Marie Christine GIUST

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Billet de blog 25 août 2015

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Pour une autre politique de la Santé Mentale en France

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Invitation du Collectif des 39 au Sénat, à Paris, le 9 septembre 2015. "Pas d’hospitalité en psychiatrie sans l’accueil de la folie!", François Tosquelles.

En cette date anniversaire de la disparition de Jacques Lacan, un certain 9 septembre 1981, un certain nombre de psychiatres et d’intervenants dans le champ psychiatrique, associés à différentes écoles et associations de psychanalyse, vous invite à une après-­‐ midi de débats, organisée au Sénat, le 9 septembre 2015, de 13h30 à 18h30.

Débat centré autour de l’importance et de l’urgence à repenser l’organisation et la finalité des institutions sanitaires publiques, en France, en s’attaquant à un vrai travail de refonte, pour assurer l’avenir de véritables soins de santé, dans le secteur de la psychiatrie française, qui connut naguère son plus grand développement humain et humaniste, du temps où la psychanalyse, derrière la figure et l’enseignement novateur de Jacques Lacan, lui était largement associée.

En effet la combinaison de ses deux disciplines, largement complémentaires dans les lieux de soins, leur assurait la seule posture éthique possible, dans le soin mental. Grâce à ce retour à Freud, et à ses découvertes fondamentales établies dans son livre fondateur Die Traumdeutung, L’Interprétation des Rêves, cette posture était fondée sur la place centrale donnée à l’inconscient, au langage et à l‘écoute de la parole des patients, dans le droit fil des hystériques héritées de l’époque de Charcot, que Freud accepta d’écouter, y entendant opportunément leur désir de reprendre la parole, et d’être écoutées au lieu d’être parlées par d’autres. S’ouvrait alors un champ nouveau, celui de l’approche et du traitement possible de la psychose.

C’est sur ce scandale que se fonda, en son temps, la pratique psychanalytique, et sa possible action thérapeutique en institution, sans contrainte morale d’aucune sorte, pas même psychologique, et au-­‐delà du seul recours à une prise en charge exclusivement pharmaceutique, qui, elle, ne vise que le corps biologique. L’approche psychanalytique s’oriente, au contraire, d’une conception d’un corps de parole, que caractérise la prise en compte de la dimension psychique et langagière des êtres humains. Pratique de cure et de soin, qui ne se fixe aucun délai a priori, ni n’établit aucune forme de pression, qu’elle soit sociale, familiale, professionnelle, temporelle ou matérielle. Et déjà, en cela, résiste à l’air du temps !

Pour maintenir tout le tranchant de cette subversion inaugurale, offerte par la psychanalyse et qui a longtemps fécondé la psychiatrie française, permettant l’émergence de sujets parlants, responsables socialement, il conviendrait maintenant d’en revenir à sa lettre, combinée à cette posture d’accueil, d’hospitalité, et de respect de la personne et de sa dignité, qui avait fondée une psychiatrie nouvelle, face à des méthodes et des pratiques, actuellement en vigueur, qui en ont largement détournées la lettre originelle. Donc l’éthique.

En effet, on voit des lieux, autrefois susceptibles de « soigner par la parole », dans la grande tradition psychiatrique, user de pratiques trop souvent orientées par la seule rentabilité financière, et ceci, au moyen de méthodes répressives et autoritaires, proprement innommables, qui rappellent davantage des manipulations d’une autre époque, de triste mémoire...

Il y a donc urgence à revoir un modèle français qui faisait l’excellence de ce pays dans le monde entier, et qui en a globalement perdu, de nos jours, l’esprit et la lettre, ceux de son ex-­‐réputation internationale. Perdant du même coup son âme, psyché, pour celles et ceux qui, ayant choisi d’y inscrire leur activité professionnelle, comme soignants, souhaitent y maintenir, avec beaucoup de difficultés d’ailleurs, une excellence de soins.

Seuls un regard attentif et un souci éthique, portés sur ces activités si fragiles et instables, de par le propre processus de transfert qui les constitue, permettrait d’amorcer une réflexion générale pour trouver les bonnes solutions susceptibles de relancer un secteur en voie d’extinction, de contrevenir à la grande fébrilité actuelle, et l’ignorance profonde des principes qui régissent la psyché humaine.

Face à l’effondrement du symbolique et au Réel du XXIe siècle commençant, dont la communauté analytique, soucieuse d’accompagner les transformations sociales de son temps, fit récemment le thème d’un Congrès international de l’AMP, Association Mondiale de Psychanalyse, il nous paraît à tous urgent que l’État français s’empare de ce dossier d’une importance capitale pour le devenir de la santé dite mentale de notre pays, et reprenne une réflexion globale et approfondie sur toutes ces questions afférentes au champ sanitaire institutionnel, pour continuer, au-­‐delà de la seule France, à inspirer également l’éthique de l’Europe et du monde, comme elle sut naguère le faire.

Éthique psychanalytique portée à son plus haut niveau d’exigence, et qui constitue, dans la multiplicité de ses approches, le dernier rempart face aux dérives autoritaires et à la barbarie montante.

Nous sollicitons votre bienveillance.

Pour Le Collectif des 39,

Marie Christine Giust

Paris, le 24 août 2015 

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