La formule de Thabit pour les nombres aimables

On connait certains nombres particuliers qui ont une importance historique ou pratique pour le développement des mathématiques (et des domaines qui lui sont fortement liés, comme la cryptographie par exemple) : les nombres premiers (divisibles uniquement par eux même et par un, les nombres parfaits, les nombres de Mersenne, les nombres parfaits jumeaux, etc etc etc ) Chacun de ces nombres ont leur importance, et leur histoires.
Les nombres "amicaux" sont de ces nombres particuliers : deux nombres entiers distincts sont dits amicaux (ou amiables) si la somme des diviseurs propres de l'un (diviseurs autres que lui-même) égale l'autre.
La formule de Thabit est une formule qui permet de créer un couple de nombres amicaux. Le mathématicien et astronome arabe Thabit ibn Qurra a démontré vers 850 que si n≥2 est un entier, et que si p=3×2n−1, q=3×2n−1 et r=9×22n−1−1 sont premiers, alors 2npq et 2nr forment un couple de nombres amicaux.
Les couples de nombres amicaux sont très rares (avant l'avénement de l'informatique, en 1946, il y avait à peine 390 paires connues), et la formule de Thabit ne permet pas de tous les déterminer. Cette formule a été redécouverte par Fermat et Descartes au XVIIè siècle, puis améliorée par Euler au XVIIIè siècle.
Philosophe, Thabit ibn Qurra s'est interrogé sur l'existence de l'infini. Il a notamment abordé cette question d'un point de vue mathématique : il montre que l'ensemble des entiers (naturels) pairs et l'ensemble des nombres impairs ont même nombre d'éléments, et que l'on passe de l'un à l'autre en ajoutant un. Il en déduit qu'un infini peut-être la moitié d'un autre infini, puisque chacun de ces deux ensembles représente la moitié de l'ensemble des entiers naturels, un infini peut ainsi être plus grand qu'un autre5,6. Même si son raisonnement, qui s'appuie trop sur l'analogie avec les entiers, est erroné, il s'agit de la première tentative connue de calculer sur les infinis
L'immunité innée et les insectes

Les mécanismes immunitaires sont une découverte récente de la biologie (un siècle et demi tout au plus) . Il reste d'ailleurs encore beaucoup à découvrir. Le premier mécanisme qui a été exploré et compris de façon de plus en plus fine c'est "l'immunité adaptative", qui explique le mécanisme de fonctionnement des vaccins. Dans ce cadre de fonctionnement de notre systeme de défense, on explique ce fonctionnement par le role particulier des lymphocytes ("globules blancs" du sang) qui contribuent à l'apprentissage et à la lutte contre une infection extérieure. Ce mécanisme de défense d'immunité acquise est limité à une certaine catégorie de vertébrés, les Gnathostomes (Gnathostomata), aussi connus sous le nom de vertébrés à mâchoires
Il existe également un autre mécanisme conférant une protection efficace et qui concerne plus particulièrement les insectes et les plantes, l'immunité innée. C'est en étudiant plus précisément certains insectes que ces mécanismes ont été découverts et mis en évidence.
Cette étude était conçue au départ pour répondre à cette question : les insectes (singulièrement mais pas uniquement les moustiques) sont des vecteurs de maladies ou d'épidémies mais ne sont pas affectés par les microbes qu'ils transportent et qui affectent les humains. Quels sont les mécanismes qui expliquent cette protection dont bénéficient les insectes
Le premier insecte à être étudié sous cet aspect a été le criquet, surtout connu pour les dégâts qu'il occasionne aux récoltes
la découverte de l'immunité innée chez les insectes va être celle d'une redécouverte. En effet, on sait de longue date que les insectes sont particulièrement résistants aux attaques des bactéries. Mais on ignore alors largement les mécanismes de cette résistance. On va alors découvrir les mécanismes de "l'immunité adaptative" (utilisée par les vaccins) et cette découverte sera source de progrès déterminants dans la conception de nouveaux vaccins. C'est à peine si on remarque la découverte d'un biologiste américain, Rudolph W Glaser qui constate cette activité sur un criquet Cette activité antibactérienne puissante explique d'ailleurs selon lui la résistance des anophèles, les moustiques vecteurs du paludisme à l'infection qu'ils transmettent.
Cette découverte va susciter une recherche spécifique d'un jeune chercheur, Jules Hoffmann, appelé a travailler sur cette espèce. Très vite il est frappé par la grande résistance des insectes aux manipulations qu’ils subissent dans les laboratoires et aux maladies qu’ils transmettent eux-mêmes à des centaines de millions d’êtres humains tous les ans. Mais ce qui va tout changer, c'est les avancées fantastiques dans la découverte des mécanismes biologiques liés au patrimoine génétique, avec les découvertes du role déterminant de l'ADN et des nouvelles méthodes que cette découverte induit.
C'est ainsi que le Criquet sera remplacé par la drosophile, qui se prête particulièrement bien aux recherches sur l'ADN et l'ARN Dans un premier temps, c'est un chercheur suédois, Hans Boman, qui va s'attaquer au problème, mais Jules Hoffmann dans son laboratoire de Strasbourg va bientôt se livrer a des recherches qui permettront de mettre en évidence l'importance du récepteur Toll dans la régulation de l'expression de certains gènes codant des peptides antimicrobien. C'est cette découverte fondamentale qui vaudra à Jules Hoffman de se voir attribuer le prix Nobel de médecine en 2011
source :
Jules Alphonse Hoffmann L'immunité innée CNRS Editions 2020 63 pages
chiffres qui ne servent à rien

Agrandissement : Illustration 3

Qu'a l'amusement ou à l'édification...
240 millions d'années : c'est l'age du plus ancien fossile de mouche retrouvé à ce jours : on peut imaginer que cette mouche s'est posée un jours sur un dinosaure...
505 : c'est le nombre de "plante adventrices" ("mauvaises herbes") qui résistent à un herbicide en 2019. Ce nombre est en constante augmentation
2500 c'est le nombre de langues menacées d'extinction sur les 700 rescencées à ce jours selon l'Unesco
180000 : c'est le nombre de protéines dont on connait l'organisation tridimensionnelle : c'est peu par rapport aux centaines de millions de protéines existantes
220 km2 : c'est le territoire moyen occupé par une panthére mâle des neiges en Asie Centrale (130 km2 pour une femelle) : c'est la raréfaction de cet "espace vital" qui est la premiére cause de disparition de cet animal, sous le poids du développement urbain et agricole
La marée noire oubliée du Nigéria

Agrandissement : Illustration 4

On parle régulièrement des "marées noires" consécutives à des accidents maritimes, comme ceux qui ont touché la France comme celles de l'Amoco Cadiz (la pire marée noire ayant touchée l'Europe) Rien de tout cela en ce qui concerne le Nigeria, dont la marée noire dure depuis plus de 60 ans. Car ce n'est pas un navire qui est en cause, mais le réseau complexe d'oléoducs, de puits et de pipeline. Or ce réseau est dans un état catastrophique, et les nombreuses fuites touchent le delta du Niger, pourtant une source exceptionnelle de biodiversité.
La production pétrolifère du Nigeria en fait le principal producteur africain devant l'Algérie, c'est aussi celui qui possédè les réserves prouvées les plus importantes du continent. Pourtant cette richesse considérable profite trés peu au pays, et pas du tout aux habitants. Par contre les ravages que cela entraine ont des conséquences directes et immédiates pour des millions de nigériens et de nigériennes. Par exemple, la péche, une ressource qui a été importante, essentielle même pour l'économie populaire est rendu impossible pour cause de pollution.
Face a cette situation, les compagnies pétroliéres rejette la responsabilité de cet état de fait sur les habitants : selon eux, 90% des fuites seraient causés par des pillages et des "mouvements sociaux" d'origine indéterminée. Pourtant il existe de nombreux travaux scientifiques sur la question (dont quelques uns sont donnés en référence) Ce qui montre si besoin est que la "preuve scientifique" ne suffit pas : il faut également que la "volonté politique" soit présente.
Une thése universitaire sur ce sujet : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00612025/document
Un diagnostic précis sur les causes du probléme : https://www.researchgate.net/profile/Adama-Oueda/publication/312993885_Diagnostics_des_Sources_Potentielles_de_Pollution_du_Fleuve_Niger_a_Faranah_GUINEE/links/5ee7a12d458515814a5ec092/Diagnostics-des-Sources-Potentielles-de-Pollution-du-Fleuve-Niger-a-Faranah-GUINEE.pdf
Anagrammes scientifiques
Le jeu avec les mots est plutôt l'apanage du spécialiste de la rubrique jeu animée brillamment par Joel Martin Mais quand les jeux de mots portent sur la science, ils figurent naturellement dans cette rubrique.
Je vous propose ainsi une série d'anagrammes "scientifiques" compilés par Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow
La gravitation universelle : Loi vitale régnant sur la vie
La théorie de la relativité restreinte : verité théatrale et loi intersidérale
La courbure de l'espace temps : superbe spectacle de l'amour
La chute des corps : hors du spectacle
Energie noire : reine ignorée
Albert Einstein : rien n'est établi
Source : Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow Anagrammes renversante Flammarion 2011 112 pages
Des terres rares moins polluantes ?

Agrandissement : Illustration 5

On connait l'importance décisive des "terres rares" dans l'économie numérique actuelle et dans certains processus de décarbonatation. Ces "terres rares" portent en fait mal leur nom puisqu' elles ne sont pas si rares que ça (plus abondantes que l'or par exemple) , mais par contre leur extraction est une cause majeure de pollution. Pour extraire un kilogramme de "terres rares" il faut traiter des tonnes de roches : 1200 tonnes pour un Kg de Lutécium, mais aussi 8,5 t de roche pour extraire le même kg de vanadium, 16 t pour 1kg de cérium, 50 t pour 1kg de gallium. Une équipe universitaire de l'Université Rice à Houston (États Unis) a développé une série de techniques permettant d’extraire ces terres rares de déchets : les cendres issus de la combustion de charbon produit par les centrales énergétiques ou les "boues rouges" issues de l'extraction de l'aluminium. Ce nouveau procédés semble bien moins polluant et également bien moins consommateur d'énergie. Reste a connaitre sa faisabilité industrielle et "économique", puisque nous vivons dans une société régie par la loi du profit...
Source : Pour la Science d'Avril 2022 page 14
Scientifique oubliée : Shirley Ann Jackson

Agrandissement : Illustration 6

Shirley Ann Jackson, est une physicienne américaine et la dix-huitième présidente du Rensselaer Polytechnic Institute. Elle a été la première femme afro-américaine à obtenir un doctorat du Massachusetts Institute of Technology. Elle est également la deuxième femme afro-américaine aux États-Unis à avoir un doctorat en physique.
Elle a eu un rôle décisif dans une série de technologies liées aux télécommunications, comme la transmission par fibres optiques, l'appel en absence et l'identification de la ligne.
Une étude scientifique sur la pollution pharmaceutique des cours d'eau dans le monde
La pollution des rivières, des fleuves et des lacs était abondement documentée en Europe du Nord et aux USA. On manquait d'une étude globale sur le même sujet dans le monde entier. C'est aujourd'hui chose faite grâce au projet développé par John Wilkinson de l'université d'York qui a coordonné une étude portant sur 258 rivières de 104 pays. Évidemment, les résultats sont plutôt inquiétant : 25 % des échantillons recèle un composé à une concentration qui dépasse le seuil de toxicité
Sources :
Institut national de la recherche agronomique, et l'alimentation https://www.inrae.fr/actualites/premiere-etude-mondiale-evaluer-letendue-pollution-medicamenteuse-rivieres (site consulté le 24/03/2022)
John L. Wilkinson et al. Pharmaceutical pollution of the world’s rivers. PNAS February 22, 2022 119 (8) e2113947119; https://doi.org/10.1073/pnas.2113947119
Le livre du mois : L'atome et la france
Le nucléaire en France a une double origine : civile et militaire. Ce livre passionnant s'attache aux toutes premières heures du nucléaire civil qui a précédé (et non pas annoncé) le nucléaire militaire (avec l’événement de la cinquième république et de la bombe atomique qui lui est consubstantiel) La création du "Commissariat à l'énergie atomique" est un instant décisif de cette histoire, sans oublier le role déterminant de Frédéric Joliot Curie dans une aventure intellectuelle et humaine malheureusement largement oubliée. C'est qu'au départ l'énergie atomique n'est pas ce "truc d'ingénieur", mais une formidable épopée...
Quatriéme de couverture :
La France, pays le plus nucléarisé au monde, manifeste à l’égard de l’atome un étrange paradoxe. Tout en frémissant d’horreur à l’évocation de la bombe et des problèmes écologiques posés par l’industrie nucléaire, elle accorde un large consensus au nucléaire civil et militaire. Où trouver les racines de cette attitude ? Est-ce la nécessité de redresser le pays et de lui rendre sa dignité à la Libération qui a suscité un enthousiasme général pour la science et la technique ?
Dès 1945, le « gaullisme technoscientifique » et le communisme militant du prix Nobel Frédéric Joliot-Curie s’allièrent pour fonder le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), tandis que les journalistes et les artistes vantaient en chœur les futurs bienfaits de l’atome pour l’humanité.
À cette communion progressiste succédèrent bientôt l’ère du soupçon, puis de la défiance envers la « civilisation de la puissance » et l’équilibre de la terreur. Cette période où l’atome n’avait pas encore perdu son innocence a profondément marqué l’imaginaire français. Soixante-dix ans après Hiroshima et la création du CEA, ce livre unique par la nouveauté et l’exhaustivité de ses sources donne pour la première fois à comprendre l’histoire, singulière et troublante, du mariage de la France et de l’atome.
Robert Belot, historien, professeur des universités, enseigne la géopolitique. Sa recherche se partage entre l’étude des mutations politiques provoquées par les conflits internationaux et l’histoire culturelle de la technique.
Référence ;
Robert Belot L'atome et la France, aux origines de la technoscience française Editions Odile Jacob 2015 332 pages