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Billet de blog 28 février 2022

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Le capitalisme a-t-il une histoire ?

Si le capitalisme n’a pas d’histoire, revendiquer une transformation du système est inutile. Bien que les théories économiques exposées par les écoles traditionnelles tendent à nier le phénomène, après un demi-siècle de recherche en matière d’histoire économique, cette position idéologique détruisant toute critique n’est plus soutenable.

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Sans doute, dans toute société des gens ont recherché le profit et ont organisé leur production, mais ce mode n’a pas toujours été dominant. Aucune définition n’est acceptable si elle occulte la finalité du processus de production. Sa spécificité, à travers l’appropriation des biens de production par une classe, l’exploitation d’une autre et recherche de la concurrence, consiste à obtenir la plus-value.

Si les prophéties de MARX ne se sont pas vérifiées au cours du  siècle dernier jusqu’à nos jours, peut-être par un futur encore trop proche du grand philosophe, des applications détournées par des autocrates, sa théorie économique n’en reste pas moins la plus éclairante et se révèle toujours applicable  aux rouages socio-économiques fondamentaux des sociétés capitalistes actuelles (création de la valeur, formation du capital, mode d’accumulation intensive et extensive). 

Le R.P.C., rapport salariat-capital, est né de la formation d’une classe sans moyens de productions.

Les sociologues PASSERON et BOURDIEU datent le capitalisme dans la période où il peut être considéré comme dominant, en 1790 en Angleterre quand 30 % de la population devient salariée et en France dans les années 1830. Au fur et à mesure de son développement, les travailleurs indépendants (commerçants, artisans, industriels non salariés, agriculteurs et professions libérales) sont de plus en plus laminés : le taux de salarisation (40 % en 1900 en France) est en hausse constante.

Comment est née cette classe dessaisie des moyens de production et de tout pouvoir social ?

Gérard MENDEL, dans son ouvrage "Pour une autre société" Editions Payot 1975,   évoque l’alliance préalable de la classe bourgeoise usurière, marchande et financière et de l’Etat monarchique contre les féodaux fonciers. Pour lui, comme pour MARX, il y a préexistence  de la classe capitaliste, déjà constituée sur le plan financier, économique et idéologique, sur le M.P.C. Elle veut s’enrichir pour se protéger de la noblesse campagnarde et dominer le système politique. Pour ce faire, elle va forcer les paysans à se vendre pour survivre et ceux-ci vont se faire concurrence. Ce phénomène va s’élargir et se reproduire jusqu’à devenir dominant avec le développement de l’industrie. 

Or, pour que le capitalisme démarre, il fallait qu’une partie de la population fût libérée de son activité traditionnelle, à savoir l’agriculture, et ce n’est pas un hasard s’il démarra en Angleterre sous l’effet d’un double phénomène : le système des enclosures et l’appropriation « légale » des terres communales par l’aristocratie foncière anglaise. Les historiens en donnent pour raison la très forte rentabilité des terres et de l’élevage à grande échelle qui a poussé les aristocrates à étendre leurs superficies. Il semble  donc que la collusion se soit opérée entre l’aristocratie et l’Etat monarchique. Les petits paysans expulsés ne se sont pas opposés à cette action car ils ne possédaient ni de l’enseignement nécessaire ni des moyens financiers suffisants pour passer quelques semaines à Londres et payer un notaire.

La France d’alors ne disposait pas d’un grand nombre de terrains communaux, la terre était moins rentable et la confiscation des biens du Clergé et de la noblesse n’eut pour effet qu’une concentration du patrimoine foncier.

Le début du capitalisme se caractérise par la division progressive de la population entre salariés et employeurs, classe qui arrivera à obtenir, discipliner et fixer les ouvriers. 

Qui est devenu capitaliste ?

La première étape fut celle du « putting out system » : certains artisans ont petit à petit monopolisé la vente des marchandises de travailleurs à domicile. Puis, les « putter-out » se sont chargés de l’approvisionnement en matières premières. L’artisan à domicile perdît ainsi la maîtrise de son produit et le contrôle de la vente ; mais, vendant son produit et non son travail, il contrôlait encore la manière de produire et le rythme de travail. Par ailleurs, les nobles propriétaires de mines et les marchands (usure et monopole commercial) ont développé l’industrie.

Qui est devenu ouvrier ?

Bien que le phénomène d’expulsion de la classe paysanne vers les premiers métiers du capitalisme naissant ait été important, les « patrons » de l’époque précapitaliste rencontrèrent d’extrêmes difficultés à trouver de la main d’œuvre. Le recrutement s’effectuait parmi les anciens détenus ou soldats et les enfants loués par les orphelinats. Puis, l’expulsion paysanne a jeté progressivement les familles sur les routes. Journaliers agricoles, paysans « sans terre », femmes, enfants, clochards, vagabonds, et artisans pauvres du « putting out » fournirent la main-d’œuvre forcée à vendre sa force de travail à l’industrie.

Dans une seconde étape, les artisans ruinés par le putter-out furent regroupés sous un même toit, celui de la manufacture. L’ouvrier, contrôlé sur le rythme et la durée du travail, conservait un pouvoir sur sa qualification. Mais, la machine, possédant non seulement l’avantage économique de rendre le travail productif, mais surtout pouvant être l’instrument de « régularisation » et d’assujettissement des travailleurs par une forte division du travail, le système de fabrique a ôté tout pouvoir à l’ouvrier  sur sa qualification. Ce fut la dernière étape pour que l’ouvrier perde tout contrôle sur le quoi, comment, combien quand et pour qui produire. Dans une économie désormais dominée par la recherche du profit et de l’accumulation, les conséquences sociales furent une formidable mise au travail de la population, avec une intensité et une régularité inconnues jusqu’alors, sous la tyrannie de l’horloge (« le temps c’est de l’argent », nouvelle mesure et conception du temps). Les solidarités communautaires furent cassées et la population se concentra dans les, villes. Contrariant les penchants naturels de l’homme, la nouvelle morale proposée heurtait l’esprit des ouvriers Pour les « patrons », le problème majeur consistait à discipliner et fixer les ouvriers qui leur opposaient une résistance entêtée.

Les méthodes employées furent nombreuses : répression par violence physique, division technico-hiérarchique du travail, loi Lechapelier de 1791, livret ouvrier...  (voir  à ce sujet "La condition ouvrière au XIXème siècle" NEUVILLE  en 2 tomes). Ces mesures n’étaient applicables qu’à court terme et les ouvriers, déracinés, considéraient le travail à l’usine comme un « occasionnel qui dure ». Aussi, la continuité de l’industrialisation nécessitait-elle le passage de la nouvelle conception bourgeoise à une espèce de fatalité de la condition ouvrière. La politique paternaliste et l’endoctrinement y trouvèrent leur fondement. Les enfants offrant peu de résistance, garantissaient la reproduction de générations d’ouvriers disciplinés.

I - II -1- Le double vol

Dans sa recherche sur l’origine du pouvoir dans les sociétés de type marchand dans l’articulation entre Rapports de Production Capitalistes (R.P.C.) et Rapports Sociaux Capitalistes (R.S.C.), Gérard MENDEL, l’inventeur de la socio-psychanalyse, reprend les conceptions introduites par MARX sur la valeur.

La dépense  de la force de travail de l’homme donne naissance à une chose ; elle a une valeur d’usage. A partir du moment où sa valeur se réalise dans un échange, c’est-à-dire dans un rapport social, cette chose devient marchandise ; elle a une valeur d’échange. Puis la force de travail devient elle-même une marchandise lorsqu’elle est vendue par le travailleur dans le procès de production capitaliste dont la fin est l’enrichissement de la valeur et la création de la plus-value par le travail productif.

La marchandise, produit du travail, est un « porte-valeur » dont la consommation est un rapport social. Toute activité sociale est productrice de pouvoir social. La force de travail transmet du pouvoir social non seulement à la marchandise et à la monnaie (qui n’est autre qu’une marchandise servant d’équivalent général), mais à l’Institution de production économique.

Le Mode de Production Capitaliste, dont l’aspect fondamental est celui d’une production marchande généralisée, transforme l’acte en marchandise, c’est-à-dire à la fois en capital et en pouvoir social. Le salaire n’étant pas le prix du travail mais celui de la reproduction de la force de travail (minimum vital relatif à la société donnée), une partie du travail est nécessairement non payée.

Le M.P.C. impose le dessaisissement de tout pouvoir au producteur. Le travail individuel concret est distancé du travail social abstrait. Le plaisir de l’acte n’existe pas dans le M.P.C. qui ne favorise que la contrainte économique. Toute motivation trouve sa source dans le salaire et le sens du travail lui est extrinsèque.

MENDEL aboutit à la thèse suivante : la force de travail est non seulement créatrice de valeur (économique) mais également de pouvoir social. Le système d’économie capitaliste n’est pas seulement un « vol » économique, à travers la réalisation de la plus-value obtenue sur le surtravail non rémunéré, mais un « vol » de pouvoir provenant de la mutilation du processus de travail réduit à un simple geste sans signification. Au niveau général, il est régulé par des rapports sociaux de type marchand et au niveau local, coordonné par des rapports de pouvoir hiérarchiques.

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