Tehelka est un journal en ligne indien, publié comme magazine papier depuis 2004. Ce journal permet d’accéder aux débats qui parcourent ce pays continent, en particulier des joutes intellectuelles qui nous sont totalement étranger et inconnus. ?Dans un de ses dernières livraison elle livre un débat tout a fait intéressant sur les conceptions divergentes d’une « science islamique » dont les conceptions divergentes donnent lieu dans les pays concernés à des débats intellectuels acharnés entre « tenant de la tradition », « partisans de la modernité (euro centrée) » C’est pour mieux comprendre les enjeux de ces discussion que j’ai traduit l’entretien qui suit
La Science islamique est une création des universités nord américaines
Traduction française (par mes soins)
La religion et la science « jihad contre Ijitad »
Il fut un temps ou le monde islamique était à l’avant poste des idées et découvertes scientifiques. Aujourd’hui, ces récits ont fait demi-tour et prétendent maintenant que cette religion a été un obstacle majeur à la modernité et à la libre pensée. Dans son nouveau livre « jihad ou lIjtihad » l’historien des sciences S ifran Habib, ; 59 ans, étudie la relation inconfortable qui unis science et islam, et il explique pourquoi les deux doivent coexister au journaliste de Tehelka, Kunal Majumder.
Kunal Majumder – Tehelka Votre livre parle précisément de la science islamique. Qu'est-ce qui vous a fait choisir le sujet?
S Ifran Habib - Le livre est une critique de ce concept de «science islamique», que je considère comme un projet exclusiviste et essentialiste. Il ya des gens dans les universités euro-américaines qui tentent de projeter une catégorie appelée science islamique, qui selon eux, est en relation directe avec l’eurocentrisme de la science « moderne ». Cette conception de la science comme apport occidental et comme « transport de bagages coloniaux est, malheureusement, répandue dans le monde non-européen dans le cadre du passé colonial. Par exemple, en Inde ou en Asie du Sud, cette conception euro centriste de la science est venue dans le cadre de l'empire colonial.
Tehelka Vous parlez de la façon dont le savoir grec va se propager dans le monde entier à travers les traductions islamiques. N'était-ce pas alors le monde islamique qui servait alors de transport de bagages colonial ?
S Irfan Habib - J'ai construit cette toile de fond pour parler de l'essentialisation de la science qui se déroule aujourd'hui Elle découle des conceptions avancées par le philosophe Seyyid Hossein Nasr qui a commencé à les développer dès 1968-69. Il n’a pas autant d’audience que ça à cette période, mais la révolution islamique de 1979 en Iran, va leur donner une nouvelle vigueur. Les gens sentaient que cette révolution allait changer les choses. En Inde, par exemple, des partis comme le Jamaat-e-Islami ont été enthousiasmés par appel de l'ayatollah Khomeiny pour l'islamisation, malgré le fait que cet appel concernait surtout l'islam chiite. Ils y ont vu quelque chose qui allait changer le monde islamique en profondeur, cependant, il vient de se terminer comme un défi à la lutte de longue date entre l’Arabie et l’Iran.
Tehelka «Ijtihad» est la libre pensée. Mais la pensée libre doit également être étendue à la politique et à la société. N'est-il pas alors préjudiciable à des régimes autocratiques comme l'Arabie saoudite et l'Iran?
S Irfan Habib - Bien entendu ! C'est pourquoi les autorités veulent contrôler la religion. LIjtihad est un défi à taqlid ou de la tradition. Ce sont en fait deux notions binaires et opposées : lIjtihad, la « libre pensée » et « Taqlid », les traditions sont deux notions parfaitement contradictoires. LIjtihad n'a pas été éteint subitement. Il a fallu environ deux siècles avant d'être marginalisés dans l'Islam. Et ce n'était pas seulement marginalisés dans le domaine de la science, elle a été marginalisée dans le domaine de la fiq ou de la jurisprudence de domaine intellectuel islamique, et remplacé par taqlid par la puissance ecclessiastique qui s’est ainsi constituée en « gardien du dogme ». L'Islam n'est pas venu dans ce monde avec les mosquées déjà construite et les religieux déjà présents. A l’origine, il n’y avait qu’un livre et il y avait les hadiths (enseignements du Prophète). On demandait aux gens de les lire et de suivre l'Islam. Il est resté comme ça pendant 150-200 ans. Beaucoup de choses se sont passées dans l'histoire islamique après cela.
Tehelka L’agitation après le 11 septembre dans le monde islamique une partie du conflit entre la religion et la science?
S Irfan Habib - Dans une certaine mesure, oui. Ce contrôle total de l’islam par le wahhabisme a commencé en fin du 18ème siècle. Pour les dernières années, les saoudiens ont dominé toutes les conceptions de l’islam Pour les 25-30 dernières années, l'argent saoudien et la puissance ont été utilisés consciemment à se répandre l'Islam médiéval dans toutes les parties du monde. Ils ont réussi à propager cette phase monstrueuse dogmatique dans une mesure que tout écart par rapport à ce qui est perçu comme une déviation de l'Islam à été éliminé.
Tehelka Qu'en est-il de l'Iran? Alors que d'une part, de nombreuses femmes étudient dans les universités iraniennes, d'autre part, certaines autres ne peuvent pas quitter la maison sans parents masculins.
S Irfan Habib – Les cultures Perse et arabe ont deux traditions différentes. Il y a un conflit entre eux en raison d’une approche totalement différente envers l’éducation, la vie et le monde. Avant 1979, la tradition persane a toujours été forte dans les sciences, les mathématiques et la physique. Maintenant, le résultat d’un régime répressif et traditionnaliste est certainement d’essayer de controler les contenus intelectuels, mais cette tradition ne peut pas mourir. Elle doit continuer, et elle se poursuit. Il ya un grand nombre de personnes qui ont migré vers l'Europe et l'Amérique, de nombreux scientifiques, qui avaient critiqué ce régime. Il existe environ 67 pour cent de femmes dans les universités iraniennes, beaucoup plus que les hommes. Il s'agit d'un signe positif. C'est aussi la différence entre les Arabes et le monde perse. Les deux ont des restrictions, mais il ya une différence. Les femmes perses ont accès aux universités, à des sujets modernes, les sciences et les sciences sociales. Ce n’est pas le cas dans un nombre grandissant de pays arabes.
Islamic science is a creation of Euro-American universities’
Religion and science : ’Jihad Or Ijtihad’
6 octobre 2012
THERE WAS a time when the Islamic world was at the forefront of scientific ideas and discoveries. Today, the narrative has been turned around to cast the religion as a hindrance to modernisation and free thought. In his new book Jihad or Ijtihad [1], historian of science S Irfan Habib, 59, examines the uncomfortable relationship between Islam and science. He tells Kunal Majumder why the two must co-exist.
Kunal Majumder – Your book talks specifically about Islamic science. What made you choose the subject ?
S Irfan Habib – The book is a critique of ‘Islamic science’, which I find an exclusivist and essentialist project. There are people in the Euro-American universities who are trying to project a category called Islamic Science, which according to them, is a counter to Eurocentrism. Science, unfortunately, spread into the non-European world as part of the colonial baggage. For example, in India or South Asia, it came as part of the colonial empire.
You talk about how Greek knowledge spread worldwide through Islamic translations. Wasn’t the Islamic world carrying colonial baggage then ?
I have built this background to talk about the essentialisation of science that is taking place today. Philosopher Seyyid Hossein Nasr actually came up with it in 1968-69. It didn’t pick up that much, but after the Islamic Revolution of 1979 in Iran, there was a sudden surge in the Islamic world. People felt this revolution would change things. In India, for example, parties like Jamaat-e- Islami were enthused by Ayatollah Khomeini’s call for Islamisation, though he stood for Shia Islam. They saw it as something that will change the Islamic world, however, it just ended up as a challenge to the longstanding Saudi control.
Ijtihad’ is free thinking. But free thinking must also be extended to politics and society. Isn’t it then detrimental to autocratic regimes like Saudi Arabia and Iran ?
Of course, it is. That is why they want to control. Ijtihad is a challenge to taqleed or tradition. These are actually binaries. Ijtihad was not switched off suddenly. It took about two centuries before it was marginalised in Islam. And it was not only marginalised in the realm of science ; it was marginalised in the realm of fiq or jurisprudence of Islamic intellectual realm, and replaced by taqleed. The cleric stronghold suddenly came up. Islam didn’t come into this world with any mosque or clerics commanding any special position. There was a book and there was Hadith (teachings of the Prophet). People were asked to read them and follow Islam. It remained like this for 150-200 years. Lots of things happened in the Islamic history after this.
Is the post 9/11 turmoil in the Islamic world a part of the conflict between religion and science ?
To some extent, yes. This whole control of Wahhabism started in late 18th century. Saudis had their influence, but for the past 25-30 years, Saudi money and power have been used consciously to spread medieval Islam into all parts of the world. They have succeeded in propagating this monstrous phase to an extent that any deviation from this is seen as deviation from Islam.
What about Iran ? While on the one hand, many women study in Iranian universities, on the other, some cannot leave house without male relatives.
Persian and Arab are two different traditions. There has been a conflict between them as they’ve had a totally different approach towards culture, life and world. Before 1979, Persian tradition was always strong in sciences, mathematics and physics. Now if you come in with repressive regimes or measures, you can put in some controls but that tradition cannot die. It has to continue, and it is continuing. There are large numbers of people who have migrated to Europe and America, many scientists, who were critical of this regime. There are about 67 percent women in Iranian universities, much more than men. This is a positive sign. This is also the difference between the Arabs and the Persian world. Both have restrictions, but still there is a difference. Persian women have access to universities, to modern subjects, sciences as well as social sciences.