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Toujours harmoniste reclusien et rabelaisien au 1 janvier 2025 !

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Billet de blog 17 avril 2022

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Comment la randonnée révèle une histoire fasciste bien française

On m'a souvent dit que le fascisme était un épiphénomène dans notre pays. Pourtant Zeev Sternhell rappelait que la France n'avait jamais été vaccinée du fascisme malgré sa tradition républicaine. Nous nous rendons en Haute-Vienne pour étudier cette évidence.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai vu refleurir un fascisme décomplexé dans les années 2000 et plus précisément en 2004 lorsque je travaillais encore.

Et lorsqu'on voit poindre ces nuages noirs à l'horizon, on s'inquiète même si les danseurs de Fandango ou les  philosophes de  la claquette médiatique continuent de dire que l'on exagère l'importance du phénomène.

Et pourtant ...

Aujourd'hui, ce Front de la Haine même ripoliné par la Torquemada actualisée n'est qu'une nouvelle banalité du mal fasciste !

À l'époque, mon copain Roland me disait toujours qu'avant d'être d'extrême gauche il fallait déjà être de gauche, alors pour reprendre  cette remarquable saillie, je précise qu'avant d'être d'extrême droite, il faut d'abord être fasciste  !

Enfin pour ceux qui ont encore des doutes, je renvoie leurs interrogations vers la lecture obligée des ouvrages de Zeev Sternhell, Robert Paxton, Gérard Noiriel, Henry Rousso, Laurent Joly entre autres mais la liste n'est pas exhaustive.

Comme lors de mon précédent séjour en Haute-Vienne, j'avais balisé mes parcours pédestres autour des camps de concentration de Nexon, de Saint Paul et de Saint-Germain aux belles et du Mont Gargan , j'ai préféré cette fois-ci laisser le hasard me guider vers l'oublié ! 

Et le hasard m'a servi de guide lorsqu'il s'est invité en entrant dans le Bibliovore de Limoges !

Pendant que les deux petits-créolisés faisaient leurs emplettes de la Liberté, je suis tombé sur le livre de Guy Perlier que la jeune libraire venait juste de rentrer : La Rafle Août 1942 Région de Limoges

En lisant ce livre, je me suis rendu compte que si j'avais tracé à pied les rafles des 16 et 17 juillet 1942 du site du Vel d 'Hiv jusqu'au camp de la Muette à Drancy, je ne connaissais pas bien cette sordide histoire que les serviteurs des nazis avaient programmée en zone dite libre ! 

C'est en lisant le livre de Guy Perlier, que j'ai appris que la mise en route de l'horreur avait débuté le 5 août 1942.

Puis dans la nuit du 25 au 26 août 1942, débutèrent les criminelles opérations nommées sans les nommer, les rafles ! 

Serge Klarsfeld a pu reconstituer le trajet du convoi mortuaire. Parti de Nexon, le 29 août à 6h55, il a franchi la ligne de démarcation à Vierzon (11 h 31 - 12 h 15) pour arriver à Drancy à 18h03,  la destination finale étant le camp d'extermination nazi.

Ayant fini mes travaux d'intérêts généraux dans cette annexe du Phalanstère créolisée de Saint Pierre (confère mon prochain livre) j'ai pris la direction de Saint Paul. 

Saint Paul - Saint Pierre un authentique pèlerinage de l'inconnu, logique pour un "Sans Dieu" mais avec de sacrés maîtres  à penser différemment  ! 

Le but de la balade consistait à découvrir le fameux menhir de Saint Paul et réviser l'histoire du camp de concentration qui se situe à l'écart du village bien sûr.

Illustration 1

Les balades en Haute-Vienne accumulent du sublime au niveau des paysages traversés. Devant mes yeux émerveillés, une ribambelle d'agneaux ajoutait une touche particulière très "Chaigneau" à ces tableaux naturels. 

Au détour d'un chemin, j'avais rencontré un un paysan qui avait l'air bien embêté. Et lorsque je lui avais demandé la raison de son intrigante attitude, il m'avait spontanément répondu qu'il s'était trompé ce matin en dispatchant les agneaux dans les différents près.

Il  était inquiet car si les petits ne trouvaient pas leurs mères, ils ne pourraient bien évidemment pas se nourrir. Je comprenais mieux à présent les incessants bêlements que j'avais entendus en longeant les prés pâturés. 

Mais pour notre éleveur, ce n'était plus l'heure de la réflexion mais bien celle de l'action. Je l'abandonnais en lui souhaitant bon courage.

Après un arrêt classique devant le plan d'eau puis après la découverte de l'auguste menhir, je me posais devant les panneaux qui retracent le camp de concentration. Lorsque cette violence ignorée se révèle devant mes yeux toujours sceptiques, comme la poésie se suicide, je reprends la froide page historique, la classique, l'enfermée, la criminelle, la fasciste.

J'ajoute simplement qu'en juin 1944, le camp fut libéré par les maquisards de Georges Guingouin. Ils empêchèrent ainsi une nouvelle rafle programmée. Grâce à cette action, Marcel Vardelle et le Rabbin Abraham Deutsche furent sauvés.

La suite de ces balades historiques allait se concentrer dans un territoire de Résistance situé dans le petit pays des Monts et Barrages toujours en Haute-Vienne. 

J'ai profité de ces vacances créolisées en famille pour abandonner le simple hasard afin de retrouver l'histoire parfois oubliée ou négligée de ces Résistants qui se sont dressés contre la barbarie nazie et  contre leurs serviles fascistes collabos à préférence nationale française certifiée

Comme la Résistance était puissante en Limousin, les plus sanglantes divisions SS allaient intervenir sur ce territoire que Pétain avait depuis longtemps abandonné.  Depuis Montoire, la vieille ganache s'était délesté du peu d'honneur qui lui restait pour se vautrer dans une pitoyable collaboration, la plus sordide de l'histoire de France.

Mais avant de nous lancer dans l'aventure, j'avais été faire un tour à l'Office de tourisme de Châteauneuf-la-Forêt

Là, une charmante personne allait me mettre de côté les Mémoires de Roger Magadoux, l'adjoint politique de Georges Guingouin et de sa femme, Marcelle Legouteil-Magadoux qui fut Agent de liaison dans la Résistance, et comme je n'avais pas de liquide, je suis revenu chercher le livre le lendemain.

Puis, les petits créolisés avaient inscrit quatre Terra Aventura au programme entre Eymoutiers et Châteauneuf-la-Forêt !

Et grâce à ces parcours subtils, nous avons eu une sacrée surprise que je ne dévoilerai pas pour laisser le mystère entier. Le seul indice que je peux donner se trouve dans le parcours de la Mémoire des Justes

Fort de toutes ces données accumulées sur la Résistance, j'allais tracer une randonnée pour raconter une résistance personnelle à l'invasion fasciste actuelle n'en déplaisent à ces nouveaux " collabos " de l'impensé qui continuent de jouer avec les mots pour mieux jouer avec le feu.

C’est en compagnie de Fred, l’homme qui m’a ouvert les chemins de la philosophie tracés par Glissant et Fanon en Martinique que nous allons effectuer cette boucle contrastée qui s’insinue entre le crime nazi et sa réponse courageuse, la Résistance.

Départ du lac de Châteauneuf au pied de la stèle qui salue la mémoire de Léon Roux qui fut un ravitailleur du maquis à la Vigne Robert. Il fut arrêté le 6 avril 1944,  lorsque le village fut bouclé durant cinq jours par la Milice et la division Brehmer. Ce même jour, eut lieu l’arrestation de 61 personnes ; celles qui étaient identifiées comme "juif"  furent déportés après Drancy à Auschwitz dans le convoi n° 72. 

Lorsque nous traversâmes le village, on pouvait lire sur une plaque apposée contre un mur de la mairie,  :

« … les descendants et les familles tiennent à honorer les citoyens qui en pleine connaissance des risques encourus ont recueilli et caché les leurs, les sauvant d’une mort certaine ».

Louis et Germaine Becette furent ainsi reconnus comme Justes pour avoir sauvé une famille en les hébergeant avant de leur permettre de fuir l’encerclement meurtrier du 6 avril. Plus loin, on s’arrêta devant le Mémorial de la Déportation juive que l’on doit au sculpteur Marc Petit.

Illustration 2
Au bas de la sculpture de Marc Petit pour le Mémorial de la Déportation Juive, une fontaine !

Après avoir abandonné le village, le remarquable balisage du sentier du Bois du Curé et des mille Diables, (j’adore cet oxymore poétique), nous emmena vers la forêt.On comprend vite que le village est aujourd'hui mobilisé pour la préserver de futures éoliennes car de solides panneaux revendicatifs jalonnent le parcours. 

Plus loin, la route nous guida vers un site historique de la Résistance où un balisage discret bleu, blanc, rouge nous emmena vers la cache d'un Maquis !

Et quel maquis ! 

Au cœur d’un vallon secret près d’une source aujourd’hui captée, en mars 1943, cet abri que la commune a réhabilité, avait permis à Georges Guingouin, Raymond Dumont, Raymond Nard, Pierre Magadoux et René Duval de se cacher au lieu-dit La Croix Chevaux.

Pierre Magadoux, a expliqué bien plus tard les raisons de cette cache choisie par Georges Guingouin : 

  • nécessité d’être bien cachés tout en observant l’ennemi
  • accès simple pour le ravitaillement (Augeras et La Vigne Robert, confère la stèle en hommage à Léon Roux)
  • possibilité d’être alertés rapidement en cas d’interventions des miliciens ou des divisions SS  

Et lorsque tu arrives sur le site, tu restes sans voix ! Merci Messieurs pour votre courage et votre engagement ! Je ne ferai pas plus de commentaires par rapport à la situation actuelle.

Illustration 3
La cache du maquis de mars 1943

Il reste que lorsque ce site fut découvert les "Oiseaux étaient déjà loin", signature ironique des maquisards qui a été réécrite toujours dans la cache où Fred avait bien du mal à glisser sa longiligne carcasse !  

Je finirai ce billet en disant que pour rentrer à Châteauneuf, j’ai voulu traverser la forêt avec la carte IGN que je tiens  à la main sur la photo prise par Fred.

Mais nous avons fini par sortir de l’itinéraire théorique puis par nous perdre  ! Et c’est là que je me suis rendu compte de la chance de pouvoir traverser ces lieux chargés d’histoire en plein jour sans rencontrer des miliciens pétainistes ou des fous furieux nazis !

Fin de ce premier épisode, direction à présent Eymoutiers !      

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