1 Les Invalides ou la pensée invalidante
Napoléon est une des stars de l’Hôtel national des Invalides.
Il est mort le 5 mai 1821.
Comme beaucoup d’autres personnages glauques du Roman National que l'on ingurgite tout au long de notre scolarité, il faut savoir que ce triste "sire" a écrit sa propre légende.

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C'est amusant mais comme mon voisin était un fervent admirateur du corse, il m'avait passé les deux livres d'André Castelot que j'avais dévorés. J'avais alors 14 ans !
C'est là que je m'étais rendu compte que les armées de Napoléon avaient beaucoup opéré au Pays basque puisque de 1808 à 1813, une autre guerre d'Espagne s'était déroulée au cœur de ce territoire.
Bien plus tard, j'ai parcouru les sentiers rougies de ces inutiles batailles des deux côtés de la frontière.
Superbes sites où s'affrontèrent les "Alliés" d'un côté et l'armée impériale de l'autre. Donostia, Erlaitz, San Martial, Korale Handia, Gorospil pour ne citer que les principales batailles que j'ai plus particulièrement étudiées lors de ces belles randonnées.
Tout le monde connait le tableau de Goya, El Tres de Mayo, les 2 et 3 mai 1808 signant le début de la révolte à Madrid.
Bien sûr le livre du père de mon ami Kika, Dominique Halty, m'a ouvert les portes des lignes de crêtes de la montagne basque où Soult avait planté ou réhabilité les précédentes "Redoutes" (confère les guerres de la Révolution française) .
De plus sa ligne de défense couvrait aussi les sommets intermédiaires !
Et il me reste encore quelques passages inconnus à découvrir.
Mais je sais qu'ils sont bien gardés au sol par les Pottoks et en l'air par les vautours fauves. Et puis c'est important d'essayer de comprendre le côté absurde de ces guerres du passé avant que les traces de cette folie guerrière ne disparaissent sous la végétation.
Enfin, je précise que cette autre guerre d'Espagne signera le début de la fin pour Napoléon qui ira deux ans plus tard tisser la sainte laine du mouton anglais !
Et c'est en entendant à la radio que le Number One de la République s'apprêtait à honorer de sa présence le putschiste du 18 brumaire de l'an IV (9 novembre 1799) que je me suis interrogé.
Car pendant que l'on évoquait les exploits du fossoyeur de la Révolution française (3 millions de morts au bas mot à son palmarès), on oubliait ses crimes contre deux soldats de la Révolution française dont on ne parle jamais : le colonel Louis Delgrès et le général Toussaint Louverture.
Ce jour-là, j'étais en colère lorsque un accident pédestre allait me remettre les idées en place après m'avoir secoué les cervicales.
En voulant photographier les Pyrénées enneigées au-dessus d'une mer de nuages près de Sorde l'abbaye, je m'étais ramassé en glissant comme un chef au sommet d’une colline détrempée par les pluies diluviennes qui avaient accompagné cet hiver particulier.

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Cette méchante chute allait m'empêcher d'accompagner deux jours plus tard les deux grimpeurs ailés, l'Italio-doubiste Jean-Mi et l'Aviateur anglais du réseau Comète, Thierry sur les pentes sévères de l'Artzamendi !
J’avais préféré me concentrer sur la douce piste du GR 8 au-dessus de Villefranque. Elle traversait la route impériale des Cimes qui dans ma jeunesse portait ce nom à cause du Sanguinaire Ilien Corse.
Cette route allait voir passer et repasser de 1808 à 1813 les envahisseurs français aux ordres de l'empereur.
Aujourd'hui cette voie bien pacifique a perdu sa dimension impériale pour redevenir une superbe route qui délivre des panoramas exceptionnels sur les Pyrénées basques et béarnaises.
Après l'avoir traversée, Elizaberry, me dénichait des sentiers inconnus.
Puis après le ravitaillement, au lieu de dériver vers la Croix des Anglais et le fameux promontoire de Mouguerre où une sévère bataille avait eu lieu toujours en 1813, je remontais sur les hauteurs d'Arrapidia.
Là, je découvrais un panneau qui détaillait l'ensemble de la bataille de La Nivelle du 13 décembre 1813 qui avait vu les terres de Saint-Pierre-d'Irube et de Mouguerre se teinter de la couleur rouge du sang des 11 200 soldats morts pour rien comme d'habitude. 5900 du côté français et 5300 chez les Anglo-portugais précisait le texte. Une paille !
Je notais que lors de cette bataille, un général français portait le même nom que mon camarade Jojo ! Peut-être un ancêtre belliqueux du bien pacifiste Jojo ?
2 Une toute autre histoire que la faisandée habituelle
En poursuivant en direct la lecture de cette remarquable page d’histoire ,je me suis dit que si on célébrait le bicentenaire de la mort de ce Sanguinaire ilien Corse, il fallait que je rappelle qui étaient Louis Delgrès et Toussaint Louverture, ces parfaits inconnus de l'histoire de France.
Encore que les petits tremblaisiens et les petits villepintois qui avaient l’habitude de s'affronter dans leur sport favori : le hand-ball, connaissaient au moins le gymnase Toussaint Louverture de Tremblay en France !

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Louis Delgrès
Je l'avais croisé du côté du Carbet lorsque Léonor la pierrotine m’avait ramené le livre Delgrès ou la Guadeloupe en 1802 de Jacques Adélaïde-Merlande.
Puis j’avais enchainé avec L’archet du colonel de Raphaël Confiant.
Car il ne faut pas oublier que le révolutionnaire Delgrès était originaire de Saint-Pierre de la Martinique.
Mais avant la découverte de cette histoire, c’est bien grâce à mon camarade cégétiste guadeloupéen José que je connaissais bien l'histoire du révolutionnaire Delgrès.
J'avais assisté aux journées d’études de la commémoration de l'abolition de l'esclavage au siège de la CGT à Montreuil !
Mais là on va se poser 5 minutes le temps que je sorte la boîte à gifles.
Cette expression nous vient du rugby d’antan où il n’y avait pas dix-sept ou dix-huit caméras prêtes à te dénoncer pour quelques petits gestes de mauvaise humeur !
Ma "boîte à gifles" personnelle, je pourrai l'utiliser à l'encontre de tous les Schtroumpfs grognons de la pensée convenue qui se la jouent Tour de France à l'eau claire de Vichy alors qu'ils ne sont que des "on ferait mieux de se la boucler".
Et je continuerai à la sortir à chaque fois que ces pitres ou ces bouffons nous crachent dessus ou balancent leurs contrevérités historiques à des fins d'asservissement pour lesquelles ils sont grassement rémunérés !
Eh au diable si leur marketing fait des ravages dans l’inconscience collective, moi je poursuivrai mes découvertes que j'avais entamées en 1998.
Cette matinée-là, Marcel Dorigny raconta l'expédition du sinistre Richepance mandaté par le premier consul pour rétablir en douce l’esclavage. Cela déclencha une guerre meurtrière, une de plus qui se termina le 28 mai 1802 par la défaite des combattants de la Liberté !
Je ne développe pas, je reviendrai en détail sur cet épisode criminel dans un livre à venir.
L'esclavage fut rétabli à la Guadeloupe le 7 juillet 1802.
Je vais juste compléter ce point avec les extraits de la proclamation de Louis Delgrès du 10 mai 1802.
Le dernier cri de l’innocence et du désespoir :
(…) C’est dans les plus beaux jours d’un siècle à jamais célèbre par le triomphe des lumières et de la philosophie qu’une classe d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée de lever la voix vers la postérité, pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs.
(…) Quels sont les coups d’autorité dont on nous menace ? Veut-on diriger contre nous les baïonnettes de ces braves militaires, dont nous aimions à calculer le moment de l’arrivée, et qui naguère ne les dirigeaient que contre les ennemis de la République ?
Ah ! Plutôt, si nous en croyons les coups d’autorité déjà frappés au Port-de-la -Liberté, le système d’une mort lente dans les cachots continue à être suivi.
Eh bien ! Nous choisissons de mourir plus promptement.
(…) Citoyens de la Guadeloupe, vous dont la différence de l’épiderme est un titre suffisant pour ne point craindre les vengeances dont on nous menace, - à moins qu’on veuille vous faire le crime de n’avoir pas dirigé vos armes contre nous, - vous avez entendu les motifs qui ont excité notre indignation.
La résistance à l’oppression est un droit naturel.
Et avant d’aborder le second crime du premier consul, je laisse le camarade Édouard Glissant conclure :
« Quand le colonel Delgrès se fit sauter avec ses trois cents hommes sur la poudrière du Fort Matouba en Guadeloupe, pour ne pas se rendre aux six mille soldats français qui l’encerclaient, le bruit de cette explosion ne retentit pas immédiatement dans la conscience des Martiniquais et des Guadeloupéens.
C’est que Delgrès fut vaincu une seconde fois par la ruse feutrée de l’idéologie dominante, qui parvint pour un temps à dénaturer le sens de son acte héroïque et à l’effacer de la mémoire populaire. »
Toussaint Louverture
Avant d'évoquer la seconde affaire, il fallait que je finisse de lire le livre de Sudhir Hazareesingh : Toussaint Louverture que m‘avait envoyé le "Spécialiste de la Conscience Politique Arentdienne", mon camarade Octave.
J'ai dévoré le livre tout en prenant le temps de l'assimiler car c’est un extraordinaire livre d’histoire.
Malgré la difficulté d’appréhender cette époque si particulière liée essentiellement à la Révolte des esclaves, j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire car on n’imagine même pas la violence du Dominant sur une population considérée comme de simples bêtes de somme !
Et puis c’est un véritable travail d’historien dont il est parfois bien difficile de rendre compte en des termes simples pour le lecteur non averti de cette révolution du " Spartacus Noir " que l’on connait finalement très mal ! Moi le premier.
Il ne faut pas oublier que la révolution inspirée par Toussaint Louverture aboutira à la République d’Haïti en 1804.
En effet, l'armée française commandée par un autre sinistre militaire Rochambeau, capitula le 18 novembre 1803 !
Malgré la capture de Toussaint Louverture en juin 1802, l'esclavage ne fut jamais rétabli à Saint Domingue qui devint la République d'Haïti le 1 janvier 1804 !
Et je suis persuadé que l’on continue encore de nos jours à faire payer à ce pays, le fait d’avoir mis à genoux les pires puissances colonialistes dont la France fait intégralement partie bien sûr !
Dès 1794, Toussaint Louverture, avait pris les choses en main malgré les tergiversations de la jeune République avant que le corse et futur criminel contre l’hominidé à mélanine différente ne s’ingénie à assassiner ce révolutionnaire en le laissant crever, je dis bien crever, au fort de Joux !
Or Toussaint Louverture fut un grand propagandiste des idées de la Révolution française. Un autre Gracchus Babeuf.
Et que la République célèbre l'Assassin de l'idée même m’a toujours paru suspect !
Voilà pourquoi je tenais à saluer à ma façon les républicains et libérateurs Louis Delgrès et Toussaint Louverture qui malheureusement furent assassinés par ce banal criminel avant d'avoir eu la possibilité de réaliser leur Utopie émancipatrice !
Je voulais aussi remercier les auteurs de ces livres et en particulier Raphael Confiant que je ne connaissais pas avant qu’Amalia la sœur de Léonor, la secrétaire générale du Phalanstère de Saint Pierre m’instruise à son sujet !
Remercier Léonor et Octave qui m'ont aussi fait découvrir ces livres !
Et avant de me replonger dans les ténèbres, une petite histoire amusante pour conclure ce billet.

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Ce jour-là, j'emmenais les deux petits créolisés à l'école. Dans la voiture Eneko n'arrêtait de parler de tout de rien alors qu'Ainhoa écoutait les chansons de Zebda.
Et depuis que j'assurais mon tour de garde à Limoges, Eneko voulait absolument savoir pourquoi ils étaient marrons alors que j'étais beige comme il l'avait si joliment dit ?
J'avais déjà donné quelques explications les plus simples possibles.
Ce que je peux traduire dans le cadre de ce billet par le fait que nos petits-enfants créolisés étaient la conséquence bien réelle d'une déportation de tout un continent africain à des fins capitalistiques avec la mise en esclavage immédiate des survivants de l'effroyable traversée à fond de cale du bateau négrier.
Soudain Eneko m'interpella :
« Aitatxi (grand père en basque ), ton père il était marron comme moi ?
- Non Eneko, il était beige comme moi ! »
Et comme je leur avais aussi raconté la funeste traversée de mon papa qui s'était achevée dans un camp d'Indésirables en Ardèche, Eneko en avait déduit un improbable lien entre ces deux catastrophes humanitaires qui avaient dessiné l'histoire de nos deux familles : l'esclavage et la guerre d'Espagne !
Comme je n'arrivais pas à retrouver le mot que je cherchais, c'est Ainhoa qui me sortit d'affaire :
« Ça n'a rien à voir Eneko, c'est la mélanine qui fait que tu es marron alors qu'Aitatxi est beige ! »
6 ans et 9 ans à l'époque ! J'étais très fier de mes deux petits créolisés préférés !
Je les abandonnais à la porte de l'école de la République en repensant à ce qu'avait dit à la séance parlementaire du 28 juillet 1885, un type qui ne me botte pas plus que ça, Jules Ferry :
« (... ) il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures...
(...) Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... »
Réflexion d'un beige ! Je préfère celle du penseur marron qui se fiche légèrement des beiges lorsqu'il avait balancé en 1960 : « On ne prend pas au sérieux un nègre qui pense » !
Merci Édouard !
Bien sûr il ne s'agit que d'un billet, pour aller plus loin, il suffit de lire les ouvrages citées ou ceux de Marcel Dorigny.