Huit jours plus tard, les bonnes paroles qui se veulent rassurantes sont aussi effrayantes que les menaces, les ordres, les chiffres qui montent d'heure et heure. Il y aura de l'eau au sud, le cynisme veut qu'on pousse toute une humanité vers "le sud" en lui promettant de l'eau, dont on la prive méthodiquement. Mais ce sud lui aussi est attaqué. Les bombes et autres engins de mort tombent sans souci du nord, du centre ou du sud.
A côté du petit téléphone, depuis un mois et demi, il y a quelques livres. Deux d'entre eux évoquent des villes, des régions, des langues aimées, des résistances séculaires.
"Liguries", d'Italo Calvino, d'où surgit le souvenir des "Villes invisibles".
"Les villes du monde", d'Elio Vittorini.
Où situer Gaza, désormais ?
Les huées, les exigences de démission, la pensée de certains de ses associés de débarquer le grand dirigeant dès que possible, le plus opportunément du monde tout en maintenant une pression mortelle sur une population acculée à la mer, pensée qu'on peut estimer très réelle, tout cela signifie l'effondrement. La peur.
La mer, c'était la direction qu'on promettait aux juifs, aux habitants d'un pays dont le gouvernement, aujourd'hui, par un troublant et profond mouvement organisé où la peur est une source complexe de mort, condamne toute une population à se tourner vers cette mer, sans autre issue, sans autre horizon que les camps de réfugiés.
Jaffa. Le sel de la mer. Les citronniers...l'orchestre fondé par Daniel Barenboim.
Julio Mer-Khamis fut assassiné. Plus récemment, Shereen Abu Akleh fut ciblée et tuée. Tant de courage de part et d'autre ; ouvrages collectifs ou non, Ilan Pappé, Tom Segev, Gideon Levi, Yoram Kaniuk, les documentaires d'Avi Mograbi, Michel et Léa Warschawski, Elias Sanbar, Saleh Bakri, Sylvain Cypel. Tant d'autres. Tant de combats pour la paix et la justice, la vérité des faits.
La proportion des enfants tués à Gaza est d'un tiers du nombre de morts qui monte chaque jour. Cette proportion ne varie pas. C'est un acte d'accusation à part entière.
Des blessés de part et d'autre ne survivent pas. Les otages. Les femmes. On apprend le pire. Tout sera documenté. Que se passera-t-il à Rafah ? Et à Gaza, sous les yeux du monde ?
Alors qu'une autre terre, vidée presque complètement de ses habitants et raptée, vient de se voir dotée d'un nouveau drapeau et d'une capitale au nom singulier, tout en haut du Karabakh.