Je fais partie des inconditionnelles de Lola Lafon la romancière, et j’avais trouvé exceptionnel son ouvrage consacré à sa nuit dans l’Annexe du musée Anne Frank à Amsterdam. Je l’ai beaucoup conseillé et offert. Les dernières pages, autobiographiques, de « Quand tu écouteras cette chanson » étaient déchirantes. Ce que les dictateurs font aux enfants, dans tous les pays, à toutes les époques, ne semble cependant pas émouvoir tout le monde, loin s’en faut. Comment supporter le chagrin, atroce, lorsqu’il a marqué notre jeunesse ? Écrire pour ne pas sombrer dans la folie, écrire parce qu’on n’a pas le choix. « Que faire d’autre ? », demande d’ailleurs Lola Lafon lorsqu’on l’interroge à ce sujet.
« Il n’a jamais été trop tard », sorti en début d’année, est une compilation augmentée de ses chroniques parues dans Libération depuis plusieurs années, au service d’une réflexion globale sur notre société, le monde et ceux qui prétendent les diriger. L’autrice observe et commente l’actualité avec son regard de romancière et de féministe, en alerte face à la moindre tentation autoritaire.
Il n’y a ni opportunisme littéraire, ni facilité d’écriture comme chez d’autres commentateurs de l’époque qualifiée de prédatrice : Lafon adopte un point de vue qui questionne, se questionne et nous questionne, qui n’a pas de certitude et ne donne aucune leçon. « Une société se définit et se constitue par les narrations qu’elle privilégie », écrit-elle. Toujours une question de récit(s), pour « cambrioler l’avenir », afin de ne pas se le faire confisquer.
