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Billet de blog 26 juillet 2017

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Bruno Ben Moubamba : le nouveau zombie d’Ali Bongo

"Ce personnage d'arlequin fabriqué dans les vignobles champenois a si bien avalé la potion zombifiante qu'il est devenu le défenseur zélé, au même titre qu’Alain-Claude Bilié Bye Nze, d’un pouvoir usurpé. Ivre du sortilège zombifiant, il appelle désormais à l’étouffement de toute voix discordante, à envoyer en prison tous ceux qui rejettent le pouvoir illégitime d’Ali Bongo"

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L’homme n’a jamais présenté de moindre intérêt pour lui consacrer quelques lignes. Manque d’épaisseur intellectuelle. Individu poreux né du culte du numérique. Cette inconsistance s'affirme de jour en jour, transparaît dans ses dernières déclarations intempestives, reprises par la presse en ligne gabonaise, à travers lesquelles il se demande ce que son patron attend « pour mettre en prison Jean-Ping » et sa clique d’opposants. Il l’invite  à se montrer ferme, alors que le régime d'Ali Bongo est déjà liberticide, à « hausser le ton contre ces gens ! » qui revendiquent l'avènement d'un Etat de droit au Gabon.

Depuis que Bruno Moubamba a fait son apparition politique sur les réseaux sociaux, il me semble que ses actions ont toujours confiné à des foucades insensées, à la démultiplication des excentricités dans les rues et sur internet dans le seul but de se faire remarquer. Ces excentricités ont commencé par une rencontre organisée au Palais des Congrès de Reims le 4 avril 2009, où il avait invité les Gabonais à un débat sur le thème du « nouveau partenariat entre l’Afrique francophone et l’Europe ». A cette occasion, il a affrété un train pour transporter les participants de Paris à Reims en round trip. Sans se poser de questions, nombre de Gabonais s’y sont précipités. Jamais ils ne s’étaient interrogés sur la provenance des fonds qui avaient financé cette rencontre. Train gratuit. Palais des Congrès. Buffet et champagne à volonté. D'où sortait ce jeune Gabonais qui se montrait si généreux envers ses compatriotes ? En réalité, l’opération avait été orchestrée par des producteurs de champagne, auxquels le politicien en devenir était attaché par des liens de mariage. Premier moment de zombification donc : si vous n’êtes pas maître de vos entreprises, vous serez à la merci de ceux qui les commanditent et les financent. Vous perdrez alors votre liberté. Vous vendez votre âme. Vous entrez dans le statut de zombie.

Zombie. Le mot « désigne communément », d’après l’encyclopédie en ligne Wikipédia, « une personne ayant perdu toute forme de conscience et d’humanité, adoptant un comportement violent envers les êtres humains et dont le mal est contagieux. » Il définit également « les victimes de sortilèges vaudous permettant de ramener les morts à la vie ou de détruire la conscience d’un individu afin de le rendre corvéable à merci. » Le célèbre écrivain haïtien René Depestre en a fait le thème central de son magnifique roman Hadriana dans mes rêves (Prix Renaudot 1988).

En son temps, Omar Bongo a entretenu sa cour de zombies. Son principal sortilège : la distribution des prébendes et des postes ministériels. Cette stratégie de zombification de ses adversaires et amis politiques explique incontestablement la stabilité et la durée de son pouvoir. L’argent ayant vidé les hommes politiques gabonais de toute conscience morale, Omar Bongo pouvait alors régner en maître absolu.

Cette méthode de neutralisation des hommes se retrouve à l’œuvre à travers ce personnage d’arlequin fabriqué dans les vignobles champenois. En 2009, il menait une grève de la faim devant l’assemblée nationale pour protester contre le hold-up électoral réalisé par Ali Bongo. Il était prêt à laisser sa vie afin de faire respecter la volonté du peuple gabonais. Nommé ministre des Affaires étrangères au sein de l’Union nationale, il fut même envoyé à Addis-Abeba contester la légitimité du gouvernement en place auprès des instances de l’UA. Des années plus tard, il a si bien avalé la potion zombifiante au point d’être devenu le défenseur zélé, au même titre qu’Alain-Claude Bilié Bye Nze, d’un pouvoir usurpé. Ivre du sortilège zombifiant, il appelle désormais à l’étouffement de toute voix discordante, à envoyer en prison tous ceux qui rejettent le pouvoir illégitime d’Ali Bongo.

La zombification mène ainsi au nihilisme. L’homme va à l’église, croit en Dieu, en ses vérités ultimes, mais n’a que faire de la violation du droit du peuple gabonais à choisir librement ses dirigeants. Avec pareil personnage au pouvoir, le Gabon entre à nouveau dans l’ère des allégeances aveugles et démentielles. Ce qui ne peut que satisfaire Ali Bongo, enfermé lui-même dans un délire autiste qui l'empêche de voir qu’au 21ème siècle on ne saura diriger un peuple contre sa volonté.  Face aux délires de Moubamba et de Bilié Bye Nze, le parti de la légitimité doit tenir bon le livre des droits.

Gagner est une culture qui se développe dans l’effort et l’abnégation. Il paraît que le nouvel admirateur zélé d’Ali Bongo a conduit la délégation sportive du Gabon aux jeux de la Francophonie à Abidjan. Faudrait-il s’étonner que l’équipe gabonaise rentre bredouille lorsqu’elle a à sa tête des individus qui n’ont rien gagné de toute leur vie ?

Marc Mvé Bekale

Maître de conférences (Université de Reims)

Chef de département (Techniques de commercialisation)

Essayiste

 Dernier ouvrage paru : Méditations senghoriennes : vers une ontologie des régimes esthétiques afro-diasporiques (2015)

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