Cette scène a été vécue en direct avec mon vieux compagnon Jean-Mi.
Alors quelle est la frontière entre l’intérieur et l’extérieur des terres au Pays basque ?
Difficile de répondre : en écoutant l’autre imbécile de l’intérieur des terres éructer sa bêtise, j'ai pensé à une célèbre maxime de notre copain Pascal d'Hagetmau lorsqu'il trinquait avec nous au Trinquet Saint Brice (voir le billet sur La poétique reclusienne). Il nous disait : « À l’intelligence parce que vous, les basques, la santé, vous l’avez ! ».
Bon passons à présent aux choses sérieuses : la marche et les livres.
Alors comment devient-on un hérétique ?
Lorsque le socle Randonnées-Livres déroule le tapis rouge, on peut y arriver car on appelle Hérésie, une façon de penser ou d'agir qui va à l'encontre des dogmes officiels ou des idées communément admises.
A la mort de notre mère, deux concours de circonstances allaient ouvrir le coffre-fort de la mémoire fondatrice qui allait au fur et à mesure du temps qui passe, raviver un passé ignoré. Alors que le funérarium allait bientôt fermer, j’avais repéré une dame qui attendait que nous soyons seuls, ma sœur et moi pour s’approcher. Elle m’interpella au moment où nous allions quitter les lieux :
« Tu te souviens de moi, Marc ?
– Bien sûr madame Gensour
Elle avait ajouté :
– Tu sais, tu étais le seul enfant à prendre des livres d'histoire. Ce qui m’avait étonné surtout à l’âge que tu avais. Tu ne lisais aucun roman que de l’histoire ! »
Madame Gensour, décédée le 29 avril 2024, était professeur d’espagnol. Et même si je ne l’avais jamais eue en classe, je la connaissais bien car elle s'occupait de la bibliothèque du collège. Puis une autre dame qui l’avait suivie attendit qu’elle s’éloigne pour me demander elle-aussi si je la reconnaissais ? Bien sûr puisque Pierre, le fils de cette dame, était aussi dans la même classe que moi en seconde au lycée (il y avait aussi le sculpteur amnésique).
Pierre m’avait fait découvrir Corto Maltese, avant de m’instruire sur la bande de Charlie Mensuel, les Gébé, Reiser, Cabu et compagnie ! Et cerise sur le gâteau, il me prêtait volontiers toute sa collection. Il m’a donc initié à la BD prohibée à la maison car notre mère considérait que ces albums n’étaient pas de la littérature.
Alors pourquoi avoir commencé ce texte avec ces anecdotiques ?
Eh bien, simplement pour montrer qu’Histoire et Bande Dessinée vont tracer ma ligne politique qui systématiquement dérivera vers un hérétisme avéré qui n'a fait que s'intensifier lorsque j’entends pérorer les thaumaturges et les théophages modernes !
J’ai commencé par acheter avec mon argent de poche A suivre, Circus, Hara Kiri et Charlie Mensuel au grand dam de ma mère.
Et de fil en aiguille, plus tard grâce à Christian, un ancien de la Gauche Prolétarienne, j’allais découvrir l’anarchie à Bordeaux !
Après nos journées de travail, je précise pour les Jean-Foutres qui passent leur vie à légiférer sur des choses dont ils ignorent même le sens comme le Travail, nous allions régulièrement refaire le monde au Tarbais, un bar-restaurant de la rue du Palais-Gallien qui n’existe plus de nos jours ! C’est là que j’ai rencontré l’anarchie et mesuré mon ignorance.
Un soir, j’ai reçu une mémorable leçon d’histoire donnée par Martine, une prof d’Histoire pendant que son compagnon, Robert, Insoumis amnistié en même temps qu’un quarteron de généraux mis à la retraite après leur putsch manqué, me vendait Le Monde Libertaire, après avoir servi l’apéritif au bar. Après le souper, j’avais voulu faire le malin puis le savant en revendiquant mon appartenance au courant syndicaliste révolutionnaire de la CGT (Pouget, Griffuelhes) que je connaissais à peine (je ne les ai redécouverts à Amiens qu’en 2010) !
Et j’ai fini par me faire traiter de Jeune Stalinien par la prof et l’Insoumis. Ce jour-là, même sonné, je venais de comprendre que l’idéologie primait sur l’histoire ! Alors j’ai décidé de consacrer mon temps à l’étude de l’hérétisme en politique. Mais cette leçon me fut salutaire car à compter de ce jour, j’ai su que les loulous sanctifiés par les croyants d’un Communisme frelaté n’étaient que de pales personnages qui avaient confisqué la révolution qu’ils n’avaient pas faite !
Et j’ai poursuivi l’aventure du livre d’abord à Enghien.
Ayant appris que La Révolution inconnue de Voline venait d’être rééditée aux Editions Verticales en 1997, je suis rentré dans la librairie Antipodes à Enghien, le jour de mon anniversaire le 22 juillet 1998.
Et là surprise !, alors que je m’attendais à ce que la libraire me dise qu’elle allait me le commander, elle avait été le chercher dans la réserve. Ce jour-là, j’étais l’homme le plus heureux des hommes car ce fut un cadeau royal que je me fis si je peux utiliser cette expression.
Pour aller vite, le livre décrivait la duplicité terrible du voyageur de Brest-Litovsk et du feld-maréchal menchevik. Ils furent compagnons d’exil, Voline et le menchevik opportuniste ! Et revenus en Russie, l’un était au pouvoir pendant que l’autre croupissait en prison. Puis Trotski avait répondu par télégramme aux militaires qui demandaient ce qu’ils devaient faire du prisonnier Voline en décembre 1919 : « Fusiller immédiatement. Trotski » !
Je commençais à ouvrir les yeux et je n’avais pas encore fini de lire Hannah Arendt. J’avais enchainé en achetant et en lisant Alexandre Skirda. Pour sourire de tout, j'emmenais systématiquement son " Makhno " dans le sac à dos lorsque j'organisais la Ronde Menchevik en randonnée du côté de Presles.
Chaque année des moines-soldats trotskystes fêtent religieusement la fête de leur dieu du côté de leur Kremlin-château. Pour être tout à fait honnête j’y suis allé une fois avec Patxi alors tout jeune qui voulait voir Arlette mais à l’époque je préférais largement la " Bolchevik " du côté de La Courneuve car on picolait plus facilement chez les certifiés marxistes-léninistes !
Enfin, lorsque Nico (toujours lui) m’emmena rencontrer Bruno Loth à la libraire scopienne Envie de Lire à Ivry, j’en avais profité pour acheter Au pays du mensonge déconcertant d’Ante Ciliga.

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Puis un concours de circonstances étonnant allait me permettre d’aller plus loin dans l’étude.
J’avais connu Octave dit Tatave dans une instance CGT. Il était alors considéré comme un communiste ortho-doxa (c’est de l’humour arentdien), il m’avait envoyé des livres sur Courbet (Ragon), Kropotkine, Sylvain Maréchal et j’en passe.
J’ai toujours loué son immense culture mais au-delà, sa formidable ouverture d’esprit. Quant à mon autre professeur de praxis révolutionnaire sur le terrain, Roland, il vient de me faire promettre avant notre envol à Taiwan que je ne ferai pas don de mon cerveau à la science !
Comme je disais à mes amis trotskystes au boulot, à mes amis tout court ou à Txema, j’ai tous mes tampons " révolutionnaires " à jour. Et ce depuis ma première action à 16 ans (comité de grève au lycée du temps du sculpteur amnésique contre cet Haby ne fait pas le moine, manifestations interdites dans la rue, on y va quand même).
Alors Txema, ma soi-disant trahison de classe reprochée après une partie de pelote :
« Comment peux-tu être à la CGT et assurer une collaboration managériale au cœur du système capitaliste ? »
Réponse : j’ai fait de l’entrisme pour une étude sociologique bourdésienne clandestine sans jamais renier mes idées.
Et j’étais fier d’être fiché Rouge par tous ces néo-pétainistes n’ayant plus de passé ou ayant oublié leurs passés !
Oui Txema, je suis entré en clandestinité, en faisant comme l’âne de la crèche que tu adores. J’ai commencé par reprendre mon nom originel Etxeberria-Lanz que j’avais perdu en 1971 lorsque mon père était devenu français pour pourvoir assumer des fonctions syndicales comme délégué du personnel. Puis le représentant officiel de l'UFC CGT Bureaux Gares et Ambulants, parfois régulièrement élu, s’appelait Echeverria mais l’anarcho-syndicaliste CGT clandestin était devenu Etxeberria-Lanz. Cela me permettait de pratiquer un syndicaliste d’action directe dans des endroits de non-droit mais je ne prenais aucun risque car j’étais tout simplement fonctionnaire. Seul Nico m’a vu jouer ce rôle par hasard.
Mais je devais bien ça à tous ceux qui n’avaient pas eu la chance comme moi d’apprendre la révolte prolétarienne en famille. J’ai même soutenu des grévistes de la faim pour la CGT qui étaient près à mourir pour avoir des papiers du temps du Fakir du Plumaçon (encore lui).
Et j’ajoute avec ce mépris de classe que j’ai eu pour ces gens qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter et qui ne sont en fait que de pauvres hères qui ont besoin en permanence de l’assistance de descendants de psychiatres comme Tosquelles ou Fanon pour survivre tellement ils sont mauvais !
Le Fakir du Plumaçon avait été laminé par la rue, le Baudet du Poitou, le Fromage avarié de Hollande ou l’eau piquante d’une Valse à tous les temps fut-elle catalane, m’ont volé trois ans de poétique reclusienne alors les grandes leçons sur ma Collaboration effective opportune avec le grand Kapital, Txema, je m’en danse les canards parce et je m’en secoue le popotin en faisant coin-coin comme il se doit !
Le dossier Hérétique certifié à présent, je devais cette réponse à Jean Pierre, le professeur de littérature de l’UHP sachant que Nico et Jordi sont tous les deux professeurs d’histoire d’espagnole.
Moi-même à moitié espagnol, j’ignorais tout du drame espagnol qui avait marqué ma famille. J’ai toujours cru jusqu’en 1994 que l’Espagne était une terre fasciste depuis la nuit des temps.

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A la maison, mon père m’avait vu interviewer pendant deux heures ma grand-mère gasconne Marthe Descoustey sur son enfance à Saint Geours de Marennes (petit pays des Landes).
Et chaque fois qu’il traversait la cuisine lors de ces épisodes, il maugréait. Cela signifiait qu’il en avait des choses à dire, lui aussi depuis son arrivée en France, poursuivi par ces tarés de fascistes qu’ils soient Requetés navarrais ou assimilés franquistes.
De retour à Paris, il m’avait enfin promis de se prêter à l’exercice puisque je commençais à monter un solide dossier grâce à ma mère qui avait gardé les photos d’Irun et grâce aux Archives départementales de l’Ardèche qui m’avaient répondu.
Ils m'avaient envoyé de sacrés trésors photographiques sur le passé de Largentière. Nous devions commencer les interviews à Pâques aux prochaines vacances. Il avait enfin accepté de me parler de son enfance à Irun et de sa migration forcée en France, hélas un infarctus foudroyant le terrassa la veille de notre arrivée à Tyrosse.
C’est ainsi que j’ai décidé de raconter son histoire romancée pour lui rendre hommage. Je devais mettre en forme tout cet amoncellement de preuves orales, écrites et photographiques et le roman me paraissait la forme la plus accessible pour un néophyte !
Et Nico peut témoigner de la chose car il était à mes côtés lors du dernier entretien téléphonique avec mon père. Voilà camarade Jean-Pierre pourquoi j’ai voulu jouer à l’écrivain, juste pour rendre hommage à mon formidable père avec qui j’avais appris à communiquer vers l’âge de 25 ans en randonnée quand nous étions que les deux car ma mère était aussi bavarde que moi !
Un dernier point technique fut dédié à la rédaction : comme je n’avais jamais été en Ardèche, comment faire voyager ma famille de Jurançon à Largentière en passant par Paris car il n’ y avait plus de gares actives en Ardèche.
Par chance, mon collègue René Delleaux écrivait dans le magazine Voie Etroite. Depuis que nous avions normalisé nos relations, (il était socialiste, j’étais cégétiste), il s’était démené pour rechercher cette histoire ferroviaire oubliée. Il m’avait retrouvé toutes les gares, les locomotives et les trains de l’époque en Ardèche ! Il m’avait photocopié le tout et donné le dossier complet lorsque j’avais été le voir dans son pays du Nord (il est décédé très jeune quelques années après avoir pris la retraite! ).
Je savais à présent comment mes migrants espagnols étaient passés de Pau ou de Jurançon (où le frère prêtre de ma grand-mère les avait hébergés) à Teil en passant par Paris car il n’y avait pas de lignes de chemins de fer qui arrivaient directement à Largentière.
J’avais aussi retrouvé le camp où ma famille avaient été parquée grâce au livre d’Hervé Mauran, Un maquis de républicains espagnols en Cévennes, Espagnols rouges 1939-1946. Qui avait été déniché par qui ? Nico bien sûr.
J’ai déjà raconté toute cette histoire dans un billet Mediapart avec les photos qui vont avec mais je n’ai jamais eu l’occasion de remercier Hervé Mauran pour son travail alors profitons-en, merci Hervé Mauran !
Puis le hasard m’avait poursuivi car Olivier (le mari de la Pom-Pom-Girl dixit Georges, Agatha Remington) m’avait donné la carte IGN de Largentière 2838 OT qu’il n’utilisait plus. J’en avais profité pour reconstituer les parcours théoriques de mon père depuis leur centre d’internement (ancienne usine de moulinage).
Voilà Jean-Pierre comment sont nés les deux Andoni pour saluer la mémoire espagnole ignorée de mon père. Mais je te rassure, j’ai décidé d’arrêter de jouer à l’écrivain. Pourtant je ne regrette pas d’avoir sorti ces livres car je me suis rendu compte que j’ai eu la chance de marcher dans ces pages d’écriture que Fafou et toi, vous aviez eu la gentillesse de corriger.
Et lorsque j’ai reconstitué la jeunesse volée de mon père et de ses frères, deux ans après avoir écrit les livres, je me suis dit que je n’étais pas si nul que ça dans l’interprétation d’une carte IGN contrairement à ma réputation de plus mauvais guide de randonnée de France à égalité avec Txomin ! Enfin pour clore ce dossier, je sais aujourd'hui exactement où créchaient les Etxeberria, rue des douanes à Irun avant le pronunciamiento de Franco. J’avais même appris que leurs premiers voisins de mes grands-parents n’étaient autres que les Gonzales dont le célèbre Luis Mariano. Et je le dois encore à Nico qui nous avait a emmené visiter le cœur de la ville d’Irun, les monts du Gipuzkoa au-dessus de Donostia, et les traces horribles aujourd’hui mises en valeur pas les navarrais qui expient leurs allégeance stupide au dictateur.
Merci Nico et merci aussi Jean-Mi pour les photos et les balades de reconnaissance !
Mais pour l’histoire d’Espagne je n’oublie pas l’autre professeur de l’UHP, Georges et le dernier venu, Jean-Claude l’œnologue qui est aussi membre de la CGT ! Quant à l’histoire de l’Euzkadi 1936-1937, il m’appartenait de faire connaître les bataillons anarchistes plongés dans l’armée basque (le Président Aguirre qui était aussi le chef d’Etat-major avait associé toutes les composantes républicaines ou hétéroclites du peuple basque !). Car j’avais eu l’occasion de discuter avec des Abers-Salés basques (@Txomin) pour constater qu’ils ignoraient tout de ces bataillons républicains et pourtant bizarrement, ils en revendiquaient la filiation.
Aujourd’hui, après avoir vu le magnifique film Les Repentis, on comprend mieux pourquoi l’Histoire n’est pas enseignée ou bien enseignée.
Toujours en compagnie de Nico qui est aussi un libraire ambulant de l’ACER, il m’avait conseillé d’aller voir Disparus au cinéma ! Film bouleversant dont j’ai mis longtemps à comprendre qu'il avait pour origine, le remarquable livre de Jean François Vilar : Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués que j’avais dévoré !
C’est en lisant un article d’Edwy Plenel, en décembre 2014 qui rendait hommage à Jean François Vilar, que j’ai fait le lien entre le film et le livre ! Et comme on évoque Thierry Jonquet dans cet article, je dois dire que j’ai eu la chance de discuter cap à cap avec lui à la médiathèque de Villepinte qui l’avait invité pour son livre Rouge c'est la vie. Mais même s’il m’avait précisé qu’il n’était plus trotskiste à cette époque, je l'avais longtemps interrogé. Et j’avais bu les paroles de Ramon Mercader lorsqu’il m’avait raconté comment il avait eu du mal avec son sulfureux mais néanmoins jouissif Du passé faisons table rase ! Extraordinaire personnage, hélas lui-aussi trop tôt disparu lui-aussi. Quel talent de conteur caché sous des airs bourrus ! Tout ce qu’il m’a raconté, je ne pouvais pas le dire car on ne me croyait pas. Et si on ne me croit toujours pas ! Pourtant Thierry Jonquet m’avait donné toutes ses sources, incroyable !
C’est en découvrant la qualité de ces trois anciens journalistes trotskystes du journal Rouge que je viens de citer que je viens de comprendre pourquoi je vendais aussi peu d’Avant-Garde au lycée à la sortie des cours !
Pour finir venons-en à l’étude du pacifisme vu à travers la lecture de livres puis en randonnée sur le terrain
Grâce à l’incommensurable culture de mon beau-frère Jean-Mi, qui lisait et me passait Union Pacifiste, j’ai connu (Craonne, Vingré, le massacreur de Saint Pé sur le chemin des dames, Nivelle), puis Lecoin, Yvetot ou Camus.
J’ai commencé à m’y intéresser vraiment lorsque nous étions en vacances en famille près de Sartilly. Je venais de finir de lire la réhabilitation des caporaux fusillés pour l’exemple survenue en 1934.
Aujourd’hui la randonnée s’appelle la boucle de la Micardière mais à l’époque, nous n’avions pas été voir le cimetière car j’ignorais tout de cette affreuse histoire. C’est mon camarade Philippe (formidable artiste, peintre et photographie) qui m’en avait parlé Il m’avait même pris la photo du bas-relief des quatre caporaux de Souain. Sur la photo que je garde précieusement, on voit aussi une représentation de la justice ou de l’injustice aux pieds des quatre fusillés qui la regardent avec mépris, les bras croisés sur leur poitrine.
Les caporaux Louis Girard, Lucien Lechat, Louis Lefoulon et Théophile Maupas furent fusillés pour l’exemple le 17 mars 1915.
La réhabilitation : « Attendu que de l'examen du dossier et de nombreux témoignages recueillis se dégage le sentiment très net que l'ordre donné à la 21e Compagnie du 336e régiment d'infanterie dans la soirée du 10 mars, était irréalisable [...] déclare Lechat Lucien, Girard Louis, Lefoulon Louis et Maupas Théophile acquittés de l'accusation retenue contre eux. Décharge leur mémoire des condamnations prononcées »
C’est sûr que cela leur faisait une belle jambe mais Blanche Maupas s’est battue pour que ces soldats de l’inutile guerre soient réhabilités.
Quelle connerie la guerre clamait Prévert !
La preuve avec cet exemple de mars 1915 :
Ce jour-là, les soldats épuisés refusent d’exécuter un ordre stupide ! Ils refusèrent aussi de sortir des tranchées car ils étaient sûrs d’être fauchés par les balles des mitrailleurs allemands. Et ils ne voulaient pas enjamber les cadavres de leurs camarades qui se trouvaient entre les deux tranchées. Pour ajouter un peu de piquant à cette farce macabre, ils reçurent en pleine tronche des obus tirés par les artilleurs français ! Les six caporaux et les dix-huit soldats désignés par le capitaine de compagnie passèrent en conseil de guerre six jours plus tard dans une salle de la mairie de Suippes. Le conseil de guerre condamna à mort les quatre caporaux tous originaires du département de la Manche. Ils furent fusillés à la ferme de Suippes, le lendemain.
Ce drame a inspiré les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, film de 1957, qui fut interdit à la télévision française jusqu’en 1975. La suite de mon pacifisme naissant made in CGT avec mes ancêtres Yvetot et Lecoin que je vais le raconter en trois épisodes.
Commençons avec Allons z’enfants ! J’ai retrouvé le livre d’Yves Gibeau lors d’une randonnée landaise à Préchacq les Bains, le pays de La Hire !
Au moment où on s’arrête pour casser une graine, je trouve une boite à lire à proximité. Et je découvre le livre d’Yves Gibeau mais comme il se trouve dans ma collection de livres impies, je me contente de le photographier car c’est une des premières éditions, vu la couverture.
Le mien, je l’avais acheté à Nanterre. J’’avais 20 ans à l’époque et je créchais dans un foyer de jeunes, pas loin du boulot et de la fac. J’avais commencé à la lire à 21 heures et je l’ai achevé le lendemain à 7 heures du matin. Je n’avais pas dormi de la nuit mais qu’importe, je suis parti au boulot dans la foulée ! Ce fut la seule et unique fois qu’un livre m’avait accroché à ce point !
Plus tard lorsque je suis parti marcher seul sur le Chemin des Dames, j’ai repensé à ce livre. En parcourant, le vieux Craonne, j’aurai dû m’arrêter au cimetière pour saluer la mémoire Yves Gibeau car il repose dans ces lieux depuis 1994.
Noël Genteur ; le maire actuel avait dit : « C’était un rebelle et c’est parce qu’il y avait eu les mutineries ici, qu’il a pu s’enraciner. Ce sont les poilus qui lui ont donné des racines ».
Noël Genteur, je l’ai retrouvé à Tarnos en discutant avec Ange Mary D à la sortie de la pièce Evadé pour survivre de Frédéric Choffel. Et nous avions évoqué ce soir-là un certain André Curculosse.
En effet, grâce à lui, j’avais pu lire Vincent Moulia : les pelotons du Général Pétain de Pierre Durand. Il était en réunion avec ma mère qui lui avait décrit mon désarroi car je n’avais pas trouvé ce livre à Paris. Par chance, il lui en restait un exemplaire. Il me l’avait gentiment dédicacé et donné à ma mère. Hélas, je l’avais prêté et on ne me l’a jamais rendu. Il faudra que je retourne à Nassiet pour retrouver non pas le livre mais l’extraordinaire courage du caporal Moulia.
J’arrête là les randonnées pacifistes du nord de la France car j’en ai réalisées de sacrées comme à Vingré ou à Ailles (village disparu) pour me rendre dans les Landes plus exactement à Pouydesseaux chez Jean Rostand, pour effectuer la randonnée 10.5 décrite dans le Rando-guide du Marsan.
La balade est somptueuse, mais c’était l’homme qui m'intéressait. En effet, Jean Rostand se définissait comme citoyen du monde et pacifiste. On l’ignore car il est souvent oublié comme il n’est que le fils de son légendaire père.
Je le cite : […] Etre citoyen du monde, c'est parier pour la survie de l'Homme, comme Pascal pariait pour l'immortalité de l'âme. Mais croire à l'immortalité ne nous aide pas à devenir immortel, tandis que croire au monde uni pourrait contribuer à en hâter la venue.
[…] quand on songe qu'avec ces dépenses militaires on pourrait créer partout l'abondance ; comment ne pas rêver, tout au moins, d'une humanité sans frontières et capable enfin de se consacrer à des tâches non plus mesquinement nationales.
Voilà c’est fini je tourne la page. Comme dit aujourd’hui Guillaume Meurice tous les dimanches à la radio depuis qu’il s’est fait lourdé par une naze qui aurait pu être militaire, c’est sûr, c’est la dernière !
Bien sûr, je continuerai à m’instruire mais le citoyen du Monde va bientôt retrouver André Gorz, Michel Winock, Pierre Rosanvallon et Simon Leys à la Librairie du Pigeonnier à Taipei et là ça c’est déjà une autre histoire !
Fin