Mais laissons Ferré décliner ces vers de l'impossible pour débuter notre affaire
" Et c'est le Bonnet Noir que nous mettrons sur le vocabulaire
Nous ferons un séminaire particulier
Avec des grammairiens particuliers aussi
Et chargés de mettre des perruques
Aux vieilles pouffiasses littéromanes "
Extrait de ma chanson préférée que je déclamais dans les arènes de Tyrosse en promenant mon Chien basque en ville.
Aujourd'hui, c'est le psychanalyste Philippe Grimbert qui nous explique ce premier point :
« Le clown est un personnage intéressant, à double titre. C’est un touche-à-tout de génie, brillant et intelligent, mais porteur d’une fêlure. Le ressort de son personnage, c’est de toujours faire rire y compris de ses propres malheurs.»
Et lorsque tu portes l’héritage social de tes origines et que tu évolues dans une société où les esclaves de la pensée dominante dirigent l’école de la soumission, du convenu et de la compétition, alors tu te fabriques un masque de clown pour avancer dans la vie.
Je ne reviens pas sur mes années passées qui ont confectionné mon habit de clown triste, il suffit de lire le billet précédent.
Jeune communiste, tu dois accepter l'humiliation permanente de ceux qui ne pensent pas comme toi car ces censeurs de l'imposture savent de quoi ils parlent. J'ai bien dit parler et non penser. Pour parler, il suffit de réciter, pour penser il faut étudier l'histoire, lire, s'informer, chercher, et ça prend des années.
Mais durant cette noire période, le rire ne m'a jamais laissé en plan au bord d'une route déserte. Et je précise à l'attention des montreurs d'ours sains que cette route ne fut pas une landaise rectiligne d'une dizaine de kilomètres.
Et je poursuivais ainsi le long de la Nationale 10 toujours avec Ferré et toujours dans l'arène :
" On peut me rire au nez, ça dépend de quel rire
Je provoque à l'amour et à la révolution
Yes! I am un immense provocateur
Je vous l'ai dit, des armes et des mots c'est pareil, ça tue pareil
Il faut tuer l'intelligence des mots anciens
Avec des mots tous relatifs, courbes, comme tu voudras
Il faut mettre Euclide dans une poubelle
Mettez-vous le bien dans la courbure
C'est râpé vos trucs et manigances "
Pour bien assumer mon statut de clown, j'avais acheté un nez rouge qui a accompagné mon quotidien depuis bien longtemps. Très important de posséder un nez rouge surtout lorsque tu es animateur de colonie de vacances ou moniteur de centre de loisirs !
J'accompagnais parfois Dolorès (Kattalin dans la clandestinité ou Madame Colombo pout le Szgab) dans Paris. Et lorsque je marchais à distance avec mon nez de clown, elle ne comprenait pas pourquoi les gens lui souriaient lorsqu'ils arrivaient à sa hauteur.
Et ce masque de douleur fut un solide compagnon de servitude mais aussi de désordre ordonné.
Cette façade de clown m’a ainsi permis de masquer mon anxiété permanente et ma timidité maladive.
Pour faire le clown, je n’ai jamais eu de difficulté pour enfiler le costume mais pour accepter mon transfert glissé vers ce nouveau statut de clown triste, il m’a fallu l’aide d’une Quimboiseuse qui s'appelle Agatha Remington.
Tout a commencé le jour où je devais changer les balais d'essuie-glaces. Action banale qui chez moi s'apparente à une performance. Et au moment où j'allais remettre le balai gauche, j'ai lâché le bras métallique non habillé qui est venu exploser le pare-brise. Et comme la voiture était stationnée devant l’endroit où Agatha et Dolorès travaillaient, la première a éclaté de rire alors que la seconde m'a fusillé du regard
Mais ce banal incident allait enclencher une incroyable thérapie qui s'est étalé de la Baie de Somme aux dernières séances dans les Pyrénées qui se sont déroulées avant-hier !

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Et j’espère qu’après avoir lu ces quelques lignes, mes amis proches feront enfin la différence entre un clown triste et un bouffon (par toujours marrant par ailleurs !).
La relation avec un thérapeute est basée sur la confiance.
Après avoir lancé une première dérive déstructurée de plaisir en cavale en Baie de Somme, le noyau dur féminin dont je vais lister les appellations clandestines : La Baronne, La Outstanding Nurse, La Jonquille et Le Coquelicot, Le Général Leclerc, Les Yeux Revolver, se fédéra à force d'Imprévus pour prolonger le plaisir de marcher ensemble !
Les hommes du groupe des Imprévus ne sont pas mis de côté mais ils ont moins d'importance dans le déroulé de cette histoire.
Baie de Somme, illuminations de Noël à Amiens avec un passage obligé vers la Mecque du syndicalisme-révolutionnaire charté en compagnie des guides-pays Laure et Patrice, Agatha Remington avait ciblé mon état.
Comme quoi les soignants de l'Esprit sont parfois sacrément efficaces.
Et c'est hasard qui allait me délivrer de ce syndrome que je trainais depuis plus de 50 ans.
Agatha avait prévu une soirée Imprévus comme il y en avait de temps à autre. Même si la majeure partie de l’équipe n’était pas libre ce soir-là, Agatha avait maintenu la réunion. Alors nous nous sommes retrouvés tous les quatre, Dolorès, Olivier, Agatha et moi-même.
Et la Quimboiseuse a vite fait de remettre le ruban de la pensée dans les rails afin que tout s’imbrique dans le temps de la pensée raisonnée.
Chose que mes amis proches n'avaient jamais réussi à faire car ils confondaient le bouffon provocateur avec le fantôme du monde du silence que je me suis toujours imposé.
Je répète que lorsque tu appartiens à la classe ouvrière qui a fait de toi un Homme libre, que tu as eu la chance de recevoir en cadeau la Révolte de la part de deux êtres fracassés par la vie qui s'en sont sortis grâce à la CGT, alors tu fermes ta gueule sur l’essentiel car tu sais que le bonheur de vivre est incompréhensible pour la majeure partie des gens qui s'acoquinent avec leur seul inconscient mortuaire.
C'est comme ça tu n'y peux rien alors pour le futile tu remets ton nez de clown et tu es tranquille.

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Voilà pourquoi la Quimboiseuse avait programmé ce nouveau pèlerinage en baie de Somme. Après rideau, retour dans le monde des invisibles. Car un citoyen du monde, ayant des petits enfants créolisés, pacifiste jusqu'aux bout des ongles ziniens (Howard Zinn), se doit de plonger l'âme de fond du gouf de Capbreton.
Mais pour saluer ma Quimboiseuse XXL préférée, voici cette dernière anecdote. En randonnée, mélangée, groupir rest' groupir, Georges marchait à côté d'Agatha. Et comme Agatha ne cessait de me vouvoyer depuis la réparation loupée des essuies glaces, Georges l'interrogea :
« Je peux te demander Agatha pourquoi tu vouvoies Marco ?»
Et Agatha essaya de s'expliquer mais comme Georges ne comprenait pas toujours pas, il l’affubla d’une drôle d’appellation en lui disant :
« Agatha tu n’es qu’une Pom-Pom Girl parce que personne ne vouvoie Marco ! »
Alors une personne comme Agatha qui comprend ton hérétisme même si elle est à des années lumières de ce flocage, c'est toujours un plaisir de l'entendre !
Pour terminer ce reportage personnel sans intérêt, j'ai repris ma liberté pour me cacher à nouveau après avoir essayé de jouer une partition qui n’était pas faite pour moi. Je garde à tout jamais mes psalmodies reclusiennes et aujourd'hui kropotkiniennes à souhait, rien que pour moi !
Et pour finir, j'ai repris le début de l’interview de Nicolas Philibert dans le Questionnaire de Socrate de Noël Foiry dans Philosophie Magazine d’Avril :
" [...] J’aime bien marcher seul, sans parler. Alors, quelquefois, marcher à plusieurs, c’est aussi une forme de solitude. Chacun est dans sa pensée. On peut être seul avec les autres, au milieu des autres, ça m’arrive d’être seul au milieu des autres, de me sentir un peu décalé. Je ne suis pas très bavard, je suis quelqu’un d’assez pudique … un peu ours, parfois."
Mais avant de partir sur les routes solitaires de la poésie, les groupes m’ayant toujours insupporté, je voudrais saluer une dernière fois ceux qui m'ont longtemps accompagné Victor Jarra, Jean-Paul Corbineau, Patrick Cadeillan et mon préférée, le basque, Imanol qui s’était fait défoncer lorsqu’en 1986, il avait eu l’outrecuidance de saluer la mémoire de Yoyes, assassinée par la pseudo-pureté révolutionnaire.
Alors redevenu gascon, je crie et je gueule comme le Ferré de l'arène (les ferrets de l'arène, c'est bon cette fois ? Non alors relisez Dumas ) :
" Ils t'ont pelé comme un mouton avec un ciseau à surtaxe
Progressivement contumax, tu bêles à tout va la chanson
Tu n'achètes plus que du vent encore que la nuit venue
Y a ta cavale dans la rue qui hennit en te klaxonnant
Le Droit, la Loi, la Foi et Toi et une éponge de vin sur
Ton Beaujolais qui fait le mur et ta Pépée qui fait le toit
Et si vraiment Dieu existait, comme le disait Bakounine
Ce Camarade Vitamine, il faudrait s'en débarrasser "

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Signé un clown triste évanoui un jour de mai 2023, MERCI Agatha Remington !