Discours de Mme Ségolène RoyalMinistre de l’Écologie, du Développement durable et de l’ÉnergieParis, le 18 novembre 2014Intervention au Musée de l’Homme« 1 an avant la réouverture du Musée de l’Homme », visite du chantierMonsieur le Président du Muséum national d’histoire naturelle,cher Gilles Bœuf,Madame la Secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la recherche, chère Geneviève Fioraso,Mesdames, Messieurs,Les plus belles renaissances ne font pas table rase du passé. Elles en assument l’héritage pour mieux se réinventer.Elles ne coupent pas les ponts mais jettent d’autres passerelles pour réinterroger ce qui fut et questionner ce qui vient.Ainsi en va-t-il du nouveau Musée de l’Homme dont la modernité réflexive conjugue l’attachement à une très noble histoireet l’émancipation qui siedà un musée-laboratoire du 21ème siècle.Sa rénovation met en valeurle legs architectural du Palais de Chaillot,témoignage remarquable d’un certain art de bâtirpropre aux années 30.Elle y inscrit avec une grande liberté créativedes aménagements et des agencements bien d’aujourd’hui,avec le puits de lumière zénithale de sa grande verrièreet l’organisation, à partir du vaste atrium,cœur battant du musée,de la mise en relation des espaces dévolusà ses différentes fonctions de conservation, de recherche, d’enseignement, de formation et d’accueil du public,ou plutôt des publics.Seul le prononcé fait foiCe que le Muséum national d’histoire naturelledoit à la Convention de 1793,le Musée de l’Homme, qui lui est solidairement lié,le doit au Front Populairequi décida d’établir l’ancien musée d’ethnographie du Trocadéro dans le nouveau Palais de Chailloten lui assignant, comme le voulait Paul Rivet, son fondateur, une double mission d’excellence scientifiqueet de diffusion démocratique des connaissances.L’actuelle métamorphose du Musée de l’Hommen’est pas une infidélité à l’ambition des originesmais son actualisationdans le temps et avec les outils qui sont aujourd’hui les nôtres. L’extrême richesse de ses collections,le haut niveau de ses chercheurset les technologies de pointe mises au servicedu savoir et de son partage :tout concourt pour que le beau muséequi ouvrira toutes grandes ses portes dans un an jour pour jour soit un établissement phare de la recherche françaiseet une référence mondiale.Mais il y a plus :dans cet établissement qui ne ressemble à aucun autrevont se croiser les regards et les apportsde différentes disciplinesqui n’en tiennent pas pour quelque solitude altièreà l’abri de leurs frontièresmais sont appelées à coopérer, à dialoguer et à se compléter pour éclairer ces sujets éminemment transversaux :quels sont l’origine et le devenir de l’espèce humaine ?Qu’en est-il de notre singularité mais aussi de notre inscription dans la chaîne du vivant et la trame de ses écosystèmes ?De l’évolution de la lignée humaine depuis la Préhistoire,de l’accélération de l’empreinte anthropiquesur l’environnement,d’un futur désormais indissociable de l’état de la planète ?Les enjeux écologiques sont ici centrauxet l’environnement à entendre au sens que lui donne l’anthropologue Philippe Descola :non ce qui serait simplement autour de nous,en quelque sorte extérieur à nous,mais ce qui relie et constitue les êtres humainscomme expression multiple d’un ensemble qui les dépasse, les englobe et interagit avec eux.Seul le prononcé fait foiLes chercheurs nous l’ont appris, mais aussi l’expérience : la nature n’est pas le réservoir inertede ressources inépuisablesque nous pourrions exploiter toujours pluset la biosphère, dont nous sommes partie intégrante, est en réalité un tissu de relationset un ensemble d’écosystèmes interdépendantsdont on ne bouleverse pas impunémentles équilibres fondamentaux.Pour penser ensemble la biodiversité et la diversité culturelle, l’histoire au long cours de l’humanitéet les enjeux d’un avenir qu’il nous faut anticiperquoiqu’il ne soit jamais tracé d’avance,il faut bien que les sciences de la vie,les sciences de la terre et les sciences humaines soient toutes de la partie.L’originalité du Musée de l’Homme est de revendiquer et de mettre en pratique ce décloisonnement.Vous en êtes, cher Gilles Bœuf, un ardent défenseur, vous qui pourfendez avec entrain le scientismeet la stérilité de ce que vous appelezsa « production en silos »,vous qui plaidez pour que travaillent ensemble« les climatologues et les philosophes, les biologistes et les sociologues,les économistes et les écologues,les chimistes et les anthropologues ».Le Musée de l’Homme conjugue en un seul et même lieula recherche fondamentale la plus pointueet la diffusion la plus large des connaissancesqui en sont issues.Il ne s’agit pas là d’activités juxtaposéesmais d’une alliance voulue entre savants et citoyens,d’une pratique de la science qui,sans en rabattre sur ses exigences,ne destine pas le fruit de ses travauxau seul milieu académiquemais s’attache à démocratiser la culture scientifiquepour nourrir la réflexion de chacun et le débat public.Je me réjouis que dans tout juste un an, le Musée de l’Homme dispose des moyens les plus modernes nécessairesà l’accomplissement de cette belle tâche d’intérêt général.Seul le prononcé fait foiLa France peut être fière de ses chercheurset du rayonnement internationalde ses pôles d’excellence scientifiques.Je mesure, dans le domaine dont j’ai la charge,combien nous avons besoin de l’éclairage de la recherche, fondamentale et appliquée car il est vain de les opposer : notre capacité à comprendre le monde et à innover,je le vois bien dans les filières d’avenir de la croissance verte, a besoin de l’une et de l’autre,et je me refuse, pour ma part, à les opposer.Vous nous avez, cher Gilles Bœuf,posé il y a quelque temps cette vaste question :« l’homme peut-il s’adapter à lui-même ? ».L’humanité peut-elle, autrement dit, tirer les leçonsdes conséquences manifestes de ses actespour réorienter ses manières de penser et de faire,pour changer son modèle actuel de développementet de société ?Cette interrogation de fond m’apparaît comme le fil rouge qui relie les différentes activités du Musée de l’Hommeet de son Centre de recherche sur l’évolution humaine.A vous, Mesdames et Messieurs les chercheurs,d’en éclairer toutes les dimensions et de nous tenir en alerte. Et à nous, qui sommes en charge de l’action publique,d’être à votre écoute, comme j’ai toujours plaisir à le faire,et d’agir sans tarder, ici et maintenant.Cette année est celle au cours de laquellele Musée de l’Homme va achever sa mue.C’est aussi, pour la protection de notre environnement et l’engagement de notre pays dans la croissance verte, une année scandée de choix majeurset d’importants rendez-vous :- le vote par l’Assemblée nationale, il y a un mois, de la loi sur la transition énergétique ;- la conférence environnementale de fin novembre ;- l’examen par le Parlement, au printemps prochain, du projet de loi sur labiodiversité ;- et la tenue à Paris, en décembre 2015, du Sommet mondial sur le climat dont je n’aipas besoin de souligner ici les enjeux pour le destin climatique de la planète et pour la réussite duquel tout doit être fait, à commencer par cette obligation d’exemplarité chez elle qui incombe à la France, pays hôte de cette conférence décisive.Seul le prononcé fait foiLe Musée de l’Homme ouvrira ses portes peu avant et je ne peux m’empêcher de voirdans cette concomitance involontaireune heureuse convergence,qui symbolise la contribution de la rechercheà la mobilisation générale pour le climat.Quelque chose aussi comme une constante historiquequi lie chaque étape de la vie du Muséeà un évènement de dimension internationale organisé à Paris : son ancêtre, le Musée du Trocadéro,fondé quasi dans la foulée de l’exposition universelle de 1878 et emménageant dans le Palais construit à cette occasion ;le Musée de l’Homme proprement dit lancéet le Palais de Chaillot construità l’époque de l’exposition universelle de 1937.Et maintenant sa renaissance anticipant de peu la COP 21 dont la communauté scientifiquesera activement partie prenante.Mesdames et Messieurs,le Musée de l’Homme qui s’apprête à se déployer dans le bel édifice symbole de sa nouvelle identité, fait plus que nous raconterl’histoire de l’évolution de l’humanité :il est, lui-même, une part de l’histoire de France.Bravo à celles et ceux qui œuvrentpour que son écrin soit à la hauteur de ses missions.Je vous remercie.Seul le prononcé fait foi
Billet de blog 21 novembre 2014
Musée de l'Homme. discours de Ségolène Royale
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