L’universalisme promu et promis par la philosophie libérale bute sur deux écueils principaux qui empêchent sa réalisation : en premier l’exclusion des femmes en raison du patriarcat comme je l’ai montré précédemment et en second la situation éclatée de l’humanité en États-Nations. États-Nations où la solidarité est réservée aux nationaux et s’arrête aux frontières tandis que les États sont en compétition permanente pour rivaliser de puissance et imposer aux autres leur idéologie. Cette réalité d’aujourd’hui puise sa source dans les évolutions qu’a connues notre longue histoire et dont je poursuis le rappel des moments clés.
(suite du 3-1)
2- Des puissances nationales à l’impossible coopération du genre humain
Une humanité organisée en États
Ainsi donc les États existent depuis plus de six millénaires. En revanche les États-Nations qui constituent une partition de l’humanité en entités distinctes parquées dans des territoires entourés de frontières, agréées par l’Organisation des Nations Unies depuis 1945, sont une construction toute récente.
Les premiers États, et la plupart encore de ceux en place jusqu’au 19ème siècle, gouvernaient une population qui pouvait être composée de différents groupes, tribus, ethnies, bref rassemblait une diversité variable de groupes humains. L’histoire longue des conflits entre ces États, les a reconfigurés en les amenant à une taille plutôt élargie ce qui, d’un point de vue de la population, accroissait encore leur diversité. Je ne développe pas, mais chacun peut vérifier la complexité de la longue histoire plus ou moins mouvementée menant à chacun des États en place aujourd’hui. Celle des États très anciens, comme la Chine – qui est entre autres passée par une époque dite des royaumes combattants ; des États très récents, comme les États formés après la décolonisation en Afrique par un découpage administratif faisant souvent fi des réalités traditionnelles, et tout à la fois réunissant des populations dissemblables et séparant des populations proches ; ou des États constitués en Europe après le Moyen-Âge et l’éclatement de l’empire romain en féodalités bousculées par des invasions de populations venues surtout du Nord et de l’Est. C’est le cas de notre pays, la France.
La plupart des États ont été dirigés durant des millénaires comme l’affaire personnelle d’une famille. Cela a changé. Chez nous, par exemple le roi, dit depuis Clovis, roi des Francs –a pris en 1190 le titre de roi de France. Un peu plus tard, sur ce territoire de France, la population a vécu ensemble la longue période par moment fort tragique de la guerre de cent ans (de 1337 à 1453). Cela a fait naître un sentiment patriotique – symbolisé durablement autour de Jeanne d’Arc. Désormais, en France, comme dans certains États à d’autres occasions, en dépit du grand nombre de leur population, le ciment entre ses membres n’est plus assuré par le seul lien vertical qui unit chaque individu de la masse au même chef et par leur commun respect, contraint, du même ordre politico-religieux. Il vient d’un sentiment patriotique, nouveau mais comparable à celui qui animait les premières sociétés politiques- qui est à la fois celui d’appartenance horizontale à une communauté politique et de partage d’une communauté de destin. Ce sentiment de patrie est aussi celui de fratrie – fondé sur le sang versé ensemble pour la patrie et non sur le sang reçu en commun. Il sera renforcé en France par le cheminement vers une langue commune. Le remplacement du latin par le français comme langue officielle en 1539 va donner une identité forte à la France dans l’ensemble européen, même si les populations continuent localement à parler leurs langues et dialectes propres, au moins jusqu’à la guerre de 1914.
Des guerres européennes surgit en 1648 le traité de Westphalie et le principe qui sera adopté partout dans le monde, selon lequel les États sont souverains. Un siècle après avoir pris la mesure de ce que l’humanité habite une sphère tournant autour du soleil, une planète, les Européens, sans recours au pape cette fois, érigent la loi de son partage. La moindre parcelle de territoire de cette planète est appropriée par un État qui gouverne comme il l’entend, de manière souveraine, la population qui se trouve sur son territoire. C’est aussi le principe qu’aucun État ne s’ingère dans ce qui se passe chez un autre, ce qui serait la condition d’une paix perpétuelle selon Kant (1795).
Jusqu’au 18ème siècle, on dénommait nations des groupes humains de même origine sans référence à une communauté politique, à un État. Le basculement vers le vocable d’États-Nations se produit au 19ème siècle. En France le code Napoléon de 1804 définit la nationalité française, mais il faudra attendre la loi de 1889 pour que soit régie la question de savoir qui est citoyen français qui peut le devenir, ceci dans un environnement où chaque État veut désormais contrôler ses ressortissants : avec la première guerre mondiale, il faudra même un passeport pour franchir toute frontière. Comment en est-on arrivé ainsi à parler de nations ?
Une humanité divisée en Nations
C’est la philosophie libérale qui, paradoxalement – pour quelle raison les individus totalement libres auraient-ils besoin de se donner une identification collective sur un espace territorial limité ? – est à l’origine de l’émergence du terme de nation. Et cela à travers la Révolution française qui a fait de la nation une construction idéologique, substituant à la souveraineté idéale du peuple celle de souveraineté de la nation. Le peuple, le « démos » de la démocratie, devient une communauté de citoyens qui est alors renommée nation, un collectif politique d’associés qui se gouvernent souverainement en formant un État. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – sous l’influence de Sieyès- est explicite : "le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation ».
Avant qu’ils se constituent (avec d’autres ?) en nations, les peuples existent aux yeux des libéraux du 18ème siècle comme des ensembles de populations sur lesquels règnent des monarques qui les assujettissent et dont ils peuvent se libérer. Les idéaux de la Révolution française amènent Lazare Carnot[1] (1793) et la convention à poser la question d’une République universelle fondée sur le principe que « la souveraineté réside dans l'universalité du genre humain » et que par suite, « la souveraineté appartient à tous les peuples ». Les peuples ont entre eux les mêmes droits que les citoyens entre eux au sein d’une nation, aussi tout peuple est-il libre et « nul ne peut légitimement attenter à son indépendance ». La Convention s’était même engagée par décret à « aider et secourir tous les peuples qui voudront conquérir leur liberté ». Ce qu’on appellera plus tard le droit à l’autodétermination des peuples et le droit d’ingérence. Mais Carnot pointe le danger que cela fait courir à l’indivisibilité de la République française : à laisser ce droit s’exercer, bientôt chaque commune « chaque section de la République réclamant l'exercice de la souveraineté individuelle, pourrait former un Code à part, système qui mènerait droit au fédéralisme et à l'anarchie la plus complète ». Pour y parer Carnot a recours à la raison d’État « toute mesure politique est légitime, dès qu'elle est commandée par le salut de l'État. »
En pratique, le vent de la liberté des peuples souffle au début du 19ème siècle et pousse outre les indépendances des colonies Européennes en Amérique, de nombreux peuples en Europe même, à tenter d’échapper aux dynasties régnantes et aux regroupements ou séparations subis depuis longtemps parfois. Les révolutions de 1848 ont été dites « le printemps des peuples » et le découpage territorial en États souverains en Europe a été largement reconfiguré entre 1815 et 1918. De nombreux États sont nés du démembrement des empires Ottoman et Austro-hongrois, et deux grands rassemblements de populations séparées ont constitué d’une part l’Italie en 1870 et d’autre part l’Allemagne en 1871.
C’est dans ce maelström de reconfigurations que va prévaloir la construction idéologique de la nation comme identifiant de l’ensemble des individus vivant sur un territoire où ils sont associés pour former une communauté politique sous l’autorité d’un même gouvernement ; c’est ce qui donne naissance à l’État-nation. Avec deux visions concurrentes de sa justification. L’allemande qui pense la nation autour de la langue et du droit du sang et la française, toute différente, qui, avec Renan[2] (en 1882) soutient que la Nation n’est fondée ni sur une dynastie, ni sur une race, ni sur une langue, ni sur une religion, ni sur les intérêts, ni sur la géographie. Elle est une conscience morale légitime tant qu’elle prouve sa force par les sacrifices qu’exige l’abdication de l’individu au profit d’une communauté, une grande solidarité et dans le présent « le désir clairement exprimé de continuer la vie commune […] un plébiscite de tous les jours ». La nation française est ainsi unie autour de ses citoyens par le droit du sol (loi 1889 déjà citée) et par une volonté politique. Cela devient une affirmation très forte, qui corrélativement fige la division de l’humanité en nations. Qui ne vont pas manquer de s’opposer. C’est ce qui arrive avec la guerre de 1914, pour laquelle même les internationalistes prolétariens français ont rejoint l’union sacrée de la patrie pour la défendre contre les Allemands.
Cette guerre, déclenchée en Europe a été le premier conflit de dimension planétaire. Mondialisé de suite parce que les empires Britanniques et Français impliqués avaient des possessions partout sur la planète et que leurs populations colonisées ont participé aux combats qui pour partie se sont déroulés hors d’Europe et sur les mers du globe, notamment via les actions des sous-marins allemands. Les actions de ces derniers ont poussé à l’entrée en guerre des États-Unis et des pays d’Amérique Latine. Le Japon était là dès le début ayant fait le choix de soutenir la triple entente (France-Grande Bretagne-Russie) en espérant en obtenir des avantages en Asie. Cette guerre a donc résonné partout sur la planète pendant quatre ans et renforcé les nationalismes des États-Nations. Son bilan meurtrier (près de 20 millions de victimes) a poussé à l’ouverture d’un dialogue mondial pour la paix, ce à quoi s’essaya la Société des Nations (SDN) fondée en 1918. Elle a tenté de faire coopérer l’ensemble des États-Nations et elle a également fait naître des espoirs d’indépendance dans nombre de colonies. La réussite n’a pas été au rendez-vous, bien au contraire l’humanité a été bousculée par une deuxième guerre mondiale de 1939 à 1945. L’ONU succède alors à la SDN pour en reprendre les objectifs de paix et de prospérité mondiales.
Une humanité en péril au sein des États et sur la scène mondiale
L’humanité morcelée est mise en péril à la fois par la manière dont fonctionnent les États en interne et par la manière dont ils agissent sur la scène mondiale.
En interne le premier péril tient à ce que l’État peut devenir un État Total, éliminant la société, se muant en institution qui régit tout et réduit les individus à des rouages mécaniques qu’il met en mouvement par des mesures de conditionnement physiques et psychologiques. L’État tentaculaire fait disparaître les relations sociales spontanées, la société civile et détruit l’humanité des êtres.
Ce régime politique dit totalitarisme, inconnu jusqu’alors, s’est installé en Europe entre deux-guerres. En Allemagne, sous la houlette de Hitler, devenu dictateur après un processus électoral de démocratie représentative. En URSS, par Staline, après qu’il se soit assuré un pouvoir absolu suite à un processus complexe de transformation révolutionnaire menée par Lénine. Hannah Arendt[3] montre que le totalitarisme réalise une évolution possible, « banale », de notre « humanité ». Les horreurs nazies, la shoah, le goulag et les purges staliniennes, tout cela est documenté et connu. D’autres États-Nations, entre deux guerres et aussi plus récemment, ont connu des régimes nationalistes totalitaires. On peut s’inquiéter de ce vers quoi pourraient évoluer nombre d’États où sévissent aujourd’hui des régimes politiques qui sous un voile de démocratie formelle sont ultra autoritaires et nationalistes et qui laissent peu de marge d’existence à la société civile. A la vie humaine.
Dans la plupart des États dits démocratiques et libéraux, jusqu’à la seconde guerre mondiale, la vie sociale est restée intense et les discours politiques concernaient principalement l’organisation de l’ordre politico-religieux. Pourtant dès le 19ème siècle s’amorce la montée du rôle du marché c’est-à-dire que peu à peu l’organisation politique démocratique cède du terrain et partout il s’agit de « subordonner aux lois du marché la substance de la société elle-même » nous dit Polanyi qui précise : « une économie de marché ne peut exister que dans une société de marché ». En 1987, Mme Thatcher confirme en prenant le point de vue du marché qu’elle veut dominant et proclame que la société n’existe pas : « There is no such thing as society ». Les individus atomisés sont soumis dans presque tous les domaines de la vie aux lois du marché. La société ainsi délitée par l’économique laisse les individus esseulés, souvent bousculés. Dans nombre d’ États, les individus, éloignés de sentiments d’attachement horizontal à la nation, se regroupent par affinités de type de désaffiliation à la communauté politique, multipliant les mouvements de revendications identitaires. Se propage une sorte de totalitarisme inversé qu’Alain Caillé a appelé « parcellitarisme » et qui permet des pouvoirs étatiques autoritaires : Mme Thatcher a bien porté son surnom de Dame de Fer, pour la société britannique et pour porter la guerre jusqu’aux Malouines.
En outre, au sein même de nombreux États dits démocratiques et libéraux, certains citoyens sont l’objet de discriminations, parce qu’ils présentent des traits qui ne correspondent pas aux caractéristiques objectives ou imaginaires définissant l’identité nationale. Aux États-Unis, chantres de la démocratie et du libéralisme, il faudra attendre 1964 pour que cesse la ségrégation raciale, ce qui n’a pas pour autant mis fin au racisme systémique. La plupart des pays Occidentaux connaissent cette réalité du racisme ordinaire, et il y sévit également, comme dans un très grand nombre d’États-Nations, outre le patriarcat, un ostracisme, des discriminations exercés contre des personnes qui semblent différentes du national type. Cela peut être une question d’orientation sexuelle, de religion, de pratiques culturelles, linguistiques, de diversités qui sembleraient mettre en danger l’unité nationale. Ces discriminations sont particulièrement fréquentes vis-à-vis des personnes qui sont ou paraissent d’origine étrangère. En 1948, l’ONU a pourtant fait adopter une Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule (article 13-1 et 13-2) : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Cette libre circulation des personnes n’est pas assurée. Les États-Nations sont retranchés derrière leurs frontières et les migrants, même chassés de leurs pays d’origine par des situations de violence ou/et de misère sont le plus souvent traités de manière inhumaine.
L’humanité menacée au sein des États-Nations l’est aussi sur la scène mondiale, terrain de rivalité intense entre les États-Nations au lieu d’être un terrain de solidarité de l’espèce humaine.
Depuis les bombes atomiques larguées sur les populations de Hiroshima et Nagasaki en 1945 par les États-Unis, l’humanité a montré qu’elle avait la capacité matérielle et suffisamment de cynisme insensé pour se détruire elle-même. Aujourd’hui quelques « grandes puissances » détiennent le feu nucléaire, la non-prolifération est problématique, surtout qu’a été diffusé largement le système de centrales électriques nucléaires. Toutefois l’ampleur du risque a dissuadé de son emploi, et les conflits géographiquement limités depuis 1945 se sont déroulés avec d’autres armements, cependant très meurtriers. L’humanité n’en est pas moins sous une menace de destruction.
Sur la scène globale se déroulent également des conflits liés à une volonté d’hégémonie idéologique et par lesquels des États-Nations ou des groupes tentent d’imposer à d’autres leur manière de vivre ou/et de « gérer » le monde. Depuis la fin des années 1970, au nom du respect de la démocratie et de la liberté, des forces armées d’États-Nations occidentaux, interviennent à l’étranger, parfois avec l’accord du conseil de l’ONU, sous couvert d’un droit d’ingérence humanitaire qu’ils ont énoncé et qui les délierait du respect du principe de la souveraineté des États. La guerre idéologique planétaire a été menée également par des organisations terroristes ce qui n’avait jamais eu lieu jusqu’alors. Ainsi, dans une hostilité totale à l’idéologie occidentale et se réclamant de l’islam, Al Qaïda a perpétré les attentats le 11/09/2001 à New York et bien d’autres à travers le monde. Daech a instauré un califat en Irak et au-delà en 2014 et commis de nombreux attentats un peu partout dont ceux de 2015 en France, à Charlie Hebdo et au Bataclan. Une partie de l’Afrique connait aujourd’hui cette pression d’un terrorisme se réclamant d’un islam dit radical. On est bien loin d’un vivre ensemble convivial.
Mais comment donc assurer la paix dans le monde ? Montesquieu avait indiqué une piste en remarquant que « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix ». Le libéralisme économique a adopté avec cet esprit la théorie de Ricardo pour qui le libre échange international inconditionnel est bénéfique à tous les co-échangistes. Mettant le protectionnisme du passé au rang des coupables, les élites réorganisant le monde en 1945 ont fait la promotion du libre-échange avec le GATT en 1947. Leur logique libérale les a incités non seulement à promouvoir l’indépendance des ex-colonies, mais à les aider à se sortir du sous-développement, thème que lança le président américain Truman en 1949. L’ONU tenta d’orchestrer tout cela, les indépendances eurent lieu, mais pas la sortie du sous-développement. Si elle avait été accomplie, la face du monde en aurait été changée. La prospérité mondiale partagée aurait à n’en pas douter évité la plupart des souffrances que l’humanité endure depuis 1945 et qui perdurent.
Au lieu de prospérité partagée il me faut rappeler que 40% des 8 milliards que sont nos congénères n’ont pas accès à une alimentation suffisante en quantité ou/et qualité et que les inégalités économiques mondiales demeurent excessives[4] :la part du revenu mondial détenue par les 50% les plus pauvres reste autour de 7 à 9% depuis 150 ans mais celle des 10% des plus riches reste bien au-dessus de 50%. Bref d’un point de vue du fonctionnement économique l’humanité est en péril et cela vient que bien loin d’avoir mené de réelles politiques de coopération et de solidarité, tous les États-Nations se sont livrés, en promouvant leurs firmes les plus puissantes, à une véritable compétition pour détenir sur les autres un avantage concurrentiel (Porter, 1990). Aujourd’hui comme hier le même discours nationaliste de course à la puissance technologique et économique est entonné par les tous les chefs d’État pour que gagne l’Amérique, pour que gagne l’Europe, pour que gagne la France, etc. Le résultat est là, la prospérité non partagée et les inégalités excessives qui nourrissent les périls d’éclatement de l’humanité. Mais il y a pire encore.
Le dernier péril n’est pas le moindre. La compétition mondialisée pour la puissance économique s’est faite au détriment de l’épuisement des ressources de notre planète et de la dégradation de ses conditions de fonctionnement. L’alerte sur ce péril a été donnée de manière explicite et mondiale au début des années 1970[5], mais sans que s’arrête la fuite en avant productiviste nourrie par la rivalité exacerbée des États-Nations et de leurs firmes. En dépit de caractérisations scientifiques de plus en plus précises des menaces qui pèsent sur l’habitabilité de la Terre et de réunions internationales des États qui concluent un accord promettant de prendre les mesures indispensables pour enrayer la course à l’abîme, rien de significatif n’est fait. La solidarité et la coopération internationales ne sont pas au rendez-vous. Notre humanité court donc à sa perte tandis que les plus riches imaginent coloniser Mars ou faire naître une sorte de nouvelle espèce avec le transhumanisme, des humains augmentés.
Il est plus que temps qu’une prise de conscience de la société civile mette les États à la raison humaine. Faisons appliquer la pensée de Montesquieu « Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d’être Français, parce que je suis nécessairement homme, et que je ne suis Français que par hasard ». Partout dans le monde, les individus de telle ou telle nationalité ne doivent pas mettre en action ce qui peut nuire à l’humanité quand bien même, ce serait retirer quelque chose d’utile à leur nation. Ce n’est pas évident mais cette éthique humaine planétaire – qui est application aux nations d’une éthique de la réciprocité entre les personnes, dite règle d’or[6]- est indispensable pour sauver l’humanité.
[1] Les citations qui suivent de Carnot sont extraits du rapport qu’il présenta à la convention concernant la demande de rattachement à la République Française en particulier le peuple de Monaco. Le rapport est disponible en ligne grâce à l’université de Perpignan : https://mjp.univ-perp.fr/france/d1793monaco.htm
[2] Célèbre discours prononcé par Renan à la Sorbonne, voir Ernest Renan (1997) Qu’est-ce que la nation ?, Paris, Mille et une nuits.
[3] Hannah Arendt (1951) (traduction française (2002), Les origines du totalitarisme, Paris, Gallimard.
[4] Lucas Chancel, Thomas Piketty (2021) voir : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03321887/.
[5] La première conférence de l’ONU sur l’environnement tenue à Stockholm, en 1972, et le premier rapport au Club de Rome : D. H. Meadows et al, (1972) Halte à la croissance, Paris, Fayard.
[6] Règle de comportement de réciprocité individuelle énoncé par presque toutes les religions, philosophies et cultures sous différentes formes comme par exemple « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fît » (Confucius, Analectes, XII, 2.