Lettre ouverte au Ministre de l’Intérieur
Tout d’abord, je me félicite de la lettre d’Edgar Morin, Régis Debray, Rony Braumann et Christiane Hessel, qu’ils viennent, via le journal Le Monde, d’adresser au Président de la République, Monsieur François Hollande. Tout comme de celle d’artistes et intellectuels qui viennent d’en signer une, lettre, dans Médiapart. Car tous veulent vous rappeler, à vous qui êtes actuellement aux commandes de notre pays, les engagements que la France a toujours pris en faveur des droits humains, auxquels, en la circonstance, il ne faudrait pas déroger. Mais si je m’adresse à vous, ce jour, c’est avec un autre souci. Si éloignées que soient en apparence certaines questions, peut-être se rejoignent-elles finalement, comme des questions de corruption, mafia, drogue, terrorisme, guerre, et droits humains, et des méthodes qui, pour parvenir à ses fins, consentent au pire.
En fait, puisque faire vivre notre démocratie, dans toute sa plénitude et sa maturité, « suppose, non seulement le droit de manifester mais aussi celui d’exprimer ses opinions politiques », - je cite - j’aurais aimé commencer cette lettre comme suit - sans que vous le preniez mal, mais pour nous faire sentir à tous la teneur du grave problème qui nous occupe, et nous inquiète, certains citoyens – et qui, me semble-t-il, est central pour le devenir de notre pays, dans les quelques années qui nous séparent des prochaines élections présidentielles de 2017, si nous voulons progresser dans le fonctionnement de notre démocratie bien mal en point. Et redresser la barre.
Monsieur Cazeneuve, bonjour
Elle n’est pas gratinée notre police nationale ! Y’a du ménage à faire, très sérieusement, si on veut vraiment tourner le dos aux années Sarkozy ! Oui, tourner le dos aux années Sarkozy, et à tout ce qu’elles ont permis, autorisé, ou laissé faire de pire en termes d’exactions, de méthodes terrorisantes eu égard à la population, et d’impunité totale dans certains procédés quotidiens. Si, dans l’esprit de certains français, comme dans le mien, il peut régner cette confusion et assimilation entre police et mafia, c’est qu’il doit bien y avoir anguille sous roche. C’est assez grave pour s’y arrêter et y réfléchir. Pourquoi et comment cela est-il devenu possible d’imaginer cela ? Que voulons-nous promouvoir en terme de sécurité des français, et l’assurance de la bonne marche de notre démocratie.
La sécurité irait plutôt dans le sens d’une ligne franche à ne pas dépasser entre, d’un côté, les procédés légaux de répréhension de certains actes délictueux, et de l’autre, l’impunité qui a toujours ressorti des lois et pratiques d’exception, comme dans tous les régimes autoritaires.
Si nous pouvions, non pas accepter, mais « supporter » d’avoir peur au ventre, face à la police nationale, dans les années Sarkozy, le choix clair des français, voulant s’en écarter, doit nous faire tirer toutes les conséquences de ce choix. Et d’abord, nous amener à défaire ces pratiques délétères et redresser les méthodes de cette institution nationale, pour en faire à nouveau la fierté de la France, plutôt que sa déconfiture. Et la nôtre, avec !
Moi, je viens d’apprendre que j’habite à côté de la Police des Polices, à Paris. Ca ma fait un choc ! Je viens de passer dix ans à avoir peur chez moi, dans mon immeuble, et encore plus depuis 2012. Y’a un problème, non ? A cause de trafiquants de drogue qui se sont comportés comme des tueurs, toutes ces années. Ca laisse songeur, n’est-ce pas ? Ca suppose maintenant d’y mettre fin, d’avoir la volonté de penser réellement ce que l’on veut pour le futur de ce pays.
Vu de ma fenêtre, sauf ce jour, la police, ça a été dix ans « de bruit et de fureur », de sirènes nous réveillant de nuit dans notre sommeil- une forme de terreur- mais surtout leur usage pour prévenir les trafiquants du quartier, tous les jours à 16h, par exemple, etc. En somme de véritables méthodes à la Poutine, je veux dire assises sur les rapports de force. Et je vais vous dire : on n’en peut plus ! Ou du moins : on n’en pouvait plus, en 2012. Et avions l’espoir de voir les choses rapidement changer. Quelle déception ! Fallait-il en arriver à ces excès visibles à l’œil nu, et récemment révélés, pour prendre la mesure de la gravité de ce qui se passe à l’intérieur de cette institution ? On a de quoi s’inquiéter !
J’ai de la sympathie, en soi, pour Manuel Valls, oui, depuis que nous nous étions retrouvés, un peu par hasard, je dois le dire, rue de Poitiers, le soir du Congrès de Reims, en 2008, quand certains se demandaient s’il fallait faire un procès au Parti Socialiste (?). Et j’attendais beaucoup de lui, quand, à partir de l’Université d’été de La Rochelle, j’étais venue rendre un nouvel hommage à Ségolène Royale, que je trouvais plus que justifié, vu ce qu’on avait vu !!!
Aujourd’hui, je pense qu’il faut agir, vraiment et autrement. On peut toujours faire des coupes budgétaires (?), mais ne pas faire de coupes significatives dans ses collaborateurs si ce sont des escrocs avérés, constitués en mafia internationale, c’est plus que criminel ! Il faut savoir les choisir, ces collaborateurs, et exclure d’emblée ceux qui resteront attachés à des pratiques d’extrême-droite, qui autorisent et renforcent les mafias. Et ne pas permettre que certains continuent à détruire notre démocratie dans l’œuf. Et tout ce que la Résistance avait su mettre en place, naguère, pour le bien de ce pays.
Il est temps de remettre les pendules à l’heure. Dans la police nationale.
Il nous est impossible de continuer à vivre, nous les citoyens, avec cette sensation d’une guerre civile intérieure, menée par la police contre une partie de la population. En vertu de quoi ? Pour quels objectifs ? Avec quel assentiment ?
Les questions ne manquent pas, et sont loin d’être innocentes. Elles reposent la question centrale du régime politique que l’on se choisit. Les questions du politique et de l’économique ne sont-elles pas, de toujours, liées ? Agir fermement contre les mafias, c’est aussi se donner le droit de changer de cap, financièrement, et imposer un autre modèle économique. Ségolène ne me démentirait pas, elle qui savait parfaitement bien analyser les connexions entre ces différentes sphères de la dialectique politique. Elles sont solidaires. Résister dans un domaine participe de la résistance dans un autre.
Je ne sais pas ce qui m’autorise à vous écrire tout cela, à vous, Monsieur Le Ministre, si ce n’est la nécessité vitale de vous faire savoir à tous nos hommes politiques, vous faire savoir vers où nous devons impérativement aller. Dans une autre direction, complètement nécessaire au redressement de la France. L’espoir chez tous, et chacun, ne vient pas d’une ignorance béate. Ce pays regorge de gens intelligents, « pleins de talents », comme disait déjà Ségolène. Nous avons sous les yeux les quelques grandes idées suffisantes pour changer de cap dans ce pays, avec succès. Pourquoi y renoncer ? Pourquoi ne pas y consentir ? Un mieux plutôt qu’un pire ! Nous sommes nombreux à ne pas comprendre cette façon de se laisser aveugler, de se laisser manipuler par le pire. Redressons le cap !
Comme dit La Boétie, le pouvoir du tyran, il n’existe que si l’on y consent ! Belle métaphore de tout ce à quoi nous pouvons résister, collectivement, non ?
Avec les salutations distinguées d’une simple citoyenne.