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Billet de blog 10 décembre 2021

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Appel pour un pacte éthique politique

Appel de quelques têtes de réseaux – convivialistes, dialogues en humanité, archipel citoyen des jours heureux, archipel de l’écologie et des solidarités, dans le sens de la primaire populaire, pour que cesse la dissémination des tentatives de résister à la déshumanisation droitière et que se ressoude sur un agenda éthique commun, un camp humaniste portant le soin des personnes et de la nature.

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Appel pour un pacte éthique politique

 Je reprends ci-après un appel lancé par quelques têtes de réseaux – convivialistes, dialogues en humanité, archipel citoyen des jours heureux, archipel de l’écologie et des solidarités, dans le sens de la primaire populaire, pour que cesse la dissémination des tentatives de résister à la montée de la déshumanisation droitière, en particulier en France, et que se ressoude autour d'un agenda éthique commun, un camp humaniste soucieux de promouvoir et d'organiser une société assurant le soin des personnes et de la nature.


Le climat politique est devenu délétère en France et dans le monde. C’est à qui rejettera avec le plus de vigueur les institutions démocratiques et leurs garanties juridiques, quand ce ne sont pas les juges, et l’université, etc. Il est grand temps de se serrer les coudes. C’est pourquoi nous en appelons ici à resserrer les liens entre toutes les forces vives de l’humanisme, individus comme institutions, et ce dans le sillage de l’effort d’union porté par la Primaire populaire.


Depuis la prise de conscience progressive que le dérèglement climatique et une sixième grande extinction de la biodiversité peuvent conduire l'humanité à sa perte, l’enjeu est même de sauver l’humanité, aux différents sens du terme. Ce qui se joue aussi entre la pandémie de covid, l'échec de la conférence de Glasgow sur le climat, le drame de migrants morts de faim ou de froid dans la forêt biélorusse ou noyés dans la Manche, les agressions sexuelles commises par des hommes politiques ou religieux, le déchaînement des haines sur les réseaux sociaux (qu'il faudrait plutôt dire asociaux), n’est-ce pas aussi l’enjeu éthique d’une capacité à sauver l'humanité en nous ?


C’est bien en effet cette humanité digne qui est menacée par la régression morale et spirituelle autant que par le risque proprement biologique de disparition de notre espèce. Face aux défis colossaux auxquels nous sommes confrontés, l’enjeu n'est-il pas tout à la fois économique, politique, mais aussi éthique ? Économique car nous ne pouvons dissocier l'économie
de l'urgence écologique et de la justice sociale comme l'ont montré le mouvement des Gilets jaunes en France. Politique car c’est la capacité de nos sociétés à résister à la montée des régimes autoritaires qui est en cause. Éthique car c’est la question d’une civilité humaine qui est posée face aux risques de guerre et de régressions barbares de nos comportements.

 Bref dans tous les domaines et à toutes les échelles de l'intime de nos vies à l'échelle planétaire nous sommes face au défi le plus radical, celui de donner la parole et le pouvoir à une humanité plus humaine, qui rompe avec les comportements dominateurs et prédateurs, que ce soit à l'égard de la nature, entre les humains ou dans le rapport aux femmes. Aucun irréalisme ici, et c’est bien le problème. Le choix qui s'offre à nous est désormais : surmonter ces épreuves ou s’abîmer. La seule voie possible c'est donc bien celle d'une humanité à la fois plus intelligente et plus solidaire. En un mot, d'une humanité plus "conviviale" qui sait la difficulté de travailler à la transformation des deux Pfh (du " putain de facteur humain" en un " précieux facteur humain” comme le dit le Réseau international des " Dialogues en humanité").

 Or ceci n'est possible qu'avec des peuples et des responsables qui acceptent de se placer sur le terrain difficile de leur propre transformation, qu'elle soit personnelle ou collective, comme le souhaitait déjà le forum social mondial de Porto Alegre. C'est donc aussi d'un surcroît qualitatif de démocratie dont nous avons besoin et non d'une forme de régime autoritaire fondé sur l'infantilisation des populations. Plus la situation est grave, plus l'humanité est menacée de régression vers sa part barbare, plus nous devons nous tourner vers les ressources de sa part lumineuse pour résister à sa part sombre. Cela passe par un Projet "anthropolitique", comme aime à le dire Edgar Morin, où se combinent les objectifs de transformation personnelle, collective et sociétale que proposent des initiatives telles que celles des Manifestes convivialistes[i].


Un tel Projet peut ouvrir une perspective dynamique tant à l'Europe qu'à la France. Il s'agit en effet de se placer dans la perspective d'une République terrienne à anticiper sur le modèle de ce qui est évoqué par exemple dans le projet d'Archipel citoyen planétaire, proposé par l’Archipel citoyen des jours heureux et l’Archipel de l’écologie et des solidarités. C’est aussi le projet de

République européenne qui prend un sens anticipateur. Une Europe refermée sur elle-même et condamnée au déclin face à la Chine et aux États-Unis ne peut pas être à la hauteur des défis qui sont devant nous. Seule le peut une Europe à la fois respectueuse des identités racines des peuples et nations qui la composent mais aussi inscrite dans la mondialité au sens d'Édouard Glissant.

 Et c'est vrai aussi pour notre pays. Le Projet d'une France pays-monde montrant qu'une pluralité de cultures, de religions, de peuples est capable de vivre ensemble dans la paix en partageant des valeurs communes et un droit républicain peut faire de notre pays un laboratoire expérimental de ce projet de République terrienne. Le fait que nous soyons largement ouverts sur la mer avec les territoires d'outre-mer, et ouvert sur le monde compte tenu de notre histoire et de nos valeurs, peut d'autant plus devenir un atout. La nostalgie d'une France napoléonienne ou, pire, la régression vers une France vichyssoise chère à une partie de la droite et de l'extrême-droite est à mille lieues de pouvoir répondre au défi de la mondialité. Seule est à la hauteur des enjeux une République forte de ses valeurs et décidant de faire de la déclaration universelle des droits humains complétée par la Charte de la Terre des Nations unies un socle de droit opposable et non un simple idéal.

 Le sort du climat et du vivant, comme celui de la Covid, ne sont pas des enjeux de pré carré ! C'est autour de ces enjeux que devrait se construire le grand débat des élections présidentielles et législatives de 2022, et, au-delà, la capacité à traverser avec succès la décennie critique dans laquelle, selon les Nations unies, nous sommes entrés. C'est dans cette optique que nous croyons devoir proposer un pacte éthique et convivialiste aux différentes forces politiques et aux candidat.es aux élections présidentielles et législatives de 2022.

 Un pacte fondé sur l’idée que ce dont nous avons besoin c’est d’une humanité plus humaine et non de cette post-humanité que nous proposent le transhumanisme ou l’agriculture robotisé. Il est urgent désormais de nous libérer de l'injonction permanente à la croissance et au progrès technique sans fin pour cultiver la convivialité entre humains, non-humains et la nature. Au XXème siècle il s'en est fallu de très peu que les forces de destruction de l'humain ne triomphent irrémédiablement. Aujourd'hui, ce sont les forces de destruction de l'humanité elle-même qui sont à l'œuvre. Rien n'est plus urgent que de rassembler toutes celles qui pourraient s'y opposer. C'est là tout le sens du Pacte éthique que nous proposons à toutes celles et ceux qui ne désespèrent pas de l'humain.

[i] Internationale convivialiste, Second manifeste convivialiste. Pour un monde post-néoliobéral, Actes sud, 2020.

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