Marc Bloch fut aussi le résistant Narbonne. Il a été fusillé au lieu-dit Roussille à Saint-Didier-de-Formans le 16 juin 1944 après avoir été torturé comme il se doit par les gestapistes de l'époque.
Alors pourquoi avoir commencé ce billet en évoquant Marc Bloch ? Tout simplement parce qu'il avait écrit "L'étrange défaite" dans sa maison située au Bourg d'Hem à une quinzaine de kilomètres environ de notre gîte en Creuse.
Le célèbre historien n'avait pas hésité à se battre pour la liberté alors qu'il aurait pu s'enfuir aux États-Unis dès l’instant où Pétain avait signé le statut des Juifs du 3 octobre 1940, de sa main tremblante de vieillard pas si sénile que ça lorsqu’il s’agissait de jouer les fascistes, et bientôt le chien servile du nazi Hitler.
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Après cette introduction abrupte, venons-en à ce séjour en Creuse, marqué par la garde traditionnelle avec les deux autres grands-parents de nos deux petits-créolisés communs.
J’avais choisi la Creuse comme point de chute car j’ai toujours trouvé ce département fascinant. Ce fut et cela reste encore une terre de résistance à ce monde capitaliste, guerrier et assommant qui ne profite qu’à une minorité internationale au détriment du peuple des hominidés !
Chaque fois que j'ai marché en Creuse, mes neurones se sont ressourcées afin d'aérer un cortex formaté ! Mais je ne m'attendais pas à ce feu d’artifice historique, allumé par de sacrés concours de circonstances. Et j'avais oublié que la Creuse au-delà de ces paysages enchanteurs fut aussi une terre d'accueil des parias !
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Lors des séjours précédents, de balades en balades, de randonnées en randonnées, reclusiennes à souhait, j'avais découvert à la fois le pont de Senouex mais aussi le monument aux morts de Gentioux.
Ce monument honni par les militaires, les fascistes et les faux-culs éclairés rappelle ce que Jacques Prévert avait signalé, à savoir que la guerre est une sombre connerie ! Maudite soit la guerre !
Mais j’arrête là l'introduction pour ne pas froisser, Jean Mi, mon beau-frère, l’italo-doubiste qui vient de me signaler, il y a deux jours de cela que mes billets Mediapart sont parfois trop longs.
En tenant compte de ses remarques bienveillantes (la breugue et la longueur), allons donc à l’essentiel !
Première surprise : la présence en Creuse à la même époque de Thierry, l'aviateur anglo-navarrais avec qui nous avions suivi la ligne du Réseau Comète en compagnie de la Fée Clochette ! (Voir les billets précédents sur les passeurs basques.)
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Mais avant de le retrouver, nous avons eu le temps de découvrir l’immense oppidum du Puy de Gaudy (651 mètres) et les carrières du mont Maupuy, sommet qui culmine à 683 mètres, qui est situé sur la commune de Saint-Léger-le-Guérétois.
Jusque-là que du classique avec des parcours immenses de beauté paysagères qui révélaient de sacrés panoramas rehaussés par des couleurs automnales naturelles à faire frémir le moindre pinceau à peu près maîtrisé, tout le monde ne s'appelant pas Pissarro ou Corot !
Comme à chaque fois que je découvre un pays, rien de mieux que de foncer en direction d’une librairie (elles étaient encore ouvertes avant l’oukase récent et ridicule de la technocratie frileuse actuelle). Et j'avais aussi une drôle d'idée en tête qui me trottait mais que je n’arrivais pas à visualiser.
Là, je tombais sur un premier livre étonnant sur la rafle des juifs à Bourganeuf. Je dis étonnant pour moi mais horrible pour ceux qui ont été raflés car cela se passait en juillet 1944 !
Le livre : Une rafle Bourganeuf, 21 juillet 1944 de Marie-Françoise Greminger (Points d'Ancrage).
Lorsque j'en ai parlé à Thierry, ce dernier m'a rappelé que la famille de sa femme, Claudine, et en particulier Auguste et Eugénie Caudoux, avait sauvé trois familles juives dont cinq enfants des griffes des criminels nazis.
Une stèle qui se trouve au hameau de Beaumartys à hauteur de la grange, leur rend hommage.
Ce qui était étonnant dans cette histoire, c'est que nous avions fait ce circuit pédestre avec Kattalin, "Sur les pas de Martin Nadaud" et que nous étions passé au hameau de Beaumartys derrière Soubebrost, Or, s'il y avait une stèle à cet endroit, je l'aurais prise en photo ...
C'est Thierry qui m'a confirmé que la stèle avait été inauguré en août 2018 ce qui explique que nous ne risquions pas de la voir puisque la balade était antérieure avant sa mise en place.
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Puis survint ce second concours de circonstances qui allait faire basculer ce séjour déjà bien fourni dans de l’exceptionnel ! Et régler par la même mon éternelle interrogation que je n’arrivais toujours pas à cibler !
Après la visite de Thierry au gîte qu’il avait accompagné d’un sacré impôt révolutionnaire avec des cèpes d’une qualité exceptionnelle et un classique Rioja, nous décidâmes de faire le Terra Ventura d'Aubusson, en famille sans Fred qui était désigné comme nounou officielle pour garder sa petite poupée martiniquaise de petite fille de la branche cadette .
Bien nous en avait pris d’avoir choisi celui d’Aubusson même si le parcours « Au milieu coule une rivière » se révéla décevant car j’eus l'autorisation de rentrer dans la boutique d'un bouquiniste à condition de faire vite pour ne pas impatienter les deux petites créolisés.
Je saluais notre libraire avant de lui demander où je devais chercher les livres sur l’histoire de la Creuse. Et en dix minutes, je dénichais trois trésors, dont celui-ci : Le Temps des Maquis Histoire de la résistance en Creuse de Marc Parrotin
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Comme le séjour en Creuse tirait à sa fin, je l’ai dévoré dès notre retour au gîte !
L’auteur : Marc Parrotin instituteur/professeur, était un militant communiste. Il fut à 20 ans un des plus jeunes résistants de la Creuse. Arrêté, torturé par de bons français chers à Pétain, les Miliciens, il s'en sortira grâce à l'intervention des hommes du Colonel Guingouin.
Son livre se révéla être une véritable "Bible" en ce qui concerne la Résistance en Creuse.
Et si j'avais été à l'essentiel lors de notre séjour à Guéret, j'ai eu le temps de l'étudier de retour à Tarnos. Première découverte : à la page 206 de son récit :
« Ils sont trois camarades espagnols (...). Je les connais bien, ces combattants de l'armée républicaine que la défaite a amenés dans notre région après une longue détention dans des camps de réfugiés.
Il y a la José Fuentès, Francisco Roberto et Miguel Lopez dit Vidal. Il retrouve le fils des Lachaise, un ancien des brigades internationales. »
J’ai laissé volontairement laissé la phrase ainsi car aujourd’hui on ne sait toujours rien sur cet ancien des Brigades Internationales.
Mais ce que j’avais en tête depuis le début du séjour et que je n’arrivais pas formuler allait apparaitre à la page 210 : « Il existe près de Guéret un camp où furent internés les républicains espagnols.»
C'est ce fameux Camp du Clocher que les FTP investirent le 10 novembre 1943 pour se ravitailler en matériel de toutes sortes. À ce moment-là, j'ai refermé le livre, j'ai respiré un bon coup car je venais de découvrir ce qui me tarabustait depuis notre arrivée : le Camp du Clocher. Mais bon sang, c'était bien sûr !
Le fameux camp dont j'avais entendu parler puisque l'Ateneo Républicano du Limousin s’occupait de réhabiliter la mémoire de l’enfermement des républicains espagnols dans ce lieu !
La lumière enfin revenu, je l’identifiais par un coup de Stabilo sur la carte IGN près du centre de la commune de Saint-Léger-le-Guérétois situé près de Guéret. Direction le camp ! Et dans ces cas-là le monde peut s’arrêter de tourner, il faut que je fonce !
Je ne pensais pas découvrir la future stèle qui doit être érigée près de l’ancien emplacement du camp, grâce au travail commun de l’Ateneo et de la mairie de Saint-Léger-le-Guérétois, non je voulais juste essayer de traduire ou d’imaginer tout ce que j’avais lu à propos du camp.
J’ai tourné plusieurs fois autour du lieu-dit le Clocher mais les structures des bâtiments actuels ne me permettaient pas d'identifier les vieilles baraques en bois que j'avais imaginées. Ensuite je me suis rendu à tout hasard à la mairie de St-Sulpice le Gérétois, et on ne sourit pas !, je ne l’ai pas trouvée.
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Voilà pourquoi j'ai réalisé ce montage avec les éléments que j'avais en ma possession. J’ai ainsi pu étudier l'histoire des résistants espagnols toujours grâce au livre de Marc Parrotin ! Que j’ai complété avec les informations trouvées dans une autre "bible" : le Maitron des Fusillés.
Miguel Lopez dit Vidal, officier de l'armée républicaine espagnole et garde du corps du Président Manuel Azaña.
Affecté au GTE 420 situé au camp du Clocher, il refuse de partir en Allemagne et rejoint le maquis FTPF vers le 1er juillet 1942. En octobre 1943, l'ancien lieutenant de l'armée républicaine espagnole, intègre les FTP MOI.
En 1944, dénoncé, arrêté, torturé, il est fusillé à la maison d'arrêt de Limoges le 10 mai 1944. Mort pour la France.
José Fuentès affecté au GTE 640 au camp du Clocher. Après bien des péripéties, il rejoint le maquis comme Miguel Lopez. Il est arrêté au moment où il vient en aide à son ami Miguel en difficulté lors de la trahison des bons-français-collabos-pétainistes et de l’intervention de la Milice.
Il est fusillé le 4 avril 1944. Mort pour la France.
Je n'ai pas trouvé de photo de Francisco Roberto, juste l'avis de condamnation. Son parcours est différent de celui de Miguel Lopez et de José Fuentès. C’est un élan de solidarité des réfugiés républicains espagnols qui va le mener en Creuse. Comme ses compatriotes républicains espagnols il intègre le maquis. Arrêté, torturé par un milicien français fort célèbre dans la région pour ses actes de barbarie digne d'un patron givré de la Gestapo, il est fusillé le 4 avril 1944. Mort pour la France.
Enfin le jeune Marco Ramon a été fusillé à 22 ans le même jour que José Fuentes et Francisco Roberto, le 4 avril 1944 . Il était lui aussi Résistant FTPF. Il n'a été reconnu "mort pour la France" qu'en juillet 1975. C’était lui aussi un Républicain espagnol malgré son jeune âge .
Oui, tout ça m’avait bien secoué mais ce n'était pas fini !
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Le lendemain matin, sans mon habituel compagnon de randonnée, Fred, je filais en direction du bois du Thouraud pour découvrir le premier maquis Creusois. Heureusement qu’Yves, le propriétaire du gîte m'avait indiqué le site sur la carte IGN car j'ai bien galéré ce jour-là pour trouver le parking où je pouvais stationner ma voiture.
Ma première idée était de tracer une randonnée dans les environs avec en option la découverte des sources de la Gartempe. Mais la découverte du site a bouleversé mon schéma théorique.
En effet lorsque je suis arrivé au coeur du Maquis, je me suis mis à cogiter ! Comment des hommes, je ne sais comment les définir, peuvent-ils se transformer en de vulgaires criminels, jouir de ces ignominies ?
Comment peuvent-ils vivre avec ce passé de criminels ? Pourquoi sont-ils aussi violents ? Pourquoi se repaissent-ils de l’abominable ?
Torture, massacres, meurtres, crimes sont impensables ! Rien ne justifie le meurtre d'un hominidé ! Rien !, pas même une révolution.
Pourquoi suis-je anarchiste et donc non violent ? Pourquoi suis-je bon et doux comme Élisée Reclus me l’a enseigné ? Anarchie-éducation-pacifisme constituent l’essentiel de ma réflexion. Mes parents, ces parias, ces asociaux parce que CGT, ne m’ont pas enseigné la violence !
La violence est l’apanage des faibles, des minables, des tarés ! Alors au diable si je suis ringard, passéiste, chelou avec mes idées, comme dit ma fille !
Et lorsque je visualise ce que des hommes sont capables de faire au nom d'une idéologie, je continuerai à promouvoir la non-violence et l'éducation.
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Ce qui m'intrigue aussi, c'est qu’en France, la violence étatique n’appartient plus qu'aux élites bourgeoises, elle s’est diluée naturellement grâce à des traducteurs fascistes de cette tribu bretonne de demeurés bien instrumentalisée comme d’hab’ par les alliés objectifs de la domination populaire !
Pourtant ces poupées plus que gonflées, outrancières même, du Front de la Haine en France sont d’authentiques bêtes malfaisantes ! Alors chercher à comprendre l'abaissement de l'être humain lorsque tu traverses un site où des gamins sont morts assassinés alors que ces fachos continuent de pérorer comme si rien ne s'était passé en toute impunité intellectuelle, cela pose un vrai problème !
Car la propagation de la peste noire se poursuit dans cette France aux remugles pétainistes avérées, en Espagne avec ces nostalgiques du criminel Franco et même en Allemagne où la menace néo-nazie n'a toujours pas éradiquée.
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Je me suis glissé à l'intérieur de la sape pour découvrir le matériel qui permettait à ces jeunes de survivre à la fin de l’été avant que la bête immonde, la SS, le criminel, le barge, l’abruti qu’il soit un "Malgré-nous SS" comme à Oradour, ne crache sa puissance meurtrière d’un jour dans la tronche de l’innocent ! C’était le 7 septembre 1943.
C'est fou aujourd’hui d'imaginer que ces crapules intellectuelles du Front de la Haine doivent leur liberté de parole à tous ces résistants qui se sont fait dézingués. Et qu’ils continuent de cracher leur venin mortuaire.
Marc Bloch a été assassiné une seconde fois aujourd’hui par tous ces criminels conceptuels respectables de demain !
Alors comment expliquer l’inexplicable ?
Et ce brouillard qui m’envahissait au propre comme au figuré !
Dans une atmosphère particulière presque religieuse.
Je pensais à tous ces jeunes qui n'avaient rien connu de la vie.
Bien triste tout ça !
Marc Parrotin a appelé ce crime : le Massacre de Sardent. Et s'il n'avait pas évoqué le massif forestier du Thouraud, je n'aurais pas fait le lien avec ce que je venais de découvrir. C'est bien le premier maquis de la Creuse que je venais de traverser ! Ephémère !
Mais pour ne pas les oublier, la commune de Maisonnisses met à disposition un petit guide qui raconte brièvement le sort de ces jeunes, et le plan du site à l’intérieur de l’opuscule.
Une douzaine de jeunes gens réfractaires à l'organisation fasciste de la France Collabo de Pétain et de Laval, s'était installée à la Villa Balloche appellation bien pompeuse d'une simple cabane au cœur du massif forestier. Aux alentours, plusieurs sources et un ruisseau permettraient de se ravitailler en eau.
Hélas le schéma classique annonçait le massacre : dénonciation, traîtrise et intervention des SS ! Bilan : 7 jeunes gens assassinés, 6 survivants déportés, 3 reviendront de l'enfer des camps de concentration nazis.
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J'ai pris en photo le monument géant disposé au cœur du site avant de poursuivre ma découverte en allant voir les points d'observation ou de surveillance. Le brouillard refusant de se dissiper, je poursuivais mon exploration.
Prendre le maquis ça voulait vraiment dire quelque chose en ces temps de misère qui pourraient revenir si on y prête garde.
Comme à mon habitude, je me suis égaré en suivant un sentier, non pas volontairement, mais pour essayer de comprendre comment ces gamins avaient cru qu’ils pourraient s'en sortir face à l'armada du fameux Perdant radical que fut le nazi, et que sont aujourd'hui le facho ou le déjanté religieux, selon la définition de Hans Magnus Enzensberger !
Le Perdant radial ! Combien de volontaires ?
Il y en aura toujours car les fascistes, lorsqu'ils comprennent que tu n'encaisses pas l’absurdité de la vie, ils te proposent d’exister en contrepartie d'une soumission totale à l'ordre imbécile qu'ils prônent pour les autres ! Tu seras un Lacombe Lucien … mon fils !
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Il me reste à découvrir d’autres massacres en Creuse pour essayer de saisir les raisons qui font que les tueurs de la Das Reich ou de la brigade Jesser des waffen SS ont toujours autant de supporters dans le monde entier.
Quant à la France, lorsque que je réalise qu’une organisation fasciste héritière de l'histoire de la Collaboration continue à pérorer et attirer autant de monde cela m’intrigue …
Après "L’étrange défaite", l’histoire en encaisse une seconde …