Qui n’en veut d’un handicap ?
- 7 avr. 2018
- Par Marcel Nuss
- Blog : Marcel Nuss

Droit ? De quel droit parle-t-on dans le pays des droits de l’Homme et du Citoyen ? Le gouvernement a déposé un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans lequel la problématique spécifique lié au handicap n’est pas abordée, et il n’y a pas non plus de fiche « diagnostic handicap » annexée à ce texte. Pourquoi ? Tout y passe, exceptée la « violence » sexuelle subie par de trop nombreuses personnes en situation de handicap parce qu’elles n’ont pas accès à leur sexualité en raison de leur handicap. Normal, c’est une violence psychologique et physique dont on ne mesure pas l’impact et les conséquences lorsqu’on ne l’a pas vécue, de l’intérieur, pour les personnes concernées, de l’extérieur, pour l’entourage et les professionnels du médico-social. En fait, cette « violence » si spécifique dérange, autant les bonnes que les mauvaises consciences. Elle n’est pas jugée vitale (on ne meurt pas d’abstinence ou de frustration… à moins de se suicider), le dolorisme sacrificiel catholique à la vie dure ? En effet, c’est la solution proposée qui dérange, même en sachant que celle-ci fait ses preuves dans une dizaine de paye en Europe et presque autant dans le reste du monde, en France aussi mais inégalement. Il y a des souffrances auxquelles on s’attaque, avec raison, et d’autres, pour lesquelles on préfère hypocritement se voiler la face autant que possible (l’euthanasie, la PMA, la GPA, l’accompagnement sexuel des personnes en situation de dépendance, etc.). En somme, il y a les bonnes et les mauvaises souffrances, les combats sans risque et les combats « courage-fuyons ce sein qu’on ne saurait voir ». C’est beau l’égalité des droits et des chances. L’égalité de quoi ?
On aime a priori cette France à deux vitesses, celle des très riches et celle des très pauvres, celle des causes à défendre pour se dorer le blason et celle des causes à ignorer de crainte d’en être éclaboussés.
Droit ? De quel droit parle-t-on dans le pays des droits de l’Homme et du Citoyen ? Celui de se taire et d’avaler les couleuvres de l’accompagnement médico-social ? Ainsi, qui sait qu’il est interdit à une auxiliaire de vie, pardon, une AES – diplômée d’État d’accompagnement éducatif et social –, de donner des médicaments à la personne qu’elle accompagne à domicile, même préalablement préparés par une infirmière). C’est si incohérent et inconséquent que, bien sûr, elles le font tout de même, du moins les plus intelligentes, indépendantes, réfléchies, logiques et humaines. Parce qu’elles pourraient souvent attendre longtemps l’infirmière, or leur temps est compté, faut passer au client suivant, la victime suivante d’un système d’accompagnement inhumain qui n’a pas le temps de prendre le temps, et dans les EHPAD c’est tout aussi dramatique ; ce n’est pas un hasard si les deux systèmes de soins sont dénoncés aujourd’hui dans des grèves. De surcroît, comble du cynisme politique, on nous serine le sempiternel gouffre de la Sécu mais on trouve normal de faire déplacer une infirmière libérale juste pour donner des médicaments. Alors que, si c’est quelqu’un de la famille, on se décharge sans problème. Cette politique à sens unique est une gabegie financière insensée, un gâchis inhumain, un mépris pour l’intelligence d’autrui. Comme s’il fallait un diplôme pour distribuer des médicaments. En revanche, on trouve normal d’exploiter les AES de façon honteuse au pays des soi-disant droits de l’Homme et du Citoyen, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Et de fermer les yeux sur la maltraitance quotidienne, insane et indigne infligée aux personnes en situation de handicap ou âgées. C’est beau l’égalité des droits et des chances. L’égalité de quoi ? Pour qui ? Il vaut mieux être sourd que d’entendre la réponse de nos gouvernants cyniques et manipulateurs, tueurs sociaux à la bonne conscience.
Comment ne pas souhaiter que les grévistes tiennent la distance, faute de quoi notre France sera bien mal barrée ? La Fontaine avait tout compris avec sa grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. Si ce n’est que pour l’instant le bœuf (le Peuple) est plutôt gros-jean comme devant.
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