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Education populaire (science et techniques), luttes diverses et variées (celles ci qui imposent de "commencer à penser contre soi même") et musiques bruitistes de toutes origines

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Billet de blog 26 janvier 2022

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Miscellanées scientifiques de janvier 2022

Ce mois ci il est question d'arbres et de mythes fondateurs, de citation et de matière noire, de Barbara Mac Clintok et les transposons, les poules domestiques et leurs performances intellectuelles et le livre du mois sur "le sol, cet inconnu"

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Une question d'arbres (ou "théorie des graphes" et sciences humaines)

Les arbres sont partout : en mathématique, en botanique ou en mathématique (la théorie des graphe manipule des structures qui peuvent avoir une forme arborescente) ou en informatique (ou c'est une structure de donnée utilisée pour les tris) mais aussi dans les sciences humaines et dans les sciences dites "exactes". Aujourd'hui c'est dans les sciences humaines que l'on va examiner comment l'utilisation d'arbres phylogénétiques peut permettre de comprendre des structures et des comportements humains fondamentaux.

Julien d'Huy est un historien spécialisé dans l'étude comparative des mythes fondateurs de l'histoire humaine. En effet, toute l'histoire humaine recèle de tels mythes fondateurs  de l’Amérique précolombienne à l’extrême orient, des peuples de la Russie à ceux de l'Afrique Centrale, des peuples premiers d’Australie aux populations de  chasseur-cueilleur  de Bornéo, toutes ces civilisations malgré leurs différences recèlent des "mythes fondateurs".  Un des aspects troublant de ceux ci sont les ressemblances troublantes entre des mythes très éloignés l'un de l'autre sur le plan historique, géographique et culturel. C'est cette similitude qui interroge Jean D'Huy, lequel cite cinq hypothèses plausibles de ces rapprochements 

Ces rapprochements sont dus au hasard. Cinq hypothèses possibles et concurrentes sont a envisager selon l'auteur de l'étude.

  • Ils résultent d'un archétype universel
  • Ils témoignent d'une révélation primitive
  • Ils seraient le produit d'influence très récente
  • Ils seraient imputable a un ancien phénomène de diffusion

Selon l'auteur, la seule hypothèse consistante est celle qui résulte de la diffusion de mythes "premiers" d'une première population très primitive. Il y a un "phénomène premier" qui expliquerait largement ces regroupements. Reste a montrer l'exactitude de cette conjecture

Pour cela l'auteur va utiliser les outils mis au point pour décrire et explorer les processus d'évolution du vivant,  les arbres phylogénétiques. Cette méthode est largement utilisée pour tous les processus historiques d'évolution : " Elle s’inspire de l’idée d’arbre généalogique. Une généalogie est une figure arborescente qui montre les liens génétiques qui connectent les ancêtres à leurs descendants. Il s’agit d’une nécessité théorique découlant d’un présupposé fondamental de la biologie, qui postule l’existence d’une parenté commune plus ou moins éloignée dans le temps pour expliquer les similarités observées entre les êtres vivants." (ref )

Ci dessous : arbre phylogénétique du vivant

Illustration 1

Il va en particulier utiliser les logiciels de construction d'arbres phylogénétiques Il existe en effet tout une série d'outils informatiques permettant de construire de tels arbres Par exemple : listes de logiciels gratuit de construction d'arbres phylogénétiques  

Cette utilisation nécessite bien entendu de transformer l'utilisation du logiciel et de l'outil mathématique sous jacent puisqu'on remplace des caractères biologiques par des caractères culturels. Mais cette utilisation ouvre bien de nouvelles perspectives a l'analyse historique en ce qu'elle permet d'ouvrir de nouvelles pistes a une vieille question qui a intéressé des génération d'historiens des origines

références :

Le livre de Julien d'Huy ; Julien D'huy Cosmogonie, la préhistoire des mythes Édition La découverte 2020 383 pages

Un didacticiel de construction d'arbres phylogénétiques : cliquez ici

L’art de la citation chez les physiciens 

Illustration 2

Il arrive au rédacteur des "miscellanées" de lire des livres écrits par des physiciens. Honorable corporation qui se signale par ailleurs par un certain nombre de caractéristiques culturelles dont celle ci que j'ai glané dans un livre écrit lui par un architecte (il est évident que cette corporation est également atteinte par des caractéristiques culturelles intrinsèques, mais si on commence par les relever, on en a pour un bout de temps)

Je n'ai jamais vu autant de citations en exergue de chapitre que dans les livres des physicien. Citent ils d'autres physiciens pour nous introduire avec une phrase éclairante le texte qui suit ? Que nenni. La plupart du temps, il s'agit de textes de romanciers ou d'écrivains qui collent au texte comme l'étiquette du prix sur le pot de mayonnaise.

Ont ils peur de passer pour des incultes ?

Veulent ils introduire une belle parole,  convaincus que leur prose personnelle est modeste et passablement aride. ?

Cherchent ils a raccrocher leurs discours abstraits et techniques au monde par l'intrusion de quelques images charnues ? Veulent ils compenser notre ignorance des sciences par quelque bonbon littéraire en consolation ?

Nul ne sait. Mais il est clair que la prolifération de citations extravagantes est un fait et qu'une psychanalyse de l'écrit scientifique reste à faire...

Trouvé dans le « anti dictionnaire de physique » de Daniele Vegro sciences à plume Éditions Belin 2016

Matière noire (ou sombre)

Deuxième citation issu du même dictionnaire, celui consacré à la "matière noire", le mystère que se plaisent à agiter les astrophysiciens..

1. Les physiciens ont un tic majeur : ils donnent des noms à ce qu'ils ne connaissent pas. Avec la matière noire ils font comme si vous, en supposant l'existence d'un objet que ni vos yeux ni vos instruments ne peuvent percevoir l'appeliez Martine.

Pire : les scientifiques dressent un véritable portrait robot de Martine en stipulant qu'elle est blonde, 33 ans et demi, 1m72, de type européen, des boucles d'oreilles voyantes, un sac de grande marque en crocodile : et ils font cela sans que jamais aucun radar n'ait signalé quoi que ce soit !

Confronté à ce phénomène deux choix s'offrent à nous : penser que les physiciens ont des vélos plein la tète et qu'ils ne méritent pas leur budget de recherche ou tomber en admiration devant la sagacité acrobatique de leur savoir.

En effet la matière noire ne peut être enregistré par aucun des instruments dont les scientifiques disposent. A partir du comportement des galaxies et des étoiles, ceux ci infèrent simplement la présence massive de matière invisible, intouchable, impalpable. Mieux, ils la  quantifient : 27% de l'univers serait composé de matière noire. Ce qui n'est pas rien. Mais si on ajoute que 68% de l'Univers serait fait d’Énergie noire tout aussi indétectable, nous arrivons à la conclusion que les scientifiques ne connaissent que 5% de la réalité physique du Cosmos.

Quand on leur reproche de ne s'occuper que d'une partie infime du monde, ils invoquent généralement un manque de personnel et la désaffection générale des jeunes pour les grands mystères de la nature et -encore et toujours- des problèmes de budget. Et ils enchainent en nous demandant une quantité d'argent à hauteur de notre ignorance. 

En attendant les physiciens traquent Martine, dont la concentration moindre, par rapport à la matière ordinaire pourrait être compensée par une masse importante des particules qui la forment. Son portrait-robot établit une caractéristique troublante à laquelle le mot "noir" ne rend pas justice. En effet Martine n'est pas noire au sens ou l'est un trou noir : Martine n'absorbe pas la lumière. En mème temps, elle ne la réfléchit pas non plus... La lumière se comporte comme si cette matière n'était pas la et je crois que pour l'instant nous ne disposons pas de terme pour décrire cette propriété. Devrions nous la nommer ""matière fantôme" ? "Matière spectrale" ? Et pourquoi pas "songe cosmique" ? Et s'il s'agissait des "pensées de l'univers" comme on dit des nuages qu'ils sont les songeries du ciel ? Le concours pour la bonne définition de Martine est ouvert...

2 Quoiqu'il en soit, la "matiére noire" pose des problémes inquiétant à l'astrophysique. La plupart des scientifiques tendent à dire qu'elle est bien là, Martine, même si elle ne se laisse pas prendre parce que sinon on ne pourrait pas expliquer les mouvements rapides des étoiles à la périphérie des galaxies et les effets de lentille gravitationnelle que produisent certaines structures consmiques dans le cadre de la relativité générale.

On pourrait également penser que les équations de la relativité générale ne sont pas correctes. Tout comme les équations de Newton n'étaient qu'une approximation, celles d'Einstein pourraient n'avoir qu'une validité locale et n'etre elles même qu'une approximation de lois plus profondes applicables à l'univers tout entier. La relativité générale serait alors englobée dans une théorie de relativité supra générale.

Loin de moi la sotte idée d'avoir un mot à dire sur ces questions qui ne concernent que les savants. Mais il n'empèche que si tel était le cas, si papa Einstein devait voir son idée réduite à une occurence d'une Grosse Théorie Qui Résout Tout, je serais vraiment triste. Non pas parce que je comprend ses équations, Dieu m'en préserve ! mais parce que son idée de l'espace temps me semble une idée ultime Comment pourrions nous la jeter à la poubelle ?

Ainsi je prie les physicien de tout faire pour sauver Martine !

Daniele Vegro, l'auteur de ce revigorant dictionnaire est  Architecte et passionné de science. 

Scientifiques  oubliées : Barbara Mac Clintok

Illustration 3

Née en 1902 et décédée en 1992, Barbara Mac Clintok fut une pionnière dans le domaine de la cytogénétique, c’est à dire dans l’étude du chromosome au niveau de la cellule. Ses recherches ont longtemps été ignorées voir decrieees avant d’être reconnu tardivement et de lui valoir le prix Nobel de médecine.

Elle illustre bien la lutte acharnée des femmes scientifiques pour imposer leur présence dans la recherche scientifique. Durant toute sa carrière scientifique, elle a du lutter contre les restrictions faites aux femmes dans la recherche scientifique. La première université dans laquelle elle a commencé ses recherches, l'université de Cornell refusait par exemple aux femmes tous débouchés dans les sciences et ne lui proposait que des débouchés dans l'enseignement ou dans "l'économie domestique". Dans plusieurs autres universités elle était maintenue a l'écart en tant que femme : elle s'est plainte officiellement de cet état de fait à l'université du Missouri dans laquelle elle avait poursuivi ses recherches.  Elle a "gagné" dans ces combat une réputation de femme "acariâtre" (comme c'est souvent le cas pour ces femmes qui se battent pour pouvoir imposer ne serait ce que leur présence)

C'était d'autant plus le cas que ses recherches allaient à l'encontre de la vision de la génétique ouverte par la révolution de l'ADN permise par les découvertes de Francis Crick et James Watson (et de la chercheuse Rosalind Franklin spoliée de ses découvertes)   qui proposait des perspectives qui allaient profondément renouveler notre vision de la vie. Cela se faisait a partir d'une "théorie fondamentale de la biologie moléculaire"  élaborée par Francis Crick qui établissait la structure de l'ADN au travers d'un "Dogme" que Mac Clintok remettait en cause.

Elle allait en effet faire une découverte fondamentale, les "transposons", qui explique que la composition des gènes n'est pas fixée d'avance et comment ces mécanismes peuvent permettre ou pas l'activation de caractéristiques physiques. Ses recherches allaient être décriées ou mal comprises, ce qui allait entrainer l’arrêt de la publication de ses recherches a partir de 1945. Mais le dogme de l'ADN allait être remis en cause dans les années 60 et 70 et la "régulation génique" mise en évidence.

Intelligent comme une poule

Illustration 4

La poule domestique est considérée comme l'image même de la stupidité : occuper a glousser et à se régaler de vers de terre, il est peu susceptible de capacités intellectuelles supérieures, et pourtant...

Les oiseaux ont souvent été considérés comme des animaux peu performant en terme de performances cognitives mais on est en train de les réhabiliter sur le plan intellectuel : on se rend compte maintenant que ceux ci peuvent être capable d'en rabattre face a certains primates (mêmes ceux qui portent une cravate ou des talons aiguilles, et qui en font le signe indiscutable de leur intelligence, ce qui est au mieux discutable)

On a mis en évidence le fait que les pies peuvent être capable de reconnaitre leur reflet dans un miroir. On  connait également des perroquets capable de compter (jusqu'à 5). On connait également d'autres oiseaux capables de fabriquer des outils ou d'utiliser une pierre pour ouvrir un coquillage. Et on a même trouvé que ces animaux étaient capable de transmettre de façon familiales certains "savoirs faire techniques".

Au sein de cet aréopage d'animaux doués, on imagine assez facilement les poules domestiques comme des cancres. Il n'en est rien. En effet des éthologues ont mis en évidence des capacités en intelligence émotionnelle et sociale tout a fait étonnante, au niveau de certains primates.

En effet, le poulailler "classique" est organisé selon une structuration sociale complexe. On connait le rôle du coq dominant (et des autres males qui attendent leur tour) mais on sait maintenant qu'il y  a une hiérarchie complexe et des systèmes de coopération complexes. On s'est également rendu compte de facultés de communication et de langage hors normes.

On est loin d'avoir tout découvert. Ces animaux familiers pourraient bien nous surprendre...

 Quoi qu'il en soit, ces découvertes obligent à une réflexion éthique sur les élevages de poules, conçus pour optimiser les rendements sans considération du bien-être des animaux.

Le livre du mois : le sol, un inconnu à découvrir 

Illustration 5

La France a un important capital paysan. On pourrait penser que cela implique qu'on ait une connaissance approfondie de "la terre" (qui ne "ment pas" selon le publiciste de Pétain) soit bien connue, en particulier d'un point de vue scientifique. Un ouvrage assez remarquable vient nous montrer qu'il n'en est rien et que ce que nous pouvons apprendre du sol sur lequel nous posons nos pas est considérable...

Tous les aspects liés à la terre sont abordés, mais là ou l'auteur est remarquable de clarté, de concision et de pédagogie c'est quand il aborde les aspects collaboratifs qui expliquent certaines des idiosyncrasies les plus importantes de "la terre nourrisseur" : la collaboration entre espéces vivantes, minéraux et eau donne lieu a une dynamique complexe à la fois fascinante et décisive pour notre avenir même : la terre et sa "bonne santé" est en effet décisive pour notre avenir proche. Nous sommes en train de tuer le sol. Espérons de ne pas avoir à en payer le prix de façon trop violente...

présentation de l’éditeur 

Le sol est l’origine du monde, car il le porte, le nourrit et le protège.
Il est construit par sa biodiversité, qui représente 25 % des espèces connues. Il fourmille d’animaux et de microbes qui vivent et se nourrissent de façons incroyablement variées : cette diversité assure tout simplement… le fonctionnement des écosystèmes terrestres. Le sol fait aussi la fertilité des océans, régule le cours des rivières et modifie le climat. C’est une puissante et étonnante construction du monde vivant.
Hélas ! Méconnaissant le sol, qui nous paraît opaque et sale, nous l’avons endommagé depuis des millénaires. Urbanisation, agricultures inadaptées, salinisation, pollution… l’empêchent d’assurer ses services inestimables et il disparaît sous nos yeux par érosion.
Marc-André Sélosse nous invite à un magnifique périple souterrain, accessible à tous, entre les composants du sol et sa vie débordante. Il nous fait découvrir la partie souterraine et méconnue des plantes. Enfin, il conclut avec optimisme sur les gestes grâce auxquels nous transmettrons des sols intacts aux générations futures. Car ceux-ci peuvent devenir des outils de développement durable.
Avec sa faconde habituelle et un brin d’humour dans l’illustration, l’auteur nous raconte simplement le sol et éclaire de nombreuses observations banales. En comprenant ce sol que nous piétinons, nous retisserons notre lien perdu au monde naturel.

Présentation de l'auteur de l'ouvrage :

Il m’a fallu du temps pour m’interroger sur ce qu’est le sol, car mes propres études universitaires ne furent guère disertes sur ce sujet : vague cadre de vie de la racine, milieu riche en microbes, site du recyclage de la matière organique… Mais en rien un objet digne d’étude à part entière. Les enseignements universitaires sur le sol étaient alors souvent stéréotypés, peu appliqués et… pas toujours très clairs : une collection de banalités convenues. C’est donc peu de mon cursus initial que provient ma prise de conscience. Alors que les forestiers et les agronomes donnaient plus d’importance au sol, car la production végétale lui doit tout, à l’université, comme à Normale sup où j’étudiais, cela paraissait assez technique et peu important. C’est mon cheminement ultérieur qui a été la source de ma découverte du sol.

Référence :

Marc André Sélosse : l'origine du monde, une histoire du sol a l'intention de ceux qui le piétinent, Éditions Acte Sud 2021

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