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marie christine vergiat

Juriste Militante de l'égalité et des droits Vice-Présidente de la LDH 2019/2024 Députée européenne de 2009/2019

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Billet de blog 9 septembre 2023

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Retraites : déni de démocratie

Cette chronique publiée en avril pour le Travailleur alpin fait le point sur la nécessité dans une démocratie de respecter tant le dialogue social que le respect des institutions politiques. S'appuyer sur des articles d'une Constitution qui est l'une des moins démocratiques de l'Union ne rend pas le comportement du président de la République plus conforme aux règles de l'Etat de droit

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est une séquence assez inouïe qui se déroule sous nos yeux avec la réforme des retraites.

Tout d’abord, un projet de réforme totalement injuste socialement a été présenté par le gouvernement. Un projet pesant d’abord sur les plus modestes, les carrières les plus longues ou les plus intermittentes notamment celles des femmes avec, en contrepartie, une promesse de retraite minimum qui n’en était pas une et qui s’est réduite à peau de chagrin[1].

L’absence de toute réelle négociation sociale a débouché sur un front syndical jamais vu depuis de très nombreuses années. Et E. Macron, plutôt que de chercher à apaiser les choses, après avoir refusé de recevoir l’intersyndicale, a cru bon, dans son allocution du 23 mars, de faire reposer l’absence de concertation sur les organisations syndicales, incapables, selon lui, de faire des propositions alternatives. Résultat : une nouvelle colère syndicale généralisée. A se demander si ce n’était pas fait pour cela.

Donc, côté démocratie sociale, zéro pointé et ce n’est pas mieux pour la démocratie politique. Nombre de Français.e.s ont sans doute découvert beaucoup d’instruments de la vie parlementaire.

D’abord, avec le choix curieux d’intégrer la réforme des retraites dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale et de surcroît, un projet de loi de financement rectificative. Mais le débat parlementaire[2] de ces lois budgétaires peut être encadré strictement grâce à l’article 47-1 de la Constitution afin d’éviter un « shutdown » à l’américaine, c’est-à-dire empêcher que l’Etat se retrouve en défaut de paiement. On se demande bien en quoi la réforme des retraites pouvait menacer à ce point les caisses de l’Etat.

Exit l’Assemblée nationale où les débats en sont restés à l’article 2 du projet de loi mais au Sénat, ce ne fut guère mieux puisque c’est le recours à l’article 44 de notre Constitution qui a permis, avec le vote bloqué, d’adopter le texte avec un seul et unique vote.

Tout un arsenal juridique, déployé pour la première fois sous la Vème République, pour finir par recourir une nouvelle fois à l’article 49-3[3] et se retrouver avec une motion de censure trans-partisane qui n’a été rejetée que de neuf petites voix. Pas de quoi être vraiment fier !

Finalement, comment s’étonner de voir la colère sociale croître surtout quand le ministre de l’Intérieur y répond par une nouvelle vague de répression et le Président de la République avec sa suffisance habituelle. Jusqu’où iront-ils ?

La démocratie, ce n’est pas opposer légitimité politique et légitimité sociale, c’est construire avec l’une et l’autre.

[1] Il n’y aurait finalement que 10 000 bénéficiaires au lieu des deux millions promis.

[2] Un délai maximum de 50 jours au-delà duquel le gouvernement pouvait recourir à des ordonnances.

[3] La onzième fois en un an.

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