Mon enquête préalable à l’écriture de « Babylift », du nom de l’opération éponyme d’adoption massive d’enfants du Viêtnam en 1975, m’a introduite dans les coulisses de l’adoption internationale et m’a permis de constater ses dérives. Documents falsifiés, âge ou lieu de naissance des enfants modifiés, productions de faux documents, histoires erronées, absences de documents obligatoires… Ces pratiques illicites dont je fais le procès dans mon roman ne représentent pas un cas isolé et ne sont pas de l’histoire ancienne. « Jusqu’au début des années 1990, des centaines d’enfants arrivent chaque année en France de l’étranger sans qu’on soit sûr qu’il y ait eu un consentement libre et éclairé de la mère » affirme l’historien Yves Denéchère, spécialiste de l’adoption internationale, dans une interview qu’il m’a accordée le 6 novembre 2019.
Un silence assourdissant
Les enfants adoptés entre 1970 et 2000 sont aujourd'hui des adultes dont les demandes d’information concernant leurs origines se heurtent au silence assourdissant des institutions. La question des archives est particulièrement sensible en France dès lors qu’il s’agit d’adoption. Celles concernant les adoptés viêtnamiens du « Babylift » ont été détruites par l’association Les Amis des Enfants du Viêtnam à la demande expresse du Quai d’Orsay pour éviter toute revendication par des mères biologiques. Qu’en est-il pour tous les autres ? Récemment, 9 français d’origine malienne ont porté plainte contre l’association « Le Rayon de Soleil » pour avoir fait adopter des enfants qui ne remplissaient pas les conditions pour l’être. Non seulement les plaignants n’ont pas obtenu réparation, mais l’association bénéficie aujourd’hui encore de l’agrément du Quai d’Orsay pour procéder à des adoptions dans six pays (Bulgarie, Chili, Chine, Corée du Sud, Inde et Haïti).
L'exemple vertueux de la Suisse et des Pays-Bas
Tout récemment, après la Suisse qui a fait son mea culpa et présenté des excuses, les Pays-Bas sont allés plus loin à la suite d’une enquête en suspendant les adoptions à l'étranger, le temps de remettre de l’ordre et de mieux contrôler un système qui s’est révélé défaillant. La France pourrait et devrait s’en inspirer en répondant favorablement à la demande formulée par le collectif Reconnaissance des adoptions illégales en France (RAIF) : « Nous, personnes adoptées et parents adoptifs français, demandons au gouvernement et aux parlementaires de diligenter une commission d’enquête afin que les pratiques illicites dans l’adoption internationale depuis les années 1970, soient constatées. » J’apporte donc mon pleinsoutien à la pétition « Assemblée nationale : Pour une commission d'enquête sur les adoptions illégales à l'international depuis 1970 » et vous engage à vous mobiliser également. C’est l’affaire de tous !
Je précise que je ne suis ni adoptée ni adoptante. Je précise aussi qu’il n’est nullement question ici de jeter l’opprobre sur les familles adoptantes qui ont pu, pour certaines d’entres elles, se retrouver piégées par des intermédiaires peu scrupuleux. Si je soutiens que cette enquête en France est nécessaire, c’est par engagement citoyen et parce que j’ai été mise face au déracinement identitaire des adopté.e.s privé.e.s de l’accès à leurs origines, aux souffrances et aux séquelles qui en résultent, en écrivant une fiction sur laquelle la réalité s’est alignée de façon stupéfiante.
Babylift, aux éditions Emmanuelle Collas, en librairie et e-book.