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Toujours harmoniste reclusien et rabelaisien au 1 janvier 2025 !

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Billet de blog 10 juillet 2020

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Les basques furent aussi des passeurs de liberté. Le Réseau Comète !

On se rend compte de cette évidence après avoir longuement arpenté la montagne basque ! Je vais arbitrairement appeler ces voies la « Sutar-Elhorga » et la « Florentino » du prénom du célèbre passeur basque !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 1 Premières recherches menées en compagnie de Thierry sur la Sutar-Elhorga !

Il ne s’agit pas ici de raconter en détail l’histoire du Réseau Comète des deux côtés du Pays basque, l’idée était de se mettre dans les pas des passeurs basques afin de prendre conscience de leurs ordinaires mais exceptionnels exploits, surtout en ces temps de presque misère intellectuelle en ce qui concerne l’histoire médiatisée sans intérêt !

Aujourd’hui grâce au travail fantastique mais aussi aux recherches des enfants des passeurs et des enfants des aviateurs qui ont eu la vie sauve, on commence à mieux connaître ces routes de la liberté. Or, durant plus de 30 ns, j’avais parcouru la montagne basque sans me rendre compte que je marchais au cœur d’une résistance permanente. 

Et devenu vieux et c.., j'ai le temps à présent de me poser ces questions le long du sentier  historique de randonnée.

Illustration 1

Comme toujours dans ces cas de figure, c’est le hasard qui allaitme livrer les clefs de ces histoires oubliées ou perdues au plus profond des Pyrénées. Et en général, le hasard s’appelle Nico et parfois Jordi, les célèbres acéristes !  

C'est Nico qui en premier avait évoqué le réseau Comète. Il suffisait que je lise le livre En passant la Bidassoa : Le réseau Comète au Pays basque de Juan Carlos Jiménez de Aberasturi Corta pour en savoir un peu plus.  

Mais avant de charger le sac à dos, d’autres événements allaient se produire !

Tout d'abord Dominique Aguerre, président de l’association des Amis du réseau Comète, interrogea mon beau-père Peio Iturrioz pour savoir s'il connaissait les chemins ou les sentiers du réseau Comète entre Espelette et Ainhoa. 

(Amusant Peio avait été l'instituteur de la fille de Dominique Aguerre, fils d'un passeur du Réseau.) 

Mais Peio avait à peine entendu parler du réseau Comète. Pour en savoir un peu plus, il alerta Maurice Delpech, le grand ordonnateur d'Atsulaï, autre immense montagnard devant l'éternel. Maurice s'était alors intéressé à son tour au réseau Comète puisque après Espelette, l’axe naturel de fuite passait dans la montagne au-dessus d'Ainhoa, en particulier en dessous du Shoporo et de l'Errebi pour redescendre pas très loin de là où il habitait (Maurice est décédé en 2020). 

Enfin, je dois préciser que lors de nos vacances hivernales dans le Loir et Cher, je tombais par hasard sur ce panneau placé sur les bords du Cosson dans le parc du château de Chambord qui relatait le sauvetage des aviateurs abattus, recueillis par le réseau Comète !

Illustration 2

Fort de cette documentation et de mes cartes IGN, il était temps que je me lance dans la reconstitution des voies du Réseau Comète même si c'était loin d'être évident car comme le dit si bien Dominique Aguerre (source Sud-ouest du 19/09/2014) :

" Les pères ne parlaient jamais de cela. Ce sont les Alliés qui ont fait une enquête pendant dix-huit ans sur les passeurs de Comète pour pouvoir les honorer d’une médaille. C’est en 1962 que ces honneurs ont pu être faits. Les services de résistance anglais sont très renseignés, mais il aura fallu aller aux archives militaires de Washington pour trouver des documents et photos de nos pères. "

Commençons par nous rendre au quartier Sutar à Anglet d’où partait la voie que j’ai appelé de façon arbitraire la voie « Sutar-Elhorga ».  

Illustration 3

Ce jour-là, malgré la pluie, rien ne me fit plus plaisir que de découvrir la plaque apposée sur le mur de l’école qui rendait hommage à la famille Elhorga (Pierre et Marie qui fut la directrice de cette école) ! 

Voyant la scène, une institutrice s’approcha et me demanda ce que je voulais en découvrant mon appareil photo en bandoulière.

Je lui ai expliqué que je découvrais un des points de départ d’une des voies du réseau Comète en désignant le témoignage sur la façade de l’école.

Rassurée sur mes intentions pacifiques, elle m’avait souhaité une bonne journée avant de retourner exercer son métier !

Quant à moi, je vissai mon béret sur la tête et chargeai le sac à dos.

Je devais retrouver le chemin de halage le long de la Nive.

J'avais décidé de boucler ce parcours seul car il ne présentait qu’un intérêt historique.

J’avais juste galéré pour contourner le golf de Bassussary car ma carte IGN ne correspondait plus avec cette verrue verte sur le terrain !

En revanche, la pluie ne me gênait absolument pas, car chaque fois que les conditions météorologiques ou la violence de la pente m'interpellent, je pense à tous ces hommes courageux qui risquaient leur vie.

Car en cas d’arrestation, la méthode allemande avec leurs auxiliaires de police français était radicale : arrestation, torture puis camp d'internement de Mérignac-Beaudésert annexe de la prison politique fort du Hâ, Drancy pour finir dans un camp d’extermination.

Oui il fallait être rudement courageux en ces temps-là !

Je quittai le chemin de halage avant d’arriver à Ustaritz pour remonter vers Hérauritz, comme le faisaient les passeurs. La pluie cessa de tomber au niveau du four à chaux. Une belle pièce de collection que je pris en photo. Je traversai le hameau en prenant le temps d’admirer cet endroit charmant n’ayant aucune police politique ou asservie à mes trousses !

Parvenu au lavoir à la sortie du village j’essayai de me représenter le territoire de l'époque. Puis utilisant ma carte IGN, j’imaginai les chemins qui se frayaient un passage secret ou discret dans les bois de Larressore avant de rejoindre les rives du Latsa.

Où ? Pas évident à matérialiser avec ces nouveaux lotissements ! 

Lors d'un repérage précédent, voulant enfin trouver la fameuse borde Mandochineko, j’avais traversé le ruisseau à gué comme le faisaient les passeurs. 

Mais la  borde, je ne risquais pas de tomber dessus puisque j’évoluais à l’opposé de l'axe du passage, et je marchais sur la mauvais rive.

Ce premier itinéraire se finissait au pont du Diable, là où se trouve la stèle qui rend hommage aux passeurs basques des environs.

Illustration 4

La seconde partie du parcours,  je l'ai effectuée en compagnie de Jean-Mi et de Pascal et récemment avec Thierry toujours à la recherche de la fameuse borde Mandochineko. C'est bon aujourd'hui j'ai fin par la trouver grâce à Fanchon et Yves !  !

Comme toujours pour ces randonnées mémorielles, je mixe le tracé théorique des passeurs avec des diverticules variés afin de profiter à plein de l’ensemble paysager ! 

Depuis le pont du diable, entre Larressore et Espelette, comme nous ne pouvions traverser les prairies où  se trouvent les fameuses bordes, il suffisait de remonter la petite route qui se faufile au milieu des champs de piment avant de retrouver le Latsa près du camping !

Un sentier de randonnées appelée « Le chemin des Familles » vous ramène vers le centre d’Espelette.

Pour les parcours suivants, il existait plusieurs options pour franchir la frontière. Nous en avons retenu deux à partir du col de Pinodieta !

Au col de Zuhar (Zuhareko lepoa sur la carte IGN), il faut abandonner le GR 10 pour remonter les crêtes somptueuses du Bizkarluze jusqu’au Gorospil.

Il faut ensuite dégringoler l’arête douce d’Haizegerri jusqu’à la délivrance qui se situe à la borne frontière 74.

Le second parcours depuis le col de Pinodieta semblait plus accessible mais il fallait contourner Ainhoa.

Derrière la Chapelle de l’Aubépine, il faut suivre le très beau sentier qui passe à flanc sous l’Errebi avant de descendre le long du chemin des bordes.

Illustration 5
En compagnie de Thierry pour étudier un autre passage de Comète

La traversée du célèbre ruisseau Lapitxuri qui sert de frontière entre la France et l’Espagne se faisait au niveau de la borde de MikelenBorda, aujourd’hui mondialement connue !  

Passer la frontière était une chose mais rejoindre Gibraltar en était une autre aussi complexe car il fallait rester en permanence aux aguets, le fasciste Franco pouvant à tout moment renvoyer les évadés dans les griffes nazies. Quant aux aviateurs anglais, Churchill, dit-on, aurait tapé sur la table afin de calmer les velléités franquistes de bloquer la grande traversée mais comme cela sort de mon domaine de compétence, je n'irai pas plus loin.

Fin de cette première partie mais avant nous allons rompre le fameux serment des passeurs basques :

ITZA-ITZ ! (La parole était donnée, il ne fallait jamais parler !).

2 La « Florentino » du prénom du célèbre passeur basque Florentino Goikoetxea,

En compagnie de Jean-Mi,  nous allons explorer la voie ou la ligne de Comète que j’ai arbitrairement appelée la Florentino Goïkoetxea, en hommage à cet immense passeur basque !

Commençons par un rapide tour d’horizon de ces acteurs de l’ombre du courage assumé dans cette période trouble où les nazis et les collabos français travaillaient ensemble pour tuer l’intelligence, comme seuls savent le faire ces tarés de fascistes. 

Ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui car l’hydre fasciste qui se terre dans les périodes de libération, se parfume à la pureté ethnique à la moindre occasion lorsque le politique tangue ou s’égare dans le nauséabond sécuritaire !

Thierry venait de m'informer que Mediabask  avait sorti un excellent papier sur Kattalin Aguirre. Comme je ne la  connaissais pas bien, je suis parti immédiatement acheter le journal.

Là, je découvrais l'existence d'une sacrée résistante qui avait accompagné le Réseau Comète !

Kattalin Aguirre logeait les pilotes alliés abattus en Europe qui, parvenus au Pays basque grâce au Réseau Comète, s’apprêtaient à traverser la montagne basque afin de fuir en Espagne. Elle pouvait même les accompagner entre Ciboure à Urrugne, dans cette partie extrêmement périlleuse puisque située en zone occupée !

C'est au niveau de la ferme Bidegain-Berri à Urrugne, que les passeurs basques Florentino Goïkoetxea ou Manuel Iturrioz  prenaient la suite. Ils accompagnaient les aviateurs dans la difficile traversée de la montagne basque des deux côtés de la frontière. 

Manuel Iturrioz fut un des premiers passeurs du Réseau Comète. Coïncidence: Manuel Iturrioz  fut aussi un Mikelete (policier basque) comme mon grand-père (histoire que j'ai racontée dans le roman Andoni La fuite.

Florentino Goïkoetxea et  Manuel Iturrioz étaient-ils républicains ? Pour Florentino, je ne sais pas, en revanche Manuel Iturrioz fut capitaine dans l'armée républicaine, il s'est même  battu sur l'Èbre. Après l’avènement de la dictature de Franco en Espagne, tous les deux réfugiés en France devinrent des résistants !

Comme Jean Mi avait déjà effectué la première partie du parcours, le périple débutait au départ de Biriatou pour rejoindre Florentino Goïkoetxea et Manuel Iturrioz au pied du Mont du Calvaire !

Il a fallu toute la science intuitive de l’orientation de Jean Mi pour s’extirper de l’aléatoire piégeux du chemin cul-de-sac ou du sentier effacé entre Martingoitia et Larretxekoborda !

Illustration 6

Le paysage allait devenir assez exceptionnel au fur et  à mesure que nous montions sur les flancs du Xoldo Gaina ! Malgré cette évidence, il ne faut jamais oublier que la colonne d’aviateurs, guidée par les passeurs évoluait de nuit par n’importe quel temps avec le risque d’être surpris par la soldatesque nazie ou la gendarmerie « collabo » du fasciste en chef Pétain !

La traversée de la ligne de crêtes fut somptueuse. Au loin, on apercevait ma montagne préférée le Mendaur qui barrait la ligne d'horizon ! Le Mendaur domine le plus beau village d’Europe : IturenC’est celui de ma grand-mère Juana Etxeberria Lanz (ou ma grand mère de papier : Ana Atxeari Larunari !)

Un peu plus loin, entre le Mandalé et l'Azkopé, près des rochers d'Arrano, nous avons étudié les différents itinéraires que Florentino empruntait en fonction des éléments qui pouvaient venir perturber la voie directe. Il pouvait traverser la Bidasoa vers Endarlatsa pour remonter ensuite vers le Torreón de Pika. Ou plus au sud, traverser la Bidasoa au niveau de l’ermitage de San Miguel !

La merveilleuse ligne de crêtes dégustée, nous avions retrouvé  le célèbre Azkopé. Il est difficile d'imaginer une voie du Réseau Comète sans évoquer ce mamelon.

Là, Jean Mi décidait d’aller au plus court pour trouver la stèle qui honore la mémoire d’Antoine d’Ursel (Responsable lui-aussi du réseau Comète en Belgique) et celle du sous-lieutenant James F Burch (copilote d'un B17). En traversant la Bidasoa,  ils furent surpris par le fleuve déchaîné et ils périrent dans la nuit du 23 au 24 décembre 1943. Nous avons cherché à identifier l’endroit où les deux hommes se sont noyés mais cela reste un mystère à ce jour.

Plus loin, nous nous sommes arrêtés  au niveau du ruisseau Lizarian pour assurer un ravitaillement.

Pause bienvenue avant de poursuivre notre enquête le long du sentier du Réseau Comète qui est aujourd'hui bien balisé à cet endroit (GR T2 des deux côtés de la frontière. Voir la carte Côte basque N°33 de Miguel Angulo - SUA Ediziok Kartografa)  

Là, nous nous trouvons devant le nouvelle stèle inaugurée le samedi 16 avril 2016 !

Illustration 7

Il ne nous restait plus qu’à longer la Bidasoa jusqu’à Biriatou avant de commettre une  grossière erreur que vient de me signaler mon ami Nico car nous avons oublié d’aller voir une autre stèle qui honore cet autre grand résistant, Federico Sánchez plus connu sous le nom de Jorge Semprún.   

En conclusion :

Ces parcours remarquables montrent à quel point les passeurs basques et les  aviateurs se lançaient dans une sacrée aventure !

Celle de la liberté mais à quel prix ? Car la suite de l’aventure était corsée.

Après avoir traversé le fleuve, il fallait remonter de véritables murs jusqu’au fort de Pagogaina et d'Erlaitz  avec le risque de se faire arrêter par les spadassins du dictateur sanguinaire de cette Espagne qui sombrait dans une nuit fasciste de près de quarante ans ! 

Comme nous avons déjà parcouru cette partie, toujours en compagnie de Jean Michel et de Thierry, il ne nous restera plus qu’à terminer le périple vers Oiartzun pour abandonner Florentino et Manuel à l’histoire. 

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