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Education populaire (science et techniques), luttes diverses et variées (celles ci qui imposent de "commencer à penser contre soi même") et musiques bruitistes de toutes origines

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Billet de blog 21 février 2022

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Miscellanées scientifiques de février 2022

Ce mois ci une tentative d'explication simple de "l'intrication quantique", l’Eumillipes persephone, un vrai mille pattes, des chiffres qui ne servent a rien, une histoire de la botanique, quand les plantes ne pratiquaient pas le sexe, un hommage à François Gros, co-découvreur de l'ARN messager, pour finir sur le livre du mois "Christiaan, Huygens, écrits sur la musique et sur la théorie du son"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comprendre l’intrication quantique 

Illustration 1

La théorie quantique est pleine d'étrangetés et de bizarreries qui s'opposent totalement au "sens commun" : la dualité onde corpuscules, le chat de Schrödinger (le fait qu'un "chat quantique" pourrait etre à la fois mort et vivant) le principe d'incertitude (on ne peut connaitre en même temps la vitesse et la trajectoire d'un corpuscule),tout concourt à faire de cette théorie une machine à fantasmes et à paradoxes.

Mais le phénomène quantique le plus étonnant est celui de l'intrication quantique Cette propriété dont il est beaucoup question est souvent très mal compris. Et son caractère intrigant est d'autant plus relevé qu'au départ ce phénomène a été mis en évidence par Einstein dans sa tentative de montrer le caractère incomplet de "l'interprétation de Copenhague".

Il faut donc pour comprendre cette question revenir a cette fameuse "interprétation de Copenhague" qui permet "d'unifier" les différents résultats paradoxaux de la physique quantique :

Voila comment Werner Heisenberg en présentait la tentative de synthése :

« En physique classique, la science partait de la croyance - ou devrait-on dire de l'illusion? - que nous pouvons décrire le monde sans nous faire en rien intervenir nous-mêmes. [...] La théorique quantique ne comporte pas de caractéristiques vraiment subjectives, car elle n'introduit pas l'esprit du physicien comme faisant partie du phénomène atomique ; mais elle part de la division du monde entre « objet » et reste du monde, ainsi que du fait que nous utilisons pour notre description les concepts classiques. Cette division est arbitraire. » 

Rappelons que "l'interprétation de Copenhague" qui fixe certaines conditions fondamentales de la théorie quantique impose que chaque particule est dans un état incertain jusqu’à ce qu'elle soit mesurée (c'est ce caractère "aléatoire" qui faisait dire à Einstein que "Dieu ne joue pas aux dés" et que Niel Bohr, l'architecte principal de "l'interprétation de Copenhague répondait "Eintein n'a pas à dire à Dieu ce qu'il doit penser) Pour montrer le caractère incomplet de cette fameuse "interprétation de Copenhague" Einstein et deux autres physiciens, Podolsky et Rosen imagineraient une "expérience de pensée"

Illustration 2

Selon le paradoxe EPR, une mesure peut être effectuée sur une particule sans la perturber directement, en effectuant une mesure sur une particule intriquée distante. Le problème est qu'une telle influence instantanée est plus rapide que la vitesse de la lumière, et que cela viole la théorie de la relativité d'Einstein selon laquelle la vitesse de la lumière est une limite infranchissable. Cela n'est pas banal, car la vitesse de la lumière n'est pas une limite comme les autres, c'est une limite fondamentale sur laquelle repose toute la cohérence temporelle des événements. En effet, une vitesse plus grande que celle de la lumière implique une inversion de causalité (c'est-à-dire une inversion du passé et du futur), ou même des retours dans le passé.

Lontemps cette question s'est limitée a la limite d'une "expérience de pensée" : meme si celle là est effectivement pertinente, il n'en reste pas moins qu'elle ne satisfait pas aux nécessité d'une expérience réelle, dans le cadre de la physique. Le débat en reste là jusqu’en 1964. Cette année là, le physicien nord-irlandais John Bell propose le principe d’une expérience qui permet de résoudre le problème. Il formalise la question par des inégalités, dites de Bell, qui sont évaluées au cours de l’expérience. Si l’inégalité n’est pas respectée, alors le résultat de l’expérience ne peut pas être expliqué par l'existence de variables cachées, et il faut se résoudre à admettre le caractère non local de la nature. Cette expérience "réelle" va etre réalisée dans un premier temps par un physicien français, Alain Aspect.

Illustration 3

En 1982, l’équipe d’Alain Aspect, de l’Institut d’optique, à Orsay, met au point une expérience pour vérifier les inégalités de Bell. Dans le dispositif, des paires de photons intriqués sont produites, puis chacun des photon d’une paire est dirigé vers un détecteur pour mesurer sa polarisation. Les deux instruments sont suffisamment éloignés l’un de l’autre pour éviter qu'une communication à la vitesse de la lumière puisse fausser le résultat de la mesure (On parle d'échappatoire de communication, ou échappatoire de localité).

Alain Aspect et ses collègues montrent que, dans ce dispositif, les inégalités de Bell sont violées, confirmant ainsi le caractère non local de la physique quantique. Cependant, cette expérience souffre d’une « échappatoire de détection ». Les photons sont en effet facilement absorbés durant leur trajet et tous ne sont pas détectés.

De nouvelles expériences n'ont fait que confirmer ces résultats, tout en traitant de façon rationnelle la question de "l'échappatoire de détection" mais il reste encore de nombreux progrés à faire pour que la question soulevée soit définitivement traitée

Voila comment l'astrophysicien Trinh Xuan Thuan rend compte de ces résultats :

L'expérience se déroule de la façon suivante : imaginez tout d'abord que vous utilisez un appareil de mesure qui permet d'observer le comportement des particules de lumière qu'on appelle " photons ". Considérons maintenant une particule qui se divise spontanément en deux photons A et B. En raison des lois de symétrie, ces derniers partent toujours dans des directions opposées. Si A part vers le nord, nous détectons B au sud. Jusque-là, apparemment, rien d'extraordinaire. Mais c'est oublier les bizarreries de la mécanique quantique : avant d'être capturé par le détecteur, A ne présentait pas un aspect de particule, mais celui d'une onde. Cette onde n'étant pas localisée, il existe une certaine probabilité pour que A se trouve dans n'importe quelle direction. C'est seulement quand il est capté que A se métamorphose en particule et " apprend" qu'il se dirige vers le nord. Mais si, avant capturé, A ne "savait" pas à l'avance quelle direction il allait prendre, comment B aurait-il pu " deviner " le comportement de A et régler le sien de façon à être capté au même instant dans la direction opposée ? Cela n'avait aucun sens, à moins d'admettre que A pouvait informer instantanément B de la direction qu'il avait prise. Or, la théorie de la relativité, si chère à Einstein, implique qu'aucun signal ne peut voyager plus vite que la lumière. " Dieu n'envoie pas de signaux télépathiques ", disait-il, ajoutant qu'il ne pouvait y avoir de mystérieuse action à distance.

Sur la base de cette expérience de pensée, Einstein a donc conclu que la mécanique quantique ne donnait pas une description complète de la réalité. Selon lui, A devait savoir quelle direction il allait prendre, et communiquer cette information à B avant de s'en séparer. Les propriétés de A devaient donc avoir une réalité objective indépendante de l'acte d'observation. L'interprétation probabiliste de la mécanique quantique, selon laquelle A pourrait se trouver dans n'importe quelle direction, devait être erronée. Sous le couvert de l'incertitude quantique devait se cacher une réalité intrinsèque et déterministe. Selon Einstein, la vitesse et la position qui définissent la trajectoire d'une particule sont bien localisées sur la particule, indépendamment de l'acte d'observation. Il souscrivait à ce qu'on appelle le " réalisme local ". La mécanique quantique ne pouvait rendre compte d'une trajectoire définie de la particule, car elle ne prenait pas en considération des paramètres supplémentaires appelés "variables cachées ". Elle était donc incomplète.

La physique classique nous dit que les choix de A et de B devraient être totalement indépendants parce qu'ils ne peuvent pas communiquer. Or ce n'est pas le cas. La corrélation est toujours parfaite. Comment expliquer le fait que B " sait " toujours instantanément ce que fait A ? Le paradoxe n'en est un que si nous supposons, comme Einstein, que la réalité est morcelée et localisée sur chacun des photons. Il est résolu si nous admettons que A et B font partie d'une réalité globale, quelle que soit la distance qui les sépare. A n'a pas besoin d'envoyer un signal à B, car les deux grains de lumière (ou tout au moins les phénomènes que l'appareil de mesure perçoit comme des grains de lumière) restent en relation par une interaction mystérieuse. Où qu'elle soit, la deuxième particule continue à faire partie de la même réalité que la première, même si les deux particules se trouvent à deux bouts de l'univers. La mécanique quantique élimine toute idée de localisation. Elle confère un caractère holistique à l'espace. Les notions d'" ici " et de " là " n'ont plus de sens, car " ici " est identique à " là ", Les physiciens appellent cela la " non-séparabilité ". Cette constatation devrait avoir des conséquences immenses sur la compréhension qu'ont les physiciens de la réalité et de notre perception ordinaire du monde. Mais, certains physiciens ont eu du mal à accepter cette notion d'une réalité non séparable et ont tenté de trouver une faille dans les expériences ou dans le théorème de Bell. Jusqu'ici, ils ont échoué. La mécanique quantique n'a jamais été prise en défaut et le phénomène EPR nous suggère que la réalité est globale, ou " interdépendante ".

Trinh Xuan Thuan, astrophysicien.

En complément :

une vidéo expliquant plus en détail "l'intrication quantique" et ses paradoxes

L'intrication quantique © ScienceEtonnante

On a découvert un vrai mille pattes, l’Eumillipes persephone

Illustration 5

On désigne souvent du mot de "milles pattes" la grande famille des myriapodes. Les Myriapodes, communément appelés « mille-pattes » ou « millepattes », sont des animaux au corps allongé et segmenté, pourvus de nombreuses pattes, formant un sous-embranchement des arthropodes Mais les plus courants en europe occidentale sont très loin de compter "milles pattes" : les exemplaires les plus "foisonnants" ne regroupent ici qu'une petite centaine de pattes, et c'est du domaine de l'exploit...

Il existe d'autres myriapodes plus abondement pourvu... Le championnat est ouvert, et le continent européen est d'ors et déjà perdant : les nôtres ne regroupent au mieux qu'une centaine de pattes... Mais d'autres continents sont a l'honneur, et c'est l’Océanie (et l'Australie) qui gagnent ce match sans véritable enjeu... 

L'Eumillipes persephone est le véritable gagnant de cette compétition étrange, sans véritables vainqueurs...

Décrit pour la première fois en 2021, il a été découvert à 60 m de profondeur dans un puits de forage de la région des Eastern Goldfields (en) (Australie-Occidentale). Les individus atteignent jusqu'à 95 mm de longueur et 0,95 de largeur, ont entre 198 et 330 diplo-segments et jusqu'à 1 306 pattes, ce qui en fait l'espèce avec le plus de pattes sur Terre et le premier mille-pattes découvert à en avoir 1 000 ou plus. Sa forme allongée, son grand nombre de pattes et son absence d'yeux résulte d'une convergence évolutive avec une espèce lointainement apparentée, précédente détentrice du record de pattes avec jusqu'à 750 pattes.

source : pour la science février 2022 p10

3 termes d’écologie scientifique à connaître 

L'écologie est non seulement un ensemble de considérations déterminant une idéologie présente dans le paysage politique, mais elle est aussi une discipline scientifique. Comme toutes les disciplines scientifique, elle utilise un vocabulaire spécialisé source d'incompréhension ou pire de mésusages Voila cinq termes de cette discipline gagnant à être connu :

cascades trophiques

Événement se produisant dans la chaine alimentaire quand un changement dans l'abondance d'une espéce prédatrice perturbe y modifiant le nombre de ruminants, et affectant en profondeur l'abondance des plantes. On considérait à l'origine cet effet comme négligeable et limité a certains milieux fermés avant de reconsidérer les données de la question

ingénieurs allogènes et autogènes

Contrairement aux apparences, un ingénieur écosystème n'est pas un individu sortant d'une grande école bardé de diplômes et d'équations inaccessibles au commun des mortels, mais un être vivant modifiant significativement leur environnement. On distingue "ingénieurs allogènes, et ingénieurs autogène"  : là aussi ce n'est pas une distinction faite par l'équipe de Z, mais la distinction entre des êtres vivants qui modifient leur environnement par leur comportement (le cas le plus typique est celui du castor quand il réalise les barrages qui l'ont rendu célèbre)  ou par leur seule présence (on cite les arbres, mais on pourrait également citer les champignons)

productivité primaire

désigne la production de matière organique végétale par des organismes vivants capable de produire eux même leur propre énergie sans prélever leur énergie sur d'autres organismes vivants : c'est essentiellement des organismes utilisant la photosynthèse ( plantes) et des cyanobactéries

source : l'ouvrage "3 minutes pour comprendre 50 notions fondamentales de la Zoologie" de Mark Fellowes Editions le courrier du livre 2020

histoire des sciences : Le sexe des plantes

Illustration 6

Aujourd'hui nous savons tous que les plantes utilisent la reproduction sexuelle (entre autre) pour se perpétrer. Entre autre, parce qu'il existe également d'autres méthodes pour elles d'assurer leur descendance (bouturage, marcotage et greffage sont des procédés utilisés par les jardiniers qui utilisent ces "modes de reproduction non sexués")

La plupart des plantes à fleur (90%) sont hermaphrodites  leurs fleurs possèdent à la fois des étamines et un pistil. ¨Pour autant il existe des mécanismes variés pour garantir que l'autofécondation reste une exception. D'autres comme le noisetier ou les palmiers dattiers ont choisi de développer l'un ou l'autre caractère. 

Il n’empêche que la sexualité des plantes (et plus particulièrement des "plantes à fleur" nous semble totalement "naturelle" : il n'en a pas toujours été ainsi, et la "science" a longtemps refusé aux plantes une sexualité aussi "naturelle" que celles des différents animaux. Pourtant, elle a été niée par les botanistes de la naissance de leur discipline dans l’Antiquité jusqu’à la fin du XVIIème siècle.

En effet dans le monde antique, les connaissances de l'époque imposent que les plantes se développent d'elles mêmes : il faut dire que cela semble "de bon sens", puisque les plantes ne pouvant se déplacer comme le peuvent les animaux, il n'existe pas à proprement parler de "rapports sexuels" : pour les scientifiques grecs et romain par exemple, la plante "nait d'elle même" : une sorte de "génération spontanée" version chlorophylle...

Pourtant on sait que certaines situations montrent une différentiation significative (même si effectivement, c'est plutôt une minorité des plantes que cela concerne) . Les jardiniers assyriens du VIIIème siècle avant notre ère donnaient un coup de pouce à la reproduction naturelle des palmiers dattiers en secouant énergiquement les fleurs des arbres mâles remplies de pollen au dessus des fleurs des arbres femelles. Malgré tout, il ne leur vint pas, ni aux savants de l’époque, qu’elles pouvaient avoir une sexualité.

Au dela des raisons objectives à une telle classification, il existe également des raisons culturelles voir morales au refus d'envisager une "sexualité des plantes" Dans le monde antique la plante est devenu un symbole de pureté, de virginité, meme si elle peut également évoquer des connotations sensuelles fortes, comme l'imaginaire autour de la rose nous le montre...

Au moyen age cet "imaginaire des plantes" reste fort (le lys et la rose sont les fleurs associées à la Vierge Marie) même si il peut également s'avérer ambiguë. Mais l'important est que la "science" prend alors la figure d'un dogme qu'il est inutile de discuter. De toute façon, les plantes sont surtout évoquées pour montrer leur vertus médicinales. Mais les avis botaniques d'Aristote ou de Théophrastes sont indiscutables, et n'ont pas à etre remis en cause par des expériences toujours discutables. Et ces derniers parlent de la "création spontanée" d'une nouvelle plante...

C'est a partir de la révolution scientifique du XVI et du XVII siécle qu'on va reprendre le chemin de l'expérimentation et de l'observation directe.

 Il faut attendre le XVIème siècle, pour que l’observation directe reprenne et ouvre le chemin des découvertes scientifiques. Dans le domaine de la botanique, c'est le médecin allemand Rudolf Jakob Camerarius qui va révolutionner nos connaissances dans ce domaine en établissant le caractère sexuel de la reproduction d'une série de plantes (il va étudier le mûrier, la mercuriale, l'épinard, le ricin commun et le maïs. ). Cela va déclencher un énorme tollé, cette affirmation semblant à l'époque d'une amoralité scandaleuse ! Le chemin va ensuite sembler tout tracé pour Darwin qui explore la contribution des insectes à la reproduction des plantes, sans oublier Mandel qui découvre grâce aux plantes les premières lois fondamentales de la génétique.

source

Fleur Daugey Les plantes ont elle un sexe ? Histoire d'une découverte. Editions Ulmer 2015 144 pages

Vous pouvez en consulter un extrait ici !

Des chiffres en vrac :

1 nano métre

c'est la taille du plus petit engrenage construit de main de l'homme  (source)

220 km2

C'est le territoire moyen d'une panthére des neiges dans les montagnes d'Asie centrale

5 x 1020

La conjecture de Syracuse affirme que si on part d'un nombre entier > ou = à 1 et qu'on applique le calcul "si le nombre est pair, le diviser par 2, si n est impair le remplacer par 3n+& puis recommencer" on arrive TOUJOURS a un. La conjecture n'a toujours pas été démontrée, mais on est arrivé a vérifier son exactitude jusqu’à ce chiffre considérable (500000000000000000000)

505

C'est le nombre de "plantes adventices" (autrefois on les appelait des "mauvaises herbes") Depuis l'invention des deserbants, ce nombre s'est fortement accru

55 km par an

C'est la vitesse de déplacement du pole nord magnétique. Il est beaucoup moins contraint que le pole sud magnétique qui lui se déplace a la vitesse de 10km/ans

Hommage à François Gros, co-découvreur de l’ARN messager 

Illustration 7

Chaque mois, je présente un ou une scientifique inconnue ou oubliée. Aujourd'hui je dérogerais a cette habitude pour parler d'un scientifique au rôle considérable, récipiendaire d'un prix Nobel pour avoir découvert le rôle de l'ARN messager pour la production des protéines (cette question n'est évidement pas sans rapport avec la mise au point des "vaccins a ARN messagers)

François Gros fut d'abord marqué par les bouleversement de la seconde guerre mondiale puisqu'il fut obligé de quitter précédemment la capitale et comme beaucoup vit ses études universitaires bouleversées. Mais le tournant décisif fut sa rencontre avec Jacques Monod après une thèse sur les antibiotiques (qui venaient d’être découvert) et son tournant vers la biologie moléculaire. Il passe alors du CNRS à l'institut Pasteur ou il fera toute sa carrière. 

Celle ci sera marquée par la révolution de l'ADN et la découverte de la "double hélice" par Watson et Crick. Au niveau de la biologie française, il y a opposition (ou complémentarité) entre des profils de "biologiques" comme lui et Monod, et des généticiens comme François Jacob et André LWoff. Cette différence de profil permis un bouillonnement d'idée et des découvertes fondamentales. C'est ainsi que fut mis en évidence le rôle primordial de l'ARN Messager par lui et James Watson ainsi que d'une manière indépendante l'équipe formée par François Jacob et Sydney Brenner. Ces quatre scientifiques furent récompensé d'un prix Nobel pour cette découverte. Cela n’empêcha pas François Gros de proclamer que " Jacques Monod avait tout prévu"

Animé d’une curiosité intellectuelle insatiable, François Gros a incarné les sciences naturelles modernes. Il a allié la science la plus profonde à la réalité biologique, car « il faut bien que le spéléologue remonte à la surface », disait-il. Ce travailleur infatigable, qui « attendait impatiemment les vacances pour pouvoir travailler tranquille », était un « patron » inspirant et formidablement bienveillant. Il laissait à ses collaborateurs une grande liberté. Chacun pouvait bénéficier de son vaste savoir, qu’il dispensait sans compter. Il ne signait pas tous les travaux de ses collaborateurs, laissant, avec générosité, ses élèves acquérir une visibilité dont il aurait pu profiter.

Sa carrière prend un tour politique au début des années 1980. D’abord conseiller de Pierre Mauroy entre 1981 et 1984, il fait partie du cabinet du jeune Premier Ministre Laurent Fabius entre 1984 et 1985. Quand Laurent Fabius se déclare favorable au dépistage systématique du sida, il prend tout naturellement en charge le dossier délicat des tests et doit choisir entre les propositions de l’américain Abbott et celles de l’Institut Pasteur.

En complément :

une vidéo montrant le professeur François Gros reproduisant l'expérience qui lui a permis de montrer le mécanisme de fonctionnement de l'ARN Messager

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i06066638/le-rna-messager

le livre du mois : Christiaan Huygens "Écrits sur la musique et sur la théorie du son"

Illustration 8

Christian Huygens, scientifique néerlandais ayant poursuivi l'essentiel de ses recherches en France est surtout connu pour son œuvre mathématique considérable concernant la géométrie et le calcul infinitésimal alors en cours d'élaboration. Mais ce grand esprit du XVII siècle est curieux de tout, et un amateur passionné de musique. Rien d'étonnant à ce qu'il s'y intéresse, tout autant en tant que luthiste amateur (à une période ou il est de bon ton de "titiller la muse" que de scientifique s’intéressant tout autant aux propriétés du son que de l'harmonie alors en pleine révolution :

On est alors en pleine discussion sur la création de ce qui va s'appeler le "tempérament égal" et Christian Huygens apporte évidemment sa contribution passionnée en échangeant avec les autres grands contributeurs de cette époque, tout aussi bien Rameau, dont l'art musical ambitionne de s'appuyer sur la science que de Mersenne, sans oublier les échanges avec Galileo Galilei (Galilée) et son père, Vincenzo Galilei musicien de renom mais aussi scientifique.

Il a surtout participé a deux débats importants de son époque : d'une part la physique des cloches qui pose des problèmes très difficiles a résoudre avec les outils physiques du XVII siècle, et le grand débat du "tempérament"

Rappelons ce dernier : aujourd'hui on considère que les 12 tons de la gamme chromatique (l'ensemble des 12 notes qui composent notre gamme dont sont extraits les sept notes "diatoniques" connues de tous)  sont tous égaux mais c'est contraire a la façon dont a été élaborée la gamme à l'origine. Cela donne un "gap", une résonance musicale extrêmement désagréable appelée "la quinte du loup" et la difficulté de transposer un air d'un ton a un autre. Face au développement des théories musicales "tonales" cette difficulté de est de plus en plus mal ressentie et des solutions vont êtres trouvées, en particulier ce qu'on va appeler le "tempérament mésotonique" qui consiste en un compromis entre les intervalles de quintes et ceux de tierces (qui servent à construire des accords) Le "tempérament mésotonique" est différent du "tempérament égal" (ou ce n'est pas uniquement "la tierce et la quinte" qui sont affecté, mais l'ensemble des 12 notes de la gamme occidentale. Finalement ce sont des approches "pratiques" qui vont prévaloir, mais pendant deux siècles les scientifiques, et en particulier les mathématiciens, vont rivaliser d'intelligence pour proposer des "systèmes" plus ou moins simples..

Une de ses contributions les plus connues est le perfectionnement du système permettant le "tempérament égal" a partir d'une série de 31 notes (qui "remplace" nos 12 demis tons) Ce système qu'il n'a pas créé a été beaucoup perfectionné par lui et a abouti au XX siècle a la création d'un "orgue microtonal" par le physicien Adrian Fokker, qui a travaillé avec les plus grands physiciens du XX siécle, en particulier Einstein, Rutherford et Planck (l'équation de Fokker-Planck par exemple est un résultat connu de la révolution physique du début du XX siècle) Ce grand scientifique fut aussi un  grand admirateur de Christian Huygens et un musicien amateur également Ci dessous l'orgue ainsi créé en action 

Karg Elert's Blasse Blume arranged and performed by Ere Lievonen on the Fokker organ © Stichting Huygens-Fokker

Il est à noter que de nombreuses pièces ont été conçues pour cet orgue et que les œuvres originales créés spécialement pour cet instrument (et pour le système harmonique pour lequel il a été construit) se multiplient : une trentaine à ce jours...

La lecture de ces "écrits musicaux" pourraient sembler de peu d’intérêt, et ne concerner que l'histoire des sciences (et des mathématiques) Il n'en est rien Certes, ces échanges permettent d'éclairer de façon passionnante sur ce qui est de la science, de ses échanges, de ses controverses et de la façon qu'elle a de se construire au XVII° siècle, à une période charnière, celle de l'élaboration de la "méthode scientifique" (alors même qu'elle est loin d’être stabilisée). Mais ils sont aussi source de réflexion actuelle, et ce d'autant plus que les bases scientifiques (et mathématiques) nécessaires pour comprendre les développements proposés par le grand scientifique sont parfaitement compréhensible par n'importe quel lecteur ou lectrice d'un niveau de science tout a fait élémentaire. Au final un ouvrage tout a fait passionnant, qui ouvre à la réflexion et permet de comprendre tout un pan de notre univers culturel d'aujourd'hui

Présentation de l'ouvrage par l'éditeur :

Le présent volume réunit tous les textes de Christiaan Huygens sur la musique et sur la théorie du son, avec une traduction en français de tous ceux qui sont originellement écrits en ­latin. Ces textes sont accompagnés de commentaires mathématiques, musicaux et historiques, d’une biographie de Christiaan Huygens, d’extraits de sa correspondance sur la ­musique, ainsi que de plusieurs essais expliquant la place de son œuvre dans la littérature musicale et dans la musique, depuis le dix-septième siècle jusqu’à nos jours.

Cet ouvrage sera spécialement utile aux étudiants et chercheurs en musique et en acoustique, mais il s’adresse aussi à un public plus large, en particulier à toutes les personnes intéressées par l’alliage entre la science et l’art, par l’histoire des sciences et leur transmission, notamment par la vie culturelle dans l’espace européen du dix-septième siècle.

Références de l'ouvrage :

Christiaan Huygens "Ecrits sur la musique et sur la théorie du son" Editions Hermann 2021 500 pages

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