....incroyable de la part d'un félidé, de cette proximité phylogénétique avec l'espèce humaine, puisqu'elle nous l'a donc apporté pour soins et adoption...
Oublions quelques minutes l'état islamique, Ebola le déficit budgétaire de la France, mais aussi nos soucis familiaux et professionnels pour regarder tout près de nous dans notre cercle le plus proche, ceux qui partagent notre vie à mille lieux des catastrophes nationales et des guerres internationales.
Je veux parler des petits animaux dits domestiques qui font preuve de comportements qui interrogent sur les missions incroyables dont ils semblent nous investir. Cela nous interroge également sur leur niveau de conscience réflexive face à la mort, c'est somme toute d'une très grande importance pour notre propre existence et les étapes de notre développement psychosocial.
L'éthologie, ça nous connait, nous les psychologues : son étude est largement dispensée au cours de notre formation. Depuis les théories de l'attachement étudiées chez les bébés singes de Harlow ainsi que le langage des signes, mais, aussi la communication hiérarchique et l'organisation sociale des oiseaux ou des abeilles, tout ce qui pouvait nous permettre de mieux comprendre les comportements humains a fait partie de notre formation. L'université de Lille III partageait son enseignement avec celle de médecine et des sciences, et nous avons été initiés aux rigoureux protocoles expérimentaux nécessitant la neutralisation des variables parasites. Depuis l'observation de rats naïfs et assoiffés qui devaient mémoriser le parcours d'un labyrinthe quand ce n'était pas celle des poissons rouges qui nous apprenaient le réflexe pavolvien pour échapper aux chocs électriques avec l'apparition d'un clignotant plus ou moins aléatoire.
Laisser boire le rat par compassion, ou diminuer l'intensité du choc n'avançait à rien car, on n'obtenait pas le nombre de passages permettant d'élaborer la courbe statistique et la note qui en découlait... je l'ai subi à mes dépens. Le manque de moyens actuels permet heureusement de ne plus soumettre ces animaux et les étudiants à ces manipulations aussi cruelles qu'inutiles.
Bizarrement, le chat - grande vedette sur internet, jadis adulé et détesté selon les siècles et les pays - n'apparait pas dans nos manuels d'éthologie. Pourtant, l'on sait qu'il s'agit de l'animal le plus adaptable de la « création ». Il partage avec intérêt le besoin de câlins des humains qui l'adoptent avec plaisir et il profite en même temps de toute les capacités d'autonomie de son maintien dans la vie sauvage.
Pourtant je ne connais pas d'études qui puissent m'apporter de réponse à un incroyable comportement que j'ai pu observer par deux fois chez une des chattes de la longue lignée des légitimes et dernièrement d'une squatteuse plus jeune qui a fait comme d'habitude déguerpir la plus ancienne.
C'est ainsi qu'au printemps de cette année, une petite chatte aux yeux très bleus s'est installée dans notre jardin et le local dénommé la cabane des chats, car c'est là qu'elles mettent bas leurs petits. Elle a été baptisée Mi-oui. La chatte de la maison s'est alors éclipsée et elle vient désormais nous rendre visite de loin en loin.
Une première portée de Mi-oui au début de l'été a disparu corps et biens, comme souvent quand les mères sont très jeunes. Et le mois dernier, juste avant la rentrée scolaire, deux petits chatons sont nés, un noir et blanc et un petit roux, se partageant ainsi les couleurs de leur mère.
Mais le lendemain tout le monde avait disparu...
Quinze jours plus tard, un dimanche après midi ensoleillé, alors que nous avions des invités qui devisaient sur la terrasse, quelle ne fut pas notre surprise de voir apparaître Mi-oui le chaton noir et blanc pendouillant de sa petite gueule, chaton qu'elle est venue nous déposer à nos pieds et elle s'en est allée. Le chaton est resté là à chercher maladroitement sa mère poussant des cris de désespoir... nous l'avons alors réinstallé dans la cabane des chats mais Mi-oui l'a ignoré. Nous avons alors découvert l'autre chaton dans un taillis du jardin. Elle s'y était réfugiée tout naturellement pour le nourrir. Elle pouvait donc encore le faire. Nous avons alors réuni la fratrie...
Durant les 15 jours suivants les, deux petits se sont précipités quand ils nous entendaient arriver avec du lait, car les mamelles de la mère semblaient s'être progressivement asséchées. Mais le noir et blanc restait maladroit et incapable d'aspirer le lait, même avec un biberon... alors que son frère gagnait en vigueur et en agilité.... et ce soir, nous l'avons trouvé inanimé, il avait tout juste 1 mois.
Les questions qui se posent sont les suivantes : comment sa mère a-t-elle su, au bout de 15 jours, que son bébé n'était pas viable ? Plus important encore : comment a-t-elle pu imaginer que nous pourrions-nous en occuper ?
Je pose ces questions en connaissance de cause, car j'ai déjà pu observer ce comportement maternel quelques années auparavant. Nous avions recueilli le chaton rapporté par sa mère... reporté et rapporté de nouveau par elle.... Nous l'avons nourri au biberon, mais il a vite présenté des troubles schizophréniques et a disparu dans la nature à l'âge de 6 mois.
Comment donc une chatte peut-elle avoir l'intuition de la maladie de son rejeton et surtout comment peut-elle avoir la capacité de le confier aux humains pour soins et adoption...ce qui ne serait pas étonnant de la part d'un primate au demeurant. Pour les chats, ça l'est grandement, nous serions donc des parents de substitution pour leur progéniture, comme nous le sommes déjà pour les chiens mais dans leur vie adulte.
Je reste perplexe face à ce comportement, car s'agit d'un acte déterminé et intentionnel qui interroge également sur le niveau de conscience réflexive de cet animal, pour qui l'évocation de l'instinct comme seul moteur d'action est loin d'être satisfaisant.
Qui peut tenter une explication ?