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Toujours harmoniste reclusien et rabelaisien au 1 janvier 2025 !

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Billet de blog 5 janvier 2022

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La créolisation est l’évidente représentation du Tout-Monde de demain

N’en déplaisent aux consanguins didactiques qui baignent dans une illusion raciale qui ne fait que conforter leurs pulsions mortifères ! Ici ces épisodes d'une créolisation heureuse montrent la Trace de demain, n'en déplaisent à tous les Perdants radicaux (confère Hans Magnus Enzensberger) qui hier et aujourd'hui massacrent l'intelligence !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a un an, j’avais écrit des billets différents mais complémentaires sur ce sujet qui m’a toujours passionné depuis que j'ai étudié Glissant : la créolisation. Mais depuis que j’ai remisé la clef politique, je les ai relus avant de les compiler en un seul billet ! 

I La créolisation en mouvement  

C'est aussi un clin d'œil adressé à mes chers Petits-créolisés d’aujourd’hui et bientôt de demain qui viennent d'arriver dans le Tout-monde.

Illustration 1
Créolisation Madinina-Euzkadi 37

Alors pourquoi cette appellation de Petits-créolisés ? J'ai repris le concept d'Édouard Glissant car ils portent en eux une double mémoire de vaincus.

  • L’esclavage en ce qui concerne leurs rhizomes antillais ou indiens
  • La guerre d’Espagne pour leurs rhizomes franco-espagnols ! 

Après ils en feront ce qu’ils voudront mais ils ne pourront jamais se défaire de leur matrice originelle pour ne pas dire originale.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet quelques remarques. J’ai eu la chance de discuter avec eux à chaque fois que j’ai eu la chance de les garder. Comme mes exposés n’ont jamais été bien clairs lorsque je m'exprime sur un sujet qui me tient à coeur, Ainhoa (son prénom d’artiste) un jour m'avait repris : « Aitatxi, tu nous emmerdes avec ta philosophie ! »

C’est ma fille qui avait demandé aux petits de nous appeler Aitatxi et Amatxi eu égard nos racines basques 

Eneko (son nom d’artiste) ne voulant pas être en reste, possède à son palmarès une belle collection de bons mots ou de simples théories à la Eneko. Je n’ai retenu que celle-ci qui cadre parfaitement avec le thème de ce billet. Un jour que je les emmenais à l’école des Homérides, Eneko m’interpella :

− Alors comme ça ton père était marron comme moi ?

− Non Eneko !, il était beige comme moi !

− Ah ! Explique-moi pourquoi … 

Marron et beige sont des déterminants de la mélanine  à la sauce Eneko.  D’ailleurs ce même jour, je fus incapable de retrouver ce mot, et c’est Ainhoa qui me tira d’affaire ! Eneko avait fait un amalgame entre deux déportations avant d’interpréter la couleur de sa peau et celle de mon père !En effet, comme je leur avais expliqué comment les colonisateurs européens avaient déporté des populations entières du continent africain pour les mettre en esclavage dans les Îles de la Caraïbe et comment mon père était arrivé en camp de regroupement sans parler un traitre mot de français en 1936, l’imagination du petit garçon pour relier ces mémoires de vaincus avait fait le reste !

Illustration 2
C'est Eneko qui avait pris la photo au coeur des Barthes de la Nive dans la plaine d'Ansot d'où l'ajout du photographe sur ce montage

Enfin tout récemment, je mangeais avec les petits créolisés puisque les parents étaient de sortie ! Ce qui m’a stupéfait ce jour-là, c’est que les deux connaissaient le plus vieil hominidé connu à ce jour, Toumaï. Comme quoi aux Homérides, il y a certes de l’iliade  et de l’odyssée mais pas que ! Impressionnant !

Pour clore cette introduction, je vais juste faire appel  à une Star avec un S majuscule des Lumières. Il s’agit, noblesse oblige, d’un grand penseur puisqu’il est noble : Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu ! Rien que ça !

Il nous raconte à propos de « l’esclavage des nègres » sa vision des choses dans l’Esprit des Lois chapitre V du livre XV :

" Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé, qu’il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. " puis " Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. "

II Poursuivons notre découverte en compagnie des camarades Glissant et  Fanon

Édouard, je l’appelle par son prénom, m'avait expliqué la différence entre le métissage qui est une simple mécanique alors que la créolisation va bien au-delà puisque le phénomène mixe les cultures, les individus et les communautés et surtout elle produit de l’inattendu

Et j’ajoute et ce n’est rien de le dire que cette théorisation a incurvé nos trajectoires personnelles presque linéaires. Les propos alambiqués du poète-philosophe du Tout-monde m'ont révélé des faenas linguistiques décalées avec ses imprévisibles et parfois avec ses incompréhensibles. 

J’ai alors imaginé une dérive de son imaginaire (oui, oui je me suis permis ce crime de lèse-majesté) en évaluant une supra-créolisation grâce à mon fils Kepa et sa femme Iwen en Asie ou plus de près de nous, celle de mon neveu Benji qui la prolonge dans une version européenne du côté de Toulouse ! Et cerise sur le gâteau, j’ai découvert une intra-créolisation en Euzkadi du côté de Donostia mais comme j’aurai l’occasion de revenir sur ces sujets, j’arrête là.   

Grâce à Édouard, je me suis éloigné de mes certitudes puisque j’ai longtemps surfé à l’aide de mon identité-racine sur la Roue de l'infortune pour tourner définitivement la page aujourd’hui !

Illustration 3

Quant à Fanon ! c’était un authentique révolutionnaire dressé contre la bêtise colonialiste.

Or, très peu de gens sont courageux dans la vie, c'est même la lâcheté qui est le propre de l'homme. Ce qui contredit les absurdités du philosophe écossais Hobbes qui disait que l'homme est un loup pour l'homme.

Non, l'homme est un chien servile pour l'homme, alors que le loup est un animal trop fier et trop courageux pour se voir attaché avec un collier.

Fanon aurait pu se comporter comme un psychiatre reconnu malgré la couleur de sa peau, il lui aurai suffi de mettre un masque blanc pour se mouvoir dans cette France éternellement réactionnaire et raciste, il a préféré aller jusqu’aux bout de ses idées.

J’ai toujours eu une grande admiration pour lui et cela ne date pas d’aujourd’hui !

Frantz Fanon fut avant tout un psychiatre révolutionnaire comme un de ses mentors, François Tosquelles !

Tous les deux considéraient la psychiatrie comme étant l’exact reflet des conceptions politiques, économiques, philosophiques et religieuses des sociétés humaines. 

Fanon avait souffert du mépris larvé de ces " psys bien comme il faut " , qui débitaient de grosses âneries à propos des colonisés.

Et oui, aujourd’hui on le sait, le Nord-africain n’est qu’un menteur, voleur, violeur, hâbleur et fainéant. Un inférieur intellectuellement alors que nous sommes des civilisés. C'est ce qu'ils racontaient ces " psys bien comme il faut " ! Une honte !

Je vais juste évoquer le passé historique décomposé de Bugeaud lors de la conquête de l’Algérie ! Ce grand malade, qui était une des stars de nos livres de conditionnement au roman national faisandé, s’était spécialisé dans les enfumages lors la première guerre d’Algérie.

Et de faire appliquer en toute noblesse comme il sied à un militaire la règle suivante : « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, fumez-les à outrance comme des renards. » Et pour reconnaitre ses mérites de criminel de guerre à l'ancienne, on lui a attribué une très très grande croix de la Légion d’honneur car il était maréchal de France. 

Le psychiatre Fanon avait réfuté les pseudos thèses scientifiques de ses collègues qui n’étaient que des eugénistes de la pensée. Car ils traitaient les indigènes comme de simples bicots, des bounioules, des ratons mais certainement pas comme des malades ! C'est Fanon qui le consigne ainsi ! En septembre 1957, il ajoute :

« En réalité, l’attitude des troupes françaises en Algérie se situe dans une structure de domination policière, de racisme systématique, de déshumanisation poursuivie de façon rationnelle. La torture est inhérente à l’ensemble colonialiste. La torture en Algérie n’est pas un accident, ou une erreur, ou une faute. Le colonialisme ne se comprend pas sans la possibilité de torturer, de violer ou de massacrer.  La torture est une modalité des relations occupant-occupé. »

Et de Fanon à Glissant, j'ai toujours en tête la remarque d'Édouard : « On ne prend pas au sérieux un nègre qui pense ! »

II L'appropriation de la pensée du Barde martiniquais mène à la controverse  

Illustration 4
Portrait géant d'un géant à l'office de tourisme du Diamant

Je précise que grâce à l’étude libertaire et reclusienne d’Édouard Glissant, j’ai fini par faire sauter la calamine de mes Identités-Certaines qui embrumaient mon cerveau pour laisser la place à une Identité-Relation apaisée.

Et je me fous des éventuels commentaires que pourraient faire les gardiens du temple qui ont déjà oublié que le philosophe-pays appartient à tout un chacun à condition de respecter l’esprit de son œuvre !

De plus, j’ai la chance d’avoir trois petits-enfants créolisés XXL avec des Identités-Racines à faire pâlir (sans jeu de mots) tous ces censeurs qui finissent par me fatiguer mes neurones harmonistes que je finirai par me mettre en colère contre ces penseurs sans sœurs.

Passons aux choses sérieuses à présent.

J’avais dévoré avec prudence Le Discours antillais sans imaginer qu’un jour des petits-enfants créolisés à souhait viendraient égayer mon Tout-Monde à moi !

Avec en prime l'arrivée toute récente de la petite dernière là-bas très loin dans une partie inimaginée d'un Tout-Monde expertisé actuellement par des spécialistes du néant ici en France !

Lors de cet apprentissage, j’avais noté l'essentiel du chapitre historique :

« Les Antilles sont le lieu d’une histoire faite de rupture dont le commencement est un arrachement brutal, la Traite. Notre conscience ne pouvait pas « sédimenter », (….), comme chez les peuples qui ont engendré une philosophie souvent totalitaire de l’histoire »

« L’histoire est un fantasme opératoire de l’Occident, contemporain précisément du temps où il était seul à « faire » l’histoire du monde. »

« Quand le colonel Delgrès se fit sauter avec ses trois cents hommes sur la poudrière du Fort Matouba en Guadeloupe (1802), pour ne pas se rendre aux six mille soldats français qui l’encerclaient, le bruit de cette explosion ne retentit pas immédiatement dans la conscience des Martiniquais et des Guadeloupéens. C’est que Delgrès fut vaincu une seconde fois par la ruse feutrée de l’idéologie dominante, qui parvint pour un temps à dénaturer le sens de son acte héroïque et à l’effacer de la mémoire populaire. »

L'étude des textes de Glissant a levé le voile sur un phénomène de créolisation que j'ignorais. Ce postulat fondamental qui plonge la consanguinité nationaliste ou ethnique dans un étriqué de l'absurde se révéla lors de notre immersion au cœur d'une île torturée par son passé puisqu'elle n'en possède pas (confère la cale du bateau négrier !).

Derrière le Diamant, avec l'Avant-garde éclairé du Phalanstère, on avait poussé  jusqu'au Mémorial de l’Anse Caffard qui rappelle le naufrage d’un bateau négrier. Ici Laurent Valère y a sculpté quinze statues à jamais figées dans l’horreur. Et notre camarade Alain y avait même joué de la conque de lambi avec un groupe de musiciens, ici-même !

Illustration 5
Mémorial de l'Anse Caffard !

Alors se pose cette question : comment peut-on enfermer Glissant dans un tombeau de glace afin de garder pour soi la légitimité de la transmission intellectuelle ?

Je m’explique. Un samedi ordinaire, la médiathèque de Villepinte avait invité François Noudelmann pour la sortie de son livre : Le Toucher des philosophes. À la fin de sa conférence, j’avais longuement échangé avec le philosophe mais j’ignorais  à l'époque qu’il connaissait aussi bien le camarade Glissant.

C’est à la sortie de son livre : Édouard Glissant, L'identité généreuse que François  Noudelmann s’est fait dézingué !!! 

En lisant ce flot de critiques, j’ai compris que l’icône Glissant était devenue « chasse gardée ».

Illustration 6

Étonnant car il me semble qu’Édouard Glissant n’a pas toujours été prophète en son pays. Alors quitte à passer pour un hérétique qui n’a rien compris à la pensée archipélique de l’ailleurs, j’ai poursuivi mes études glissantiennes toutes personnelles sans me fier aux interprétations des uns et des autres.

J'avais choisi mon camp depuis que François Noudelmann m’a dédicacé un de ses livres :

« Pour Marc en fraternité libertaire amicalement François ! » 

En 2018, sortait L’entretien du Monde, cosigné par Édouard Glissant (décédé en 2011) et François Noudelmann. Ce magnifique retour sur images partagées signait la fin de la vaine polémique, grande spécialité des gardiens du temple qui sont aussi les héritiers des guerres de religion passées !

On me le l'a souvent répété : « Mais t'es qui toi pour parler de Frantz Fanon ou d’Édouard Glissant ? [...] Et en plus tu n’es même pas marron puisque tu es beige ! », aurait ajouté Eneko !

III Le Phalanstère de Saint-Pierre transcende la fête de Noël !

Le lourd traîneau venait d'en terminer avec cette interminable descente au milieu des nuages. Au sol, deux Reines, Solitude-Douce et Flore-Volkan nous attendaient.

Les deux Pierrotines avaient tenu à nous faire découvrir leur Noël à la Martinique ! J'arrivais à Saint-Pierre avec un sacré handicap à propos de ces farandoles galiléennes légendaires, car même si notre mère, la jociste-cégétiste et Vieille Stal' à ses heures perdues, nous avait instruit " religieusement "  ma sœur et moi, j'avais tout oublié depuis bien longtemps !

Car il faut bien l'avouer en ces temps de transparence-opaque, la petite étable perdue en Palestine, découverte par des rois mages qui suivaient l'étoile du berger, ça n'avait jamais été mon truc ! Arrivé à l'âge de raison, j'avais cloitré la religion dans la plus petite chapelle romane dénichée en randonnée, afin qu'elle repose en paix ! 

Mais une surprenante résurrection en Martinique allait me réserver bien des surprises. En effet, dès le 25 décembre, un Délégué commercial antique, un certain Nicolas de Myre ou Nicolas de Bari, un peu trop chaudement vêtu à mon gout, est venu rappeler des souvenirs qui ne sont ni bons ni mauvais puisque je n'en ai pas ! 

Sa généreuse représentante sur l'île, Solitude-Douce, avait ouvert les hostilités en m'offrant des livres pour faciliter ma connaissance de l'ailleurs lorsque nous étions venus la première fois en Martinique. Puis un nouveau livre d'un auteur que je ne connaissais pas, Raphaël Confiant. Oui je sais ça la fichait mal ! 

Mais rendons aussi Justice à l'époux de Solitude-Douce qui, à son tour, dénicha le Hors-série pour les 100 années du  journal communiste qui évoquait bien sûr la figure légendaire d'André Aliker, le journaliste et gérant alors de Justice, assassiné le 10 ou le 11 janvier 1934 par qui on fait semblant de ne pas savoir !

Illustration 7

Et pour célébrer cette fantastique fête familiale la Déesse phalanstérienne, Man Solénie, s'était même déplacée ! 

L'année suivante, de retour en France, après un passage éclair dans son pays, Fred avait ramené le cadeau de Solitude-Douce.

Illustration 8

Ce livre est un trésor graphique couplé à un texte remarquable. Bien sûr on y croise Fanon avec son angoisse de révolutionnaire éclairé qu'accompagne une maladie qui lui sera fatale. Bien trop tôt hélas ! 

On y rencontre aussi SartreSimone de BeauvoirClaude Lanzmann, tous ces personnages qui ne m'étaient pas forcément sympathiques. En effet Lanzmann avait allumé Hannah Arendt dans ces termes :

« Cette notion de banalité du mal est profondément stupide. C'est la banalité des propres conclusions de Mme Arendt. Elle n'y a rien compris. Elle a écrit des choses valables, mais pas son livre sur le procès Eichmann à Jérusalem. »

Après ce coup de Jarnac, j'avais enfermé Lanzmann dans mes oubliettes personnelles. Bravo aux deux auteurs, ils ont réussi le tour de force de réhabiliter le " sarthois ", son Castor Senior et de délivrer Claude !

On y croise aussi ceux que j'aime bien, François Tosquelles et la merveilleuse Alice Cherki ! Quel plaisir de l'entendre s'exprimer encore aujourd'hui ! Et aussi dans le désordre, Abane RamdaneFrançois MasperoMarcel Mainville, même Daniel Guérin en 1957 puis Jacques Charby ! Et encore Marie-Jeanne Manuellan, Mohamed Harbi ! 

À la fin des 230 pages de bonheur, les larmes me sont venues aux yeux tellement c'est puissant ! Un très grand merci, à toi Solitude-Douce pour tous ces cadeaux que tu as délivrés au mécréant persifleur ! Et j'ajoute que chaque fois que j'ai eu la chance d'aller en Martinique, grâce aux acteurs du Phalanstère, j'ai reçu des leçons de vie assez exceptionnelles ! 

Puis Noël s'est déplacé en France, dans une autre île bien particulière mais toujours créolisée à souhait. Après la distribution des cadeaux, classique à cette époque de l'année, cette fois-ci c'est Flore-Volkan qui m'a offert : PEYI AN NOU. C'est du lourd ! Une histoire dessinée. Une histoire terrible. Une enquête ! Formidable. A la baguette, Jessica Oublié et Marie-Ange Rousseau  !

Illustration 9

Comme le livre précédent, que du bonheur intelligemment raconté et dessiné pour évoquer une histoire méconnue, inconnue, oubliée : la déportation déguisée sous couvert d'un organisme officiel ou mafieux de type gaulliste comme cette époque en a tant généré tant, le Bumidom !

160 000 personnes déportées encore pour la grandeur de la France. Tu parles : on commence avec le Code noir pour l'accumulation primitive du capital et " crève le bien-meuble " et on poursuit avec le Bumidom afin que le capitaliste instaure à vie l'accumulation historique du vol historique et du détournement de la valeur  ! Mais bon après tout ce n'était que des noirs, des descendants d'esclaves !

La chance que ma fille ait créolisé sa vie dans un lycée du Neuf-trois, j'ai découvert cette autre culture si puissante car délivrée par le pseudo dominé ! Je dis pseudo car lorsque tu découvres par inadvertance, le rhizome du dominant, c'est parfois effrayant de bêtise !

Tous ces cadeaux m'ont sorti de mon ignorance et de mes certitudes alors merci à tous les Phalanstériens, merci aussi Édouard qui, sur ce terrain glissant, m'a aidé à comprendre que tous ceux qui pensent penser ne font en fait qu' ânonner du frelaté !

Ils devraient penser à consulter les héritiers de Fanon ou de Tosquelles !

IV Les dernières dérives de la créolisation heureuse ! 

Depuis le temps que mon " ami ", le Gamin du Carbet m'avait parlé d'un drôle de Sénat qui se trouvait près de la plage de cet adorable village, avec Fred le grand-père-pays, nous étions partis une nouvelle fois à sa recherche. 

" Des messieurs ! ", avait répondu la rue lorsque Fred avait fait diligenté son enquête en parler-pays-créole ! Le lendemain, nous avons enfin fini par les trouver dans leur temple du différenciée ! S'en était suivie, une formidable rencontre de l'éphémère autour d'un Ti-punch que je n'oublierai pas de si tôt ! La rencontre bien sûr, car le Ti-punch, il y a bien longtemps que je l'ai actualisé ! 

Un échange historique à Bâton Rouge ininterrompus  qui portait à la fois sur les batailles napoléoniennes en Espagne mais aussi sur Frantz Fanon, son frère Joby et Édouard Glissant, (d'où Les entretiens de Baton Rouge pour ceux qui n'auraient pas compris la subtile allusion surlignée !). Ce fut d'une intensité assez exceptionnelle comme il m'est rarement arrivé d'en vivre.

Et en rentrant, je me suis empressé de prévenir le Gamin du Carbet pour lui signifier que cette rencontre tant de fois espérée s'était enfin réalisée. Par la suite, Julian m'avait offert Texaco de Patrick Chamoiseau qu'il avait dédicacé ainsi : " Pour un " ami " une partie de l'histoire d'un " an bel peyi " Le petit du Carbet ."

Et de fil en aiguille, cet inattendu s'est décliné ainsi avec un drôle de rebond  à venir ...  

Entre Saint Pierre et Le Carbet, l'autre pays de Julian nous avions traversé un champ de totems plus majestueux les uns que les autres. C'est Patrick Chamoiseau qui est à l'origine de ce merveilleux ensemble artistique. Le poète écrivain, philosophe de la créolité avait voulu rendre une mémoire de l'imaginaire de la ville qui fut entièrement détruite lors de l’éruption de mai 1902.

Et comme il a l’habitude de dire : « On aime ou on n’aime pas ? ». Moi, j’aime beaucoup parce le talent des sculpteurs me fascine alors j'en ai fait un tableau pour Flore-Volkan et Fred !

Illustration 10

Un peu plus loin se cachait le jardin dédié à Aimé Césaire. Et autant je connaissais l'homme politique autant j'ignorais l'immense poète qu'il fût. J'avais beaucoup aimé Nègre je suis, nègre je resterai ou les entretiens avec Françoise Vergès.

Et puis il avait envoyé du lourd dans son fameux traité : Discours sur le colonialisme. Césaire avait même eu l’outrecuidance d’écrire ce que pensent encore les affreux qui ont colonisé la bêtise en France :

« La régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l'ordre providentielle de l'humanité » avant de poser la question : « Hitler ? Rosenberg ? ». Perdu ! « Non, Renan ! »

Et lorsque je vois tous les crétins de la non pensée d’aujourd’hui s'exprimer, je me dis qu’interdire ou pire, brûler des livres est l'acte fondateur du fasciste d'hier et celui du fasciste de demain puisque mettre à l'index une œuvre d'art n'est que l'allumette qui perpétuera la terreur intellectuelle. Mais ce ne sont pas les petits hommes vociférateurs du fascisme actuel qui arrêteront ce processus humanitaire naturel de créolisation avec leur foi de Mésozoïques attardés à deux balles !

La traversée du jardin achevé, j’avais poursuivi mes études en lisant les poèmes d'Aimé Césaire trouvés dans Moi, laminaire.

Et pour clore ce tour de l'interrogation en Carbétie, nous avons été sur les terres du philosophe-agriculteur-apiculteur, un cousin de Julian (décidément, encore le gamin du Carbet). Un grand moment de découverte paysagère conclue par la dégustation de ses fameuses écrevisses.

J'avais retrouvé le Gamin du Carbet lors de l’inauguration du nouveau stade Jean Bouin avec au programme une belle rencontre Stade Français – Biarritz. 

Au milieu de la partie, sur une belle attaque en première main, soudain Julian se leva comme un ressort pour se joindre à une Ola !

Surpris de voir de telles pitreries dans un stade de rugby, je lui avais demandé d'arrêter immédiatement cette agitation ridicule digne d’un pousseur de pastèques du PSG voisin ! Et si je n’avais interrompu sa danse du scalp, nous aurions été obligés de revoir en différé le premier essai sur l’écran géant qui se trouvait derrière les poteaux !

Pire, lors d’un autre épisode rugbystique, je lui signifiai un zéro de conduite sur toute la ligne car il avait réussi à confondre le numéro 10 Jules Plisson avec le numéro 13 Jonathan Danty, ou dit autrement, un élégant demi d'ouverture avec un athlète charpenté style quarterback. Par la suite Julian a toujours considéré que sur ce sujet comme sur bien d’autres, j’étais un grand malade …

Julian ne sera jamais journaliste au Midi Olympique même s’il avait parfaitement interrogé Pascal Papé lors d'un autre match à Jean Bouin, mais il pourrait à la rigueur devenir reporter dans un magazine de randonnée puisqu’il est devenu un amoureux de cette activité typiquement reclusienne ! Certainement un effet indirect de la créolisation !

Salut Julian et  à bientôt dans ce nouveau coin du Tout-Monde !

V La créolisation en randonnée 

Il s’agit d’Alain, le beau-frère, qui avait sculpté sa Trace quelque part entre le Morne-aux-Bœufs et le Morne-Vert toujours au Carbet. et que nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer à l'Anse Caffard avec sa conque de Lambi.

Avec Alain, nous avons par la suite créolisé la randonnée en Martinique bien sûr mais aussi dans le Neuf-trois avec les Imprévus de la célèbre Pom-Pom-GirlSandra. Sans oublier, les Harmonistes et les " Brigadistes " de l’ACERNico et Jordi, et Jean Claude, l’indispensable œnologue de tout groupe de randonnée sérieux !

Illustration 11
Décollages Franciliens !

Ce furent de formidables Reclusiennes créolisées ! Rien qu’en regardant la photo prise au dessus de La Roche-Guyon, on comprend que le bonheur a traversé ces journées !

Illustration 12
C'est Jean-Claude qui a assuré la photo !

Sur les falaises du Vexin, pour le premier décollage, Mikel avait sorti le ravitaillement mais Alain lui avait dit de ranger la bouteille ! Je fus même surpris de voir Éric déguster ce divin breuvage à une heure aussi matinale !

Bien plus tard, au moment où Jean Claude et Nico s’occupaient à déboucher des bouteilles de blanc pour l’apéritif, on a vu arriver trois 4x4 qui avançaient en se dandinant dans les chemins défoncées des champs.

Parvenus à notre hauteur, Fredo les avait appelés pour qu’ils viennent trinquer avec nous !

Chasseurs ? Non !

Bourgeois ? Oui, j’en étais sûr car ils transpiraient la classe sociale honnie soit qui marc y pense !

Faisant fi de nos supposées différences sociales, nous avons échangé lorsqu'ils sont descendus de leurs carrosses.

Comme ils venaient de l’Essonne, ils traversaient l'Île de France comme leurs ancêtres des Grandes Compagnies moyenâgeuses. Et des Jacques modernes avaient réussi à les arrêter. Mais le plus étonnant survint lorsque un des nobliaux peu habitué à ce type de rencontre improvisée sortit :

« D’habitude, les randonneurs nous jettent des pierres et là c’est sympa que vous nous invitez à boire un coup !»

Dans ces éphémères de bonheur, rien ne vaut la sentence libératrice d'Édouard Glissant qui illustre à merveille la Relation :

« Je peux changer en échangeant avec l'autre, sans me perdre pourtant ni me dénaturer. »

Illustration 13
L'amitié aussi s'est créolisée ... © Laure

Cette photo résume l'essentiel. J'y ajoute juste ce clin d'œil à l'attention du camarade Jordi qui connait parfaitement la Martinique puisque il est parti travailler un temps sur l'île dans un domaine particulier : l'eau ! 

Jordi ,je connais l'historien dans ces domaines : IHS CGT Métallos, Guerre d’Espagne, Camps de concentration que son père a connus, Révolution française, et sa spécialité : la légitime violence révolutionnaire des exploités !

Jordi, c’était aussi le randonneur reclusien par excellence avec un zeste de créolisation que je ne peux évoquer ici car cela sortirait du cadre de ce billet. Lorsque je dis que la conjonction de l’Harmonisme reclusien et de la créolisation frisent avec l’intelligence situationnelle de l’ailleurs et de l’autre, on peut me regarder avec des yeux décalés, je l’admets car je l’ai malheureusement souvent mal exprimé, voilà pourquoi je préfère l’écrire ...

Illustration 14
La baie de Saint Pierre de la Martinique

Pour conclure quelques rappels historiques des révoltes de l'ancienne colonie (confère la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 dont voici l'Article 1 : les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, de la Guyane française sont érigées en départements français.)

Carbet 1948 ! Sur l’habitation Lajus, les ouvriers se mettent en grève le 1 mars. Le béké sollicite la force armée de la République pour le classique du gendre : faire respecter la « liberté de travail ».

Bilan au 4 mars : 5 ouvriers au tapis dont trois morts : André JacquesHenri Jacques et Mathurin Dalin ; deux blessés :Yvonne Jacques et André Balmy.

Première fusillade pour l’ancienne colonie ! Vive la France, vive la République, fermez le ban !

Fin de ce bref rappel de mon essentiel avant de poursuivre la découverte de tant d'ignorés !

J'ai compilé tous ces billets sur la Créolisation car je ne pouvais pas les intégrer dans le roman qui vient de sortir el Marin gascon et la Pelée dont voici la couverture :

Illustration 15
Sommet de la Pelée © François Laruna

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