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Billet de blog 12 janvier 2022

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Présidentielle

Jean-Luc Mélenchon : «Tous les défis prennent racine dans la question sociale»

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Mélenchon candidat à la présidentielle 2022dossier

Difficultés des classes populaires, logement social, inégalités, nucléaire, pandémie, vaccination… le leader de La France insoumise qui refuse toute participation à la Primaire populaire explique, à trois mois du premier tour, en quoi sa candidature à la présidentielle peut être décisive.

Difficultés des classes populaires, logement social, inégalités, nucléaire, pandémie, vaccination… le leader de La France insoumise qui refuse toute participation à la Primaire populaire explique, à trois mois du premier tour, en quoi sa candidature à la présidentielle peut être décisive.

par Rachid Laïreche et Ramsès Kefi

publié le 11 janvier 2022 à 19h37

En bas, la dame de l’accueil répond au téléphone. Quelqu’un s’offusque à l’autre bout du fil contre la France insoumise, qu’il estime trop molle pour une raison que l’on ignore. Elle le rassure, mais fermement : «On est contre toutes les mesures prises par Emmanuel Macron.»Toutes. A l’étage, Jean-Luc Mélenchon est là, au siège, dans son bureau. Il confirme qu’à 70 ans c’est sa dernière présidentielle : s’il n’est pas élu cette fois, il ne le sera jamais. Il explique que son meilleur souvenir jusque-là est derrière lui, à cinquante centimètres. Une photo de tous les députés de la France insoumise élus à l’Assemblée nationale. Ils sont 17, ce qui lui fait dire qu’il a une base de ministres au cas où.

On l’a croisé 94 jours avant le premier tour, un vendredi, la veille d’un week-end où Christiane Taubira a annoncé son envie de primaire et d’un lundi, où Jean-Luc Mélenchon a réclamé une réforme du système des parrainages. En bas, son directeur de campagne, Manuel Bompard, l’assure en tirant sur une clope : la France insoumise galère à convaincre des maires réticents. Pas de panique pour autant : personne n’ose imaginer une campagne présidentielle sans le député des Bouches-du-Rhône. Le chef des insoumis le martèle à chaque fois qu’une lumière, un micro, une caméra s’allument : «Je serai au second tour.» Une manière de se convaincre, sans doute, en convoquant le passé proche. En janvier 2017, l’ancien socialiste oscillait, comme aujourd’hui, autour des 10 % dans les sondages. Et il a terminé à presque le double, aux portes de la finale. L’histoire peut-elle se répéter ? Il espère profiter de la «pagaille» chez la concurrence voisine.

Christiane Taubira réussira-t-elle son pari de rassembler un bout de la gauche ? Arnaud Montebourg devrait la rejoindre. Anne Hidalgo peut-elle freiner sa glissade ? Yannick Jadot va-t-il enfin décoller ? Jean-Luc Mélenchon, lui, se voit comme le «vote utile à gauche» – le beau rôle, forcément. Et refuse de poser le moindre doigt de pied dans les tractations sans fin qui concernent l’union et la primaire. «Qu’ils me laissent tranquille et qu’ils arrêtent de dire que la victoire est impossible parce qu’ils apportent du désespoir aux électeurs», lâche à l’envi le candidat, pointant les différences avec les écologistes et les socialistes, de l’Europe à la démocratie – les insoumis rêvent toujours d’une VIe République. Cette campagne s’annonce étrange, esclave du Covid dictant ses lois. Elle a pour le moment des allures de labyrinthe géant et circulaire : elle tourne en rond sur elle-même, sans avancer. Jean-Luc Mélenchon cherche à imposer ses thèmes au milieu de la droite et de son extrême qui mènent la danse à un rythme infernal.

Lors de votre annonce de candidature, en novembre 2020, vous avez évoqué un trou de souris pour accéder au deuxième tour. De quelle taille est aujourd’hui ce trou ?

Il s’est élargi… considérablement élargi. Rappelons d’où l’on partait : le second tour était écrit d’avance avec Le Pen et Macron avait gagné. Cela paraît désormais bien moins évident. Alors le déroulement des événements, me semble-t-il, a justifié mon choix de commencer tôt pour rassembler d’abord ma famille politique autour de son programme. Sept millions de gens ont pris le bulletin à mon nom en 2017. Ils ne se sont pas évaporés. Alors depuis un an, l’un de nos objectifs est de les remobiliser autour des sujets essentiels. Pas facile. La scène médiatique est dominée par les thèmes sécuritaires. Imposer d’autres sujets devient un enjeu. Car pour nous, tous les défis, même sanitaires, prennent racine dans la question sociale.

Vous comptez sur les classes populaires pour accéder au second tour. Mais leur vote est loin d’être acquis…

Oui, je sais bien.

Comment comptez-vous vous y prendre, alors que la crise de confiance à l’endroit des politiques s’est encore accrue dans ces classes-là ?

Il faut s’accrocher et parfois, c’est dur. Au porte-à-porte, on l’entend. «C’est qui ? La gauche ? Non merci, on ne vote plus pour François Hollande.» Le refus de la gauche traditionnelle de rompre avec la politique libérale l’a disqualifiée. Elle a tourné le dos au minimum des revendications populaires – être soigné correctement, avoir une éducation de qualité, du boulot. Et beaucoup voient combien l’économie de marché aggrave les difficultés et se nourrit des désastres qu’elle provoque. Quand le changement climatique est irréversible, continuer avec les mêmes méthodes économiques et sociales, c’est aller au désastre. Comment bifurquer à temps ? Le déni aggrave tout. Voyez le nucléaire : un tiers des réacteurs sont en panne. Et quoi ? Macron va forcer la production au charbon ! Pourquoi pas à la bougie ?

Ce propos est-il audible pour une dame dans un quartier populaire qui vit dans l’urgence ? Des rats, du deal, du chômage, de l’insalubrité jusque dans la chambre à coucher…

Avant d’arriver à cette dame, je vous réponds à vous : le court-termisme signe la pensée capitaliste. Sous prétexte d’urgence, on renvoie sans cesse à plus tard les changements globaux. J’insiste : l’économie de marché, c’est le chaos. Donnez-moi le mandat et vous allez voir si je ne suis pas capable de faire construire 200 000 logements publics par an. Sur l’héritage, j’ai proposé de tout taxer au-delà de 12 millions d’euros. Cela concerne 0,01 % de gens. Je le répète solennellement : je ne suis pas intéressé par la confiscation des petites maisons, ni des 

automobiles, ni des frigos des gens. Et avec 12 millions d’héritage, on ne jette personne dans la misère. Par contre, la somme prise paiera l’allocation d’études de tous les jeunes du pays. Ceux qui ont gagné beaucoup d’argent dans la crise sanitaire doivent partager. Comme par le passé, où on a taxé les profiteurs de guerre, il est temps de taxer les profiteurs de crise.

Oui, mais la dame ?

J’y viens. Mon père a habité la cité des 4 000 à La Courneuve. Il y avait un terrain vague en face, avec une boutique sauvage. Le dimanche, on voyait des habitants, comme des colonnes de fourmis, aller sur ce terrain vers une boutique en tôle faire les courses. Le lait, le beurre, les œufs… Pourtant, tout le monde avait de l’espoir. Il y avait du boulot, les immeubles étaient propres, les ascenseurs marchaient. Les gens ne maudissaient pas leur quartier, au contraire. Où est passé cet optimisme ? Il a été enterré par l’abandon et le mépris du peuple par des élites qui se sont gavées sans retenue ni morale sur le dos de la société. Je ne propose pas de réparer le système, mais de le remplacer. Mais je vois bien ce qu’il y a derrière votre question.

Le deal ?

Oui. La prohibition crée le deal, donc on légalise le cannabis, avec un monopole d’Etat. On pourra faire alors campagne contre la consommation. Et parlons de l’action de police, qui oublie cette dame dont vous parlez. Elle doit être réorganisée de la cave au grenier. Dissolution des Brigades de répression des actions violentes motorisées (Brav-M) et de la Brigade anticriminalité (BAC), priorité à la police judiciaire et à l’action de proximité. La police doit se concentrer sur les racines de l’insécurité. Je veux qu’on stoppe la circulation des six millions d’armes clandestines et des tonnes de drogue. Qu’on libère les milliers de personnes prostituées esclavagisées. Je ne me contenterai pas du compte quotidien des délits élucidés d’outrages à agent ou de chasse à la demi-barrette de shit. Ni de combien on a contrôlé d’Arabes et de noirs à la gare du Nord. Je ne supporte pas ces petits jeux de statistiques.

Est-ce que le défaut de la gauche tient aussi dans son discours, trop victimaire ?

La victimisation est un moyen d’abandonner la critique du système capitaliste. La gauche traditionnelle opte pour une logique de réparation, afin de s’épargner la lutte. Mais il y a plus que tout une ligne à tenir. Des millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans ce pays. Plus une société est inégalitaire, moins elle est unie et moins elle peut faire face aux défis collectifs. Pour le moment, l’enfant de riche est tranquille. Il ne fait pas froid dans son appartement, qui ne donne pas, comme celui du pauvre, sur le périphérique. Pourtant, le dérèglement climatique et les zoonoses [des maladies et infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l’homme et vice versa, ndlr] vont frapper l’un et l’autre. La conséquence de la croissance des inégalités, c’est l’incapacité à répondre aux défis collectifs. Alors, des habitants, ici ou là, s’organisent par eux-mêmes pour régler des problèmes du quotidien, sans structure officielle : avec moi président, ils y seront encouragés.

Sur cette notion de collectif, la gauche comptait autrefois sur les usines, les syndicats. Là, qu’est-ce qui lui reste pour mobiliser ?

Je vous arrête : ce n’était pas moins difficile avant, y compris dans les grandes usines. Les influences de la chefferie, du curé, de la bonne société locale étaient très pesantes. Il a fallu convaincre, petit à petit, porte par porte, que le prêche du curé était moins important que la parole du syndicat. Aujourd’hui, la classe des ouvriers et des employés est différente mais reste la plus nombreuse de ce pays : 15 millions de personnes. Elles sont atomisées, certes. Qu’est ce qui les reconstitue comme acteurs de l’histoire ? D’être le peuple. Qu’est-ce que le peuple ? Tous ceux qui ont besoin des réseaux collectifs pour vivre et survivre. C’est la leçon de toutes les révolutions citoyennes dans le monde depuis dix ans, au Liban comme au Mexique.

Qu’en déduisez-vous ?

Une nouvelle théorie de l’action populaire est disponible à la place du logiciel épuisé de la gauche traditionnelle. Le programme «L’avenir en commun» en est la traduction. L’heure du centre gauche est passée. Vous avez entendu les réactions à l’élection chilienne gagnée par nos amis ? On entend (il prend une voix professorale) : «Le Chili renoue avec Salvador Allende». Pourtant, depuis la chute de Pinochet, il y a eu deux présidences du Parti socialiste. La mémoire collective ne le retient pas plus comme un épisode populaire que le passage de François Hollande en France. A cette heure, je suis quelqu’un à qui l’expérience et la curiosité ont permis de capter à temps les impératifs du monde qui naît avec ce siècle. Je suis clivant ? Oui et c’est la règle en démocratie. Je crois avoir aussi des qualités utiles, dont la constance de mes engagements.

L’urgence, c’est aussi le Covid. Si vous êtes élu, il faudra composer avec. Que feriez-vous en premier ?

Expliquer aux gens ce qui se passe vraiment. Les non-vaccinés ne sont pas le souci : désormais, nous sommes dans l’ère de la pandémie permanente. Donc avant tout, il faut en finir avec les sources de contamination que sont les élevages hyper-intensifs – pourvu que le virus de la grippe aviaire ne mute pas. Ensuite, on mettra en place un système pour bloquer la contamination quand il y a une alerte sanitaire. Nous appelons ça «la société du roulement». Roulement des horaires de travail, roulement à l’école. Je plaide pour une stratégie globale : épurateurs d’air partout, FFP2 et tests gratuits pour tous les salariés. Tant pis si ça choquera d’entendre un président français dire qu’il faut apprendre de l’Afrique et des pays qui vivent en état d’épidémie endémique. Il y aura enfin un recrutement large de personnel pour se faire et la bonne paye. Sans oublier le moratoire concernant la fermeture des lits d’hôpitaux, parce que Macron continue à en fermer.

Comment aborderiez-vous la question des non-vaccinés ?

Je refuse le tour de magie de Macron : «Qui est responsable de la maladie ? Les gens.»L’Organisation mondiale de la santé dit qu’il faut convaincre plutôt que contraindre. Lui fait le contraire, comme hier, pour les tests et les masques qu’il dénigrait. A présent, il veut s’attribuer la représentation politique des vaccinés et nous assigner à celle des «antivax». Mais pro-vaccin ou «antivax» ne sont pas une ligne politique. Il veut contraindre le champ politique à une latéralisation absurde – si vous êtes contre sa politique, vous êtes contre la raison et la science. C’est du populisme de droite, méthode Donald Trump. Les enseignants en grève contre la pagaille sanitaire dans les écoles l’ont bien compris. Les responsables, ce ne sont pas les non-vaccinés, mais le pouvoir.

Vous considérez que les «antivax» sont complotistes ?

Non. On peut faire mieux que d’insulter les gens. Sinon que répondent-ils ? Qu’ils ne le sont pas. Et on tourne en rond. D’ailleurs 40 % d’entre eux n’ont pas choisi mais subi de ne pouvoir être vaccinés. Mais la macronie a un but idéologique : faire de toute dénonciation d’un effet de système un délit de complotisme. Donc, il n’y aurait pas d’effet de classes ni de système néolibéral et ce serait du complotisme de le dénoncer. Le bâillon. S’emporter ne sert à rien. Quelqu’un vous raconte que la société est infiltrée par les aliens ? D’accord. «Ah oui ? Vous les avez vus ? On peut les voir aussi ?» Je suis d’accord pour qu’on en discute. Les gens qui ne veulent pas se faire vacciner ne sont pas tous des idéologues de la lutte contre le vaccin.

Pourquoi n’appelez-vous pas clairement les Français à se faire vacciner ?

Ce n’est pas mon rôle. Moi-même je me suis fait vacciner trois fois. Je l’ai dit à la tribune de l’Assemblée nationale. Je milite depuis le début pour la licence libre du vaccin. Qu’est-ce que vous voulez de plus ? Je sais ce que vous voulez de plus [il se fâche]. Que je dise : «Oui, Macron a raison ! La vaccination suffit à tout».

Ce n’est pas ce que l’on dit. Simplement, vous parlez de convaincre. Quelle est la solution ?

C’est du boulot. On commence par regarder où sont les gens qui ne sont pas vaccinés. Et qu’est-ce qu’on découvre ? Ah ! Il y en a un bon nombre qui ne le sont pas, parce qu’ils ne peuvent pas pour plein de raisons. On se souvient alors qu’il existe des déserts médicaux. Pour moi, il est temps de respecter les gens plutôt que de les insulter. Prenons un exemple : tous les gens qui ont été contaminés au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe – c’est-à-dire 90 % de la population. Il est urgent de discuter et d’écouter. Leur méfiance a une base, non ? On a exigé des gestes barrières là-bas ? Mais il n’y avait plus l’eau courante. Les gouvernements avaient assuré que le chlordécone n’était pas dangereux pour eux ? On connaît le résultat. «Et maintenant, on devrait vous croire ?» : voilà ce qu’ils répondent aux donneurs de leçons.

Quelle est donc votre conclusion ?

Qu’on ne gouverne pas les gens comme on administre des choses. Aujourd’hui, une caserne est plus libre que la société du contrôle généralisé et de la punition collective à la Macron. Il faut gouverner à partir des besoins et non à partir du marché. Plus on a une ambition technique, scientifique, culturelle, plus il faut du monde et du travail pour y arriver. Quand je vais dans une école d’ingénieurs, je leur dis de se remonter les manches, parce qu’il faudra remplacer 56 réacteurs nucléaires par d’autres outils. Eux seront payés pour savoir quoi faire et leurs études ont coûté à la société. Alors ils vont le faire. Personne ne m’a dit : «Monsieur Mélenchon, de quel droit vous parlez comme ça ?» Vous savez pourquoi ? Parce que notre peuple aime les grands défis.

On parle un peu de l’union de la gauche, Christiane Taubira espère rassembler grâce à la primaire…

[Il coupe]. Qu’on me laisse tranquille, avec cette primaire ! Vous voulez qu’on mette nos idées à la poubelle pour s’unir ? Au profit de qui ? Quel est leur programme ? Demandez aux autres candidats d’entrer dans le détail des idées. Interrogez-les précisément : sur les retraites par exemple ? Allez-y ! A points ou par répartition ? Pas sûr qu’ils sachent tous répondre. Et on fait quoi pour la démographie ? On continue d’écouter ceux qui nous disent que les immigrés vont nous remplacer ? Mais ils vont remplacer qui ? Nous sommes en déclin démographique, on en parle quand ? Et le salaire maximum ? Et l’espace ? Sur tous les sujets, il faudrait se taire pour s’unir. La confusion de l’union bloquerait la mobilisation. Mais si je suis au second tour, je m’engage à ouvrir la discussion pour gouverner avec ceux qui le veulent. Car on saura enfin pourquoi faire.

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