Certain.e.s élu.e.s ont tendance depuis quelques années à instrumentaliser certains principes fondamentaux de la République.
Il en est ainsi pour le concept de laïcité. Cela a pris de l’ampleur à partir de 2004 quand Nicolas Sarkozy a réussi à diviser le camp des progressistes avec l’interdiction du port du voile à l’école au nom de l’intérêt des enfants, puis en 2009 avec l’interdiction du voile dans la rue, cette fois au nom des droits des femmes. Il s’agissait de faire respecter la neutralité religieuse (oubliant que celle-ci s’applique aux agents publics et non aux usagers des services publics) et lutter contre le « prosélytisme » religieux (mais de fait musulman comme s’il n’y en avait pas d’autres[2]).
Depuis les élections régionales et les municipales de 2014, un nouveau combat a été lancé par les « tradi de la crèche »[3] qui veulent à tout prix en installer dans les hôtels de ville.
Depuis des associations laïques comme la Libre pensée et la LDH ont saisi les tribunaux administratifs (TA) pour faire respecter non seulement la loi de 1905 mais l’article 1er de la Constitution[4], autrement dit la laïcité qui doit être la même vis-à-vis de toutes les religions.
Ce fut le cas entre autres avec la région Rhône-Alpes et les mairies de Beaucaire, d’Hénin-Beaumont et de Melun pour 2014 et celles de Perpignan, Béziers… A l’exception de la Vendée au nom d’une tradition remontant à 1984 (!!!), les TA, comme le Conseil d’Etat en 2016, nous ont donné raison sur la base de l’article 28 de la loi de 1905 qui interdit les signes religieux dans les établissements publics. Une exception : « des circonstances particulières [qui] montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ». Cela a permis à Laurent Wauquiez de créer un évènement culturel en installant … huit crèches dont une géante, prétextant alors une exposition de santons.
Cette année, les réactions sont particulièrement violentes et la LDH, autrice des récentes saisines, fait l’objet d’une campagne l’accusant de bafouer les valeurs chrétiennes de la France. Et quelques sénateurs, proches de Bruno Retailleau n’ont rien de trouver mieux à faire que de déposer une proposition de loi « visant à préserver les traditions immémoriales de la nation française » pour « permettre la présence temporaire de crèches et arbres de Noël, de santons, de galettes des rois et d’œufs de Pâques ».
Cette conception à géométrie variable de la laîcité va sans doute se poursuivre et les associations laïques continueront de se battre pour que les élu.e.s montrent l’exemple en respectant les lois de la République[5] et la neutralité des établissement publics et la liberté de croire ou de ne pas croire.
Et pour clore ces lignes, je vous souhaite à toutes et tous une très bonne année 2023.
[1] Comme le dit si bien le journal Le Monde https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/12/23/creches-dans-les-mairies-un-sujet-devenu-politique_6155501_823448.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android]
[2] La multiplication des « églises évangéliques pour la plupart créationnistes ne semblent pas poser problèmes.
[3] https://www.liberation.fr/politique/elections/laicite-et-extreme-droite-les-tradis-de-la-creche-20221222_XCEG7UUZDFCBJFTL5WAP555VN4/
[4] Article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale »