Un rapide portrait croisé de ces deux héroïnes des temps modernes sera juste factuel, en lien avec leur impact tant au plan individuel que sociétal après le traumatisme commun d'un enlèvement dans le contexte de l'exercice de leur métier.
Ainsi Maryse Burgot est plus que jamais dans l'actualité – en dehors des journaux télévisés d’une chaîne publique – avec la sortie de son ouvrage « Loin de chez moi » dont le titre évoque une certaine fragilité revendiquée. Le succès de son livre la rend très émouvante dans l'authenticité de sa joie d'enfant étonnée. Elle se dit « chanceuse » dans un élan de gratitude à l’égard de l'enthousiasme de ses lecteurs qu'elle remercie la main sur le cœur, les yeux fermés...

Elle évoque aussi lors de ses interviews, le syndrome de l’imposteur qu’elle – fille de paysan – a vécu tout au long de sa brillante carrière.
Or il nous faut reconnaître que chacune de ses apparitions télévisées capte immédiatement l’attention et l’intérêt pour le sujet traité. Qu’elle soit filmée devant des ruines et dans le bruit des bombes sur un atroce lieu de guerre, réellement en danger vital, ou en face de la Maison Blanche, rien ne change, elle reste douce et pertinente. Elle sait toujours apporter une touche d’originalité réconfortante dans ses descriptions du génie des fonctionnements humains, que ce soit dans la destruction comme dans la création. La prosodie de la voix qu’elle nous livre telle une conteuse, constitue pour le téléspectateur une sorte de média transitionnel vraiment rassurant.
Ce qui est remarquable également, c’est qu’elle n’a jamais tiré gloire de son enlèvement et de sa détention en tant qu’otage aux Philippines, loin s’en faut. Elle évoque actuellement un vécu d’humiliation et elle s’est retirée des antennes après sa libération pour œuvrer à sa reconstruction et revenir ensuite avec des missions renouvelées dans lesquelles elle a également brillé.
Ce commentaire est sans doute un peu trop dithyrambique et il pourrait heurter sa modestie. C’est en réalité parce qu’il existait latent depuis très longtemps et il se manifeste à l’occasion de son actualité, en conformité avec ce qui était déjà pré-inscrit, pré-médité dans les esprits.
A l’opposé, sa consœur, un autre grand reporter, on peut s’y attendre, ne bénéficiera pas des mêmes éloges pour sa prise en otage, certes plus longue mais là, sans cesse rappelée comme faisant partie de son identité. Ce que l’on peut y voir dans le constat qui va suivre est une sorte de négatif de la photo précédemment décrite. Florence Aubenas n’est pas une conteuse mais une raconteuse... Dès la sortie de son livre « La Méprise » un Président d’assises s’est révolté et a écrit au nom de tous les intervenants judiciaires, des enfants victimes et des jurés1 de l’affaire d’Outreau traités comme des marionnettes ridicules. C’est dans un article cinglant qu’il dénonce « Les mensonges de Florences Aubenas dans La Méprise2 » sur « Village de la Justice », le site le plus prestigieux du monde judiciaire et le plus lu.
Mais revenons en arrière : après son enlèvement, les médias se sont mobilisés voire déchaînés sans mesure pour en faire une véritable icône. La demande de libération de notre otage nationale a été affichée partout, son portrait grand format s’est retrouvé sur les bâtiments officiels et ses confrères de la télévision et de la presse écrite en ont fait la mission de tous, au nom de la légitime liberté de la presse. Même la « boulangère d’Outreau » a enregistré une vidéo pour demander sa libération.Téléréalité oblige!
Accueillie à son retour comme une héroïne – forcément – elle a accepté toutes les télévisions et les interview laudatives, répondu à toutes les invitations pour évoquer ce qu’elle avait vécu en détention. Elle a fait la couverture de tous les journaux et sa capture, sans cesse rappelée, a fait d’elle une référence, une « sachante » de la science infuse dans de nombreux domaines. Elle a accepté décorations et récompenses jusqu’à celle d’un certain Dominique Dupilet. Il était à l’époque, en tant que Président du Conseil Général du Pas de Calais, le tuteur légal des enfants d’Outreau, qu’elle a ridiculisés dans son livre par manque de connaissance : ce qu’ils racontaient était « risible » avait- elle prétendu et écrit. Il s’avère qu’elle n’avait jamais effectué de reportage au sein des brigades d’OPJ qui travaillent sur les images pédopornographiques pour savoir que les scènes qu’ils révélaient existaient bien dans cet univers noir de la pédocriminalité… Elle a donc accepté une récompense que cet homme politique avait créé juste pour elle et pour honorer son nouveau livre. Elle l’a acceptée des mains de celui qui avait refusé de divulguer officiellement – malgré mon insistance – la vérité judiciaire des 15 enfants reconnus victimes de viols, agressions sexuelles, corruption de mineurs et proxénétisme au terme de l’odieux procès de Saint Omer.
La folie médiatique s’était alors emparée de l’affaire et les enfants comme les professionnels étaient devenus les coupables de substitution comme j’ai pu le démontrer dans « Outreau la vérité abusée3 » mais aussi Serge Garde dans le documentaire « Outreau, l’autre vérité 4» et Jacques Cuvillier et Jacques Délivré dans « Outreau, angle morts 5».Sans oublier les deux ouvrages de l'ancien rédacteur en chef Jacques Thomet: "Retour à Outreau" et "la Pédocratie à la française". Et également ceux de deux victimes "Je suis debout" de Chérif Delay et "Au delà de l'irréparable" de Jonathan Delay.
Florence Aubenas avait décidé d’écrire sur l’affaire d’Outreau après sa libération et revendiqué l’influence de son ouvrage « La Méprise » sur l’issue du procès en appel pour disculper les condamnés en première instance, en dehors de ceux qui reconnaissaient les faits. Elle a par ailleurs œuvré activement à ce que le couple Lavier récupère leurs enfants après l’acquittement général et loué leur aptitude parentale dans la réactualisation de son livre. Or dès 2013 le couple était condamné pour maltraitances graves sur leurs enfants qui avaient fugué pour échapper aux sévices qu’ils subissaient de la part des deux parents6. Puis en 2016 Franck Lavier était mis en examen pour viols sur mineur pas ascendant par 3 juges d’instruction7 de Boulogne sur mer (condamné à du sursis 7 ans plus tard, en 2023 pour agressions sexuelles !).
Cet ouvrage « La Méprise » défie la loi, à la date où il a été publié, tout comme l’accès au dossier d’instruction comme cela lui a été sévèrement reproché par le député Georges Fenech, ex juge d’Instruction, lors de la Commission d’enquête Parlementaire. Toutes les actions répréhensibles au regard de la loi mais aussi tous les mensonges de Florence Aubenas sur cette affaire ont été répertoriés tout récemment par un documentariste qui a analysé d’une manière rigoureuse « La Méprise » dans « Retour sur La Méprise » à la lueur des 30.000 pages du dossier d’instruction. Il a repéré, c’est vérifiable, un mensonge par page !
Le travail de cette journaliste est d’autant plus regrettable que l’on sait combien l’affaire d’Outreau a fait régresser la prise en compte de la parole des enfants victimes. Et elle y est pour beaucoup car en vertu de la circulation circulaire de l’information (Bourdieu) nombre de journalistes ont utilisé son ouvrage comme référence de la réalité judiciaire, au prétexte et qu’elle était présente lors des deux procès d’Outreau. Or n’étant pas chroniqueuse judiciaire elle n’avait pas l’expérience du fonctionnement d’un procès d’assises. Elle n’avait pas non plus la moindre connaissance de la victimologie infantile et des travaux des professionnels et encore moins du profil des pédocriminels. Elle n’avait aucune connaissance des stratégies de destruction des avocats de rupture et les a interprétés comme des vérités et non comme des lignes de défense.
Mais elle nous avait prévenus puisque dans son ouvrage « La Fabrication de l’information8 », telle une marionnettiste de l’humain, elle estimait déjà que « Le réel n’est plus que cette chose fatigante et capricieuse qui semble s’évertuer à vouloir faire capoter l’histoire que l’on a écrite pour lui ».
Le problème sociétal est ici très grave puisqu’il ne s’agit pas de caprices d’enfants carencés mais de viols et de pédocriminalité. On avait pourtant bien avancé au plan des violences faites aux enfants et brutalement en 2004 la protection de l’Enfance s’est enfoncée dans les ténèbres de la régression des progrès sociétaux.
On a donc d'un côté une journaliste d’une qualité exemplaire, tant au plan humain et professionnel qu’au plan éthique, qui évoque le syndrome de l’imposteur. Maryse Burgot pense avoir usurpé sa notoriété alors qu’elle est la plus méritante et la plus reconnue dans son milieu professionnel et au regard des téléspectateurs et aujourd’hui de ses lecteurs.
Face à elle pour notre étude, une autre journaliste qui a vécu le même événement traumatique en tant qu’otage et dont le destin s’est avéré du moins en partie, relever du syndrome de l’imposture alors qu’elle est devenue une icône malgré tout ce qui peut lui être reproché.
Force est de constater que Florence Aubenas était en bonne compagnie, en termes de syndrome de l’imposture puisque dans cette affaire d’Outreau deux Avocats généraux ont asséné aux enfants victimes en grande souffrance, l’invraisemblance de leur diagnostic sauvage. Pour l’un, "les enfants étaient fous" et les experts ne l’ont pas vu ( procès de St Omer) pour l’autre, ils avaient des "faux souvenirs" (procès de Rennes).
Est-il nécessaire de rappeler que les enfants d’Outreau ont été examinés par 7 psys experts spécialistes de la victimologie infantile et par définition très expérimentés.Au total 34 expertises sont allées dans le même sens et ont donc validé la parole des enfants d’Outreau.
Le meilleur compagnon d’imposture est sans nul doute le psychiatre Paul Bensussan qui n’est pas pédopsychiatre, qui a n’a aucune expérience en victimologie infantile et surtout qui n’a jamais rencontré ni de loin ni de près les enfants d’Outreau. Il s’agit donc d’une magistrale imposture9 quand, missionné par les avocats de la défense, il a estimé que ces enfants carencés pouvaient inventer des violences sexuelles. Malheureusement il est devenu avec Florence Aubenas le « sachant » professionnel de l’affaire d’Outreau qui remet en cause les révélations des enfants que la Justice a pourtant reconnu victimes. Outreau est désormais une référence toxique constamment évoquée lorsque des faits de viols et d’agressions sexuelles sont révélés. Et si c’est la mère qui le fait, elle tombe sous le couperet du Syndrome d’Aliénation parentale dont ce psychiatre est le promoteur en France.
On parle d’anti-héros en tant que personnages fictionnels, y a t-il une appellation pour ce rôle au féminin dont la mise en lumière plonge dans l'obscurité les enfants violés ?
N.B.Nous sommes resté au plan du factuel de ce qui est dit et écrit accessible est à tous dans cette analyse, il n’y a pas d’explications psychologique pour des raisons de déontologie professionnelle.
1Ils ont condamné 10 accusés, 6 seront acquittés au procès en appel
2https://www.village-justice.com/articles/MEPRISE-Les-mensonges-Florence,19584.html
3https://www.fabert.com/editions-fabert/outreau-la-verite-abusee-12-enfants-reconnus-victimes.3402.produit.html
4https://www.youtube.com/watch?v=zmRi9w2H3WQ
5https://gestion.pumbo.fr/boutique/livre/outreau-angles-morts, ce que les Français n’ont pas pu savoir
6https://www.elle.fr/Societe/News/Les-epoux-Lavier-condamnes-pour-violences-1926614
7https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/13/franck-lavier-acquitte-d-outreau-renvoye-devant-les-assises-pour-le-viol-de-l-une-de-ses-filles_6101920_3224.html
8https://www.editionsladecouverte.fr/la_fabrication_de_l_information-9782707153722
9https://blogs.mediapart.fr/marie-christine-gryson/blog/100514/dr-paul-bensussan-outreau-une-imposture-fantomatique-vous-de-juger