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Billet de blog 16 octobre 2022

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Racisme et santé (9/15)

Dans ce billet, je présente les différentes formes de discriminations et d’inégalités ethno-raciales qui traversent le champ de la santé. Ensuite, j’analyse les effets de la discrimination raciste sur la santé mentale. Pour finir, je présente le concept de « traumatisme racial », permettant de comprendre les impacts neuro-psychologiques du racisme structurel.

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Plan de l'écrit

  1. Introduction
  2. Les inégalités de santé : classe et race
  3. L'impact du racisme sur la santé mentale
  4. Classe et race, des effets mesurables ?
  5. Conclusion

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1. Introduction

En France, il existe très peu de données scientifiques sur les liens entre le racisme et la santé. Dans les pays anglo-saxons, cette question est travaillée depuis une trentaine d’années. C’est pourquoi, cet article se basera principalement sur leurs travaux. Pour autant, il faut également les utiliser avec prudence. On observe fréquemment une erreur méthodologique, celle d’affirmer sans retenue une réalité nationale à partir de statistiques étrangères sans prendre en considération les différences entre les pays : les populations immigrées, leurs parcours migratoires, les conditions d'accueil, les formes diverses de sécurité sociale, les structures de soin et de santé différentes etc. En revanche, le racisme structurel étant une réalité tangible en France, l’utilisation d’études anglo-saxonnes reste indispensable pour tenter de comprendre comment des inégalités ethno-raciales peuvent traverser le domaine de la santé, en attendant des études rigoureuses en ce qui concerne notre pays.

Dans un premier temps, je présenterai différents facteurs d’inégalités de santé, de la classe à la race. Ensuite, je discuterai l’impact de la discrimination raciste sur la santé mentale. Pour finir, je présenterai le concept anglo-saxon de « Race based Trauma » (RBT), traduit en français par « traumatisme racial ».

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2. Les inégalités de santé : classe et race

Les inégalités de santé des groupes racisés reposent sur plusieurs facteurs. Si certains sont relatifs à la domination de classe, d’autres reposent sur la domination ethno-raciale. Dans tous les cas, il faut concevoir ces discriminations comme des processus structurels qui traversent non seulement la santé, mais également l’ensemble de la société.

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L’importance des facteurs économiques

  • La condition ouvrière dégrade la santé

L’ensemble des études convergent pour établir les facteurs socio-économiques comme les plus déterminants pour expliquer les altérations de la santé d’une part, et les inégalités d’accès aux soins d’autre part. Comme l’exprime l’enquête Trajectoires et Origines (2015), les revenus de la famille, les difficultés financières, la faiblesse du diplôme, le travail ouvrier, le chômage, les conditions de logement, sont des facteurs qui favorisent la dégradation de la santé physique et psychologique (Beauchemin et al., 2016, p514). Les groupes racisés, étant surreprésentés dans les classes populaires, sont donc directement concernés par les conséquences du facteur « classe ».

Par exemple, en ce qui concerne l’espérance de vie (INSEE, 2016 & 2018), on constate des écarts significatifs entre la classe ouvrière et les classes supérieures (petite-bourgeoisie et bourgeoisie). En ce qui concerne les femmes, l’écart est de 8 ans (88,3 ans contre 80 ans), et de 13 ans pour les hommes (84,4 ans contre 71,7 ans). Cette inégalité d’espérance de vie est due principalement aux carrières ouvrières qui dégradent rapidement les corps. Les expériences de chômage (SNC, 2018), la précarité sociale (Royer et al., 2010), et l’instabilité de l’emploi (Lerouge, 2010) engendrent également des impacts manifestes sur la santé, dont la classe ouvrière est la première concernée, d’autant plus pour les ouvriers racisés. Dans les fractions les plus précaires de la classe ouvrière, on constate également des difficultés d’accès à une alimentation saine (Gaini et al., 2020), mais aussi des habitudes plus dangereuses - (tabac, alcool etc.). Par ailleurs, certaines études révèlent l’existence d’une relation cyclique entre la condition sociale et l’altération de la santé (Galabuzi, 2001, p70). Autrement dit, une mauvaise santé favorise la pauvreté du ménage, qui en retour altère la santé.

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  • La condition ouvrière favorise les inégalités de santé

Une étude statistique de la DREES (direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) et de l’IRDES (L’institut de recherche et documentation en économie de la santé), démontre un lien de causalité entre la pauvreté du ménage et un non-recours aux droits de protection sociale. L’étude estime qu’entre 2012 et 2014 (Perronnin & Louvel, 2018), environ 5 % des personnes ne bénéficient d’aucune couverture complémentaire de santé, un taux qui atteint 12 % pour les 20 % les plus pauvres, souvent chômeurs et jeunes adultes.

Toujours en ce qui concerne l’assurance maladie, une étude menée en 2019 par le Défenseur des droits (2019) révèle des discriminations de classe dans l’accès au soin. Réalisée sous forme de testing auprès de 1 500 cabinets médicaux, elle rapporte que 9 % des dentistes, 11 % des gynécologues et 15 % des psychiatres appelés ont refusé les rendez-vous en raison de la détention de la CMU-C. En moyenne, l’étude estime donc que 12 % des patients se voient refuser un rendez-vous médical en raison de leur situation sociale. En sachant que les individus racisés sont surreprésentés dans les fractions les plus précaires de la classe ouvrière, on peut émettre l’hypothèse qu’ils subissent fortement cette discrimination de classe en raison de la faiblesse de leurs ressources économiques.

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Les discriminations structurelles ethno-raciales

Certains auteurs estiment qu'il existe des formes de discrimination indirecte (Halwani, 2004) dans l’accès au soin des groupes racisés. Par exemple, l’accès universel à un médecin de proximité peut être vécu par certaines populations comme problématiques pour des raisons culturelles ou religieuses. Autrement dit, la discrimination indirecte survient quand « exactement les mêmes services sont fournis à tout le monde (de telle sorte qu’ils paraissent équitables) mais quand, pour des raisons culturelles, religieuses, linguistiques ou autres, il n’est pas possible pour les membres d’un ou de plusieurs groupes ethniques minoritaires d’en bénéficier également » (Henley & Schott, 1999, p47).

Dans un sondage mené la Commission de la santé mentale du Canada (2021) auprès de 328 personnes canadiennes noires, environ 60 % affirment qu’elles utiliseraient davantage les services de santé mentale si le professionnel de santé était noir. Une autre étude aux États-Unis expose que plus la proportion de salariés racisés est grande, plus le taux d’utilisation des services de soin par les minorités visibles est élevé (Reitz, 1995, p19). Une récente étude réalisée par l'université de Miami et publiée dans la revue Pain Medicine (R Anderson et al., 2020), semble démontrer que des patients noirs sont moins anxieux dans leur parcours de santé quand ils partagent les mêmes origines ethniques que leur médecin. Autrement dit, la proximité culturelle favorise pour certaines personnes une meilleure relation médicale et thérapeutique. L'intimité est plus facilement partagée, la confiance plus rapidement construite, l'angoisse de ne pas être compris en fonction de spécificités culturelles et religieuses est abolie, tout comme la peur de la discrimination.

Par ailleurs, la communication peut être altérée par des différences culturelles entre le médecin et le patient (Halwani, 2004). Dans les processus de socialisation, chaque culture apprend aux générations futures la manière de témoigner leurs souffrances à partir d’un langage verbal et non-verbal, ce qu’on nomme des « langages de détresse ». Ainsi, si le médecin n’est pas membre de cette culture ou n’a pas de connaissance sur celle-ci, il pourrait mal interpréter les symptômes de son patient au risque d’établir de mauvais diagnostics (Helman, 1994, p135). On peut également trouver une autre forme de discrimination indirecte à travers le domaine linguistique (Halwani, 2004). La barrière de la langue et l’absence d’interprètes pour y remédier est un obstacle concret dans l’accès au service de soin des populations étrangères racisées (Jayaratnam, 1993 ; Reitz, 1995 ; Yuan L. et al., 2000).

Pour autant, une critique principale peut être formulée sur cette conception de la diversité. Si le manque de diversité dans le champ de la santé est une réalité tangible dont il faut remédier pour favoriser l’accès au soin, il est complexe de concevoir une organisation territoriale de santé avec un nombre exact de professionnels généralistes et spécialistes en fonction des préférences culturelles de chaque groupe racisé. Autrement dit, il est illusoire d’avoir dans chaque hôpital, dans chaque ville et dans chaque spécialité (on en relève 28), un nombre juste de professionnels issus de la diversité culturelle pour répondre aux besoins spécifiques de chaque population.

Pour remédier à cela, il faut distinguer deux situations. Le premier cas est le refus intentionnel de soin en raison d’une directive religieuse, une conduite qui est minoritaire. Par exemple, le refus d’une femme croyante de se faire soigner par un homme. Le deuxième est un évitement de soin en raison de la méfiance, de la gêne ou de la crainte d’être soigné par une certaine catégorie de personnes (les professionnels blancs etc.). Dans le premier cas, la prérogative religieuse est difficilement contournable, et la résolution du problème repose soit sur l’exigence d’une représentativité genrée et ethno-raciale – dont on peut contester sa possibilité à l’échelle macro-sociale -, soit par une inflexion des injonctions religieuses. Dans le deuxième cas, l’anxiété est principalement engendrée par des relations sociales traversées par des représentations ethno-raciales qui ne favorisent pas les conditions de rencontre avec l'Autre.

En définitive, il faut agir principalement sur la faible représentation des médecins issus de la diversité d'une part, et sur l’absence de formation des professionnels au transculturalisme d'autre part. Ces deux éléments constituent un problème général de santé publique.

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Les stéréotypes racistes dans le système médical

Pour finir, il faut noter l'existence toujours prégnante de préjugés racistes qui traversent une partie du corps médical et qui entraînent de sérieuses défaillances dans les prises en charge. Le syndrome méditerranéen est une bonne représentation de la racisation d’une certaine pensée médicale qui touche principalement les personnes originaires du Maghreb et d’Afrique noire, mais aussi d’Europe de l’Est (Slate, 2016). Ce syndrome trouve sa source dans l’histoire coloniale française. Comme l’exprime le psychiatre Frantz Fanon en 1952 : « le syndrome nord-africain est une catégorisation des professionnels de santé sous-tendue par des stéréotypes racistes qui faisait du Nord-Africain […] un simulateur, un menteur, un tire-au-flanc, un fainéant, un feignant, un voleur » (Cité dans Regards,, 2021). Quant au sociologue et anthropologue David Le Breton, il désigne ce syndrome comme le « fantasme selon lequel les personnes originaires du pourtour méditerranéen seraient moins résistantes à la douleur ».

Autrement dit, les personnes racisées auraient tendance à théâtraliser et à exagérer leurs plaintes. Le décès en décembre 2017 de Naomi Musenga, une jeune femme d’origine congolaise, est un exemple du danger du syndrome méditerranéen. Son appel aux urgences pour d'importantes douleurs abdominales avait été relativisé et moqué par le SAMU, entraînant sa mort 5 heures plus tard (La Croix, 2018).

Plusieurs études aux Etats-Unis montrent qu'il existe chez certains étudiants en médecine des croyances sur des différences physiologiques raciales. Ces préjugés relativisent les douleurs ressenties par les patients noirs et engendre une sous-recommandation de médicaments : « Il semble que les préjugés raciaux dans la perception de la douleur ont des conséquences pernicieuses en matière de recommandation de traitement pour les patients noirs » (Slate, 2016). Ainsi, à diagnostic égal, les patients noirs reçoivent moins d’antidouleurs que les patients blancs, mais aussi des doses moins élevées.

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3. L'impact du racisme sur la santé mentale

Des conséquences observables

S’il n’y a pas d’études en France sur le lien entre la discrimination raciste et la santé mentale, les pays anglo-saxons produisent un certain nombre de travaux dans ce domaine qui semblent démontrer que l’expérience chronique de la discrimination raciste (stéréotypes, préjugés, actes racistes, inégalités raciales), altère la santé de celles et ceux qui la subissent.

Selon la Commission d’Ontario, province du Canada, le fait de subir de manière chronique la discrimination raciste augmente les risques de stress, anxiété, de troubles addictologiques, de dépression et de tentatives de suicide (Cottais, 2022). D’autres travaux argumentent dans le même sens (Fernando, 1991 ; Across Boundaries, 1997 ; Surgeon General’s Report, 1999 ; Cummings, 2003). Ils avancent que les individus discriminés en raison de marqueurs ethno-raciaux subissent des niveaux plus élevés d’anxiété et de stress, de détresse émotionnelle et de mésestime (faible estime de soi) ; un degré plus grand de contracter des problèmes d’addictologie, de stress post-traumatique, de dépression et de tentative de suicide. Cette altération de la santé touche également les enfants et les adolescents. En effet, une équipe de chercheurs de l’Université de Californie (T Anderson et al. 2020) ont réalisé une étude auprès de 95 677 enfants victimes de discrimination raciste. Elle conclut qu’« Un lien significatif a été découvert entre l’exposition au racisme et une détérioration de l’état de santé », avec notamment un risque d’anxiété et de dépression environ deux fois supérieurs en comparaison des enfants de la population majoritaire.

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Le concept de traumatisme racial

Depuis une trentaine d’années, le professeur émérite de l’université de Columbia (USA) Robert T. Carter réalise un travail de recherche pionnier pour comprendre les liens entre le racisme et la santé. Le psychologue a développé le concept de « Race based Trauma » (RBT), qui se traduit en français par « stress traumatique basé sur la race », ou « traumatisme racial ». Selon T. Carter, la discrimination raciste peut engendrer des réponses neuropsychologiques et des symptômes similaires au stress post-traumatique. Autrement dit, le « Race based Trauma » est une réaction traumatique générée par un stress, lui-même engendrée par l’expérience des discriminations racistes (Carter et al., 2013). Néanmoins, toutes les personnes ne subissent pas de « traumatisme racial ». En effet, la réponse émotionnelle d’un individu à un facteur de stress dépend principalement de la perception qu’il a de ce facteur. Autrement dit, une expérience peut être vécue comme traumatisante par une personne, ou sans intérêt pour une autre. Il y a donc des prédispositions individuelles qui orientent différentes réponses en fonction d’une même situation.

En 2013, Robert T. Carter et son équipe de recherche réalisent une enquête qualitative pionnière sur le traumatisme racial (Carter et al., 2013 ; Depris, 2020). La synthèse des résultats leur ont permis de dessiner un tableau symptomatique du traumatisme racial, et de révéler des facteurs déclenchants.

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Typologie des expériences discriminantes

L’équipe de T. Carter expose une diversité de facteurs déclenchants : les expositions à la discrimination directe comme l’agression verbale ou l’agression physique en tant que victime principale ou témoin. Ensuite, les auteurs notent la présence des stéréotypes ethno-raciaux dans les manuels scolaires et l’invisibilisation/relativisation des périodes esclavagistes et coloniales. Comme l’exprime la psychologue Maryam Jernigan-Noesi, la connaissance partielle ou totale des mauvais traitements vécus par ses ancêtres peut altérer l’identité des descendants d'immigrés et nourrir le traumatisme racial (Depris, 2020).

Il y a d’autres expériences citées par l’équipe de Robert T. Carter, comme l'angoisse des contrôles au faciès, la peur d’être victime de discrimination dans l’espace public, de se balader dans la rue avec son voile, la peur sexuée (misogynoir), la peur pour ses proches, la peur de devoir toujours se justifier, d’être accusés d’exagérer ou de trop généraliser, en encore l’expérience de la relativisation ou du déni d’autrui face aux situations discriminatoires etc. Toutes ces formes anxiétés peuvent être répertoriés sous le concept de charge raciale qui se définit comme un ensemble de situations et de comportements qui produisent un « fardeau psychologique » pour la personne concernée (Dieses, 2021).

Dans cette typologie de facteurs susceptibles de déclencher un stress traumatique, Robert T. Carter signale que les expériences les plus dangereuses sur le long terme ne sont pas les agressions physiques qui sont plutôt rares, mais toutes les micro-agressions du quotidien car elle provoqueraient une somatisation : « Les humiliations quotidiennes ou les micro-agressions, peuvent produire des dommages ou des blessures lorsqu’elles ont un impact mémorable d'effet durable ou par une exposition cumulative voir chronique aux différents types ou classes de racisme. » (Depris. 2020).

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Tableau symptomatique du traumatisme racial

A partir de ses travaux, le psychologue Robert T. Carter a établi un tableau symptomatique pour quadriller les réactions engendrées par les expériences discriminatoires, y compris la charge raciale. Il constate une pluralité de réponses : chronicité des pleurs ; montée du stress ; crises d’angoisse ; syndrome d’anxiété généralisée ; hypersensibilité émotionnelle ; conduites d'hypervigilance, d’évitement et de contrôle, jusqu’à l’évitement des personnes blanches ; troubles du sommeil (insomnies, cauchemars) ; symptômes dépressifs ; symptômes de stress post-traumatique ; et dans les cas les plus graves, la dissociation traumatique pouvant également provoquer des pertes de mémoires (amnésies traumatiques) (Carter et al., 2013 ; Depris, 2020).

Si ce tableau symptomatique est une ébauche qui doit encore être améliorée, le concept de Race Based Trauma nous permet déjà de révéler certains liens entre domination raciste, santé mentale, et psychothérapie. En effet, si les impacts de la discrimination raciste sur la santé sont certains, il faut d’une part encourager le développement de ces recherches, d’autre part former les cliniciens au traumatisme racial afin que les personnes discriminées puissent avoir un accompagnement adapté si besoin. Autrement dit, le traumatisme racial se révèle être un véritable problème de santé publique que la France ne doit pas dénier.

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4. Classe et race, des effets mesurables ?

Si nous avons observé que le facteur de classe, comme la discrimination raciste, engendrent des impacts négatifs sur la santé, il est parfois difficile de bien discerner les effets de chacune des structures de domination. L’un des angles morts dans certaines études est de mélanger des populations difficilement comparables. Par exemple, lorsqu’on compare une population racisée et une population blanche, il se trouve que la première est principalement, du fait du capitalisme racial, concentrée dans les dernières strates de la classe ouvrière, alors que la deuxième est présente dans toutes les classes sociales, notamment majoritaire dans la classe moyenne, petite-bourgeoise et bourgeoise. Ainsi, lorsqu’on compare une population principalement ouvrière et pauvre (groupe racisé) à une population blanche constituée de la classe populaire, moyenne, petite-bourgeoise et bourgeoise, on masque toutes les différences sociales du groupe « blanc ». Autrement dit, les individus blancs de la classe moyenne, petite-bourgeoise et bourgeoise faussent les statistiques en raison d’un risque moins élevé d’altération de leur santé dû à leur condition matérielle.

Ainsi, si on peut appréhender le facteur « ethno-racial » indépendamment de la classe, il faut neutraliser les effets de ces dernières dans nos méthodologies d’enquête. Pour ce faire, il faudrait comparer les niveaux de santé des groupes racisés et blancs à classe sociale et âge similaires. Ce travail minutieux doit également prendre en compte les inégalités de genre car les femmes ont davantage de risques de présenter une altération de la santé que les hommes, en raison de l’exposition à une double discrimination de classe et de genre (Pascoe & Smart Richman 2009). En définitif, si la discrimination raciste engendre des effets dépréciatifs sur la santé mentale, il y a tout un travail à mener pour mieux distinguer - si c'est possible - les effets cumulatifs de classe, de race, de genre et d'âgisme.

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5. Conclusion

La finalité de cet article était de montrer les effets de la discrimination raciste dans l'accès au soin d'une part, et sur la santé mentale d'autre part. Dans un premier temps, s'il est juste que le facteur socio-économique reste le facteur déterminant en ce qui concerne l'accès et l'altération de la santé, l’analyse de classe n'explique pas tout. Des discriminations racistes traversent le champ de la santé, que ce soit par des stéréotypes ethno-raciaux qui orientent les mauvaises prises en charge, par le manque de considération des différences culturelles, ou encore la sous-représentation des personnes racisées dans les services de soins. Par ailleurs, nous avons vu que la chronicité des expériences de discrimination augmente les risques d’altération de la santé mentale. Le concept de traumatisme racial proposé par T. Carter est donc intéressant pour comprendre les impacts neuropsychologiques du racisme structurel.

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Bibliographie

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Webographie

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