostia avec sa petite famille, de plus, il enseigne le basque !

Avec Eric, Patxi et Xebo, nous avions décidé de faire le tour du cirque d'Aranaz ou d’Arantza en Navarre qui est une pure merveille ciselée de montagnes basques. 

Après une solide montée au sortir du village, nous fûmes cueillis par un intense brouillard envahissant le plateau. Connaissant bien les lieux, je décidai de partir dans un sens mais Xebo avait des doutes.

Là, j’intervins sèchement : « Le Mendaur c’est chez moi ! Ituren, la ferme de ma grand-mère est en bas alors on part de ce côté ! »  

Illustration 5

Mais comme Xebo était sûr de son fait, il s’approcha de trois paysans qui discutaient près d’un abreuvoir. Et en basque, il leur demanda la direction ! Et ils nous indiquèrent une direction totalement opposée à celle que j’avais déterminée.

Je ne vous dis pas les rires de Patxi et de Xebo qu’ils accompagnèrent de la fameuse phrase : « Le Mendaur, c’est chez moi » ! Au col de Buztitz, avant la rude montée vers l'ermitage du Mendaur, comme le brouillard était toujours aussi opaque, je proposai de faire demi-tour car je ne me voyais pas jouer les acrobates sur la crête effilée de l’Ekaitza.

Illustration 6

Mais instantanément les trois refusèrent. 

Et ce fut tant mieux, car après l’ascension du Mendaur, de retour au col, nous remontâmes vers l’Ekaitza jusqu’à qu’une palombière au repos nous accueillit comme il se doit pour nous ravitailler ! Puis nous achevâmes le tour du cirque en passant par le Komizko Gaina pour s’arrêter devant les nombreux témoignages de notre passé du néolithique avant de redescendre dans la vallée.

Cette rébellion justifiée reste un très grand souvenir car la magie ouatée avait bouleversé la réalité, ce qui fait dire aujourd’hui à Patxi depuis Taïwan lorsqu’il sait que nous partons en balade :

Quand il vous dit à droite, vous pouvez être sûrs que le chemin est celui de gauche ! "

Toujours à toi Xebo !

On partait en forêt de Rosny situé sur les coteaux qui bordent la vallée de la Seine. Et dès notre entrée dans la forêt, le cèpe releva la tête et instantanément Xebo sortit le couteau et les poches du sac à dos. Au carrefour du bois de Beauvoyer, le cèpe d’habitude si discret n’en finissait plus de pousser dans tous les coins de la forêt y compris au milieu du GR 26. On se baissait, on coupait le pied, on posait délicatement le champignon dans la poche en plastique.

Illustration 7

Xebo me proposa de suspendre la marche au profit de la récolte et de retourner à la voiture garée à cinq kilomètres de là pour déposer notre cueillette. Mais comme cet aller-retour théorique de 10 kilomètres m’ennuyait, nous décidâmes d’un commun accord de faire une réserve de cèpes comme les écureuils avec les noisettes, nous les cachâmes dans un coin inaccessible en les couvrant de fougères.

Plus loin, les événements allaient s’emballer lorsque nous découvrîmes des champs de cèpes comme nous n’en avions jamais vu.

On ne cueillait que les fermes, les gros, les ceux de Bordeaux, c’était fou !

Lorsqu’on se posa pour manger, les plans de la randonnée furent actualisés par cette folie champignonnière.

On en avait ramassé jusqu’à atteindre le point maximal de nos capacités de stockage. A la fin de la balade, je portais une poche de cinq kilos plus deux kilos dans le sac à dos, Xebo avait une poche de cinq kilos soit une cueillette de douze kilos ! Et on les avait pesés au château de Meillant, un autre de nos sanctuaires dont je reparlerai ! .

Le poète de la Lande perdue, Jean-Mi

Ce jour-là, je lui avais forcé la main car je ne me voyais pas jouer les funambules sur les pentes enneigées de la Pania della Croce (Italie).

Illustration 8

Je préférai revenir au refuge Rossi en Italie pour déguster sur la terrasse en bois, un Brunello di Montalcino. Quelle randonnée tout de même malgré la frustration de ne pas réaliser ce jour-là l'itinéraire montagnard prévu ! Pour tout avouer, cette pause bienvenue m'allait bien puisque le paysage était classe, et le vin, n’en parlons pas ! 

Nous revenions de pèlerinages de qualité avec au programme Carrare qui  est une capitale internationale de l’anarchie. Les origines italiennes de Jean-Mi me renvoyaient à un homme que j’avais  lu dans ma jeunesse car il s’était fritté avec mon camarade CGT, Pierre Monatte.

Illustration 9

Mais comme aujourd’hui tout le monde s’en fout de la controverse Malatesta – Monatte, je me resservis un Brunello. Je précise que Malatesta est méconnu comme le passé anarchiste de l'Italie ! Malatesta est inconnu comme le sont Élisée Reclus en France ou Isaac Puente en Espagne mais c’est voulu car on n’apprend pas la Liberté mais la soumission en société. Pour aller  à la rencontre de ces inconnus, il faut juste être curieux ou pratiquer la randonnée libérée.

Et parfois l'immense montagnard Jean-Mi peut se métamorphoser en poète landais !

Il m’a souvent guidé dans mon paradis perdu et aujourd’hui retrouvé : les Landes. Je n’ai retenu que ce parcours mythique traversant la Plaine de Pigeon parmi les innombrables que nous avons suivies ensemble comme les Barthes de l'Adour, les lacs du Born, le courant d’Huchet ou le lac d’Aureilhan pour ne citer que les principales. Sans oublier son chef d’œuvre, à savoir le tour intégral du lac de Léon  que j'ai eu la chance de faire au moins deux fois.  

Ce jour-là, depuis Lit-et-Mixe, nous étions partis depuis son antre, la salle restaurée toute pimpante de CinéLit puis nous étions passés en catimini devant une autre merveille de subtilité figée de l’ancien Lit et Mixe, le musée, repaire de ma grande sœur Fafou ou l’épouse de Jean-Mi si l’on préfère.

En chemin nous avions rencontré le maire du village, Gérard Napias, et Jean-Mi l’avait apostrophé en ces termes :  « Fais attention Gérard, c’est mon beau-frère, il est communiste ! », ce qui fit sourire l’élu de la République !

Illustration 10

Arrivés au cœur dans l’ancien marécage, Jean Mi m’expliqua que la Plaine retrouvait son passé lorsque les précipitations hivernales et printanières étaient d'une ampleur inhabituelle mais ce qui n’était pas le cas aujourd’hui. Un autre célèbre  maestro landais, Jean-Jacques Taillentou dont nous reparlerons plus tard aussi dans mes Historiques, raconte dans un de ses livres que ce sont les chasseurs qui ont sauvé la plaine de l’envahissement une fois que les vaches landaises, les coursières l’avaient désertée.

Après avoir traversé le fleuve sur un petit pont de bois emprunté aujourd’hui par le pèlerin de Saint-Jacques, et après avoir salué mes copines les cistudes, nous avions traversé la plaine de sable blanc ou la lette. Plus loin, au lieu de suivre le chemin de Saint Jacques balisé, Jean-Mi se dirigeait vers Saint-Julien en Born. C'est comme ça que je découvris le Mahourat qui est  un havre de paix assez incroyable avec des chevaux et des vaches que l’on croirait venir d’une autre planète alors que ces animaux sont tout simplement landais.

Pour rentrer à Lit, je laissais parler la science de Jean-Mi car il connaît ce territoire comme sa poche. De temps en temps, une traverse de bois nous permettait d’enjamber le ruisselet et de poursuivre notre marche. Nous retrouvions enfin ce courant en ayant basculé à nouveau sur l’autre rive. C’est une pure merveille, ses eaux cristallines d’une pureté rare dévoilaient un fond ensablé zébré de fines lignes brunes qui créaient de toutes petites dunes. Puis l’eau indifférente à ces éphémères beautés sculpturales s’en allaient plonger dans l’Atlantique.

A la surface de l’eau, l’ombre des grands pins se miraient à l’infini. Même le vent qui s’engouffrait dans le corridor n’arrivait pas à perturber le bel agencement des reflets verts et bleus. C’était tellement beau que nous n’avons pas envie de parler et pourtant nous sommes tous les deux d’impénitents bavards. Derrière la barrière, Jean-Mi nous proposa une variante en contournant Lit par ses quartiers périphériques : Pétrocq, l’Homy d’Hahas, les anciennes ,arènes et la mairie avant de rentrer.

Le courant landais doit être apprécié pour sa beauté austère : simplicité et quiétude caractérisent la marche dans ce site  particulier, difficile d’accès. Et même si les mots ne tutoient pas le dithyrambique, on frôle la perfection quand on évolue dans cet environnement authentiquement landais.

Les mobylettes béarnaises

Pour se souvenir de tous ces bons moments passés ensemble, j’ai repris le début de l’article savoureux de Maurice, qu’il avait commis pour le journal régional Sud-Ouest :

 […] L’aventure pourrait commencer ainsi. Il était une fois …  C’est l’histoire de cinq Basques, un Landais, le chef de groupe, (un comble pour un représentant du plat pays), et de trois béarnais dont deux furent baptisés pour la durée du séjour les « mobylettes ». Quatre jours de sentiers au départ d’Arrens-Marsous. Plus de 100 kilomètres de haute montagne ...

Ce fut notre dernière balade collective. En effet, j’ai retrouvé cette lettre datant du 20 janvier 2003 dans le dossier Atsulai-Maurice. Il m’expliquait leur défection collective pour la balade tracée en Bretagne par Txomin :

«  Cher ami, Pour la Bretagne en juin ce n'est pas la joie et j'en porte un peu la responsabilité car je m'étais engagé depuis des mois à servir de guide à un groupe d'Aquitaine du 14 au 17 juin et je ne suis pas en mesure de faire machine arrière. J'ai reçu la visite d'Yvette et de Beñat. Et ils tiennent le même langage, la Bretagne d'accord, mais à condition d'être tous au départ et ce n'est pas le cas. Bref il y aura Paris. 

[…] et je sais pouvoir compter sur l'équipe du trinquet Saint-Brice pour préparer un programme intéressant pour les fous d’Atsulai qui seront nombreux je pense pour cette balade. Mon bon souvenir aux mobylettes et bisous à toute la famille.

Amicalement Maurice »

Les basques d’Atsulai ont toujours été impressionnés par les mobylettes béarnaises.

Illustration 11

Alain et Eric sont entrés dans la sphère magique de ces montagnards qui ignorent le charisme qu’ils dégagent alors qu’ils n’ont jamais cherché  à le revendiquer ! Hélas, je n’ai pas eu l’occasion de revoir Maurice car il  est décédé en 2020.

Et je suis triste car une véritable complicité nous unissait dans la  montagne basque. Il s’intéressait à son histoire et c’était bien agréable de marcher en sa compagnie car il avait toujours le sourire aux lèvres. Et je venais d’évoquer ces formidables souvenirs avec Michel, Marguerite, les deux Beñat, Jo et Yvette, à la sortie de la messe d’enterrement de Paquita de Renteria qui fut une sacrée randonneuse, elle aussi, même si elle s’en défendait. 

Et comme d’habitude, les stars d’Atsulaï m’ont demandé des nouvelles des Mobylettes béarnaises, Eric et Alain ?

Quant à Pascal, Txomin ou moi-même, nous ne les avons pas marqués puisque nous sommes des randonneurs " standard " !

Enfin avec Michel, nous aivons évoqué pour la  sixième ou la septième fois, sa célèbre bourde lorsqu’Atsulaï était venu à Paris lors du fameux pèlerinage avec cet arrêt dans notre temple. Ils avaient même dormi  tant bien que mal à l’intérieur de la Cancha après une randonnée en forêt de Montmorency !

Et un soir alors que nous jouions à la belote dans le club house du club de tennis, Michel avait dit au gérant qui était aussi sympa qu’une porte de prison (expression de ma mère) : « Dis à ta mère de venir se joindre à nous ! », alors que c’était sa femme ! Nous étions morts de rire en voyant la tête scandalisé de l’histrion.

Et ça nous amuse toujours autant …

Les Imprévus d’Agatha Remington

Ce groupe est donc né au collège des Mousseaux à Villepinte sous la houlette de la gent féminine, je sais je l’ai déjà dit.

Et l’aventure se poursuit encore aujourd'hui, la patronne n’est autre que Sandra, la célèbre Pom-Pom-Girl, baptisée ainsi par Georges lors d’une randonnée en forêt de Chantilly. Moi je la préfère en Agatha Remington car c’est la seule thérapeute qui arrive à différencier l’Image de l’Être !

Illustration 12

Tout avait commencé le jour où  je devais changer les balais d'essuie-glaces. Action banale qui chez moi s'apparente à une performance. Et au moment où j'allais remettre le balai gauche, j'ai lâché le bras métallique qui est venu exploser le pare-brise. Et comme la voiture était stationnée devant la salle du collège où Agatha et Dolorès travaillaient, la première a éclaté de rire alors que la seconde m'a fusillé du regard.

Mais ce banal incident allait enclencher une incroyable thérapie qui s'est étalée de la Baie de Somme aux dernières séances dans les Pyrénées qui se sont déroulées avant-hier.  

Ce groupe de Pimpims des Mousseaux allait  être guidée par le plus mauvais éclaireur de randonnée qu'il soit ! 

Et je le prouvais une nouvelle fois lors de cette banale sortie en forêt de Fontainebleau. Je venais de découvrir un sentier que je ne connaissais pas qui ouvrait une nouvelle voie jusqu’au sommet d’une platière. Une véritable opportunité à ne laisser passer sous aucun prétexte. Mais en descendant du mauvais côté, mon sens de l’orientation à très faible portée a fini par disjoncter ! Une rébellion spontanée s‘en était alors suivie m’obligeant à choisir une direction au hasard. Jean et Olivier étaient présents à mes côtés lorsque nous avons croisé un groupe de marcheurs qui commençaient à tourner en rond.

En nous voyant avec une carte IGN à la main, une personne nous a dit :

« On va vous suivre car vous, vous savez où vous allez !

Et Olivier de répondre :

− Et non, nous aussi, on est complétement perdus ! 

− Ça ne fait rien, on va vous suivre quand même ! »

On leur a permis de retrouver leur parking ! La chance ? Le flair ?  Non, une randonnée classique !

Et comme dit César Le Camp, c’est le petit calepin !

La preuve avec cette balade en Seine-et-Marne. Mikel qui accompagnait cette avant-garde, Fred et Marie,  Imprévus, me demanda si on traversait des villages on pouvait  trouver du pain alors que nos sacs à dos étaient blindés !

Bref il n’y avait presque aucune chance que dans les petits villages traversés, nous trouvions une boulangerie. Et à l’entrée d’Ozouer, le miracle se produisit. Une boulangère venait de réapprovisionner le distributeur automatique appelé La Baquette, incroyable !

Les séminaires de l’UHP

Bien sûr c'est Nicolas qui avait trouvé ce nom lié à l'épisode de la révolte asturienne de 1934 !

Illustration 13

La véritable UHP est née deux ans avant l’arrivée des généraux fêlés et félons, et de leurs petits soldats de plomb qui massacreront l’Espagne pour assouvir leurs pulsions de débris humanitaires.

Le Goret Galicien fur un acteur de la répression.

Puis tuer en 1936, Isaac Puente et Garcia Lorca et tant d’autres ou tuer la réflexion, la poésie, a toujours été  une évidence pour ces ratés.

Dans les Asturies, le général de la dictature fasciste de 40 ans à venir, s'occupait déjà de la répression ! Au pays de Cervantès, une honte ! Mais ce que je retiens de positif au milieu de ce prolongé pestilentiel actuel, ce sont les fabuleux conseils de lecture de Jean-Pierre. Du temps perdu de Bruno Arpaia et Dernière frontière du même auteur. Trop fort le Jean-Pierre !  

On débute ces séminaires par cette Impression au soleil levant. Avec Jean-Claude bien sûr car le camarade CGT a le chic d’illuminer ces séminaires ambulants avec ses Spécialités made in  Dordogne.

Les premiers ont eu lieu à Pontoise, Chatou et Poissy pour découvrir les reproductions des célèbres tableaux des Impressionnistes et de leurs élèves ! En plus de ces études, Jean-Claude me dispensait en cours de balade des tuyaux dans un domaine où il est un maître : l’œnologie.

Je l’ai déjà traduit en Portfolio dans mon blog Mediapart pour montrer combien Jean-Claude est le compagnon idéal pour ce type de balades car en plus d’être un cador dans cette délicate matière, c’est aussi un fin gourmet. Il m’avait même invité une fois chez un " Etoilé  " à la fin d’une balade car il savait que mes papilles gustatives frôlaient la qualité pour ne pas dire la perfection car malgré mes origines prolétariennes, j’avais reçu une éducation royale du palais avec les Descoustey, ma grand-mère et ma mère, toutes les deux cuisinières gasconnes hors-pair !

Aujourd’hui, le nouveau GR® de Pays de 130 km court le long des bords de Seine. Il débute à Chatou et clôt sa dérive à Giverny dans l’Eure. Ces huit étapes sont aujourd’hui labellisées. Nous, nous avions juste devancé l’appel lors de nos randonnées passées et j’ai eu la chance d’effectuer tous ces parcours avant de nous envoler (c’est une image Jean !).

La première de ces arriérés s’était posée au niveau de la table d'orientation sur les coteaux la Francilie avec à l’horizon les tours de la Défense ! Parvenus à Louveciennes,  nous avions étudié l’empreinte indélébile laissée par Pissarro. 

En 1896, il était venu en aide à mon camarade et autre maître à penser de l’intelligence situationnelle comme dirait Pierrot, Émile Pouget. Il avait écrit à son fils Lucien pour justifier cet acte :  […] Je t'envoie une lettre de Pouget qui est en prison et au dos tu liras un mot très dur de ta mère pour m’être laissé toucher par les malheurs de Pouget. Cependant je ne fais que rendre ce que Caillebotte a fait pour nous quand nous étions dans la peine et que nous étions si heureux de le trouver je ne comprends pas ses reproches !

Quant à Pouget et Jean-Claude, c'est une autre vieille histoire mais je ne vais pas mettre de l’huile sur le feu car je l'ai déjà racontée rue Rigollot à Amiens !  

Un peu plus loin pour l’estanquet, comme à son habitude Jean-Claude avait sorti du sac à dos, son foie gras légendaire que l'on avait accompagné d’un Quincy à température idéale avant d’attaquer la cochonnaille basque et l’Ardi-Gasna accompagnés d’un Valencay Vieilles Vignes.

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La suite des séminaires avec ce décollage en règle

Le séminaire suivant recevait de jeunes étudiants, Georges, Nico, Fred, Eric, Pascal. Il se déroula au-dessus de La Roche-Guyon, on apprenait le fameux décollage martiniquais dirigé par Alain du Morne Bœufs. Même Eric avait décollé dans le brouillard au-dessus des falaises qui dominent la Seine, c’est dire. C’était du rhum-pays Jean, pas de l’aviation !

Puis ce jour-là, pour participer à la fête, Fred proposa à des " Parvenus-bourges-en 4x4 " de venir trinquer avec nous ! Là, le chef de la horde sauvage nous remercia avant d’ajouter : « C’est drôle d’habitude les randonneurs nous jettent des pierres et là vous nous invitez à trinquer avec vous ! »

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Après ces mises en situation, venons-en à notre troisième session sérieuse. La balade se déroulait dans le Vexin, la petite bande arriva tranquillement à l’entrée d'un petit village dont nous avons tous oublié le nom. Une murette bienvenue nous attendait pour nous sustenter !

Là, notre œnologue en chef, Jean-Claude, était prêt à dégainer sa bouteille de blanc à température comme il doit lorsque Nico l'arrêta.

Il sortit à son tour la bouteille de Saint-Véran. Mais au moment de la dégustation, Jean-Claude intervint pour stopper le tout car il ne trouvait pas le vin servi à température idéale. Qu’à cela ne tienne, Nico se leva et sonna à la première maison venue ! Il demanda à la personne qui lui ouvrit gentiment, s’il voulait bien mettre la bouteille au frais. Et il lui proposa de venir trinquer avec nous. Notre habitant remplit consciencieusement sa mission même s’il déclina l’invitation de Nico et il nous restitua ce doux breuvage lorsqu'il partit faire les courses. Et ça tombait bien car nous avions déjà fini la première bouteille. Et il n’y avait que Nico pour assurer ce tour de passe-passe !

De l’Aloxe-Corton en Vallée de Vesgre

Le vin est certes un complément idéal du partage et de l’échange lorsqu’on marche, même si mon Maître à penser, Élisée Reclus, ne buvait pas une goutte de vin et ne mangeait pas de viande.

Mais je pense sincèrement que si nous avions marché ensemble en randonnée du côté d’Orthez, je lui aurais servi un Jurançon sec en entrée et un Madiran de la cave de Crouseilles. Et je lui aurai raconté ces faits qui m’avaient heurté ce jour-là.

Nous étions en vadrouille dans la sémillante vallée de la Vesgre dans les Yvelines en compagnie de Dominique, Julien, Philippe, Jean-Claude, Michel et Didier. Et au moment de nous restaurer, Dominique sortit sa bouteille d'Aloxe-Corton. Or, pour moi, c’était une hérésie car on n’emmène pas de grands crus en randonnée. Mais il me répondit du tac au tac, un, que ça lui faisait plaisir et de deux qu'il faisait ce qu'il voulait.

De l’Aloxe-Corton dans des gobelets en plastique, mais qu’est qu’il était suave ! Il faudra que je demande à mes deux œnologues préférés Jean-Claude et Philippe ce qu’ils en avaient pensé puisqu’ils étaient présents ce jour-là !

Mais je me dois de reconnaître que nos randonneurs gauchistes comme Jean l’imprimeur, pas Jean l’aviateur, et l’UHP au complet nous ont souvent gâtés de ce côté. Et du temps de Jules, on se régalait aussi dans le Val d’Oise et dans l’Oise. On avait même réveillonné un 31 décembre au-dessus de l’Abbaye de Royaumont avec des vins classe. Jurançon pour André, normal il est béarnais, et vins de Loire, grande spécialité de Jules.  

Fin des séminaires, j’entame ma solitude bienheureuse !

Mes solitaires

Elles ont vu le jour en Île de France même si je les avais déjà expérimentées dans les Landes.

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Et lorsque le chemin finissait de me faire rêver, je savais que je n’étais qu’un sombre ignorant, un gentil qui avait voulu jouer les méchants en épousant des idéologies abracadabrantes qui devaient faire tomber toutes les chaînes de l’humanité alors qu’elles n’avaient fait que les renforcer afin de pénétrer au plus profond les chairs des humains devenus ilotes par consentement.

Après cette violente introspection que n’aurait pas désavouée, le spécialiste de la Déconniatrie, François Tosquelles, même si on ne jouait pas la même partition loin de là, je revenais sur le chemin en toute sérénité.  À présent, j'allais où bon me semblait sans contraintes, sans objectifs, au gré de mon inspiration juste en regardant de temps à autre la carte IGN car je savais que l'essentiel de la beauté du Tout-monde était à disposition de tout un chacun pour sublimer les rêveries de tous les promeneurs solitaires et pas que des privilégiés rousseauistes.

Seul, on n’entend plus les réflexions déplacées du style «  Quand est-ce qu'on mange ? » ou « On a fait combien de kilomètres ? » ou encore «  Il en reste combien ? ».  Pour revenir aux escapades solitaires, l’idéal est cette époque de l’année où tout le monde fait semblant d'être heureux (noël, 1er de l’an). Lors de ces périodes dites sacrées, je n'ai jamais croisé âme qui vive, excepté des chevreuils ou des sangliers qui décampaient dès qu’ils m’apercevaient sauf un jour en forêt de Monceaux lorsqu’un jogger au moment où j’allais me servir un coup de rouge, m’avait dit : « Vous êtes le plus heureux des hommes ! ». Avait-il lu dans mes pensées ? Car c’était la réflexion que je venais de me faire après avoir planté mon couteau sur la longue table qui pouvait accueillir une douzaine de randonneurs affamés.

La randonnée solitaire dévoile souvent les chemins torturés de l'histoire et lorsque tu as le temps de les analyser c'est en général seul. Et comme ma sphère de liberté traverse ces pôles éclairés par les écrits des hérétiques ou aujourd'hui Gorz, Leys ou Semprun, avec qui voulez-vous que j'échange en évoquant ces zozos ? Aujourd'hui, toutes mes sorties en Jubilación que je consacre à la nature, me sont inspirées dans le Tout-monde par Élisée Reclus, Edouard Glissant et Kenneth White, ces poètes de la différence ou de l’indifférence. En marchant à leurs côtés, j'ai enfin compris que je serai à tout jamais un Hérétique et qu’il fallait mettre un masque (merci Agatha Remington)  pour ne pas être considéré comme un asocial.

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Alors j’ai dessiné cette belle aventure personnelle juste avant de cesser de vendre ma force de travail gorzienne. Au départ, je voulais juste faire faire le tour complet des 600 km et des poussières au départ du GR1 à la Porte Maillot ! Avec une seule contrainte, rester dans le périmètre de la carte IGN Paris et ses environs (au 1/80 000 soit 1 cm = 800 m). Pour faciliter ce projet, j'avais acheté le topo-guide : Tour de l'Île-de-France (3e édition – août 1990) et j’en avais déniché un autre chez un bouquiniste : Sentier de l'Île-de-France G.R. 1 – 5° édition Décembre 1974.

Mais très vite mon inspiration m'avait éloigné du balisage car on passe trop de temps à repérer les marques rouge et blanches plutôt que de consacrer la marche à la rêverie.

mon tour en solitaire était tout simplement une simple illusion. Je l’avais programmé depuis fort longtemps mais j'ai attendu le moment idéal avant de me lancer.

Je l’ai débuté à quelques mois de mon départ effectif en Jubilación. Mais entre le moment où je l'ai enfin réalisé et l’écriture actuelle, huit bonnes années se sont écoulées.

J’ai donc marché en solitaire mon idée de départ soit 1 500 kilomètres avec mes tours et mes détours et les diverticules ajoutés. Bien sûr, j’avais gommé la traversée du Vexin et d’autres territoires comme la forêt de Fontainebleau que je connaissais bien pour découvrir autre chose et je ne fus pas déçu. C’est aussi le topo-guide Randonnées en Seine-et-Marne de gare en gare qui m’avait inspiré mais c’est bien le GR qui m’a servi de fil conducteur. Enfin, un dernier document stratégique : le GR de pays de La Ceinture Verte d'Île-de-France … à pied.

J’ai débuté le dimanche 16 décembre 2016 à la station RER Charles de Gaulle-Etoile. Le GR1 débute à la porte Maillot et comme d’habitude, je l’ai rapidement perdu pour retomber sur le GR2 pour finir ma première sortie par un balisage local près de l’île des Impressionnistes.  Ça commençait fort ! J’avais décrit mes premières émotions mais j’ai vite arrêté privilégiant la photo au compte-rendu préférant pour laisser mon imaginaire s’exprimer :

[…] ne plus être – identité perdue – penser autrement – découverte de l’étang de la Marche accompagné d’un repas de roi : paella de la veille arrosée comme il se doit – canards qui applaudissent en battant des ailes – étang de Saint-Cucufa – Rueil – fameux cross du début de la saison rugby avec Jean-Louis – souvenirs horribles

Évidemment, je n’allais pas décrire les quarante randonnées de gare en gare et les quinze diverticules effectués, j’ai préféré capter une étonnante lumière et découvrir des vallées et les forêts ignorées.

Et puis comme dit Jean-Pierre, tes photos parlent bien mieux que tes écrits ! 

Et ce ne fut pas d’une simplicité linéaire pour faire bisquer Fafou, si elle corrige ces écrits.

Des trains qui s’arrêtent en pleine campagne et demandent d’improviser sur le champ comme lors d’une traversée de la vallée de Chevreuse  dans les Yvelines. Avec en prime au terme de la randonnée plus de trains ! Ce jour-là, j’avais dû prendre un bus comme les autres voyageurs pour retrouver la gare de départ de Saint-Rémy-Lès-Chevreuse !

Oui je sais, on peut penser que je suis un privilégié mais grâce à mon camarade Ambroise Croizat, je me suis fait une rente correcte de Jubilación. Et  depuis que Jean-Pierre m’avait appris que Freud avait battu Marx en trois sets : 6-1  6-2  7-6 au tie-break, pour éviter les étrons des types qui n’ont jamais rien foutu de leur vie  mais qui continuent à pondre des réformes sur ce qu'ils ignorent, le travail, il  était temps de reprendre le chemin libéré de toutes contraintes et des colifichets habituels. 

Déjà pour se mettre au vert, rien ne valait la visite des jardins de Daubigny et d’Eric ! 

 Je marchais sur un sentier lumineux,  la sente du Chou, pour rejoindre deux célèbres jardins, celui de Daubigny et bien sûr celui d’Eric ! Une année, mes deux béarnais préférés, Gisèle et Eric, partaient en vacances. Eric  était venu nous porter ses tomates, ses piments et ses oignons. J'avais alors réalisé la meilleure piperade de ma vie et dieu sait si j’en ai mangé des bonnes. Je précise pour Fanchon et Simone, que je n’enlève pas la peau des tomates, Marthe, Marcelle et Fafou ne le faisaient pas à Tyrosse, je ne vois pas pourquoi, je serai influencé par une pratique basque. Ma pipérade avec les tomates non pelées d’Eric était fameuse !

Les  sentes valdoisiennes

L’an dernier avant d’aller marcher en baie de Somme avec les Imprévus, j’avais eu la chance de les parcourir à nouveau en compagnie de Nico, Jean-Claude et Georges pour aller à la rencontre du missionnaire humanitaire, Eric. Il apprend le français à tous les fracassés mondiaux que le système économique, le capitalisme et la guerre déplacent à volonté ! Les premières  sentes retrouvées lors de ma traversée existentielle furent celles de Montmorency puis vinrent les sentes de Saint Leu et enfin celles de Beaumont sur Oise. .

Les vallées secrètes de la Seine-et-Marne

J’avais évité mes classiques comme la vallée de l’Aubentin et ses jolis moulins, les vallées du Petit et du Grand Morin pour découvrir les inconnues comme le Val d’Anœur qui est incontournable lorsque l’on porte en soi une inspiration de Poétique reclusienne.

La traversée de ce ruisseau via des petits ponts est adorable. Je l’avais déjà dessinée à ma façon pour découvrir les châteaux de Bombon, de Brandy et de Vaux le Vicomte que même Fafou et Jean-Mi avaient visité.

Et j’ai eu la chance de refaire cette randonnée exceptionnelle tant au niveau des paysages que de l’histoire avec Mikel et Eric.

La Seine-et-Marne est un département tellement riche en randonnées, que j’avais réussi à tracer de l’inédit comme ces rochers inconnus de Bois-le-Roi, la grotte aux cristaux : […] Il existe très peu de gisements de calcite de ce type et aucun ne présente des cristaux de cette taille et de formes aussi parfaites. L’une des plus belles et des plus parfaite cristallisation de rhomboèdres de grès à ciment calcitique au monde. La calcite est le minéral caractéristique du système, Le polyèdre allongé dont les faces sont des parallélogrammes, est constitué de rhomboèdres empilés les uns à côtés des autres.

 Je n’ai fait qu’un copier-coller sur le Net ! Des rhomboèdres : je n’avais jamais entendu ce terme alors une cristallisation, on se rend compte ! Il faudra que je demande au spécialiste Guy (César Lecamp), s’il connaissait cet endroit magique et ces termes ?

Pour avoir déambulé dans ce labyrinthe des merveilleux rochers dans cette forêt féérique qui possède des paysages du monde entier et je n’exagère pas, je me suis arrêté en fin de parcours devant les ruines de l'abbaye cistercienne Notre-Dame du Lys située à Dammarie-les-Lys que je ne connaissais pas non plus !  Et en arrivant à la gare, comment s'appelait  la place pour faire un sacré clin d’œil à ces poétiques ? Élisée Reclus forcément, j'étais arrivé à  Savigny-le-Temple !

La vallée de l'Yerres

Ce fut une véritable découverte grâce à Escapades, un opuscule qui détaillait huit balades de 2 à 7 kilomètres. Je l’avais obtenu en écrivant au syndicat qui gère l’eau Syage  (Syndicat mixte pour l’Assainissement et la Gestion des Eaux du bassin versant de l’Yerre ) qui me l’avait gentiment envoyé.Aujourd’hui on le trouve en PDF sur le site du Syage. Il suffit de taper Escapades Liaison verte des Bords de l’Yerres. Une carte complète est mise en ligne sur le site entre Crosne et Combs la Ville.

On croise tout au long des différents parcours, des moulins et du néolithique classique (menhirs et dolmens).  Et bien sûr Gustave Caillebotte qui avait plusieurs fois posé son chevalet et sa géniale palette près de sa propriété. J’ai eu la chance plus tard de refaire cette merveille d’aménagement intelligent pour amoureux de la randonnée harmoniste avec l’Avant-garde éclairé de la Txapela Taldea (Yves, Guy, Gilles bien sûr et Jean-Pierre el Lider Maximo) et Fred qui était libre ce jour-là !

La traversée de l’Essonne

Les bords de l'Yvette la plaine de Saulx et les marais de l'Essonne, Longpont et la tour de Montlhéry, les marais de l'Essonne, c'était magnifique.

Quelques années plus tôt, Kika (lui-aussi décédé en 2024) m'avait fait découvrir la vallée de la Juine et le domaine départemental de Chamarande. Il avait aussi tracé la fameuse randonnée Dourdan-Saint-Chéron le long de la vallée de l'Orge. Ces itinéraires sont tout simplement  remarquables. Nous les avions parcourus ensemble et bien sûr, j'ai eu une pensée pour Kika qui a inspiré celles que j’avais dessinées dans cette traversée.

Il  y a eu aussi l’abandon de Mallemort d'Édouard Glissant que Jean-Pierre avait trouvé dans une boîte à lire. J'avais beau essayer de le lire lors des longs trajets en RER ou après une pause déjeuner, je n'y arrivais  pas. Mes livres cultes de Glissant sont le Discours antillais et Poétique de la relation mais ces romans, je n'accroche pas. Et contrairement à Patrick Chamoiseau qui considère que ce livre a inspiré son écriture future, je décidais de l’abandonner au profit du Meilleur des mondes d'Aldous Huxley que j'allais dévorer pour la seconde fois.  

Je n’oublie pas les somptueuses balades le long des marais de l’Essonne et des vallées de l’Orge et de la Renarde.  Le retour en vallée de Chevreuse fut totalement improvisé à cause d'un grave souci ferroviaire. Par chance, ce jour-là, j’ai découvert le marais de Maincourt. La suite de l’aventure se déroula sur les remarquables chemins de Gally, puis vint l'extraordinaire vallée de la Bièvre que j'avais déjà  traversée avec le régional de l’étape, Philippe.

Et je touchais au but de cette belle traversée de 1 100 kilomètres et des brouettes donc la moitié fut réalisée en Jubilación. La forêt des Fausses Reposes et les terrasses de L’Observatoire de Meudon, achevèrent ce retour  à la civilisation. Mais plus j'avançais, plus j'apprenais et plus je découvrais. Enfin, j’avais achevé mon tour en suivant la progression de la 2 IIème DB mais je n'oublie non plus la maison où Condorcet fut dénoncé avant d’être exécuté.

Les traversées  de Paris

Pour clore ces diverticules que je ne terminerai jamais, j’avais eu la riche idée de tracer une première randonné autour des portes de Paris en m’inspirant du GR2024 qui inauguré en juin 2017. Après les Jeux Olympiques, il fut naturellement transformé en GR75, appellation plus logique à mon sens que le commercial 2024 ! Long de 50 km, il traverse neuf arrondissements périphériques et  relie les sept GR qui traversent Paris.

Illustration 18

Pour agrémenter le premier tracé et profiter à plein de toutes ces merveilles, je l’ai effectué en trois fois au départ des gares parisiennes. J’étais bien sûr  retourné au Trinquet à la descente vers la porte de Saint-Cloud où Xebo y avait joué une finale la ligue Île de France, à main nue s’il vous plait ! Je rappelle que si nous jouions tous à main nue, nous le devons à notre professeur Txema !  

Comme la Promenade plantée qui est l'ancienne voie ferrée qui parcourait l'est parisien plantée ou des parties des trois traversées parisiennes balisées de Paris. Entièrement piétonne, elle est devenue une coulée verte de 5 kilomètres environ. Elle traverse des jardins  comme celui  de Reuilly, le square Charles-Péguy, l’ancienne Gare-de-Reuilly et le Jardin Hector-Malot.

Pour sourire de tout, lors de mon dernier parcours j’ai été dévié au niveau de la Porte d’Auteuil car des messieurs en culotte courte étaient occupés à échanger une petite balle jaune. J’étais alors monté jusqu’au Mont Valérien via la traversée du vignoble de Suresnes pour aller saluer les  camarades fusillés par les nazis avant de redescendre plus loin sur Paris pour déguster un tartare à  la Renaissance, rue Championnet !

Un petit mot sur la Commune de Paris

N’étant pas un spécialiste de cette période complexe contrairement à Gilles de la Txapela Taldea par exemple, je vous voudrais remercier deux de mes professeurs d’Histoire aujourd’hui disparus.

D’abord, Robert Samson, le père de Jean-Mi qui m’avait raconté cette révolte sacralisée aujourd’hui devant le Mur des Fédérés et Philippe Boisseau  qui m’avait laissé toute sa documentation à la fin de notre balade commune sur les pas des Communards, filmé par Daniel Ropars. Pour mieux connaitre Philippe, il suffit comme d’habitude de lire le Maitron.

https://maitron.fr/spip.php?article187210, notice BOISSEAU Philippe, Jacques, Louis dit Eugène, Paul par Robert Kosmann, version mise en ligne le 23 novembre 2016, dernière modification le 4 novembre 2021.

Grâce à Philippe j’ai eu cette information sur Augustin Avrial : qui […] vota contre le comité de Salut public et, le 15 mai, signa la déclaration de la minorité : « La Commune de Paris a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Salut public. »

Et comme il avait  bossé pour la Commune avec Élie et Élisée Reclus, j’ai rajouté ce point dans cette poétique reclusienne :

[…] En 1877-1878, il collabora avec entre autres à la revue socialiste révolutionnaire Le Travailleur, qui parut à Genève du 20 mai 1877 à avril-mai 1878.

Une précision que j’ai déjà relatée, Élisée Reclus, fut capturé les armes à la main sur le plateau de Châtillon lors de la sortie du 4 avril 1871. Il connut le camp de Satory, puis les pontons de Brest où il donna des cours à ses camarades détenus, soit en tout une quinzaine de prisons et onze mois de captivité. […] 15 novembre 1871, il fut condamné à la déportation simple après avoir tenu à affirmer son socialisme. À la suite d’une autre pétition de savants, sa peine fut commuée en dix années de bannissement (3 février 1872). Il se refusa toujours à signer un recours en grâce ; sa peine lui fut remise le 17 mars 1879.

https://maitron.fr/spip.php?article154053, notice RECLUS Élisée (RECLUS Jean Jacques, Élisée) [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Philippe Pelletier, version mise en ligne le 11 avril 2014, dernière modification le 29 avril 2022.

J’arrête là car on pourrait pour en parler des heures et des heures. J’ajoute juste mon parcours interrogatif sur les pas  des  Communards au départ de la gare du Nord:

Butte Montmartre – Les dernières barricades – Buttes Chaumont - Le Père Lachaise  - Butte aux Cailles - Restaurant : la SCOP du Temps des Cerises  – Gare de Lyon.

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Conclusion : avant d’étudier dans un prochain texte, l’ignorance révélée d’un hérétique intégré, je voudrais terminer ces étonnantes randonnées parisiennes par quelques images dans le désordre qui m’ont marqué :

Les trois  traversées de Paris qui vont  de la porte Dauphine à la porte Dorée, la seconde qui court de la porte de la Villette au parc Montsouris et la dernière que j’appelle  comme le topo guide le dit si bien Collines et Villages de Paris qui passe par les Buttes Montmartre, Buttes Chaumont et traverse le Père Lachaise.

Kika m’avait acheté le premier Topo guide qui décrivait cette traversée et il avait ajouté : « Du grain à moudre Marc. Avril 2001. Kika » 

Je n’oublie pas non plus Nadette et les Imprévus à la découverte du Jardin du Luxembourg lorsque Jean, en visionnant l’embonpoint d’un célèbre sénateur, avait décidé de se lancer dans la campagne car il pensait que l’on devait bien manger lorsqu’on était élu ! Enfin avant de partir dans le Sud-Ouest, j’avais découvert et parcourir les aménagements de Petite Ceinture qui était une ligne de chemin de fer qui faisait le tour de Paris.

Complainte à à l’attention de tous les doxophages de droite comme de gauche sachant que les fachos de l’hystérique ripolinée ne m’intéressent pas :

[…] les doxosophes, ce sont les savants apparents de l’opinion, ou des apparences, c’est-à-dire les sondeurs et les analystes des sondages, ces gens qui nous font croire que le peuple parle, que le peuple ne cesse de parler sur tous les sujets importants. Mais ce qui n’est jamais mis en question, c’est la production des problèmes qui sont posés au peuple. (Pierre Bourdieu)

Ainsi s’achèvent ces histoires qui n’intéressent que peu de monde alors pour aller plus loin, je repars avec mes hérétiques, mes historiques que j’ai commencé à écrire dans de nouveaux traités reclusiens, n’en déplaisent  à Dolorès qui me dit toujours : " Vis dans ton temps et pas toujours dans l’histoire ! "

Et comme dit Fafou, Adishatz Munde !

Mars  2025                   

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