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Billet de blog 19 mars 2020

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La petite bibliothèque idéale d’E. Macron

Dans son discours du 16 mars, E. Macron nous a recommandé de lire. Mais quoi ? Et s’il nous donnait lui-même quelques conseils issus de sa bibliothèque idéale …

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Suite à mon précédent billet, j’ai eu vent de certaines réactions exprimant l’idée qu’en des moments aussi graves, où nombre de personnes vont décéder, il n’était pas pertinent de faire de l’humour ou de véhiculer des messages politiquement orientés.

Libre à chacun bien sûr de penser que dans cette crise que nous traversons, « l’union sacrée » est indispensable et qu’il faut savoir mettre momentanément de côté nos divergences politiques. Mais on peut aussi considérer que cette crise, justement, sera pire qu’elle n’aurait pu (dû ?) être, précisément à cause de choix politiques faits depuis plus de vingt ans. Et, sachant que nombre de personnes qui sont dans cette posture de « trêve politique » (pas tous, certes) sont des partisans de la politique gouvernementale, donc du néolibéralisme, il conviendrait de leur rappeler que plutôt que de se draper dans une moralité de circonstance derrière les victimes de cette crise, ils devraient avoir l’honnêteté de reconnaitre que le nombre de ces victimes sera augmenté par les conséquences de la destruction de l’hôpital public au nom du néolibéralisme. Ils devraient admettre qu’aujourd’hui, par manque de place, des malades qui étaient hospitalisés (et s’ils l’étaient, ce n’était pas pour rien) sont sortis de l’hôpital pour faire de la place à des cas plus graves, et que, parmi ces exclus, il est probable que certains seront des victimes collatérales de la crise, même s’ils ne décèdent pas du Covid-19. Ils feraient mieux, avant d’utiliser les victimes de cette crise dans leur argumentaire, d’enfin prendre conscience que le néolibéralisme est déjà, et sera, la première cause de mortalité non-naturelle du XXIème siècle.

Mais leur discours en dit long sur ce qui se passe. Cette crise épidémique constitue en fait une apocalypse du néolibéralisme, non au sens usuel de « fin du monde », mais au sens le plus étymologique de révélation. Il est révélé aux yeux de tous ce que beaucoup ne voyaient pas jusqu’ici : l’impossibilité complète pour le néolibéralisme d’être un modèle économique efficace. Cela apparait de façon aveuglante à l’occasion de cette crise, et un système qui ne peut pas gérer une telle crise n’est pas non plus optimal pour « gérer le monde » en temps normal, et encore moins face à la crise climatique, d’une toute autre ampleur que l’actuelle. Confrontés à cette réalité, les partisans de ce système, au premier rang desquels les membres du gouvernement, refusent toute critique et rejettent toute polémique au nom d’une union sacrée et d’une décence qu’il convient d’adopter en ces temps difficiles, poussant parfois l’abjection jusqu’à se réfugier derrière les victimes pour fuir leur responsabilité collective de zélateurs d’un système mortifère. Alors oui, il est indispensable dans nos actes et nos comportements d’être unis et disciplinés, mais la liberté d’expression ne s’arrête pas avec la crise. Et si cela ne vous plait pas, vous pouvez toujours lire les tribunes dans les Echos.

Faut-il également être aveugle à ce point pour donner des leçons de morale après les discours tenus par notre président ? S’il est malséant de critiquer une politique en ce moment, que dire d’un discours où l’on encense ceux qu’hier encore on méprisait ? Que dire d’une allocution où l’on adopte de façon aussi manipulatrice un discours martial totalement déplacé et opportuniste ? Car quand les choses vont mal, c’est bien connu, ce dont on a besoin, c’est d’une bonne guerre. Or, pour filer la logique guerrière d’E. Macron, tout en se permettant des approximations aussi larges que celles qu’il fit à propos de « la plus grande crise sanitaire depuis un siècle » (il n’est pas question ici de minimiser la crise en cours, mais de rappeler la réalité de l’histoire des épidémies passées), une débâcle comme celle de LREM aux municipales, on n’avait pas vu ça depuis celle de 40. Il fallait donc reprendre la main, et pour cela, rien de tel que de prendre le rôle d’un chef de guerre inflexible. Alors on est en guerre, pas en confinement. Le poing fermé est ostensiblement mis en avant et la voix, artificiellement grave au moment du « vive la République ». Voyez-vous ça, voilà que le petit Manu se prend pour le grand Charles. Dommage que le Royaume-Uni soit aussi touché par l’épidémie, sinon, il aurait traversé la Manche pour nous faire son allocution depuis Radio Londres. Chacun sa guerre, de Gaulle s’était dressé contre Hitler, Macron se dresse contre un virus. Vous imaginez le discours à la « libération » : Paris grippé, Paris confiné, mais Paris immunisé. C’est sûr, il y a moins de chance que ça reste dans l’histoire. Heureusement, fort peu de personnes ont été dupes de cet exercice de communication pitoyable, et tellement éloigné de cette décence que certains de ses fidèles nous recommandent pourtant. Il est loisible d’être un goujat bousculant la bienséance dans le cadre d’un billet qui n’a pour but d’être lu que par ceux qui le veulent bien, si possible en les amusant un peu. Il ne l’est pas lorsque, en tant que Président de la République, on prononce un discours officiel de crise.

Quant au rire, comme toujours à ce sujet, revenons à Desproges : « non seulement on peut rire de tout mais l'on doit rire de tout pour désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles ». Au moment où la bêtise crasse d’un système qui nous conduit droit dans le mur apparait dans son aveuglante évidence à travers cette crise, au moment où les chagrins et les angoisses mortelles sont au rendez-vous, il est donc important de rire, et très sérieux de ne pas se prendre au sérieux.

Et c’est à nouveau E. Macron qui va nous y aider, car il n’a pas seulement été martial dans son discours de lundi soir, mais également d’un paternalisme sirupeux tout aussi déplacé. Qu’il était en effet surréaliste d’entendre, en de pareilles circonstances, un Président de la République recommander aux citoyens de lire ou faire du sport. Alors, poussons le surréalisme de cet élément de son discours jusqu’au bout. Sur les recommandations du Président de la République, et pour que vous ayez de saines lectures en cette période de guerre, voici donc, de la part d’E. Macron, sa petite bibliothèque préférée et les livres qu’il vous recommande, assortis de quelques commentaires de sa part.

Orgueil et préjugés : mon état d’esprit à mon arrivée au pouvoir et ma vision de la question des aides sociales en France.

Les grandes espérances : l’état d’esprit de mes électeurs il y a trois ans.

Les illusions perdues : l’état d’esprit de beaucoup de mes électeurs aujourd’hui.

La divine comédie : 3 ans d’exercice du pouvoir par mes gouvernements successifs.

L’aveuglement : la gestion par mes gouvernements successifs d’à peu près toutes les crises qu’ils ont provoquées : gilets jaunes, réforme du chômage, réforme de retraites, hôpital public, enseignement supérieur et recherche, etc.

Le mépris : la gestion par mes gouvernements successifs d’à peu près toutes les crises qu’ils ont provoquées : gilets jaunes, réforme du chômage, réforme de retraites, hôpital public, enseignement supérieur et recherche, etc. (non, non, ce n’est pas un mauvais copié-collé).

Gala de gaffes à gogo : la gestion de la crise actuelle de l’épidémie de Covid-19.

Mort à crédit : une prise de conscience en forme de mea culpa vis-à-vis de toutes les victimes de l’épidémie de COVID-19 qui auraient pu être sauvées si l’hôpital public n’avait pas été à ce point affaibli par 20 ans de politiques néolibérales, dont celle de mon gouvernement.

Pour qui sonne le glas : la période qui reste à s’écouler jusqu’aux prochaines élections présidentielles.

Extension du domaine de la lutte : un récit de la façon dont nous n’avons pas su voir venir la crise des gilets jaunes.

A la recherche du temps perdu : le moment, si un jour il finit par arriver, où les responsables politiques de tous les pays se décideront à agir pour la planète.

Le bûcher des vanités : comment la crise du Covid-19 a mis en évidence l'impéritie absolue du néolibéralisme et m’a amené à proposer un profond changement de politique quand elle sera passée.

Et bien sûr, pour finir, mon préféré : Premier de cordée.

D’accord, c’est un peu facile, futile, mais au moins sommes-nous ici dans un petit billet, pas dans une allocution présidentielle de crise. Alors, si vous voulez vous amuser, il y a forcément encore plein de titres de livres dans cette veine, laissez courir votre imagination. Et n’hésitez pas, la liste des sujets « délirables », à diffuser sur les réseaux pour nous amuser un peu en cette période difficile, est déclinable à l’infini : après la liste des livres de Manu, les meilleures recettes de Manu, les meilleurs points de broderie de Manu, la leçon d'abdo-fessiers de Manu, etc. Ça nous fera du bien et ça fâchera les faquins qui ne savent rien de l’humour, ni de la morale.

Un grand merci à Alice Lebreton pour ses conseils et sa contribution à l’écriture de ce texte

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