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Billet de blog 9 février 2020

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Sophie Cluzel et l'accompagnement sexuel

Après 20 ans de militantisme en faveur de l'accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap, une ministre se dit favorable à une reconnaissance de l'accompagnement sexuel. Un simple coup médiatique et politique ? A suivre.

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Illustration 1
Sophie Cluzel sur Europe 1

Ce matin, dimanche 9 février 2020, sur Europe 1, Sophie Cluzel se prononce en faveur de l’accompagnement sexuel. Sonnez clairons, résonnez trompettes ! Stop, stop ! Pas si vite !

Oui, c’est un premier pas. D’autant plus retentissant que ses prédécesseures se sont bien gardées de s’engager dans cette voie moralement étroite et étriquée. Et d’autant plus encourageant que, comme le dit la Ministre, les mentalités ont évolué.

Cependant, après avoir obtenu la légalisation de la PMA, refuser la reconnaissance de l’accompagnement sexuel, ça ferait peut-être un peu tache dans un gouvernement prétendument progressiste ? Que va dire le Comité National Consultatif d’Éthique (CNCE) cette fois, après avoir émis un avis défavorable à la même question, en 2012 ?

Et puis, last but not least, ça ne coûte rien ou si peu à ce gouvernement, financièrement parlant, tout en ayant l’avantage de faire (positivement) parler de lui, en donnant l’impression qu’il se soucie de politique sociale, alors que ce n’est que de la poudre aux yeux dans une période particulièrement glauque et tourmentée, pour lui.

J’en veux pour preuve les médias qui nous appellent depuis midi (RMC, France Inter et Jean-Jacques Bourdin, himself, alors qu’il ne s’est jamais intéressé à ce sujet). Madame la ministre a fait le buzz sur Europe 1. D’un coup, d’un seul, l’Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel (APPAS) est remise, médiatiquement du moins, en selle.

Quitte à oublier, et Madame la ministre n’y déroge pas, que l’accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap n’est que l’arbre qui cache la forêt.

Car,

1° que fait-on de l’éducation sexuelle à l’école, notamment dans les écoles spécialisées ? Tout le monde vous dira que l’éducation sexuelle est une tartufferie dans notre pays. Or, sans éducation sexuelle digne de ce nom, difficile de faire évoluer les mentalités vers de la tolérance et de la responsabilisation, faire découvrir les différences et les ressemblances, c’est primordial ;

2° que fait-on d’une exception à la loi sur le proxénétisme pour les associations gérant ce type d’accompagnement très particulier ? En attendant, les personnes handicapées sont censées être pénalisées comme clients de la prostitution. Le ridicule ne tue pas ;

3° une association telle que l’APPAS a besoin de moyens pécuniaires, qu’on lui refuse hypocritement, pour organiser des opérations de sensibilisation, de formation, de prévention et d’accompagnement des personnes handicapées, comme des professionnels du médico-social et les parents. L’APPAS survit depuis sa création grâce au bénévolat de ses membres. Une subvention n’est pas de refus Madame la ministre… ;

4° Sophie Cluzel veut lancer des enquêtes chez nos voisins européens pour voir comment ils forment des accompagnants, alors qu’on le fait devant son nez depuis mars 2015, et elle le sait parfaitement mais ça fait gagner du temps… Par parenthèse, nous travaillons avec des formatrices suisses et allemandes depuis longtemps ;

5° que fait-on pour éradiquer les abus sexuels et les viols des personnes en situation de dépendance ? Sur le terrain, les agressions d’ordre sexuel continuent à faire des ravages.

J’ai déjà essayé de rencontrer Madame la ministre, sans recevoir aucune réponse. Pas davantage d’ailleurs de François Ruffin ou de Jean-Luc Mélenchon, par exemple.

La politique, c’est opportuniste pas humaniste.

Néanmoins, je ne suis pas du genre à cracher dans la soupe. Un premier pas important a été franchi sur Europe 1, dans le Grand Rendez-Vous, où Sophie Cluzel n’a pas raté le sien. Pour ma part, j’attends la suite. D’autant plus que je me méfie comme du loup blanc de l’opportunisme gouvernemental.

P.-S. : j’ai mal aux yeux en lisant les titres des journaux en ligne cet après-midi, parlant ou écrivant des « handicapés » et des « assistants sexuels ». Je ne suis pas les « handicapés », je suis une personne en situation de handicap, nuance. Pour l’APPAS, la sémantique est essentielle pour faire évoluer les mentalités. Nous proposons de l’accompagnement sexuel et formons des accompagnants et des accompagnantes sexuel(le)s, car nous ne sommes pas là pour assister les personnes dans la découverte de leur corps, de leur sensualité et/ou de leur sexualité, nous sommes là pour les accompagner dans cette quête de leur intimité.

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