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Billet de blog 29 janvier 2011

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La fausse expertise de Roselyne [Bachelot]

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Roselyne [Bachelot] n'a toujours pas répondu à ma lettre ouverte, 15 jours après sa diffusion et son envoi. Étonnant ? Pas vraiment. Elle a des prises de position (en l'occurrence sur l'accompagnement sexuel) tellement intolérantes et tranchées qu'il est difficile d'imaginer une ouverture possible de sa part, pour le moment en tout cas. Et, en fait, ce n'est pas ce qui motive ma réflexion. Ce qui la motive c'est que Roselyne m'a envoyé entre-temps une lettre de remerciements pour lui avoir fait offrir, par le truchement de mon éditeur, mon dernier livre : L'identité de la personne « handicapée »… C'est la preuve qu'on a le sens des convenances faute d'avoir le sens du dialogue, dans les gouvernements sarkozystes. Xavier Bertrand, il y a environ deux ans, m'avait fait exactement le même coup : il m'a remercié pour l'envoi d'un ouvrage et jamais donné de nouvelles pour un rendez-vous ou pour répondre à mes dénonciations.

En supposant que Roselyne le lise, ce livre, j'espère qu'il sera source de révélations et de prise de conscience pour elle. Mais ce n'est pas gagné car, il y a 10 ans, mon ex-épouse lui avait envoyé mon autobiographie fraîchement publiée afin de la sensibiliser à sa situation et lui donner envie de la soutenir dans sa demande de reconnaissance de femme d'un mari « handicapé », dont elle assumait seule depuis 21 ans le handicap, jour et nuit, 365 jours par an, pour des clopinettes et le minimum vieillesse ! Et que croyez-vous que Roselyne fit ─ excepté, évidemment, de lui écrire pour la remercier chaleureusement, lui dire sa compréhension et combien elle avait de la « chance (sic) » d'être avec un homme comme moi… ? Elle envoya cinq courriers à cinq ministres, confrères parlementaires, etc., soi-disant pour les rendre attentifs à notre demande et se lava les mains. Elle avait fait son travail de parlementaire soucieuse de justice sociale et du bien-être d'une citoyenne en détresse qui demandait alors « simplement » que sa situation, et celle des femmes et des hommes confrontés à la même inepte indigence, soit pris en compte et valoriser, à sa juste mesure ─ la Prestation de compensation du handicap [PCH] n'existant pas encore, je le rappelle (elle a vu le jour en 2005)…Roselyne est très heureuse d'être ministre de la Cohésion (laquelle ?) sociale et de la Solidarité (laquelle ?), mais n'a aucune idée, pas la moindre petite idée, de ce que signifie vivre au quotidien avec un handicap, une dépendance, une perte d'autonomie. J'en mettrais ma main au feu et même tout mon corps, comme la plupart de ses prédécesseurs. Le pouvoir n'est pas le savoir, si c'était le cas cela se saurait et on le verrait sur le terrain.Quoique. Martin Hirsch était censé savoir, du moins il en était convaincu lorsqu'il a créé le Revenu de solidarité active [RSA]. Pourtant, au final, les études démontrent que ce minima social ne à ceux à qui il était destiné (Médiapart du 13 janvier 2011 : Le RSA rate sa cible : les travailleurs pauvres et les jeunes). Une fois de plus, en matière de politique soi-disant sociale, une fausse bonne idée, qui aura au moins eu l'heur de faire mousser l'ego de son inventeur (n'est pas l'Abbé Pierre qui veut et la proximité n'est pas l'affinité).Si on voulait vraiment être un fonctionnaire d'État et/ou un politicien performants, je pense qu'il faudrait en passer par un stage d'un mois (minimum) sur le terrain, dans le domaine où l'on va travailler. Ainsi, Roselyne devrait passer quelques jours dans une institution, quelques jours dans une famille ayant un enfant « handicapé » et quelques jours chez une personne « handicapée » vivant seule dans son appartement. Car ce ne sont pas des visites éclair dans un établissement qui vous apprenne, qui vous sensibilise à la réalité quotidienne des populations dont vous avez la « gestion ». D'autant plus que les conseillers techniques qui entourent les ministres, et autres secrétaires d'État, sont rarement plus au fait de ce qu'ils traitent… dans des dossiers. Bien sûr, ils se font un « réel plaisir » de recevoir pour vous assurer de leur volonté, que dis-je : de leur détermination, ou de leur impuissance, de leurs regrets sincères, de leur compréhension, etc., etc. Mais pour quel résultat le plus souvent ? Cela fait cinq ans que je vais régulièrement dans les ministères et les secrétariats d'État, c'est-à-dire dès qu'il y a un changement de cabinet (et c'est très fréquent sous nos latitudes qui cultivent la continuité), pour demander l'application de l'Article 9 de la loi du 11 février 2005, intitulé Délégation des gestes de soins. À part des promesses jamais tenues, comme sœur Anne, je ne vois rien venir. Pourtant des vies sont en jeu et, qui plus est, mettre en œuvre cet article ne coûterait rien d'autre à l'État que la publication d'un décret… Si, froisser la susceptibilité irresponsable et incivique de la Fédération nationale des infirmiers [FNI], entre autres ─ alors que le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux [SNIIL] serait pour l'application de cet article vital pour bon nombre de personnes en situation de handicap.Mais, me direz-vous, Martin Hirsch était sur le terrain, lui. Il était donc censé très bien connaître les difficultés et les besoins des personnes pour lesquelles il a voulu créer le RSA. Certes, mais il avait un Président et un Premier ministre au-dessus de lui qui l'ont quelque peu bridé. Nonobstant le fait qu'on peut être sur le terrain et ne rien apprendre ou pas grand-chose, car cela dépend aussi de l'état d'esprit avec lequel on travaille sur le terrain, avec lequel on est « présent à l'autre », à son prochain.Il y a bien des accompagnants professionnels qui font de l'aide à la personne, en établissement ou à domicile, et qui sont maltraitants, pour les pires, ou indifférents, pour les moins pires. Nul n'est prophète en son pays et personne n'est parfait.Cependant, si l'apprentissage sur le terrain n'est pas infaillible, il est de loin l'expérience la plus bénéfique qui soit pour tout le monde. Car il n'y a rien de plus formateur et d'humanisant que la prise directe, qu'une plongée dans la vraie vie à l'état brut.Ou au moins, avoir dans son équipe de personnes compétentes, expertes dans leur domaine, sur lesquelles on puisse puiser, au niveau gouvernemental ou les instances locales.

Au fait, Roselyne, combien y a-t-il de conseillers techniques « handicapés » dans votre cabinet ? Et celui de Marie-Anne Montchamp ? N'oubliez pas : il faut 6 % pour respecter la loi que vous avez votée en 2005 !

J'avoue que je suis très inquiet et dubitatif quant à ce qui nous attend en matière de cohésion et de solidarité dans les prochains mois. Très. Du reste, je viens d'apprendre l'existence d'un projet de décret relatif à la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi d'un demandeur de l'Allocation aux adultes handicapés [AAH], et l'Article 3 de ce projet de décret prévoit de donner la majorité des voix aux représentants de l'État siégeant dans les Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées [CDAPH], lors de l'attribution de l'AAH ! Rien que ça ! Le principe du décideur-payeur au mépris de l'esprit de la loi du 11 février 2005, mettrait sur la touche les représentants des personnes en situation de handicap dans ces commissions en les privant de voix (c'est le cas de le dire). Décidément, sous l'ère Sarkozy, on a vraiment pris le pli pour couper l'herbe sous les pieds des plus pauvres et des plus fragiles. Ça fait plaisir de constater qu'il y a quand même une constante depuis Sarkozy… Néanmoins, à tout malheur quelque chose de bon, puisque certaines associations vont peut-être enfin comprendre les méfaits de l'ambiguïté à l'égard de l'État ?Mais que cela ne vous gâche pas la lecture, car elle vous sera très utile pour aborder sous un meilleur jour et avec un autre regard la réalité du terrain dans tous les domaines du handicap. De la dépendance en général. Votre nouveau chantier, Madame la Ministre…

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