Ainsi ce mois de novembre est une période d’élections
Aux USA, le populisme le plus vulgaire et le plus dangereux l’a emporté. Dans un paysage politique désolant, Trump a obtenu près d’un million de voix de moins que Clinton mais le suffrage indirect aboutit à sa victoire, sur fond de très forte abstention : 44,6%.
Celui qui s'est vanté de ne pas avoir payé d'impôt pendant une vingtaine d’années, qui réclame le port des armes à feu pour tous et partout, qui envisage froidement l’utilisation « limitée » de l’arme atomique en Europe ou ailleurs, si la situation l’exigeait ; celui qui stigmatise les hispaniques comme les musulmans, qui tient des discours racistes, sexistes et homophobes est donc devenu Président de la première puissance mondiale.
Parmi les toutes premières mesures qu’il a promis de mettre en place dès janvier prochain, il y a la baisse de 47% des impôts des 1% les plus riches mais aussi la fin de l’assurance santé mise en place par Obama, le refus de la signature de l’accord de Paris sur le climat, l’injection de milliards supplémentaires dans le budget de l’armement…
Le vent mauvais du repli sur soi et de la domination sans partage des plus riches souffle partout. Et trouve de nombreux échos en France. Le Pen comme Sarkozy se revendiquent ouvertement de Trump.
Les Primaires américaines avaient vu le démocrate Bernie Sanders échouer face au poids financier et aux réseaux de pouvoir du clan Clinton. Directement importées du modèle américain, ces primaires gangrènent désormais notre vie politique française.
En deux tours de scrutin… qui font de la Présidentielle une sorte d’élection à quatre tour !
Face aux réflexes primaires…
En France, la primaire de droite envahit, depuis des semaines, tout l’espace médiatique. Ce qui rappelle avec force que notre système présidentiel est malade. Les sept candidats semblent convaincus que tout est joué d’avance, grâce à eux. Jusqu’à Bruno Lemaire qui avance, d’un ton dramatique : « ce qui se joue est grave : dans ces primaires, on va choisir le prochain Président de la République. » Ah bon ? Les élections auxquelles sont conviés l’ensemble des français au printemps prochain, ne seraient donc qu’une formalité déjà écrite ? Or ces primaires n’intéressent qu’une toute petite minorité d’électeurs de droite.
De fait, il ne s’agit que d’un jeu d’egos nous montrant sept postulants tous d’accord sur l’essentiel (avec de nombreuses mesures qui se retrouvent dans le programme d’Emmanuel Macron, comme sa dénonciation des « insiders qui sont en CDI » et des « corporatismes ») : libéralisme outrancier, suppression de l’ISF, augmentation de la TVA – l’impôt le plus inégalitaire – allongement de la durée du travail, flexibilité maximum, fin du CDI, casse du droit du travail, recul de l’âge de la retraite… et autoritarisme accru en réformant par ordonnances. Toujours plus d’austérité, toujours moins d’attention au social et à l’environnement. Et ce jeu sur les peurs, ce glissement ultra-sécuritaire, cette crispation identitaire, ce retour vers le passé, cette idée de l’homme providentiel.
C’est une potion d’une incroyable amertume qu’elles proposent aux français, ces droites qui ouvrent un boulevard au F Haine avec des discours méprisants, xénophobes, anti-réfugiés – écoutez les Wauquiez, Ciotti et autres sans grade. Car ils s’en prennent aussi aux plus démunis ; ce serait la faute des pauvres. Réfugiés et pauvres ne penseraient qu’à profiter du « système » (un vocabulaire lepeniste)… La réalité est toute autre, à commencer par celle des réfugiés qui fuient la guerre. Savez-vous ce que représente la fraude au RSA, que les sept mercenaires de droite dénoncent comme la pire des plaies d’Egypte ? 140.000.000 (cent quarante millions) d’euros par an. Et l’évasion fiscale, dont ils se gardent bien de parler ? Elle est estimée entre 60 et 80.000.000.000 (60 et 80 milliards) d’euros par an. Monter les pauvres contre les pauvres, sans jamais s’attaquer aux délinquants du fisc, les sans domicile fisc. (1)
Les droites défendent les 1% qui détiennent la moitié des richesses – nous sommes les 99%...
…ces enjeux ne sont pas secondaires !
Bien sûr, ils parlent tous de réduire le train de vie de l’État, autour de 100.000.000.000 (cent milliards d’euros !). Mais c’est ce qui reste du service public qu’ils veulent tous saigner à blanc, alors qu’ils sont dans un état catastrophique. Cela ne date pas d’aujourd’hui : 10 années de droite au pouvoir avant le quinquennat Hollande ont tout laminé. Et que proposent tous les candidats de ces droites, qui osent se présenter comme un recours ? Entre 300.000 et 1.000.000 de fonctionnaires en moins !
- L’école, toujours sous le coup de 65.000 suppressions de postes décidés sous Sarkozy, a plus que jamais besoin de personnels et de moyens. Non pas du mépris et des mensonges de l’ancien Président de la République, affirmant que les professeurs ne travailleraient que 15 ou 18 heures par semaine – en omettant les heures passées en préparation, en correction, en réunions pédagogiques !
- Le secteur de la santé est ravagé depuis des années par l’austérité. L’hôpital est partout en danger. Les infirmières et autres personnels de santé disent très fort leur colère face à cet étranglement. Depuis des années, nul n’écoute ce profond malaise, annonciateur de graves dysfonctionnements.
- Le monde de la justice ploie sous le manque d’effectifs et de moyens.
- La police nationale connaît les mêmes problèmes, après la suppression de 12.000 postes opérée par Sarkozy, toujours lui, avec le total accord de ses ministres, dans ce domaine comme dans tous les autres : Fillon, Juppé, Lemaire, NKM…
Tous les candidats se gardent bien d’évoquer les conséquences dramatiques que leur programme aurait sur l’emploi, sur la vie de tous les jours, sur ces secteurs déjà terriblement affaiblis. De plus, dans nos temps plus que troublés, la nécessité d’investir dans notre protection nationale impose de fortes augmentations de budget ; avec, pour conséquences inéluctables, s’ils revenaient aux affaires, la baisse encore plus drastique des autres services : ceux du quotidien.
Alors oui, comme le titre le Canard Enchaîné du 16 novembre : « Pour les candidats à la primaire, c’est la dernière ligne droite. Et même très, très à droite ! »
Mais que viennent-ils faire dans cette galère ?
Pourtant, certains, « à gauche », envisagent de voter Juppé à ces primaires – pourquoi pas Fillon – pour éviter Sarkozy. Quelle perversion que d’aller participer au choix du candidat de l’adversaire ! Quel calcul tordu, qui fait une totale impasse sur ces programmes réactionnaires !
En allant à cette primaire, ils vont d’abord donner deux euros : ils financent ceux qui n’ont pas besoin de l’être.
Puis ils vont signer un texte (2), engager leur parole – « sur l'honneur » – de partager les valeurs de la droite. Alors que nos concitoyens – à juste titre – trouvent que la parole des politiques est démonétisée, ces éventuels électeurs « de gauche » n’accorderaient donc aucun crédit à leur propre parole dans ce geste politique qui engage par écrit.
Sans oublier le fait que plus il y aura de votants, plus les droites s'en gargariseront en en faisant une dynamique de campagne.
Comment comprendre que d’aucuns participent comme votants sans s’engager à respecter le résultat « pour l’alternance » ? Et c’est bien la raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon a refusé toute idée de primaire, qui impose que les perdants soutiennent le vainqueur. Il s’agit d’un pur principe moral de cohérence et de loyauté.
Si la droitisation de la droite est une pente sans limite, la droitisation de certains, à « gôche », est un désarmement unilatéral en rase campagne : ce n’est plus du billard à quatre bandes – juste du suicide en quatre temps ! En déposant armes et bagages idéologiques
Pour éviter le pire, il s’agirait donc de s’y précipiter…
Pire que tout : certains ont même tellement abdiqué tout combat, tout refus, qu’ils s’apprêtent déjà à voter Juppé au 1er tour des Présidentielles ! Afin d’être sûrs qu’ils puissent voter pour lui au second tour. Sans même savoir si le dit « Monsieur droit dans ses bottes » sera même sur la ligne de départ – et surtout, sans même penser un instant que dans une élection où chaque voix compte, la leur pourrait peser dans un tout autre sens que celui de l’abdication.
Cela montre bien à quel point d’errance ont conduit les renoncements et trahisons successifs des actuelles équipes dirigeantes : la totale confusion et désorientation un électorat qui a peur au point d’aggraver la confusion par le mensonge. C’est d’une totale irresponsabilité morale, éthique et politique ; c’est une honteuse malhonnêteté. Car cette attitude – qu’on le veuille ou non – a pour noms déloyauté, mensonge et triche.
On peut comprendre que ceux qui se battent au quotidien pour faire vivre, rendre viable, concret, possible un espoir politique, qui nous mènerait ailleurs qu’au pire, ont matière à enrager face à ces réflexes apeurés.
Nous sommes tous des Sisyphe – placés face à un choix décisif : laisser faire la pente du défaitisme dans un jeu totalement malsain ou bien retrousser les manches, parler, discuter, convaincre ; continuer le cynisme désabusé et fataliste, ou utiliser notre temps à convaincre autour de nous et à fédérer, à gauche, vraiment, sur de vraies propositions crédibles et porteuses d’espoir. « Vivre c’est choisir » disait Victor Hugo. A chacun ses choix. Et si Camus affirme qu’il « faut imaginer Sisyphe heureux », en ce moment, il est plutôt en colère !
1/ Alain et Eric Boquet : « Sans domicile fisc » (Le Cherche Midi – 2016)
http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/sans-domicile-fisc-livre-choc-paradis-fiscaux-22-1473849
2/ « Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France. »