Et aujourd'hui après l'avoir parcourue dans tous les sens, je peux affirmer que ce site est absolument remarquable !
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Il ne s'agit pas de dérouler la longue liste des randonnées que nous avons faites dans cet éden du hasard mais plutôt de traverser quelques souvenirs comme un béotien amoureux de la simplicité bien différent d’un quelconque savant mésologiste.
Après les premières escapades familiales, Dédé notre compagnon de randonnée francilienne organisa pour le groupe de marcheurs de Presles (95), la célèbre traversée Saint-Valéry - Le Crotoy accompagnée par un guide sympa (obligatoire pour évoluer dans ce milieu complexe).
Jules n'avait pas pu se joindre à nous mais il avait déjà réalisée cette traversée par le passé.
Dédé m'avait gentiment invité avec des consignes simples : emmener une vielle paire de chaussures pour la traversée et un change complet.
Ce jour-là, j’étais accompagné de mon petit garçon, Patxi ou Kepa son nom d’artiste.
Le départ se situait à la gare de Saint-Valéry-sur-Somme car le retour se faisait en p'tit train de la Somme.
Là, un guide nous avait pris en charge.
Connaissant tous les pièges et les méandres de la Somme, il louvoyait dans les rieux, les molières et les prés salés à marée basse.
Le garçon était un fin connaisseur de son pays. Normal me direz-vous c'était son métier !
Comme la petite troupe valdoisienne avait de sérieux problèmes avec les fossés glissants après avoir rejoué en permanence une scène mythique de notre film préféré : « J'ai glissé Chef ! »
Avec Patxi et le guide, nous nous étions arrêtés au moment où les sternes affolées nous survolaient afin de nous repousser pour que l'on évite de déranger leurs petits. Impressionnant balai qui passionnait le futur explorateur.
De mon côté, je venais de confirmer au guide qui commençait à s'impatienter que le groupe de Dédé n'était composé que de randonneurs confirmés mais il eut l'air d’en douter. Puis il changea de sujet car il en savait des choses sur la baie, le garçon.
Grâce à ses leçons particulières puisque le reste de la bande ne nous avait pas encore rejoints, j'ai compris ce jour-là ce qu'il était possible de faire et de ne pas faire dans la baie de tous les dangers. La suite de l'aventure se déroula sans incidents, mises à part les réflexions de quelques râleuses qui découvraient que les pantalons blancs ne convenaient pas du tout à ce genre de virées picardes.
De balades en balades, de randonnées en randonnées, de découvertes en découvertes (phoques, mouflons), je notais qu'au niveau des couleurs, c'était la sortie du mois de novembre qui avait ma préférence car la nuit tombe tôt à cette époque de l'année, laissant le soleil finir de jouer à cache-cache avec les nuages peu de temps avant qu'elle ne siffle la fin de la partie.
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Ces jeux de lumières ont profondément imprégné ma mémoire à tel point que j'ai par la suite essayé de communier avec ces éléments naturels tel un chaman de l'absurdité !
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Puis un jour, le régional de l'étape, Patrice, guida un jour un groupe d’anciens Communistes au sens du Bien Commun, au pied de notre sanctuaire ignoré qui se trouve rue Rigollot à Amiens.
Pèlerinage vers ce temple oublié de l'utopie évaporée par la faute de la gabegie lenino-trotsko-stalinienne qui comme les mauvaises herbes envahissent le paysage. Devant les grilles de l'école qui accueillit le congrès CGT du 8 au 13 octobre 1906, j'ai repensé aux réflexions que me font mes amis proches sur ce retour éternel au passé qui d'après eux ne fait pas avancer les choses.
Je n’en ai strictement rien à faire, le passé m'intéresse, je vis le présent et j'ignore le futur.
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Il f Mon utopie qui était née à Amiens se brisa lorsque Jean-Claude nous apprit que Pouget s’était mis à faire de l’huile.
Fantastique intervention, merci Jean-Claude pour ce retour à la réalité bien loin des rêves des chemins détournés.
Une autre anecdote mérite d'être racontée.
Comme je venais régulièrement à Amiens, Bruno, mon collègue historien me proposa de refaire le parcours des congressistes de 1906 au départ du buffet de la gare d'Amiens jusqu'à la fameuse école.
Cette traversée de l’Utopie n’en déplaisent à la cohorte de doxofages qui incline de la droite bien réac en passant par les débris de la gauche sans oublier le banquier qui voulait tuer la démocratie ne se rendant pas conte (humour) qu’il était nu, fut une passionnante page d’histoire.
Arrivés devant la fameuse école, nous étions entrés à l'intérieur du bâtiment alors que nous avions oublié nos cartables !
Les gosses qui jouaient dans la cour de récréation ne faisaient même pas attention à nous. Soudain une jolie maîtresse vint à notre rencontre.
Mais en nous voyant, elle se contenta de nous adresser son plus beau sourire alors que je prenais tranquillement mes photos pour rejoindre par la pensée mes camarades Yvetot, Griffuelhes, Monatte, Merrheim ; Pouget n'étant toujours pas rentré du moulin.
Quant à l'instit, elle avait dû me prendre pour un reporter du Courrier Picard mais le mystère reste entier car Bruno n'avait pas trouvé d'explication rationnelle non plus.
Pour écrire cette Utopique traversante, j'avais relu la première édition de l'Institut social CGT que ma mère avait acheté.
Et là, j'étais tombé sur quelque chose que j'ignorais totalement. Lors du Congrès d’Amiens de 1906, le camarade Léon Robert avait proposé de faire de l'espéranto la langue internationale des travailleurs. Si la résolution avait bien été approuvée, elle n'a visiblement jamais été mise en route.
Aurait-elle évité la boucherie de la première guerre mondiale ? On ne le saura jamais ! L'espéranto, je connaissais j'avais même l'intention de m’y mettre mais lorsqu'on connaît ma passion pour les langues j'ai vite arrêté.
Puis un jour Sandra, la patronne des Imprévus a découvert la baie de Somme.
Car au-delà du naturel pour ne pas dire du surnaturel, l'homme a tout de même parfaitement aménagé cette évasion afin de laisser la nature rester ce qu'elle doit être. Bien sûr il y aura toujours des grincheux pour dire qu'il y a trop de chasseurs, trop de bateaux, trop de phoques et j'en passe et des meilleures.
Cette randonnée allait rentrer dans la légende ! Et ajoutez-y l’incertitude de la cheville convalescente de Mikel, et cette dramatique aurait pu perturber la réussite du séjour.
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Au départ de la balade, comme je ne savais pas si Mikel allait pourvoir boucler les 16 kilomètres de la classique des Bouts des Crocs, j'avais inversé le sens de la randonnée pour éviter de solliciter l'hélicoptère au moment de la montée des eaux.
Or cette hérésie pédestre allait me valoir une sévère condamnation de la part de Gégé mais n'anticipons pas.
Contournant le Marquenterre, l'immensité de la plage abandonnée s'étirait jusqu'à perte de vue frôlant même l’horizon.
Avec Olivier nous marchions vers l'infini dénudé qui finissait de s'effacer dans la mer. Après l'arrêt casse-croûte sur la dune, nous avions piqué une tête dans une mer du Nord qui en général en refroidit plus d'un !
On jouait dans les vagues comme des gosses pendant que ces dames prenaient des bains de pieds.
Jusque-là tout allait bien dans ce paradis terrestre où toute l'équipe pouvait rêver en paix.
Mais on dit souvent que les meilleures choses ont une fin car lorsque nous avons dû remonter sur la dune avant d'aborder 4 kilomètres de sable, là, Gégé m'a tué. J'ai mis des années avant de me débarrasser de ce regard intense en me demandant comment d'aussi jolis yeux habituellement souriants pouvaient se transformer en laser destructeur !
Oui, ce regard n'a cessé de me poursuivre encore aujourd'hui, et je le revois à chaque fois que je suis en difficulté !
Tout ce petit monde y allait de son petit couplet mais pour s'éviter d'écouter ce mur imaginaire de lamentations étalé sur 8 kilomètres pour rentrer au camping.
Avec Olivier, nous les avions quittés pour faire deux ou trois emplettes particulières avant la fermeture du supermarché de Rue.
Hélas, nous avions acheté des brugnons plus aptes à faire le Grand prix de la Marseillaise qu’un repas de grande fête.
La cheville de Mikel avait tenu, Gégé avait retrouvé son sourire légendaire et Sandra avait enfin vu la baie de Somme.
Enfin, le dernier mot appartient à Pouget qui avait enfin trouvé de l’huile !
Nous y sommes (humour) retournés au printemps de cette année. C'était certainement ma dernière traversée de cet étonnant territoire masi il me reste toutes les photos à visionner pour ne pas pleurer ce paradis perdu ...
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